Voter : la concurrence des autres modes d`expression

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Voter : la concurrence des autres modes d`expression
Parité : Etats des lieux
par Janine Mossuz-Lavau. Directrice de recherche au CNRS (CEVIPOF/Sciences Po)
Après avoir été la lanterne rouge de l’Europe pour la représentation des femmes dans
les assemblées élues 1 , la France a été le premier pays au monde à adopter une loi dite
« sur la parité » qui s’appliquera aux élections législatives de 2007.
Cette loi a été
promulguée le 6 juin 2000 après une révision de la Constitution votée le 28 juin 1999 par
le Parlement réuni en Congrès à Versailles. L’article 3 stipule que « la loi favorise l’égal
accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives ».
L’article 4 concernant les partis politiques précise: « Ils contribuent à la mise en œuvre du
principe énoncé au dernier alinéa de l’article 3 dans les conditions déterminées par la
loi. »
La portée de la loi du 6 juin 2000, ainsi que la nature plus ou moins contraignante de ses
dispositions, varie selon le type d’élection. La loi prévoit la parité alternée pour les
élections à un tour comme les européennes et les sénatoriales à la proportionnelle. La
parité par tranches de six s’applique aux élections à deux tours comme les municipales
(dans les communes de 3 500 habitants et plus) et les régionales. Concernant ce dernier
scrutin, une modification est intervenue après le retour de la droite au pouvoir et les
régionales de 2004 ont également respecté la parité alternée. La loi impose pour ces
divers types de scrutin des contraintes effectives dans la mesure où les listes qui ne sont
pas paritaires ne sont tout simplement pas enregistrées. En revanche, pour les élections
législatives, le système n’est qu’incitatif. Les partis qui ne présentent pas 50 % de
candidates obtiennent un moindre financement public. Ils sont donc parfaitement libres
de préférer désigner des hommes et, donc, recevoir moins d’argent.
En 1946, on comptait 5.6% de femmes à l’Assemblée Nationale. Elles ne représentaient plus
que 1.6% de 1958 à 1973. Leur participation était remontée à 5.9% en 1993 et 10.9% en 1997.
Aujourd’hui, avec 12.3%, la France est loin derrière la Suède (45.3%), l’Espagne (36%),
l’Allemagne (31.8%) et le Royaume-Uni (19%).
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Les élections non concernées par la loi sont les cantonales, les sénatoriales au scrutin
majoritaire et les municipales dans les communes de moins de 3 500 habitants. Toutefois,
la loi ne s’en désintéresse pas complètement puisqu’il est précisé, dans son article 16,
qu’« un rapport d’évaluation de la présente loi est présenté par le gouvernement au
Parlement en 2002, puis tous les trois ans. Il comprend également une étude détaillée de
l’évolution de la féminisation des élections cantonales, des élections sénatoriales et
municipales non concernées par la loi, des organes délibérants des structures
intercommunales et des exécutifs locaux ». L’Observatoire de la parité est chargé de
cette évaluation, l’un des objectifs étant de savoir si la loi a eu un effet de contagion sur
les procédures qui ne lui étaient pas soumises ou si, au contraire, elle n’a reçu qu’une
application très limitée. Qu’en est-il donc pour les élections ayant eu lieu depuis sa
promulgation ?
Depuis l’adoption de la loi dite sur la parité, même si le terme ne figure pas dans le texte,
plusieurs élections ont eu lieu en France dont cinq étaient soumises à la règle paritaire :
les municipales de 2001, les sénatoriales de 2001 et 2004, les législatives de 2002, les
régionales de 2004 et les européennes de 2004.
Au soir du second tour des élections municipales de 2001, le ministère de l’Intérieur a
compté 47,5 % de conseillères élues dans les communes de 3 500 habitants et plus, les
seules communes concernées par la loi. Dans les communes de moins de 3 500
habitants, les conseillères n’ont représenté que 30,05% des élus - ce qui donne un total
de 33 % de femmes dans l’ensemble des conseils municipaux du pays. On peut
néanmoins considérer qu’il y a eu un effet d’entraînement dans les petites communes
non concernées par la loi puisque celles-ci ne comprenaient que 21 % de conseillères
municipales en 1995.
Des élections sénatoriales se sont déroulées en 2001 puis en 2004, le renouvellement
portant sur un tiers des sénateurs. Deux changements marquaient ces élections. Tout
d’abord, la loi du 10 juillet 2000 imposait le mode de scrutin proportionnel aux
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circonscriptions élisant 3 ou 4 sénateurs (contre cinq jusqu’ici). Par ailleurs, la loi du 6 juin
2000 imposait la parité alternée pour ces scrutins de liste, les départements à scrutin
majoritaire n’étant pas concernés par la loi. La proportion de candidates a varié à
l’évidence selon le mode de scrutin. En 2001, dans les départements à scrutin
proportionnel, on a compté 45,5 % de candidates, dans les autres 20,9 %. Nombre de
sénateurs sortants qui voulaient être sûrs d’être réélus ont d’une certaine manière
« détourné » l’esprit de la loi en présentant des listes dissidentes. Ils savaient qu’en étant
en troisième position derrière un homme tête de liste puis une femme occupant
nécessairement la deuxième place, ils risquaient de ne pas être élus. Ils ont donc
composé leur propre liste en se mettant en tête. Au terme des renouvellements de 2001
et 2004, on a dénombré 17 % des sénatrices.
Les élections régionales de 2004 ont été conformes à ce que l’on attendait, puisqu’on a
compté, au soir du 28 mars, 47,6 % de femmes conseillères. Quant à la délégation
française élue au Parlement européen le 13 juin 2004, elle comprend 43,6 % de
députées.
Le bilan des élections législatives de 2002 qui n’ont envoyé à l’Assemblée que 12,3 % de
femmes est, en revanche, plus problématique. Si les petits partis ont joué le jeu de la
parité, les grandes formations comme l’UMP et le parti socialiste ont choisi les pénalités
financières plutôt que la féminisation de leur représentation. L’UMP, qui a présenté moins
de 20 % de femmes, a ainsi enregistré un manque à gagner annuel d’un peu plus de
quatre millions d’euros pendant toute la législature. Le PS a subit pour sa part, avec
36,13 % de candidates, une amputation financière publique de plus d’un million d’euros
pas an.
En même temps que les régionales avaient lieu les élections cantonales, non
concernées par la loi : n’ont été élues que 10,9 % de conseillères générales. Les exécutifs
locaux sont également demeurés très masculins : 10,8 % de femmes maires, 5,4 % de
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femmes présidentes d’EPCI (Établissements publics de coopération intercommunale),
une seule femme présidente de région (mais 36,3 % dans les exécutifs régionaux).
Les politiques publiques mises en œuvre n’ont donc pas été entièrement couronnées de
succès. Si l’on peut parler de réussite pour les élections locales et européennes, le
résultat des législatives est moins probant. En 2002, les principaux partis ont préféré les
pénalités financières à la féminisation de leur représentation. Qu’en sera-t-il en 2007 ? A
l’heure actuelle, si le Parti socialiste a annoncé le chiffre de 50 % de candidates (pas
forcément dans des circonscriptions gagnables), l’UMP n’en avance que 30 %. Au
regard des objectifs avancés lors de l’adoption de la loi en 2000, on peut sans doute
s’interroger sur la nature même des dispositions permettant de la contourner. Faudrait-il
rendre cette loi plus contraignante pour faire évoluer la classe politique ?
Pour en savoir plus :
•
Janine Mossuz-Lavau, Femmes/Hommes. Pour la parité, Paris, Presses de Sciences
Po, 1998
•
Janine Mossuz-Lavau, « Parité : La nouvelle exception française », in : Margaret
Maruani (dir.), Femmes, genre et sociétés, Paris, La Découverte, 2005
•
Bérangère Marques-Pereira, La citoyenneté politique des femmes, Paris, Armand
Colin, 2003
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