la prevention orthopedique de la subluxation des hanches chez l
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la prevention orthopedique de la subluxation des hanches chez l
INSTITUT DE FORMATION EN MASSO-KINESITHERAPIE DE RENNES LA PREVENTION ORTHOPEDIQUE DE LA SUBLUXATION DES HANCHES CHEZ L’ENFANT PARALYSE CEREBRAL Entre prise en charge centrée sur la fonction articulaire et celle centrée sur la fonction motrice Elise JACOPIN Année scolaire 2010-2011 Selon le code de la propriété intellectuelle, toute reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur est illégale. Ministère de la Santé et des Sports Région Bretagne Institut de Formation en Masso-Kinésithérapie de Rennes LA PREVENTION ORTHOPEDIQUE DE LA SUBLUXATION DES HANCHES CHEZ L’ENFANT PARALYSE CEREBRAL Entre prise en charge centrée sur la fonction articulaire et celle centrée sur la fonction motrice Travail personnel présenté par : Elise JACOPIN En vue de l’obtention du Diplôme d’Etat de Masseur-Kinésithérapeute Année scolaire 2010-2011 SOMMAIRE Introduction ............................................................................................................................................... 1 I- La croissance de la hanche et physiopathologie de son excentration ................................................ 4 A- Anatomie osseuse de l’articulation de hanche ............................................................................... 4 B- Développement physiologique de la hanche .................................................................................. 6 C- Physiopathologie de l’excentration de hanche ............................................................................... 8 D- Diagnostic et programme de surveillance de l’excentration de hanche ....................................... 10 II- Les techniques à dominante passive, centrée sur la fonction articulaire ........................................... 11 A- L’appareillage .............................................................................................................................. 12 1- Les appareils de verticalisation ................................................................................................ 12 2- Les assises moulées ou « corset-siège » ................................................................................... 13 3- Les attelles de nuit .................................................................................................................... 14 B- Les étirements musculaires .......................................................................................................... 14 C- Les injections de toxine botulique ............................................................................................... 15 D- La chirurgie .................................................................................................................................. 16 E- Informations et précautions .......................................................................................................... 17 III- Une vision plus active, centrée sur la fonction motrice .................................................................... 18 A- Apports de la littérature sur cette approche ................................................................................. 18 1- Relation fonction motrice – excentration de hanche ................................................................ 18 2- Intérêts des injections de toxine botulique ............................................................................... 20 3- Relation amplitudes articulaires – excentration de hanche ...................................................... 21 B- Illustration d’une prise en charge centrée sur la fonction motrice ............................................... 22 1- Présentation succincte d’un jeune garçon PC : Doug............................................................... 22 2- Prise en charge en séance de kinésithérapie ............................................................................. 23 3- Continuité de la prise en charge en dehors des séances ........................................................... 25 IV- Discussion......................................................................................................................................... 26 Conclusion .............................................................................................................................................. 30 Bibliographie et Annexes Résumé La paralysie cérébrale est une pathologie globale et complexe qui est susceptible d’entraîner des désordres moteurs et orthopédiques, de fréquence et de sévérité très variables. Les enfants diplégiques spastiques sont sujets au développement d’une excentration des hanches si celle-ci n’est pas diagnostiquée et prise en charge de façon préventive et adaptée précocement. Après avoir décrit la croissance physiologique des hanches et la physiopathologie de son excentration dans la pathologie paralysie cérébrale, ce sont deux approches thérapeutiques qui seront mises en évidence. La première est centrée sur la fonction articulaire, illustrée par les principaux moyens utilisés tels que l’appareillage, les étirements musculaires, les injections de toxine botulique. Toujours dans un objectif commun de lutte contre l’excentration des hanches, la seconde est centrée sur la fonction motrice. Cette approche sera tout d’abord envisagée à travers des études majoritairement anglo-saxonnes rapportées dans la littérature, puis illustrée par la prise en charge d’un jeune garçon australien atteint d’une diplégie spastique, associée à une athétose. L’objectif de cette étude est d’envisager une prise en charge optimale des enfants PC en connaissant les principaux facteurs qui influent sur le risque de subluxation des hanches, en mettant en évidence les bénéfices reconnus par la littérature des différentes moyens thérapeutiques ainsi qu’en prenant en compte les capacités motrices de l’enfant. Mots clés : Paralysie cérébrale infantile ou Infirmité motrice cérébrale Subluxation/Luxation/Excentration de la hanche Prévention orthopédique Pourcentage de migration ou Indice de Reimers Key words : Cerebral palsy Hip dislocation Orthopaedic prevention Migration percentage or Reimers index Introduction La paralysie cérébrale infantile est la cause la plus fréquente d'incapacités motrices des enfants dans les pays développés, touchant, d’après une vaste étude suédoise publiée en 2001, 2,4 enfants pour 1000 naissances [1]. C’est à G. Tardieu que l’on doit la notion d’Infirmité Motrice Cérébrale (IMC), ancienne dénomination de la Paralysie Cérébrale (PC) provenant du terme anglo-saxon « Cerebral Palsy ». Selon sa définition, il s'agit de porteurs de lésions cérébrales anatomiquement stabilisées sans composante génétique, s'exprimant par des désordres posturaux et neuro-moteurs prédominants. Cette définition englobe une large variété de tableaux cliniques ayant en commun une désorganisation complexe de la motricité mais qui peuvent varier par leur étiologie, leurs manifestations, leur sévérité, leur pronostic et leurs comorbidités. Ces anomalies neurologiques vont perturber tous les éléments de la chaine motrice : muscle, tendon, os, articulation, participant au mouvement. Des troubles sont également fréquemment associés au niveau sensoriel, perceptif, psychoaffectif, comitial etc. Le terme de paralysie cérébrale regroupe deux catégories de malades : IMC, pour lesquels le déficit moteur est exclusif, et IMOC (Infirmité Motrice d’Origine Cérébrale) pour lesquels le déficit moteur est associé à une sous-efficience intellectuelle (QI<70). Le terme « enfant PC » sera présent tout au long de ce travail et signifie « enfant atteint de paralysie cérébrale », excluant toute forme associée à une atteinte intellectuelle dénommée anciennement IMOC. Les étiologies de cette pathologie sont les suites de prématurité, les souffrances à terme préper- ou immédiatement post-partum constituant les traumatismes obstétricaux, ainsi que les lésions postnatales apparues au cours des deux premières années de vie. Plusieurs formes cliniques sont dissociées, pouvant être classées selon la topographie de l’atteinte et/ou la nature des troubles moteurs. On distingue alors l’hémiplégie cérébrale infantile, la diplégie, la quadriplégie plus ou moins associées à cinq principaux troubles moteurs que sont la spasticité, l’athétose, l’ataxie, la rigidité et le tremblement. Ce travail est ici centré sur la prise en charge des enfants diplégiques spastiques, pour lesquels les degrés d’intensité des troubles de la motricité et d’autres troubles associés sont éminemment variables et non proportionnels. La diplégie – ou schème de Little – concerne une atteinte prédominante aux deux membres inférieurs, plus volontiers asymétrique, avec syndrome pyramidal et hypertonie [2]. 1 Pour quantifier aisément et rapidement le handicap moteur d’un enfant PC, une classification reconnue à l’échelle internationale est largement utilisée par les praticiens et retrouvée dans la littérature. Il s’agit de la classification GMFCS, ayant pour signification anglaise « Gross Motor Function Classification System » (Annexe 1). Cette échelle permet de classifier la fonction motrice des enfants atteints de paralysie cérébrale en cinq niveaux. Mise au point et testée par le Pr Palisano et ses collaborateurs en 1997, elle a été conçue dans le but d'améliorer la communication entre professionnels de santé et les familles ainsi que d'orienter des décisions thérapeutiques adaptées, de collecter des bases de données concernant le développement moteur de chaque enfant, de comparer et généraliser les résultats d'un traitement dans le cadre de la recherche [3]. L’analyse des problèmes de la motricité des enfants PC permet de les différencier en trois niveaux : - les problèmes primaires, qui résultent directement de la lésion cérébrale et des troubles de la commande motrice qui en découlent avec des perturbations du tonus musculaire, l’exagération du réflexe d’étirement tonique et/ou phasique, des troubles de l’équilibre, de la force et de la sélectivité musculaire ; - les problèmes secondaires, qui résultent de la croissance et des problèmes primaires avec les rétractions musculaires fixées ou non et les déformations osseuses ; - les problèmes tertiaires, qui sont les mécanismes compensatoires à la marche et aux diverses activités pour contourner les problèmes primaires et secondaires. Depuis de nombreuses années, les thérapeutes portent leur attention sur le développement possible de troubles orthopédiques durant la croissance des enfants PC, constituant les problèmes secondaires (1959) [4]. En effet, les deux principales déformations qui affectent ces enfants sont l’équin spastique, qui entraîne une marche digitigrade, et l’excentration des hanches, qui peut se traduire en une douloureuse et handicapante dislocation. Tous les auteurs s’accordent sur le fait que la mise en place d’un traitement préventif est nécessaire à la limitation, voire l’évitement de ces troubles orthopédiques : « I agree with Dr Phelps that we should prevent dislocation if we can. » [4]. Plus récemment, cette prévention serait même devenue l’objectif primordial de l’ensemble des objectifs thérapeutiques chez le jeune enfant PC [5]. Parmi les troubles orthopédiques fréquemment rencontrés, la subluxation de hanche est susceptible de se produire chez 15 à 33% des enfants PC selon certains auteurs [6-7-8]. Pour d’autres, 2 selon la sévérité de l’atteinte, cette incidence varie de 1% chez des enfants atteints d’hémiplégie spastique à 75% chez ceux atteints de quadriplégie spastique [9]. Le déplacement des hanches apparaît souvent aux alentours de 2-3 ans, la plupart d’entre eux survenant avant l'âge de 7 ans [10]. Cette excentration, si elle n’est pas prise en charge correctement et de façon précoce, est susceptible de progresser vers une sévère subluxation, une dysplasie acétabulaire secondaire, une déformation de la tête fémorale, une dislocation puis une douloureuse arthrite dégénérative [11]. Les effets à long terme de ce processus peuvent être très sévères, entraînant des complications pour le maintien de la position assise, l’entretien de l’hygiène et le traitement de la douleur. Il est important de noter néanmoins que les patients PC ne présentent pas une plus grande incidence de luxation congénitale de hanche que la population générale [4], cette excentration se produisant durant la croissance. Le pourcentage de migration décrit par Reimers en 1980 [12] est le moyen actuel le plus largement utilisé pour mesurer le déplacement des hanches des enfants atteints de paralysie cérébrale (fig. 1). Il est mesuré à partir d'une radiographie antéro-postérieure de bonne qualité. L’intérêt de cette mesure est d’être facilement réalisable et compréhensible ainsi que d’obtenir une donnée quantitative utilisable pour diverses études. Elle permet un diagnostic précoce d’une excentration de hanche et est une référence pour les décisions d’intervention chirurgicale et de prise en charge. A partir de cette méthode, il a été démontré que la valeur seuil de 40% était associée à une instabilité et une augmentation rapide du pourcentage de migration de la majorité des hanches étudiées [13]. Une hanche est ainsi considérée « à risque » dès lors que son pourcentage de migration est compris entre 10% et 40%. Une limite de cette mesure a été émise récemment par une équipe australienne : elle ne mettrait en évidence qu’essentiellement les subluxations postéro-latérales – certes les plus fréquentes – les dislocations antérieure et postérieure ne montrant pas toujours une nette augmentation du pourcentage de migration [6]. Figure 1. Index de Reimers : IR ou MP (%) = (A/B)*100 De multiples moyens de prévention se sont développés au cours du XXème siècle pour lutter contre l’apparition et l’évolution de l’excentration jusqu’à la luxation de hanche, tant sur le plan orthopédique que chirurgical. Le but de toute action préventive est d’obtenir, malgré la croissance, des 3 hanches centrées non douloureuses ne limitant pas la fonction motrice. De nombreux articles sont désormais publiés dans la littérature afin de rapporter une expérience clinique, de décrire un dispositif de prise en charge ou de présenter une étude réalisée et les résultats obtenus. Ayant réalisé un stage de 6 semaines en France au centre pédiatrique « La Clairière » à la FertéMacé (66) puis un stage de 8 semaines en Australie avec une physiothérapeute spécialisée en neuropédiatrie exerçant en cabinet privé, je me suis intéressée aux différentes approches concernant la prévention de l’apparition des troubles orthopédiques chez les enfants PC, spécifiquement concernant l’excentration des hanches. Cette prise en charge orthopédique peut être à dominante passive ou active. Mon expérience anglo-saxonne m’a permis d’observer une approche particulièrement active, très fonctionnelle. Que nous apporte la littérature quant aux indications des divers moyens thérapeutiques ayant pour but de réduire le risque de développement d’excentration des hanches ? Quels résultats ont d’ores et déjà été apportés par la recherche clinique ? Quelle est alors la place d’une prise en charge centrée sur la fonction articulaire ou plutôt sur la fonction motrice pour un traitement préventif de la subluxation des hanches chez des enfants atteints de paralysie cérébrale ? Ce travail expose dans un premier temps la croissance physiologique de l’articulation de la hanche puis la physiopathologie de son excentration dans le cadre de la paralysie cérébrale. Les possibilités de prise en charge principalement passives, largement développées en Europe, seront décrites dans une seconde partie. A travers la littérature majoritairement anglo-saxonne et la prise en charge d’un jeune garçon australien diplégique spastique et athétosique, c’est l’approche orthopédique centrée sur la fonction motrice qui sera mise en avant. Enfin, la pertinence de notre action éducative et rééducative sera envisagée dans la partie discussion, mêlant approches européennes et anglo-saxonnes. I- La croissance de la hanche et physiopathologie de son excentration A- Anatomie osseuse de l’articulation de hanche L’articulation fémoro-acétabulaire que représente la hanche est une énarthrose, c’est-à-dire qu’elle comprend une surface articulaire sphérique. A la naissance, la hanche est physiologiquement stable : les 2/3 de sphère que représente la tête fémorale (valeur angulaire de 240°) sont contenus dans le 1/3 de sphère que représente la cavité acétabulaire (valeur angulaire de 180°). La diaphyse fémorale 4 est ossifiée mais l’épiphyse comprenant la tête fémorale, le col et le grand trochanter, est cartilagineuse. Son ossification sera progressive durant la croissance de l’enfant, à partir du noyau céphalique vers 6 mois, du noyau d’ossification du grand trochanter vers 4 ans et celui du petit trochanter vers 9 ans [14]. L’os coxal se forme, quant à lui, à partir de trois points d’ossification que sont l’ilion, l’ischion et le pubis. Ces trois éléments convergent au niveau de l’acétabulum, par un cartilage de conjugaison en forme de Y. La profondeur de la surface articulaire acétabulaire est augmentée par le labrum fibrocartilagineux. Il est à noter que la fin de la croissance, représentée par la fusion du cartilage en Y au niveau de l’acétabulum, se situe aux environs de 13 ans chez la fille, 15 ans chez le garçon. Le noyau épiphysaire, correspondant à la zone portante de l’articulation, n’est nourri que par une seule artère : l’artère circonflexe postérieure. L’observation radiologique de l’articulation de la hanche permet de définir plusieurs angles. Ceux-ci évoluent au cours de la croissance par un véritable modelage de la hanche sous l’effet de 3 facteurs principaux : l’équilibre des forces musculaires qui agissent sur la hanche, le centrage de la tête fémorale dans le cotyle, la mise en charge et la marche [15-16]. Tout d’abord, l’angle formé par l’axe du col du fémur et l’axe longitudinal du corps du fémur est appelé angle cervico-diaphysaire, ou angle d’inclinaison. Il mesure environ 150° chez le nouveauné puis 130° chez l’adulte, représentant une « coxa norma ». La diminution de cet angle forme une « coxa vara » alors que son augmentation est à l’origine d’une « coxa valga » (fig. 2). L’angle formé par l’axe du col du fémur et l’axe transversal passant par les condyles fémoraux est appelé angle d’antéversion. Il est classiquement de 30 à 40° à la naissance pour aboutir vers 15° à l'âge adulte. Un angle d’antéversion augmenté, « coxa antetorta » (fig.2), conduit à une augmentation de la rotation médiale du membre inférieur alors que la diminution de cet angle, « coxa retorta », conduit à une augmentation de la rotation latérale. La diminution de cet angle est importante, notamment avec le passage à la position d’extension après la naissance qui tend à luxer la tête. Figure 2. Angles d’inclinaison et d’antéversion 5 Au niveau de l’acétabulum, la couverture latérale de la tête est représentée par l’angle VCE, reliant la verticale passant par le centre de la tête fémorale à la droite passant par celle-ci et le rebord latéral de l’acétabulum (fig. 3). La mesure de cet angle augmente au cours de la croissance et doit être compris entre 15° et 20° à 5 ans. Il s’agrandit ensuite jusqu’à 25°. L’angle du toit du cotyle, ou angle HTE, relie l’horizontale passant par la partie la plus médiale du toit acétabulaire et la ligne joignant ce dernier à la portion la plus latérale de l’acétabulum (fig. 3). Cet angle est d’environ 30° à la naissance et ne doit pas excéder 10° dès 4 ans. La diminution de cet angle souligne un abaissement du toit ainsi qu’un approfondissement de la cavité acétabulaire, participant à la stabilité de l’articulation. Figure 3. Angles de l’acétabulum : VCE et HTE Vues antérieures Enfin, l’inclinaison de l’acétabulum dans un plan transversal, représentant un angle d’ouverture vers l’avant, est déterminée par la mesure de l’angle compris entre les extrémités antérieure et postérieure de l’incisure acétabulaire et le plan sagittal. Il mesure environ 7° à la naissance et 17° chez l’adulte. Ces angles anatomiques évoluent donc au cours de la croissance de l’enfant. Cette évolution est nécessaire au centrage et à la stabilité des hanches au cours du développement moteur. B- Développement physiologique de la hanche Le développement de la hanche, sa stabilité, sa mobilité conditionnent à la fois l’équilibre du bassin et du tronc, mais aussi la possibilité de station assise, de station debout et de marche. Le modelage de la hanche est influencé par trois facteurs principaux : l’équilibre des forces musculaires sur la hanche, le centrage de la tête fémorale dans le cotyle, la mise en charge et la marche [15-16]. La hanche supporte des contraintes mécaniques transmises par les jonctions lombo-sacrée et sacro-iliaque, 6 liées au poids et aux mouvements du tronc, de la tête et des membres supérieurs. En position debout, elle reçoit également la contre-réaction du sol à travers l'articulation de genou. Au cours du développement moteur d’un enfant, les réactions de redressement imposent une charge progressive sur le cotyle, la tête et le col du fémur [17]. La charge présente au niveau de l’articulation de hanche est excentrée, non axiale, et conduit donc à la survenue de contraintes en couples de traction et de compression (fig. 4). Les noyaux épiphysaires se développent notamment sous l’effet des contraintes de compression qui doivent être égales, dans toutes les directions, par une tête parfaitement bien centrée dans l’acétabulum dès la naissance. L’appui de la tête sur le cartilage en Y conditionne un développement harmonieux des trois parties du cotyle, en particulier pour la portion iliaque, représentant le toit qui s’abaisse et s’enroule autour de la tête fémorale au cours du développement. Les contraintes de traction, apparaissant dès le début du maintien de la station debout, jouent également un rôle dans l’ossification de l’extrémité supérieure du fémur qui est alors soumise à des contraintes de sens opposé : les contraintes de compression dans la direction du bord médial du col entraînent la verticalisation du col alors que les contraintes de tension provoquées par les muscles abducteurs et fessiers dans la direction du grand trochanter entraînent l’horizontalisation du col. Légende : • Contraintes en compression : 1- Faisceau arciforme de Gallois et Bosquette 2- Faisceau céphalique ou éventail de sustentation • Contraintes en traction : 3- Faisceau trochantérien 4- Faisceau sous cortical Figure 4. Lignes de force mécaniques de la hanche [19] L’antétorsion fémorale, quant à elle, va diminuer à partir de l’âge de 2 ou 3 ans grâce au couple de muscles petit fessier-grand fessier qui va équilibrer les torsions, selon les études de Lude et Taillard [18]. La marche permettrait également de faire subir aux zones antéro-supérieure et postéro-supérieure 7 de l’articulation, par les mouvements de flexion-extension, des contraintes à l’origine du modelage de l’ensemble de l’articulation. C- Physiopathologie de l’excentration de hanche Dans le cas de la paralysie cérébrale, un nourrisson dont l’atteinte cérébrale est récente n’a pas son appareil ostéoarticulaire déformé, quelle que soit l’étendue de l’atteinte [20]. Ce n’est qu’avec le temps, le retard dans le redressement, la croissance, l’installation du déséquilibre musculaire et la prise de positions vicieuses que les déformations vont progressivement se développer. En effet, pour qu’un muscle ait une croissance harmonieuse, sa mise en position d’étirement dans des conditions physiologiques de mise en charge et d’appui est essentielle. Or les troubles du tonus, la réduction du niveau d’activités motrices d’un enfant PC réduisent voire empêchent sa réalisation. G. Tardieu a montré par des expériences animales que l’état de contraction permanent du muscle, provoqué par l’hypertonicité, maintenait le muscle en position raccourcie et induisait une modification de ses propriétés viscoélastiques ainsi que de ses capacités à s’allonger. Il a observé une réduction du nombre de sarcomères alors que celui-ci devrait augmenter pour grandir et s’adapter à la longueur entre ses insertions lors de la croissance [21]. Le développement harmonieux d’une articulation nécessite une répartition équilibrée des contraintes mécaniques autour de cette articulation. Si la tête est mal centrée dans le cotyle, elle appuie alors anormalement sur une zone limitée, entraînant des contraintes soit trop faibles, n’ayant pas d’action, soit trop fortes, freinant voire stoppant le développement osseux. En outre, si un déséquilibre existe entre des muscles spastiques provoquant des contraintes excessives tels que les adducteurs de hanche et des muscles faibles peu sollicités tels que les abducteurs de hanche, alors le secteur de mobilité de l’articulation va se modifier. Les muscles adducteurs de hanche ont un avantage biomécanique physiologique devant les muscles abducteurs mais ils sont en plus surpuissants dans le cas de la paralysie cérébrale par l'importante spasticité et hypertonicité comprenant généralement les muscles pectiné, long et court adducteur, et parfois le grand adducteur (fig. 5). De plus, en cas de coxa valga, l’efficience du muscle moyen fessier, abducteur de hanche, est affaiblie. Ceci est expliqué par une déviation de sa force de traction qui devient plus verticale, due à un placement du grand trochanter en dedans, directement en dessous de l’insertion proximale de ce muscle [4]. L'action abductrice de ce muscle est alors moins 8 efficace, voire éliminée et accentue le déséquilibre musculaire abducteurs/adducteurs de hanche, contribuant à un développement plus rapide de la déformation de cette articulation. Par ailleurs, du fait du déséquilibre musculaire au profit des adducteurs, la tête fémorale va se placer vers le haut, appuyant directement sur le toit du cotyle. Celui-ci va alors s’ouvrir au lieu de se refermer progressivement. Sa largeur sera diminuée par l’absence de traction par les muscles fessiers sur l’aile iliaque. La tête fémorale est également susceptible de se déformer, la partie médiale en appui ayant tendance à s’aplatir et la partie latérale à s’hypertrophier, prenant la forme d’un « béret basque » (fig. 5). L’appui de la tête fémorale contre la capsule provoquera sa distension, permettant ensuite à la tête de se déboîter progressivement. Figure 5. Développement de la hanche chez l’enfant PC [2] L’instabilité de la hanche et sa déformation vont être aggravées par les postures anormales, les attitudes vicieuses, les asymétries. En effet, l’enfant a naturellement tendance à adopter des attitudes pour annuler ou fortement diminuer les raideurs musculaires gênantes et dissimuler ses faiblesses. La position assise à genoux entre les pieds – « W-sitting » – entraînant le placement des fémurs en rotation médiale maximale, est une illustration de ces compensations intéressante pour le maintien puisqu’elle pourvoit une large base de support, mais vicieuse au plan orthopédique. Elle traduit et entretient l’excès d’antétorsion fémorale. 9 D- Diagnostic et programme de surveillance de l’excentration de hanche L’instabilité de hanche est difficile à mettre en évidence par l’examen clinique. Pourtant, comme l’indique Holt, le résultat le plus bénéfique en kinésithérapie provient probablement de la détection précoce des faiblesses et de l'anticipation des déformations qui sont susceptibles d'apparaître [22]. Les déformations de hanche peuvent être bilatérales ou unilatérales. La fréquence et la gravité de ces troubles sont en relation directe avec le degré de sévérité et l’étendue de l’atteinte motrice. Une étude suédoise a étudié l’incidence de l’excentration de hanche selon le sous-type de paralysie cérébrale et la nature des troubles moteurs diagnostiqués [10]. Le plus grand risque de déplacement des hanches a été observé chez les enfants tétraplégiques spastiques (fig. 6). Les enfants diplégiques dystoniques ont spastiques montré un et risque intermédiaire. Figure 6. Proportion des enfants (%) avec un MP < 33% (vert), 33–39% (jaune) et > 40% (rouge) selon leur diagnostic Il est possible de percevoir parfois la tête fémorale sortir du cotyle en plaçant la cuisse en flexion-abduction et en la palpant au fond de la fesse en dehors de l’ischion. C’est sur cet examen que repose le diagramme de hanche, proposé par Lespargot en 1991 (Annexe 2). Il permet de montrer dans quels secteurs les têtes fémorales sont bien centrées et ceux où elles sont découvertes, de la position assise à debout. La position des fémurs est en effet variable selon les sujets. Ce diagramme permettrait de mesurer l'angle d'écartement des cuisses nécessaire pour un moulage de siège [2]. La vérification de celui-ci par la radiographie ne serait alors nécessaire que pour les cas litigieux. Plusieurs protocoles de dépistage ont été conseillés dans la littérature ces dernières années. Ils s’appuient avant tout sur un suivi radiologique, permettant d’observer et de calculer le pourcentage de migration (ou Indice de Reimers). Ainsi, l’équipe italienne menée par Picciolini [23] s’accorde avec Scrutton et Baird [24] pour la réalisation d’une radiographie de contrôle à 18 mois si l’hypertonie des 10 adducteurs est prononcée ou dès lors que l’enfant est incapable de faire 10 pas à 30 mois. Ensuite, des clichés devraient être réalisés tous les 6 à 12 mois jusqu’à ce que la migration de la hanche soit stable. Une équipe australienne confirme la nécessité d’un programme de suivi radiologique tous les 6 à 12 mois pour les enfants atteints d’une paralysie cérébrale spastique bilatérale [9]. Elle promeut cependant la réalisation de cliché radiographique avant l’âge de 18 mois puisqu’un retard diagnostic peut entraîner des conséquences désastreuses. La détection précoce d’une migration de hanche est la clef d’une prise en charge adaptée et permet de réduire la nécessité d’interventions chirurgicales parfois très invasives. Figure 7. Radiographie d’un enfant PC diplégique spastique. MP hanche droite = 23%. MP hanche gauche = 32% II- Les techniques à dominante passive, centrée sur la fonction articulaire Jusqu’aux environs des années 1980, les traitements orthopédiques reposaient principalement sur les équipes chirurgicales orthopédiques [2]. Aujourd’hui, une meilleure compréhension des troubles entraînant les déformations, notamment l’excentration de hanche, a permis de mettre en place des traitements non chirurgicaux orthopédiques à visée préventive pour lutter contre celle-ci. Selon les équipes thérapeutiques, il n’est pas rare que la prévention orthopédique soit, pour la majorité des enfants PC diplégiques spastiques, l’objectif prioritaire de leur prise en charge. Les objectifs primordiaux de ces mesures préventives sont de recentrer les têtes fémorales dans leur cotyle, de conserver un débattement articulaire maximal et de limiter l’installation des rétractions musculaires. Le respect de ces 3 facteurs contribuerait à une protection orthopédique optimale. 11 A- L’appareillage Les installations posturales visent à limiter l’apparition des déformations osseuses et articulaires et donc éviter ou minimiser le recours à la chirurgie. L’objectif commun concernant la prévention orthopédique des hanches est de maintenir une adéquate abduction et de lutter contre la rétraction progressive des muscles adducteurs. Certains appareillages ont des indications purement orthopédiques tandis que d’autres peuvent être mixtes, apportant en sus un bénéfice fonctionnel favorisant l’intégration sociale. Voici une brève description des appareillages les plus courants. 1- Les appareils de verticalisation Les systèmes de verticalisation utilisés dans un but de prévention orthopédique sont les coquilles antérieures ou postérieures moulées individuellement en abduction optimale de hanche (fig. 8). Ils permettent un maintien rigoureux des hanches, les têtes fémorales étant centrées dans leur cotyle, une horizontalité pelvienne ainsi qu’une limitation des rétractions musculaires des adducteurs de hanches et une restauration d’un état orthopédique après un geste chirurgical [15]. L’utilité de l’attelle est avant tout orthopédique mais elle est également utilisée pour améliorer les fonctions respiratoires et digestives, hâter la verticalisation d'un jeune enfant, stimuler le maintien postural de la tête et du tronc, favoriser leur communication, libérer les membres supérieurs et permettre une coordination visuo-motrice. Selon Garanger, le grand intérêt de l'attelle de station debout, par rapport au siège moulé ou à l'attelle de nuit, est basé sur l'hypothèse que l'effet de la pesanteur s'exerçant sur les hanches entraînerait un modelage cartilagineux qui conditionnerait la forme osseuse de l'articulation pendant la croissance [25]. Cet auteur indique clairement que l'attelle de station debout se présente en France comme un élément essentiel dans la prévention et le traitement de la luxation postérieure de hanche, conjointement avec le siège moulé, l'éventuelle attelle de nuit et la rééducation mais que son effet n'est pas objectivé. Figure 8. Coquille postérieure de verticalisation 12 Actuellement, aucun travail de recherche n’a aboutit à une durée optimale quotidienne de postures en station debout. Subjectivement, les auteurs indiquent qu’elles ne peuvent guère être efficaces moins d’une trentaine de minutes [26]. 2- Les assises moulées ou « corset-siège » Les enfants PC dont les atteintes motrices sont les plus sévères se tiennent en position assise une très grande partie de la journée. Ces sièges (fig. 9), adaptés individuellement à chaque enfant, contribuent à limiter l’évolution des déformations orthopédiques chez ceux qui en sont déjà atteints ou à en prévenir ceux qui en sont menacés en plaçant les cuisses en abduction et rotation latérale afin d’assurer le recentrage des hanches. M. Le Métayer a proposé un siège moulé dont les buts sont les suivants [2]: maintenir l'alignement du bassin et des extrémités inférieures, donnant une position assise confortable ; soutenir la faiblesse du tronc et de la tête, en diminuant l'effort antigravitaire dans les cas les plus graves, et permettant la libre manipulation de l'enfant ; maintenir le centrage de la tête fémorale dans la cavité acétabulaire par un degré correct d'abduction de la cuisse, calculé avec le diagramme de Lespargot ; augmenter le confort des enfants, aider la communication et l'intégration sociale des enfants PC. Figure 9. Une assise moulée Cet appareillage apporte avant tout un soutien social, facilitant notamment les interactions, l’installation en classe, les repas pour un enfant n’ayant pas acquis la station assise tout en veillant à une protection orthopédique de ses hanches et de son rachis. Une étude italienne portée sur ce type d’assise a comparé les effets d’un traitement incluant 2 séances de kinésithérapie par semaine associé à une posture dans un siège moulé pendant 4 heures par jour à un groupe témoin ne recevant que 2 séances de kinésithérapie par semaine [23]. Elle a révélé une différence significative entre le pourcentage de migration du groupe traité et celui du groupe témoin après un an puis deux ans de traitement (p = 0,001). Le taux de déplacement de la hanche était réduit 13 dans le groupe de traitement de 5 % après la première année et de 7 % au second suivi. Cette amélioration était plus importante chez les patients tétraplégiques par rapport aux diplégiques. 3- Les attelles de nuit Il peut s’agir d’une orthèse moulée ou d’une mousse creusée qui positionne à nouveau les hanches en abduction symétrique, genoux en extension afin de posturer en allongement les muscles adducteurs hypertoniques. Une étude pilote menée pendant 18 mois par Hankinson et Morton sur 7 enfants PC a montré une amélioration de la moyenne du pourcentage de migration de la hanche droite par année, passant de 7% à -4% par an (p<0.05). Pour la hanche gauche, au contraire, le pourcentage de migration à évolué de -3% à 0% par an (p non significatif). Cette étude pilote recommande l’utilisation d’une attelle de nuit en abduction, particulièrement pour les jeunes enfants âgés de 2 à 5 ans d’atteinte bilatérale sévère, mais de plus amples études sont nécessaires pour établir l’efficacité de ce système [27]. Une récente déclaration de consensus concernant l’ensemble de la gestion de la posture des enfants PC, formulée par le Mac Keith Multidisciplinary Meeting en 2006, a suggéré une intervention précoce comprenant « sièges, soutiens moulés pour la nuit, soutiens pour la position debout, exercices, orthèses, chirurgie orthopédique et séances thérapeutiques spécifiques, dans le but de faciliter la communication, les compétences cognitives et fonctionnelles, promouvoir le confort des enfants et réduire les déformations » [28]. En accord avec cette déclaration de consensus de 2006 sur la gestion de la posture de ces enfants, une équipe italienne pense que l'introduction d'un programme de management postural, qui maintient la longueur du muscle et qui fournit une compression articulaire correcte, est capable, par une amélioration des actions musculaires, d'interrompre le mécanisme d'excentration et de dysplasie de hanche, aussi bien que de le prévenir [23]. B- Les étirements musculaires La séance de kinésithérapie débute généralement par des temps de mobilisation passive puis d’étirements musculaires ou de postures manuelles. M. Le Métayer incite les thérapeutes à pratiquer des manœuvres d’inhibition avant toute manœuvre d’étirement dans le but de diminuer au maximum le tonus musculaire des muscles hypertoniques. 14 Afin de posturer les muscles adducteurs, graciles et ischio-jambiers, le kinésithérapeute est assis en abduction et place l’enfant en assis-tailleur dos contre lui. Celui-ci fixe alors le bassin de l’enfant en maintenant de sa main gauche le membre inférieur gauche en flexion, abduction, rotation latérale. De sa main droite, il amène le membre inférieur droit en abduction de hanche et extension du genou, tout en inclinant le tronc de l'enfant vers la gauche. L'association de ces deux mouvements va permettre un relâchement progressif des adducteurs, droits internes et ischio-jambiers. Dans un deuxième temps le tronc de l'enfant sera ramené en position de départ. Cette posture peut s'effectuer un membre après l'autre, ou les deux membres inférieurs en même temps si cela est possible. Les postures et étirements sont souvent accentués après injection de toxine botulique pour améliorer les qualités visco-élastiques musculaires. Les technique de postures doivent assurer un étirement efficace pour réduire et éviter une rétraction musculaire, c’est-à-dire qu’elles doivent rester indolores pour ne pas déclencher ou renforcer des contractions dont elles visent à supprimer les nuisances orthopédiques éventuelles [26]. Par ailleurs, Chang et son équipe ont récemment étudié l’influence des étirements passifs des muscles ischio-jambiers hypertoniques en position hanche fléchie sur le déplacement de la tête fémorale lors de cette manœuvre. Il met alors en garde les thérapeutes en concluant que cet étirement est susceptible de déplacer postérieurement la tête fémorale en moyenne de 4,7%, particulièrement chez les enfants ayant déjà un pourcentage de migration supérieur à 30% (la moyenne du déplacement de la tête est dans ce cas de 7,4%) [29]. C- Les injections de toxine botulique Depuis les premières données sur les bénéfices apportées par la toxine botulique A pour le traitement des raideurs actives, spasticité et hypertonie, des enfants paralysés cérébraux en 1993 et 1994 par Koman et Cosgrove, son utilisation est devenue courante dans de nombreux centres. En France, son emploi est légal depuis 1997. Les toxines botuliques peuvent être injectées dans différents groupes musculaires tels que les ischio-jambiers, ilio-psoas et adducteurs concernant les muscles agissant sur la hanche ainsi que les gastrocnémiens médial, latéral et tibial postérieur. L’action de la toxine se situe au niveau de la jonction neuro-musculaire où elle inhibe la libération de l’acétylcholine. Elle modifie alors les caractéristiques musculaires, l’équilibre des tensions 15 agonistes/antagonistes, l’alignement segmentaire lors de la station debout statique ainsi que la cinétique et la cinématique articulaire lors de la marche. Toutes les indications, procédures et doses conseillées de ces injections sont répertoriées dans la conférence de consensus européenne de 2009 sur l’utilisation de la toxine botulique chez les enfants PC [8]. La durée moyenne de l’effet myorelaxant est d’environ 4 à 6 mois, nécessitant un renouvellement de traitement si l’effet désirable s’épuise. Il est indispensable d’associer aux injections un protocole de prise en charge kinésithérapique, incluant très fréquemment la mise en place d’un appareillage postural comme l’indiquent Morel et Bernard [30]. Cet appareillage a pour but de favoriser l’étirement progressif du muscle s’il coexiste une raideur passive. Les injections de toxine ont ici comme principaux intérêts de diminuer les rétractions musculaires, d’augmenter le débattement articulaire des articulations concernées, notamment en abduction de hanche si les muscles adducteurs ont été toxinés, et d’améliorer ainsi la tolérance des enfants à leur appareillage. D- La chirurgie Lorsque les moyens thérapeutiques orthopédiques s’avèrent insuffisants ou inefficaces, un recours à des techniques chirurgicales est parfois inévitable. La chirurgie peut alors être préventive (ténotomies, neurotomies), reconstructive (ostéotomies) ou bien de sauvetage (arthroplasties, arthrodèses). En ce qui concerne les techniques chirurgicales préventives au niveau de la hanche, les objectifs sont en priorité d’éviter les déformations osseuses secondaires, d’accroître le débattement articulaire et de rééquilibrer les forces musculaires [2]. Les indications chirurgicales sont principalement basées sur le degré de déplacement de la tête fémorale selon le pourcentage de migration et la dysplasie acétabulaire [9]. Dans le cas d’une atteinte structurelle de plusieurs articulations, la tendance actuelle penche pour l’intervention simultanée sur plusieurs niveaux, dite chirurgie multisite ou « multilevel », telle qu’elle est indiquée par la conférence européenne de consensus traitant en premier lieu de l’utilisation de la toxine botulique puis s’élargissant sur la prise en charge globale des enfants atteints d’une paralysie cérébrale bilatérale spastique [8] (Annexe 3). Cette conférence reconnait par ailleurs un manque de preuves concernant les résultats des diverses indications chirurgicales, qui varient selon les coutumes, connaissances et expériences des Etats et équipes chirurgicales. L’intervention chirurgicale fait partie intégrante du programme thérapeutique, en relation avec les équipements adaptés de gestion de la posture et l’activité de l’enfant. La chirurgie préventive de 16 l’excentration de hanche est donc classiquement suivie d’une immobilisation prolongée en abduction de hanches, par des installations en position assise, allongée ou debout dans des plâtres ou coquilles moulés individuellement sur l’enfant. E- Informations et précautions Les séances de kinésithérapie hebdomadaires ne sont pas suffisantes pour assurer le temps de posture nécessaire dans les différents appareillages. Pour une prise en charge efficace, la collaboration des proches de l’enfant est alors indispensable. Des informations concernant la mise en place et l’intérêt de ces appareillages doivent donc leur être communiquées, nécessaires pour la compréhension et la participation active des personnes étant directement impliqués avec l’enfant : professionnels, parents, enseignants, nourrices, éducateurs etc. Les manœuvres de décontraction musculaire, essentielles pour l’installation correcte des orthèses, sont également à enseigner. Des conseils concernant les positions préférentielles, les activités pathogéniques et celles idéales dans la vie quotidienne sont à donner à ces mêmes personnes. Ainsi, la position à genoux assis entre les talons – « W-sitting » – est à proscrire si possible alors que la position assis en tailleur est favorable pour le recentrage des hanches. La réalisation et l’utilisation d’un dispositif tel que le trotte-lapin est envisageable, permettant les déplacements à quatre pattes et les arrêts assis ou à genoux sans distension capsulaire ni excentration [2]. Il est fixé à la taille et ne gène pas la déambulation à quatre pattes ni la mise en station debout. De même, l’utilisation d’un siège en polystyrène moulé selon l’anatomie de l’enfant permet la position assise en tailleur tout en corrigeant la rétroversion du bassin, entraînant ainsi un redressement du tronc. Enfin, selon M. Le Metayer, l’organisation posturale de la position assise à cheval favorise le centrage des hanches et sollicite l’action des muscles coapteurs. Cette activité ludique serait donc à conseiller. Par ailleurs, il est nécessaire de ne pas laisser les nouveau-nés prématurés dans la position désignée de « grenouille écrasée » mais de les installer dans des positions de recentrage, où les cuisses sont rapprochées et les genoux en avant à l’aide d’un cocon [2]. Le bénéfice pour la hanche de placer ainsi les membres inférieurs des nourrissons prématurés dans leur couveuse a été rapporté par les travaux de Grenier [31]. 17 III- Une vision plus active, centrée sur la fonction motrice Une autre approche de la prise en charge des enfants PC diplégiques est centrée prioritairement sur les capacités motrices de l’enfant. Que ce soit dans un but d’éducation motrice ou de prévention orthopédique, la prise en charge des enfants PC est alors bien plus fonctionnelle, sollicitant constamment la participation active de l’enfant. Une grande importance est ici accordée aux notions de support de poids – « weight bearing » – et de transfert du poids d’un membre inférieur à l’autre – « weight shift » – qui seraient bénéfiques pour le modelage des hanches grâce à l’action de la pesanteur ainsi qu’à la réaction du sol. Les objectifs d’une telle prise en charge sont, de façon hiérarchique, l’aide au développement moteur de l’enfant, la régulation de la fonction motrice puis la lutte contre l’apparition de déformations orthopédiques telle que l’excentration de hanche. A- Apports de la littérature sur cette approche 1- Relation fonction motrice – excentration de hanche Cette éducation active, mise en place dès le plus jeune âge des enfants chez qui les fonctions cognitives ne sont pas altérées et la communication est possible, est expliquée par la relation directe entre le risque de subluxation de hanche chez des enfants PC et leur niveau de fonction motrice, évalué selon la classification GMFCS. Une étude suédoise de 2007 a mis en évidence cette étroite relation en réalisant un suivi clinique et radiologique standardisé chez 212 enfants PC (fig. 10) [10]. Figure 10. Pourcentage des hanches ayant un PM<33% (vert), entre 33-39% (jaune) et >40% (rouge) en relation avec le niveau GMFCS 18 De la même façon, en étudiant pendant plus de 10 ans les principaux facteurs de risque liés à l’excentration de hanche chez 323 enfants PC, une équipe australienne a conclu que l’incidence du déplacement des hanches avait une relation linéaire avec le niveau de fonction motrice évalué selon la classification GMFCS. En effet, 0% des enfants de niveau GMFCS I n’a subit ce phénomène alors que 90% de ceux de niveau V en ont été atteints. Le risque relatif d’excentration des hanches comparé au niveau GMFCS II était de 2,7% pour le niveau GMFCS III, 4,6% pour GMFCS IV et 5,9% pour GMFCS V [32]. Le professeur australien H. KerrGraham reconnait également cette concordance dans un article publié en 2010 : « The strongest association with hip displacement in children with cerebral palsy is the level of gross motor function. » [7] Nous pouvons retrouver dans la littérature de nombreuses publications anglo-saxonnes ayant étudié les relations entre une prise en charge motrice, active, centrée principalement sur la notion de mise en charge –« weight bearing » – et l’incidence des subluxations de hanche. Ainsi, dès 1959, Phelps compare l'incidence de coxa valga sur 100 enfants PC qui n'ont jamais été en station debout jusqu'à l'âge de 4 ans et celle sur 100 enfants PC ou non qui ont été mis en charge dès 9 ou 10 mois, avec l’aide d’attelles de jambe ou d’attelle de verticalisation, type parapodium, sans amplitude en abduction de hanche. Une coxa valga persistante a été observée dans environ 25% de ceux qui n'ont pas été en station debout alors que dans le groupe mis en charge, l'incidence n’était que de 3 à 4% [4]. Scrutton et Baird ont ensuite constaté que l'incapacité à se maintenir debout à l'âge de 3 ans était fortement corrélée à une excentration de hanche [24]. L’éducation motrice et la prévention de l’excentration de hanches sont ainsi des objectifs qui sont pourvus en majeure partie par des techniques de rééducation communes. Ces dernières sont largement inspirées des théories rapportées par M. et Mme Bobath, reconnaissant une possibilité d'évolution motrice et d'apprentissage grâce aux boucles de régulation sensori-motrices (fig. 11). Ces boucles de régulation peuvent se comprendre comme une recherche constante de la « normalisation » tonique posturale et motrice gestuelle, induite par facilitation-inhibition provenant de l'extérieur du patient que constituent le rééducateur et l’environnement. Le rééducateur adopte alors des gestes précis – « handling » – induisant les stimulations tactiles et proprioceptives favorables et nécessaires à l’apprentissage des positions sélectives ainsi qu’à l’inhibition des stratégies motrices paradoxales. Il a pour but d’aider, de guider, de stimuler, d’être attentif à chaque modification en invitant sans cesse 19 l’enfant à participer et ressentir pour savoir se « manager » soi-même [33]. Cette approche sera illustrée en partie à travers la prise en charge d’un jeune garçon australien diplégique spastique dans un paragraphe suivant. Figure 11. Concept Bobath : boucle cybernétique 2- Intérêts des injections de toxine botulique La toxine botulique n’est pas uniquement utilisée en tant qu’adjuvant thérapeutique mais en tant que moyen thérapeutique médical à part entière. En effet, son injection n’est pas systématiquement couplée à diverses installations posturales diurnes et/ou nocturnes, hanches placées en abduction. L’objectif prioritaire est ici d’empêcher l’apparition de schèmes posturaux dûs au déséquilibre musculaire agissant sur la hanche, nuisibles à la fonction motrice. Elle permet de favoriser et d’accélérer la progression fonctionnelle du jeune enfant tout en limitant les dégradations orthopédiques. A ce propos, un essai clinique publié en 2010, contrôlé et randomisé, en simple aveugle, a été réalisé en Australie sur des enfants atteints de paralysie cérébrale bilatérale ayant un pourcentage de migration de hanche compris entre 10% et 40%, c'est-à-dire ayant des « hanches à risque » [7]. Les auteurs ont rapporté les effets des injections de toxine botulique dans les muscles adducteurs de hanche et ischio-jambiers combinées au port d’une attelle d’abduction de hanches « Swash brace » 6 à 8 heures par jour. Les résultats du groupe ayant suivi ce protocole ont été comparés à un groupe témoin n’ayant reçu que des soins standards : tenue de la position assise, attelle de verticalisation (non individualisée et hanches en position de référence), aides de marche, orthèses en dessous du genou. La comparaison des 20 deux groupes se fait par mesure du pourcentage de migration de hanche sur des clichés radiographiques antéro-postérieurs, décrit par Reimers. Dans le groupe traité comparé au groupe témoin, les résultats ont montré une réduction moyenne de l’augmentation du pourcentage de migration de 3,1% par an (p=0.5) pour le sous-groupe des enfants incapables de tenir la position debout, de 1,4% (p=0.16) pour ceux capables de tenir la position debout. Bien qu’il soit diminué de 3,1% pour le sous-groupe traité des enfants non portants par rapport aux enfants du groupe témoin, le pourcentage de migration est tout de même resté à 2,6% d’augmentation annuelle. Il a été conclu que les séries d'injections de toxine combinées à l'utilisation de l'attelle d'abduction pourrait avoir eu un léger effet sur le taux de progression du déplacement des hanches mais que la différence avec le groupe témoin n’était pas significative. Cette étude n’apporte donc pas de preuve d’un effet bénéfique du traitement qui soit cliniquement important. Les auteurs indiquent que, au vu du coût et des contraintes inhérents à l’injection de toxine suivi du port de l’attelle d’abduction, ce traitement n’est pas suffisamment efficace sur l’amélioration de la fonction motrice et sur la prévention des subluxations de hanche pour qu’il soit recommandé. Cette étude a été analysée et côtée à 7/10 sur l’échelle de Pedro par l’association des physiothérapeutes américains APTA (American Physical Therapy Association), retrouvée sur leur base de données « Hooked on Evidence ». Etant donné que la toxine botulique n’agit que sur la partie active dynamique du muscle, son injection a un but principalement fonctionnel selon les anglo-saxons. Elle est réalisée prioritairement dans l’objectif de réduire le tonus musculaire des muscles hypertoniques et de rééquilibrer la balance agoniste/antagoniste permettant un maintien postural dans une position corrigée ainsi qu’une augmentation de la motilité. Elle facilite donc l’éducation motrice de l’enfant. L’objectif de recentrer passivement les têtes fémorales dans leur cotyle en installant l’enfant dans des orthèses en abduction telles qu’elles ont été présentées dans le précédent paragraphe n’est pas prioritaire ici. 3- Relation amplitudes articulaires – excentration de hanche Nous l’avons évoqué, l’objectif primordial d’une prise en charge très active telle qu’elle est envisagée majoritairement dans les pays anglo-saxons n’est pas de se focaliser sur la conservation voire l’augmentation du débattement articulaire des articulations à risque, notamment celui de la hanche. Cette vision est confortée par une étude suédoise de 2007 qui a révélé que l'amplitude passive des hanches subluxées lors d'un premier bilan ne différait pas de façon significative par rapport aux amplitudes mesurées pour des hanches n’ayant pas d’excentration (fig. 12) [10]. Cette étude avait pour but d’optimiser un programme de surveillance des dislocations de hanche. Hägglund, Lauge-Pedersen 21 et Wagner ont pour cela réalisé un suivi clinique et radiologique standardisé chez 212 enfants 2 fois par an jusqu’à l’âge de 6 ans, puis une fois par an jusqu’à 9 à 16 ans. En utilisant le modèle de Cox, ils ont évalué l’effet de l’amplitude articulaire de la hanche, mesurée en abduction, rotation latérale, rotation médiale et extension par goniométrie en positions fixes et standardisées, sur le risque de développer un pourcentage de migration >33% ou >40%, calculé sur cliché radiologique selon la méthode de Reimers. Dans les estimations ajustées aux potentiels facteurs confondants tels que le niveau GMFCS, le sous-type de paralysie cérébrale et l’âge, aucun changement dans le risque de développer une excentration de hanche lié à l’amplitude articulaire n’a été démontré. Le risque de subluxation des hanches ne varierait donc pas en fonction de leurs amplitudes articulaires. Figure 12. Risque relatif de développer un MP>33% et >40% selon l’amplitude articulaire Ces articles permettent d’appréhender l’intérêt de cibler la prise en charge des enfants PC sur la fonction motrice. L’utilisation d’aides techniques dans le but de faciliter l’éducation motrice varie selon les standards nationaux. Ceux que j’ai pu observer en Australie seront présentés à travers la description d’une prise en charge globale d’un jeune garçon PC spastique bilatéral. B- Illustration d’une prise en charge centrée sur la fonction motrice 1- Présentation succincte d’un jeune garçon PC : Doug Doug est atteint d’une diplégie spastique touchant principalement les membres inférieurs, associée à une paralysie cérébrale dyskinétique généralisée, marquée par une dystonie (ou choréoathétose). La dystonie est caractérisée par la présence de mouvements involontaires de type extrapyramidal. Les membres supérieurs sont alors le siège de mouvements lents et forcés, de flexion/extension ou d’enroulement, associés à des mouvements dystoniques d’enroulement de l’axe 22 corporel et des secousses musculaires. L’état de tension des muscles est très variable au cours de la journée, l’émotion amplifiant les mouvements anormaux. En résumé, la dystonie parasite la motricité élémentaire mais l’organisation gestuelle est conservée [34]. A sa naissance en octobre 2002, à 32 semaines de gestation, Doug pesait 1980 grammes. Une surdité a d’abord été rapidement diagnostiquée puis traitée en 2004 par un implant cochléaire. La pathologie paralysie cérébrale a été ensuite diagnostiquée dès les 6 premiers mois de vie, marquée par une profonde hypotonie ainsi qu’un schéma global en extension. Il a débuté les séances de physiothérapie dès l’âge de 8 mois avec Debbie qui suivra ce jeune garçon durant toute sa croissance. A 2 ans, son niveau de fonction motrice a été côté GMFCS IV (Annexe 1). Il n’a pas de déficience intellectuelle et, malgré ses déficiences auditives ainsi qu’une dysarthrie, communique parfaitement. Doug a maintenant 8 ans et est suivi au rythme d’une séance d’une heure par semaine par sa physiothérapeute. Son niveau de fonction motrice est désormais côté GMFCS III. Son côté gauche est plus déficient que le droit. Les derniers clichés radiologiques de contrôle des hanches en avril 2010 ont montré des têtes fémorales bien centrées dans leur cotyle avec un pourcentage de migration inférieur à 15%. Voici un tableau résumant les amplitudes articulaires et hypo-extensibilités de ses membres inférieurs mesurées au mois d’août 2010 : Amplitudes articulaires/Hypo-extensibilités Droit Gauche Abduction de hanche, genou tendu 50° 45° Abduction de hanche, genou fléchi 50° 40° Extension de genou 0° 0° Angle poplité 25° 40° Flexion de cheville, genou tendu 5° 0° 2- Prise en charge en séance de kinésithérapie Pour la prise en charge de Doug dont l’objectif prioritaire est centré sur la performance motrice, sa physiothérapeute Debbie a eu recours à différents appareillages. Ainsi, dès l’âge de 10 mois, Debbie a prescrit des attelles suro-pédieuses – « AFO’s » – moulées sur mesure pour Doug. Ces attelles, audelà de limiter l’équin et de posturer les muscles extenseurs de cheville en position d’allongement, assurent un maintien strict du pied en position plantigrade et facilitent ainsi l’équilibre en position 23 assise, debout et lors de la marche. Lors de la mise en charge, son bras de levier a également une action importante d’aide au verrouillage du genou. Debbie a également eu recours en 2004 et 2005 à un « Swash brace » (fig. 13) qui était utilisé afin d’éviter l’attitude des membres inférieurs en ciseaux. Cette attelle variable d’abduction parvient de Suède et permet les positions assise, allongée, debout ainsi que la marche tout en maintenant les hanches dans un degré variable d’abduction. Figure 13. Swash brace Une combinaison – « Second skin suit » ou « Body lycra suit » – a ensuite été faite sur mesure pour Doug lorsqu’il avait 4 ans (fig. 14). Les buts de cette combinaison sont d'augmenter le tonus axial postural, d'apporter une stabilité au niveau des articulations proximales permettant un meilleur contrôle des articulations distales, de réduire le tonus musculaire des muscles spastiques et dystoniques ainsi que de permettre une éducation motrice optimale. Elle améliore la posture et réduit les mouvements involontaires, tout en permettant une liberté de mouvement. Figure 14. Second Skin Suit Blair et ses collaborateurs ont montré en 1995 que le port du « body lycra suit » permet une augmentation de la confiance de l'enfant pour l'exécution de tâches, ainsi qu'une amélioration de la fonction motrice dynamique [35]. Associée à une rééducation kinésithérapique adaptée, l’apprentissage de schémas moteurs – ou patterns – fonctionnels est ainsi facilité. Les auteurs de l’article indiquent 24 qu’elle est particulièrement bénéfique pour les enfants dystoniques ou athétosiques, capables d'initier spontanément leur mobilité et participant activement aux activités de la vie quotidienne, si l'hypotonie n'est pas trop sévère. Par ailleurs, depuis l’âge de ses 2 ans, Doug reçoit des injections de toxine botulique tous les 4 mois, alternativement dans les principaux muscles spastiques : adducteurs de hanche, ischio-jambiers, gastrocnémiens, soléaire, tibial postérieur. Malgré la répétition des injections, les effets bénéfiques perdurent. Avec l’aide de ces divers appareillages et par une prise en main adaptée – « handling » – telle que la conçoit Bobath, Debbie va ainsi stimuler la réalisation de divers mouvements ou postures actives telles que le maintien de la position assise, le maintien de la position debout, le passage de la position accroupie à debout, le passage de la position à genoux à celle à genoux dressés, le déplacement volontaire entre deux objets ou personnes, la marche face à un mur ou avec l’aide d’une tierce personne etc. L’activité des membres supérieurs est également demandée, dans un but de soutien, d’activités réflexes ou d’activités fonctionnelles. Toutes ces actions sont entreprises volontairement par l’enfant, stimulées par un intérêt qui lui est porté, notamment par le jeu ou bien par l’interaction avec les parents ou avec la nourrice présents lors des séances. 3- Continuité de la prise en charge en dehors des séances Au domicile, Debbie a suggéré l’utilisation d’un appareil de verticalisation, de type parapodium – « standing brace » – (fig. 15) dès l’âge de ses 15 mois, à raison de deux sessions de 30 minutes par jour. Cet appareillage permet une action maximale de la pesanteur sur le modelage des hanches tout en stimulant l’activité des membres supérieurs permise par un maintien nécessaire du tronc et de la tête. Figure 15. Standing braces 25 Dès l’âge de 3 ans, l’utilisation d’attelles suro-pédieuse – « AFO’s » – et d’un déambulateur – « walking frame » – (fig. 16) ont permis à Doug de se déplacer de manière autonome. En effet, l’attelle assure un maintien strict du pied en position plantigrade et son bras de levier lors de la mise en charge a une action importante d’aide au verrouillage du genou. C’est ensuite un déambulateur postérieur – « reverse kaye walker » – que Doug utilisa à partir de ses 5 ans, induisant une plus grande décharge des membres supérieurs et stimulant les réactions de redressement. Figure 16. Walking frame Hormis l’aide apportée par ces appareillages, les parents ainsi que la nourrice sont également en mesure d’inciter Doug à réaliser un maximum d’actions motrices et d’activités de la vie quotidienne puisqu’ils ont assisté aux séances de physiothérapie. Ils connaissent donc les attitudes vicieuses sur le plan orthopédique à prohiber, les indications et utilisations des différents appareillages conseillés et surtout ont appris avec la physiothérapeute les stimulations tactiles appropriées à diverses actions motrices citées ci-dessus et initiées en séance. Cette éducation motrice au quotidien, en dehors des séances de rééducation, est un élément clef de la prise en charge australienne. IV- Discussion Pour un objectif commun qui est la lutte contre le phénomène d’excentration des hanches, la priorisation des moyens de prise en charge des enfants PC diplégiques spastiques semble varier selon les influences et pratiques des kinési/physio-thérapeutes. En effet, la priorité peut être centrée sur la fonction articulaire, telle qu’elle a été présentée en deuxième partie de ce travail. La volonté est dans ce cas de conserver un secteur de mobilité articulaire maximal, de placer les hanches en position de recentrage en abduction optimale, quelle que soit la position de l’enfant : assise, debout, allongée. Ainsi, comme l’indique l’équipe thérapeutique du centre de rééducation des massues à Lyon, « la rééducation devra prioritairement s’attacher à récupérer les secteurs de mobilité articulaires (problèmes secondaires), avant de rechercher une amélioration de la motricité (problèmes primaires) et un contrôle des stratégies compensatoires (problèmes tertiaires) » [28]. Une autre approche, observée pour ma part lors de mon stage en Australie, cible la prise en charge de ces enfants en premier lieu sur l’éducation 26 motrice. Ce sont les notions de mise en charge, de transfert du poids, de réalisation de mouvements volontaires qui priment ici. La lutte contre la subluxation des hanches est dans ce second cas directement entraînée par l’amélioration des performances motrices. Alors que nous savons que l'incidence du déplacement des hanches est directement liée à la fonction motrice, il parait paradoxal que l’enfant soit immobilisé dans des attelles moulées en abduction de hanche n’ayant que très peu d’effets bénéfiques sur la fonction motrice, tant en position assise, allongée que debout. L’intérêt des postures dans les coquilles de verticalisation antérieures ou postérieures en abduction de hanche pourrait alors être remis en question lorsque l’enfant possède les capacités motrices suffisantes pour tenir la position debout ou celle à genoux dressés par lui-même. L’aide d’une tierce personne et de petits appareillages peuvent être mis en place pour concourir au maintien de ces positions associées ou non à une motricité volontaire supplémentaire de l’enfant, tels que ceux présentés dans la troisième partie de ce travail. Si le schème est pathologique, celui-ci pourra être corrigé activement par l’enfant grâce aux stimulations du rééducateur. Les injections régulières de toxine botulique, dès lors qu’elles sont efficaces et bien tolérées, trouvent ici tout leur intérêt car elles contribuent à diminuer le déséquilibre musculaire agoniste/antagoniste. Elle constitue alors une aide qui semble indispensable à la prise en charge fonctionnelle et orthopédique d’un enfant PC. En outre, son action directe concernant la diminution du processus d’excentration de hanche vient d’être à nouveau rapportée par une équipe allemande au mois d’avril 2011 [36]. Par ailleurs, il est étonnant de ne pas encore voir apparaitre en France, hormis dans quelques rares régions, l’émergence des « Second Skin » ou « Body lycra suit » qui améliore la stabilité du tronc, celle des ceintures et qui réduit les mouvements involontaires. L’intérêt d’une telle combinaison est de pouvoir mener une éducation motrice de façon statique et dynamique, stimulant et facilitant en permanence la prise d’initiatives motrices de la part des enfants. L’intérêt de ces adjuvants thérapeutiques (attelles suro-pédieuses, toxine botulique, « Second Skin » etc.) est bien ici d’aider l’enfant à accroître ses capacités motrices. Les études scientifiques présentées précédemment nous ont clairement indiqués les intérêts de porter notre prise en charge sur une telle éducation motrice, non seulement dans un but fonctionnel pour l’enfant mais également dans un objectif de prévention orthopédique. Dans cette recherche constante d’amélioration de la fonction motrice, Blundell et son équipe ont même montré qu’un programme de 4 semaines d’exercices de 27 renforcement musculaire des membres inférieurs, fonctionnels et en charge, a amélioré significativement les capacités motrices des 8 enfants PC pris en charge [37]. Cependant, la fatigue et la sur-stimulation de ces enfants sont à envisager, en y incluant les conséquences sur leur intégration sociale et leur travail scolaire. De plus, pour que la prise en charge soit centrée sur la participation active de l’enfant, celui-ci doit avoir un potentiel moteur et une compréhension intellectuelle suffisants pour répondre aux stimulations et attentes du kinésithérapeute. Dans les cas échéants, les appareillages exposés en deuxième partie apportent des bénéfices qui semblent indéniables quant au ralentissement du processus d’excentration de hanche et à l’intégration sociale d’un enfant, comme le suggèrent le Mac Keith Multidisciplinary Meeting [27] et l’équipe de Picciolini [23]. En effet, outre le recentrage des hanches placées en abduction, celles-ci stimulent entre autres l’éveil, facilitent la communication, corrigent la posture, libèrent la motricité des membres supérieurs et permettent ainsi d’y associer une activité manuelle scolaire ou ludique. Ils seraient donc particulièrement bénéfiques pour les enfants PC tétraplégiques spastiques, diplégiques spastiques sévères ou encore très hypotoniques, comme l’ont évoqués Picciolini [23] et Blair [35]. En Australie notamment, la faible utilisation de ces appareillages moulés individuellement tel que nous bénéficions en France est dommageable pour la prise en charge des cas les plus sévères. Il est intéressant de mettre ici l’accent sur la prise en charge financière de tous les appareillages possible en France par la sécurité sociale. En effet, ceux-ci sont entièrement remboursés sur prescription médicale. Pourtant, le moulage individuel des gros appareillages de type coquille de verticalisation ou corset-siège est onéreux, pour un appareillage que ne suivra pas l’évolution des enfants et qui deviendra rapidement inadapté ou trop petit. Ces éléments sont certainement un frein quant à leur utilisation aussi fréquente qu’en France dans les pays où la sécurité sociale n’offre pas les mêmes avantages. D’autre part, il n'y a que très peu d'études méthodologiquement rigoureuses concernant les réels bénéfices de ces appareillages quant à la lutte contre la subluxation des hanches. Comme l’indique C. Féraud, c'est pourtant par des travaux de recherche que l'on pourra obtenir « le meilleur compromis entre l'installation parfaite au niveau orthopédique mais qui paralyse, qui fige l'enfant, et celle qui lui laisse une liberté de mouvements sans inscrire dans sa morphologie toutes ses faiblesses posturales. » [38]. Ce sont les publications de T. Pountney que l’on retrouve majoritairement dans la littérature, s’intéressant à la gestion poturale des enfants PC, qu’elle nomme « postural management ». Cette approche inclue les appareillages adaptés à chaque enfant décrits dans ce travail ainsi que les séances 28 de thérapie individuelle, le « handling », la gestion de la douleur, les injections de toxine botulique et les interventions chirurgicales. Cet ensemble de mesures prises pour la prise en charge des enfants PC constitue le « 24-hour postural management programme ». Les études réalisées par cette physiothérapeute en 2002 et 2009 montrent des effets favorables de l’ensemble du « postural management » sur la prévention orthopédique de la subluxation des hanches [39-40]. Nous pouvons par ailleurs déplorer le manque d’écrits scientifiques concernant la tolérance des orthèses et les douleurs susceptibles d’être engendrées. En effet, si des douleurs sont entraînées par les postures, notamment en positionnant les hanches en abduction, alors le caractère réflexogène conduirait à déclencher une activité de lutte active contre le maintien de la position imposée et l’installation deviendrait pathogène [26]. L’opposition passive ou active de l’enfant à l’appareillage peut également être source d’inconfort. Ceci entraîne des difficultés pour l’équipe thérapeutique et pour les parents de le faire appliquer, au point de devoir parfois l’enlever pour que leur enfant retrouve le sommeil, tel qu’il l’est rapporté dans l’ouvrage « Les infirmités motrices cérébrales » [2]. Si appareillage il y a, celui-ci pourrait être évolutif, de manière à suivre l’évolution tonique de l’enfant, à stimuler au maximum ses capacités de soutien et de maintien anti-gravitaire. Concernant la verticalisation par exemple, le facteur mise en charge – « weight bearing » – et les possibilités de transfert de poids – « weight shift » – ne sont pas identiques si on utilise une coquille postérieure de verticalisation par exemple ou bien un « standing brace ». Ces paramètres sont encore augmentés par un maintien de la station debout sans « grand » appareillage mais avec l’aide d’une tierce personne et de « petits » appareillages si besoin. A partir de la station debout, le passage à la position accroupie puis inversement, à la position assise, à celle à genoux dressés ainsi que l’initiation de quelques pas peuvent être aisément initiés, de façon ludique notamment par des jeux intéressant l’enfant et aboutissant ainsi à une éducation motrice globale. Cette éducation motrice ne peut être que tardivement bénéfique si elle n’est entreprise qu’une à deux fois par semaine en séance de rééducation par le kinésithérapeute. Nous pouvons désormais souligner toute l’importance d’une continuité de la prise en charge à domicile qui est nécessaire pour poursuivre l’éducation motrice initiée lors des séances de kinésithérapie. C’est en éduquant la famille et les personnes proches de l’enfant (assistante maternelle, auxiliaire de vie scolaire etc) – « carer » – durant les séances à une prise en main adaptée – « handling » – que ceux-ci pourront poursuivre et encourager toutes activités motrices initiées avec le kinésithérapeute dans la vie quotidienne. Les capacités de l’enfant observées en séance deviennent alors des performances. Des études et réflexions 29 quant à l’incidence de l’implication des familles dans la prise en charge orthopédique et surtout motrice de leur enfant sur le risque de subluxation des hanches, tout en respectant des temps de repos évitant toute sur-stimulation des enfants, pourraient être entreprises. Conclusion Afin de répondre à un objectif commun à toute équipe thérapeutique qui est la prévention orthopédique dans la prise en charge d’un enfant PC diplégique spastique, deux approches ont été envisagées : l’une centrée sur la fonction articulaire, l’autre centrée sur la fonction motrice. Ces deux approches sont complémentaires mais l’une est généralement priorisée devant l’autre selon les centres et à travers les pays. L’installation corrigée dans différentes orthèses en abduction ainsi que les étirements musculaires sont des moyens qui permettent incontestablement de recentrer ces articulations malgré que les effets bénéfiques sur le modelage des hanches durant la croissance de l’enfant restent encore à être évalués et publiés dans la littérature. Par ailleurs, l’importance du facteur mise en charge – « weight bearing » – et plus globalement l’importance de l’évolution de la fonction motrice sur le modelage des hanches des enfants sont également à prendre en compte. En effet, ils ont été observés et évalués par de nombreux auteurs anglo-saxons. Les moyens rééducatifs mis en place dans un objectif de prévention orthopédique incluent donc également une éducation motrice globale, aidée si besoin par de petits appareillages, en stimulant et corrigeant au maximum les initiations motrices de l’enfant. Concernant nos pratiques professionnelles, il me semble important d’être au fait de ces deux approches, d’en considérer leurs intérêts ainsi que leurs limites afin de pouvoir adapter notre prise en charge. Celle-ci devra être optimale pour chaque enfant PC, en tenant compte de ses capacités et de son environnement. La présentation du jeune garçon Doug m’a permis d’illustrer un aspect de la prise en charge qui me semble, au vu des parutions écrites et par ce que j’ai pu observer lors de mes stages, plus courante à l’heure actuelle dans les pays anglosaxons qu’en France. Ce travail traite essentiellement de la priorisation des moyens rééducatifs et éducatifs en séances de kinésithérapie mais la prise en charge d’une telle pathologie ne s’arrête pas à celles-ci et doit avoir un continuum dans la vie quotidienne de l’enfant. L’aspect psycho-socio-développemental et le rôle des proches de l’enfant sont également des facteurs déterminants et amènent l’accomplissement d’un seul objectif telle que la lutte contre l’excentration de hanche à une prise en charge très globale. 30 Bibliographie [1] Nordmark E, Hägglund G, Lagergren J. Cerebral palsy in southern Sweden. Prevalence and clinical features. Acta Paediatrica. 2001, 90, p.1271-1276 [2] Auféril H, de Barbot F, Le Metayer M. Les infirmités motrices cérébrales : réflexions et perspectives sur la prise en charge. Issy-les-Moulineaux : éd. Masson. 2008, 460p. [3] Palisano R, Rosenbaum P, Walter S et al. Development and reliability of a system to classify gross motor function in children with cerebral palsy. 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