Surveillance de Salmonella dans la chaîne alimentaire
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Surveillance de Salmonella dans la chaîne alimentaire
Surveillance de Salmonella dans la chaîne alimentaire pour la détection d’émergences en France Surveillance de Salmonella dans la chaîne alimentaire pour la détection d’émergences en France Renaud Lailler (1) ([email protected]), Frédérique Moury (1), Vincent Leclerc (1), Marylène Bohnert (2), Sabrina Cadel-Six (1), Anne Brisabois (1) (1) Université Paris-Est, Anses, Laboratoire de sécurité des aliments, Unité Listeria Salmonella E.coli, Maisons-Alfort, France (2) Anses, Laboratoire de Ploufragan-Plouzané, Unité Hygiène et qualité des produits avicoles et porcins, Ploufragan, France Résumé Les salmonelles représentent la deuxième cause d’infection humaine d’origine alimentaire en Europe. La réglementation en vigueur s’applique principalement à la filière avicole, de l’élevage à la production d’œufs de consommation et de viandes fraîches. Les récentes épidémies de salmonellose, d’ampleur nationale voire européenne, survenues en lien avec la consommation d’aliments issus de filières réglementées ou non, soulignent l’importance de maintenir une surveillance des salmonelles tout au long de la chaîne alimentaire. Le réseau Salmonella tient une place importante dans le dispositif français. Il permet de mener une surveillance événementielle et multisectorielle, et complète la surveillance programmée correspondant notamment à la réalisation des plans de surveillance et de contrôle. Depuis de nombreuses années, ce réseau permet de détecter l’émergence de souches de salmonelles d’origine non humaine, présentant des caractéristiques de virulence ou de résistance aux antibiotiques potentiellement problématiques pour la santé publique. L’amélioration continue du fonctionnement de ce réseau et la mise en œuvre de méthodes modernes de caractérisation et d’outils épidémiologiques sont engagées en lien étroit avec les responsables de la surveillance des salmonelles isolées chez l’homme. Un niveau satisfaisant de vigilance nécessite des moyens modernes et efficaces pour collecter et partager l’information et pour l’analyser rapidement notamment en situation d’alerte sanitaire. Les outils épidémiologiques appliqués à ces nombreuses données soulignent le besoin d’études plus approfondies pour expliquer des phénomènes inhabituels observés pour certains sérovars et ainsi préserver au mieux la santé des consommateurs. Abstract Surveillance of Salmonella in the agro-food chain for outbreak detection in France Salmonella is the second cause of human foodborne infection in Europe. Regulations are mainly applied to the poultry sector, from livestock production to the consumption of fresh meat and eggs. Recent outbreaks of salmonellosis in France and elsewhere in Europe have been linked to food consumption in both regulated and unregulated sectors. This observation highlights the need to maintain monitoring of Salmonella throughout the food chain. The Salmonella network plays an important role in the French surveillance system and facilitates event-based multi-sector surveillance while supplementing regulated monitoring based on official analyses. For many years, the network has made it possible to detect emerging non-human Salmonella strains whose virulence or antimicrobial resistance profiles can pose problems for public health. In close collaboration with those in charge of human Salmonella isolate surveillance, the network strives to constantly improve its performance and to apply innovative typing methods and epidemiological tools. A satisfactory level of vigilance requires modern and efficient methods of information collection, sharing and rapid analysis, especially during health alerts. The epidemiological tools applied to these numerous data highlight the need for more detailed studies to explain the unusual phenomena observed for specific serovars in order to help preserve the health of consumers. Keywords Salmonella, Surveillance, Zoonosis, Serovar, Emergence Mots-clés Salmonella, surveillance, zoonose, sérovar, émergence Salmonella est une bactérie présente dans l’environnement ainsi que chez un grand nombre d’animaux qui, le plus souvent, l’hébergent de manière asymptomatique. Cette bactérie peut survivre dans l’environnement pendant de longues périodes, contribuant ainsi au maintien de la bactérie au sein du réservoir animal. continue entre 2008 (n=134 580) et 2013 (n=82 694). L’hypothèse la plus probable avancée pour expliquer cette diminution, réside dans le succès des programmes européens de lutte contre Salmonella pour réduire la prévalence de la bactérie dans les populations de volailles, en particulier chez les poules pondeuses(1). Les salmonelles non typhiques sont à l’origine d’infections alimentaires. Celles-ci peuvent entraîner des cas isolés ou être responsables de toxiinfections alimentaires collectives (TIAC). Leur impact est important en termes de santé publique, mais elles peuvent également avoir des répercussions économiques conséquentes lorsqu’une filière ou une catégorie de produit est identifiée comme vecteur de l’infection. Les aliments impliqués dans les TIAC sont le plus souvent les œufs et les produits à base d’œufs crus ou ayant subi un traitement thermique insuffisant, les produits laitiers (lait cru ou faiblement thermisé), ainsi que les produits carnés (bovins, porcs et volailles) (Anses, 2011). La vigilance appliquée aux salmonelles doit être maintenue pour détecter l’émergence de nouvelles souches présentant un danger en santé publique et identifier les tendances évolutives des différents sérovars isolés de la chaîne alimentaire. Pour cela, des données de qualité doivent être collectées et enregistrées au sein d’une base de données, dans un pas de temps permettant l’analyse et la prise de décision pour réduire les risques. Cette diversité de sources de contamination justifie de mettre en place une surveillance élargie des salmonelles tout au long de la chaîne alimentaire, chez l’animal et dans l’environnement, en relation avec la détection de cas humains de salmonelloses. Selon le rapport publié par l’EFSA et l’ECDC en janvier 2015 et relatif aux données de prévalence rapportées par les différents États membres pour l’année 2013 (EFSA et ECDC, 2015), Salmonella demeure après Campylobacter la principale cause d’infection humaine d’origine alimentaire au regard du nombre de cas confirmés. Le nombre de cas humains de salmonellose rapporté en Europe a diminué de façon Le dispositif de surveillance nationale des salmonelles dans la chaîne alimentaire Le dispositif français de surveillance des salmonelles, en place depuis la fin des années 1990, a évolué sous l’effet combiné de la réglementation européenne et des niveaux de prévalence observés dans les différentes sources (Figure 1). Les réglementations européennes et nationales constituent un socle majeur pour harmoniser et collecter des données (1) Règlement CE 2160/2003 du Parlement européen et du Conseil du 17 novembre 2003 sur le contrôle des salmonelles et d'autres agents zoonotiques spécifiques présents dans la chaîne alimentaire. Bulletin épidémiologique, santé animale et alimentation no 68/Spécial Vigilance sur la chaîne alimentaire 11 Enquête de prévalence et programme de contrôle des Salmonelles + sensibilité aux antibiotiques Basée sur réglementation EU et Fr DGAL Plans de surveilance et de contrôle des aliments Food law Commission Européenne Surveillance et programmes de contrôle Directive zoonose Surveillance programmée Anses – LNR Services vétérinaires Cas sporadiques Laboratoires d’analyses médicales et biologiques, privés et hôpitaux TIAC Cas humains Consommation Envoi volontaire de souches er rapports Distribution Abattoir Réseau de laboratoires privés et publics ARS / DD(CS)PP / DGAI Déclaration obligatoire Animal Surveillance événementielle Envoi volontaire de souches et rapports CNR Salmonella Réseau Salmonella : souches non humaines de salmonelles RNOEA / RESAPATH : réseaux spécialisés (volailles / résistance aux antibiotiques) Figure 1. Organisation du système de surveillance des salmonelles en France en 2015, adapté de David et al. (2011) tout au long de la chaîne alimentaire. L’existence concomitante de réseaux de surveillance complémentaires dans les domaines vétérinaires et agro-alimentaires permet d’obtenir des informations précieuses sur des secteurs ou sur des points de collecte de données non couverts par la réglementation. En France, un réseau d’épidémiosurveillance piloté par le laboratoire de sécurité des aliments de l’Anses, le réseau Salmonella, a été créé en 1997 pour suivre les tendances évolutives d’isolement des sérovars provenant des différents secteurs (santé animale, alimentation, environnement). Cette surveillance repose en première intention sur l’identification de la bactérie et la détermination de sa formule antigénique (2 600 sérovars sont référencés actuellement) (Grimont et Weill, 2007). Ces résultats analytiques et la collecte des renseignements épidémiologiques associés sont très utiles pour suivre les tendances évolutives, la détection d’émergences d’événements inhabituels ou de nouveaux agents pathogènes. La diversité des acteurs de cette surveillance, l’organisation mise en place pour garantir la qualité et la représentativité des données, ainsi que les atouts et spécificités de chaque élément de ce dispositif national font de ce dernier un système efficace pour répondre aux attentes des gestionnaires et des évaluateurs de risques, notamment en situation d’alerte sanitaire (David et al., 2011). Surveillance par le réseau Salmonella Ce réseau poursuit deux objectifs : 1) apporter aux laboratoires d’analyses alimentaires et vétérinaires une expertise technique pour le sérotypage des isolats de Salmonella, 2) développer une activité de vigilance dans la surveillance des Salmonella isolées de la chaîne agro-alimentaire. Près de 140 laboratoires repartis sur l’ensemble du territoire national adhérent au réseau et réalisent les analyses de première intention. Ces laboratoires transmettent, de manière volontaire, des souches à sérotyper au laboratoire de sécurité des aliments de l’Anses et/ou des résultats de sérotypage, ainsi que des renseignements épidémiologiques associés (contexte, date, lieu et type du prélèvement, etc.). Ces informations collectées sont issues de trois secteurs: i) santé et production animales (animaux malades, porteurs sains ou environnement d’élevage), ii) alimentation (produits destinés à la consommation humaine ou animale, environnement des abattoirs, ateliers de découpe et/ou de transformation), iii) écosystème naturel. La réglementation européenne sur les zoonoses cible certaines filières d’élevage et certains sérovars(2), ce qui peut avoir un impact sur la remontée des informations. Cependant, la relative stabilité du nombre et de la distribution des données du réseau et les similitudes observées dans le passé concernant l’évolution des principaux sérovars isolés à la fois chez l’Homme et dans les aliments, soulignent l’intérêt du réseau dans le dispositif national de surveillance des Salmonella (Lailler et al., 2012). Jusqu’en 2013, toutes les informations épidémiologiques et les résultats d’analyse collectés par le réseau étaient centralisées dans une base de données de type MSAccess. Une nouvelle application interfacée-Web sur serveur Oracle® (ACTEOLab-Salmonella), permet aujourd’hui la centralisation des données dédiées à une épidémiologie plus opérationnelle. Des outils d’épidémiologie, précédemment et nouvellement développés, seront utilisés sur les données de cette nouvelle application pour permettre d’améliorer la pertinence et la réactivité du dispositif de surveillance des souches de Salmonella d’origine non-humaine en France (Lailler et al., 2014). Une fois ces données enregistrées, des requêtes spécifiques permettent d’identifier précisément les isolats appartenant aux différents sérovars, en leur associant l’ensemble des informations épidémiologiques disponibles. Ce type de requête est régulièrement mis en œuvre en situation d’investigation de cas humains groupés, détectés suite à l’analyse des données du CNR Salmonella. Les données de surveillance, tendances évolutives Analyses des données brutes Le nombre de résultats de sérotypage collectés par le réseau Salmonella a augmenté de 45 % entre 2007 et 2012 (Tableau 1). Cette augmentation résulte d’une collecte plus importante de souches dans le secteur de la santé et production animales (14 567 souches en 2012 versus 8 605 souches sérotypées en 2007), du fait du dépistage obligatoire avant abattage des salmonelles dans les troupeaux de poulets de chair. L’augmentation constante de la transmission de (2) Règlement CE 2160/2003 du Parlement européen et du Conseil du 17 novembre 2003 sur le contrôle des salmonelles et d'autres agents zoonotiques spécifiques présents dans la chaîne alimentaire. 12 Bulletin épidémiologique, santé animale et alimentation no 68/Spécial Vigilance sur la chaîne alimentaire Tableau 1. Nombre de souches collectées chaque année par le réseau Salmonella entre 2007 et 2012, pour les principaux sérovars, toutes origines confondues Années Senftenberg % Typhimurium % Indiana 2007 2008 2009 2010 2011 2012 1 827 2 151 2 796 2 362 3 756 13,1 16,1 18,8 14,0 20,0 4 290 21,1 2 003 1 513 1 480 2 449 2 349 1 987 14,3 11,3 10,0 14,5 12,5 9,8 1 915 1 409 1 139 1 123 1 281 1 375 % 10,1 8,5 7,6 7,6 7,3 9,4 Mbandaka 328 483 860 800 1 141 1 540 % 2,3 3,6 5,8 4,7 6,1 7,6 Montevideo 750 970 1 054 1 038 1 213 1 273 % Derby % S. 1,4,[5],12:i:- 5,4 7,3 7,1 6,2 6,4 6,3 1 524 887 918 976 906 724 10,9 6,6 6,2 5,8 4,8 3,6 84 100 188 315 513 646 % 0,6 0,7 1,3 1,9 2,7 3,2 Saintpaul 236 177 131 181 412 632 1,7 1,3 0,9 1,1 2,2 3,1 Enteritidis 884 832 661 570 530 533 % 6,3 6,2 4,5 3,4 2,8 2,6 Kottbus 855 504 364 520 703 367 % 6,1 3,8 2,5 3,1 3,7 1,8 347 % 194 332 551 618 496 % Dublin 1,4 2,5 3,7 3,7 2,6 1,7 Infantis 247 185 208 203 169 267 % 1,8 1,4 1,4 1,2 0,9 1,3 264 120 219 119 70 95 % 1,9 0,9 1,5 0,7 0,4 0,5 Virchow 78 36 67 128 67 65 % 0,6 0,3 0,5 0,8 0,4 0,3 3 220 3 848 4 146 5 222 5 036 5 561 Hadar Autres sérovars % Total 23,0 28,8 27,9 31,0 26,8 27,4 13 979 13 347 14 837 16 850 18 808 20 314 % : proportion relative du nombre de souches du sérovar concerné, au regard de l’ensemble des souches collectées durant l’année données des sérotypages réalisés par les laboratoires partenaires, en nombre absolu et en part relative, entre 2007 (n=7 815/13 979 soit 55,9 %) et 2012 (n=15 050/19 901 soit 75,6 %), explique également cette augmentation. Les principaux sérovars isolés durant cette période ont été, toutes origines confondues, Senftenberg et Typhimurium (incluant les variants de ce serovar). Le Tableau 1 présente l’évolution du nombre de souches collectées dans le cadre du réseau Salmonella, quelle que soit l’origine du prélèvement, pour les sérovars les plus fréquents, ceux qui sont réglementés et pour ceux marqués par une évolution significative entre 2007 et 2012. Les sérovars retenus comme dangers sanitaires de première catégorie par la réglementation française(3) sont Enteritidis, Typhimurium, Hadar, Virchow et Infantis. Ces sérovars sont recherchés, d’une part sur les volailles de l’espèce Gallus gallus (production d’œufs destinés à la consommation humaine et de carcasses et viandes découpées de poulets de chair) et d’autre part, sur les volailles de l’espèce Meleagris gallopavo (production de carcasses et de viandes découpées de dindes). Sous l’hypothèse d’une stabilité de fonctionnement du réseau, une décroissance de fréquence d’isolement de S. Enteritidis est observée dans la base de données du réseau Salmonella, en santé et production animales. La part relative des souches S. Enteritidis a diminué chaque année entre 2007 (6,3 %) et 2012 (2,6 %). Ce constat est en cohérence avec le bilan dressé au niveau européen (EFSA, 2015). Les données du (3) A rrêté du 29 juillet 2013 relatif à la définition des dangers sanitaires de première et deuxième catégorie pour les espèces animales. réseau montrent une certaine stabilité du nombre et de la part relative (<2 %) des souches appartenant aux sérovars réglementés Infantis, Virchow et Hadar. Ces deux derniers sérovars n’apparaissent plus depuis plusieurs années parmi les sérovars les plus fréquemment isolés, à la fois chez l’Homme (Jourdan-Da Silva et Le Hello, 2012a ; Le Hello S., communication à la 18e journée annuelle du réseau Salmonella) et tout au long de la chaîne alimentaire. L’évolution du nombre de souches de S. Senftenberg (Tableau 1) résulte d’une plus forte transmission des résultats de sérotypage par les partenaires dans les sous-filières avicoles réglementées. La contamination régulière des prélèvements d’environnement reflète la présence importante de ce sérovar dans les bâtiments de production (couvoirs), voire l’émergence de ce sérovar du fait de l’évolution génétique de certaines souches appartenant à ce sérovar (Boumart et al., 2012). Pour autant, ce sérovar n’est pas retrouvé parmi les principaux sérovars identifiés par le dispositif de surveillance des salmonelles d’origine humaines. Cette observation peut s’expliquer par la faible capacité de ce sérovar à persister et coloniser l’intestin de ces volailles (Boumart et al., 2012). Les données collectées au cours de cette période soulignent également une augmentation quasi-constante de l’importance relative des souches du sérovar S. Mbandaka entre 2007 (2,4 %, 328/13 979) et 2012 (7,6 %, 1 540/20 314) (Tableau 2). Cette évolution s’observe dans les secteurs santé et production animales et hygiène des aliments destinés à l’Homme et dans les filières bovine et avicole (principalement dindes et Gallus gallus et secondairement, canard et caille). Néanmoins, ce sérotype n’est pas retrouvé dans les vingt premiers sérovars isolés chez l’Homme. L’augmentation du nombre de souches S. 1,4,[5],12:i:- (Tableau 1) traduit l’émergence au niveau national des souches correspondant aux variants monophasiques de Typhimurium, rapportée depuis environ une décennie en Europe (Anses, 2013 ; EFSA et ECDC, 2015). La note de service DGAL/SDSSA/N2010-8059 du 4 mars 2010(4) a facilité la centralisation de ces souches par le réseau dès 2011. Une première étude de caractérisation de ces variants a été menée et a confirmé que ces souches dérivaient quasi-exclusivement (99,8 %) du sérovar Typhimurium (Anses, 2013). La description détaillée des effectifs annuels, comptabilisés depuis 2007 pour ces souches monophasiques montre une grande dispersion de ces variants dans les filières animales et les catégories d’aliments recensées. Dès 2007, ces variants étaient déjà plus largement isolés d’élevages de volailles et d’aliments issus de la filière porcine (viandes de porc et produits de charcuterie). La survenue de plusieurs foyers de TIAC en France en 2010 et 2011 a également renforcé cette collecte de souches isolées d’aliments (Anses, 2013 ; Bone et al., 2010 ; Gossner et al., 2012 ; Raguenaud et al., 2010). Les données collectées au cours de cette période soulignent également une évolution quasi-constante entre 2007 et 2012 du nombre de souches du sérovar S. Mbandaka (Tableau 2). Cette évolution s’observe dans les deux secteurs (santé et production animales et hygiène des aliments destinés à l’Homme), dans les filières bovine et avicole (principalement dindes et Gallus gallus et secondairement, canard et caille). Analyses des données en relation avec les investigations de cas humains de salmonelloses Au-delà du suivi des tendances évolutives des sérovars, la surveillance assurée par le réseau Salmonella apporte de précieuses informations pour identifier d’éventuelles sources alimentaires de contamination et étayer les investigations épidémiologiques menées par l’Institut de veille sanitaire (InVS), suite à la survenue d’une TIAC. Ce fut le cas, par exemple, à l’occasion des investigations menées lors de cas groupés de salmonelloses à S. 4,12:i:-, liés à la consommation de saucisson sec en 2010 (Jourdan-Da Silva et Le Hello, 2012b). Un (4) Note de service DGAL/SDSSA/N2010-8029 du 4 mars 2010, modifiant la note de service DGAL/SDSSA/N2010-8059 relative à la mise en œuvre des arrêtés relatifs à la lutte contre les salmonelles dans les troupeaux de volailles – mesures relatives aux laboratoires. Bulletin épidémiologique, santé animale et alimentation no 68/Spécial Vigilance sur la chaîne alimentaire 13 Tableau 2. Nombre de souches du sérovar Mbandaka, collectées entre 2007 et 2012 par le réseau Salmonella, selon le secteur d’origine, la filière animale ou la catégorie d’aliment Secteur / dont filière 2007 2008 2009 2010 2011 2012 Alimentation humaine 60 45 62 76 71 135 dont fromage 7 9 4 7 9 15 dont lait cru 20 10 13 13 17 43 dont poulet 4 1 3 0 1 15 dont œuf 2 1 4 8 1 1 181 321 675 632 1 014 1 219 Santé et production animales dont filière bovine 79 81 62 97 136 186 dont filière avicole 102 234 610 532 866 1 022 Autres secteurs Total 87 117 123 92 56 186 328 483 860 800 1 141 1 540 Analysis of S.I 4,12:i:– using Farrington with b=5 and w=3 S.I 4,12:i:– observed 15 No. infected No. infected 15 10 5 0 10 5 0 2001 2002 I 2003 2004 I I I 2005 2006 2007 2008 2006 2006 2007 I I I I III I I time Analysis of S.I 4,12:i:– using RKI with b=5 and w=3 2008 2008 III I III time Analysis of S.I 4,12:i:– using Bayes with b=5 and w=3 15 No. infected 15 No. infected 2007 10 5 0 10 5 0 2006 2006 2007 I III I 2007 2008 2008 2006 2006 2007 III I III I III I time 2007 2008 2008 III I III time Figure 2. Distribution des alarmes produites par trois méthodes statistiques (Farrington, RKI et Bayes), au cours de la période 20062008, pour les souches S. 1,4,[5],12:i:Chaque graphique présente le nombre de souches collectées par le réseau Salmonella (en ordonnées) en fonction du temps (en abscisse). Chaque alarme statistique est signalée par un triangle rouge. Les pointillés bleus indiquent l’effectif attendu, calculé par chaque méthode statistique. autre exemple est l’épisode épidémique qui a impliqué deux souches de Salmonella : S. Typhimurium et S. 4,12:i:-, entre décembre 2012 et janvier 2013. Les investigations épidémiologiques et microbiologiques étaient concordantes et ont montré que cette épidémie était liée à la consommation de produits achetés chez un traiteur (Bassi et al., 2013). Plus récemment, le réseau Salmonella a caractérisé en lien avec le CNR deux souches de S. Enteritidis, isolées d’œufs de consommation. Ces analyses ont été réalisées dans le cadre d’une alerte d’ampleur européenne à S. Enteritidis survenue durant l’été 2014, en lien avec la consommation d’œufs produits en Allemagne (ECDC et EFSA, 2014). À travers cet exemple, l’InVS a rappelé le potentiel épidémique de ce sérovar, malgré la baisse constante du nombre de cas rapportés en Europe ces dernières années (18e journée annuelle du réseau Salmonella). Les investigations menées suite à la survenue de cas humains dans des contextes variés (cas sporadiques ou groupés) mettent parfois en évidence des sérovars plus rares. Une revue de la littérature réalisée par Colomb-Cotinat et al. (2014), sur une période de vingt ans (1993-2013) a souligné l’importance de nouveaux animaux de compagnie (des reptiles, et particulièrement des tortues) comme source potentielle de contamination humaine par Salmonella chez les plus jeunes. La transmission des salmonelles aux jeunes enfants peut survenir de manière directe mais également indirecte, via les mains des parents ou l’environnement du foyer. Les sérovars isolés chez l’Homme dans ce contexte, appartiennent majoritairement à la sous-espèce S. Enterica subsp. enterica (Colomb-Cotinat et al, 2014). 14 Bulletin épidémiologique, santé animale et alimentation no 68/Spécial Vigilance sur la chaîne alimentaire La détection d’événements inhabituels La détection d’événements inhabituels repose sur un algorithme défini pour chacun des sérovars identifiés dans la base du réseau Salmonella. Le système utilise trois méthodes statistiques déjà en place dans certains centres nationaux de référence : la méthode de Farrington, une méthode reposant sur un algorithme bayésien et une méthode utilisée par l’Institut Robert Koch. Ces algorithmes programmés sous logiciel R se basent, pour chacune des trois méthodes, sur le calcul d’une valeur attendue de l’évènement pour la semaine en cours, en tenant compte des valeurs observées pour la même semaine au cours des cinq années précédentes. Une alarme statistique est produite si la valeur attendue est significativement différente de la valeur observée. La réalité épidémiologique de cette alarme est validée sur la base des données épidémiologiques transmises, après élimination des éventuels doublons ou autres faux signaux (envois groupés de résultats, par exemple). Au cours de la période 2008-2009, différents signaux ont été identifiés à partir des données du réseau Salmonella (Danan et al., 2011). À titre d’illustration, voici deux exemples de ces alarmes : • le sérovar Hessarek, rare et non règlementé, a été détecté « en excès » par les trois méthodes statistiques durant le mois de septembre 2008. Ce sérovar était à l’origine d’une contamination localisée à tous les niveaux d’un élevage de canards. L’alarme a été notifiée aux partenaires impliqués dans la surveillance de la filière, • des alarmes successives ont été émises depuis fin 2007, pour le variant monophasique du sérovar Typhimurium, de formule antigénique S. 1,4,[5],12:i:- (Figure 2). Ces signaux successifs et fréquents suggéraient l’émergence massive de ce sérovar qui, aujourd’hui, est en tête des sérovars les plus fréquemment isolés chez l’Homme. L’émergence de ce variant a concerné l’ensemble des pays européens et américains pour lesquels les données de surveillance sont disponibles. Ce système d’alarmes statistiques montre clairement sa puissance pour la détection de phénomènes rares, parmi les très nombreux sérovars et les données compilées au sein de la base de données du réseau Salmonella. Il est alors possible de mettre en place une surveillance accrue ou une vigilance ciblant spécifiquement ces sérovars d’intérêt. Des outils adaptés à la nouvelle application ACTEOLab sont en cours de développement pour répondre à ces attentes analytiques au sein du réseau Salmonella (Lailler et al., 2014). Discussion - Conclusion Le réseau Salmonella a prouvé son utilité dans le dispositif national de surveillance et permet de mettre en place des actions renforcées de vigilance en cas de situation ou d’évolution inhabituelle. Il s’est révélé être un outil efficace pour la centralisation nationale des données de contaminations par Salmonella aux différentes étapes de la chaîne agro-alimentaire et la détection de clones ou sérovars émergents. Les actions d’amélioration des outils informatiques et épidémiologiques en cours faciliteront le partage d’information et l’analyse statistique automatique des données collectées. Dans ce contexte d’évolution des outils de surveillance, il est également nécessaire de consolider la représentativité des données collectées par le réseau. Pour cela, une meilleure estimation du nombre total d’analyses réalisées pour la recherche de Salmonella dans les différents secteurs d’activité et les différents types de prélèvements serait souhaitable. De plus, avoir une meilleure connaissance du nombre de prélèvements dans lesquels sont recherchées les salmonelles, permettrait d’estimer la fréquence de contamination des différentes matrices prélevées, pour chaque sérovar identifié. Les tendances évolutives observées pour les principaux sérovars soulignent que le choix des deux serovars (Virchow et Hadar) parmi les cinq sérovars réglementés en filière avicole s’avère de moins en moins pertinent. Une adaptation semble nécessaire et devrait prendre en compte les spécificités rencontrées actuellement dans les différentes filières : importance relative d’isolement des sérovars, prévalence accrue de contamination d’une catégorie d’aliment ou encore problématique particulière pour la santé publique, comme par exemple la résistance accrue aux antibiotiques. Pour guider le gestionnaire du risque, le choix des sérovars réglementés pourra s’appuyer sur des travaux approfondis de caractérisation, basés sur le séquençage du génome bactérien. Ces études permettront d’affiner les connaissances liées à la circulation des clones majeurs de salmonelles, isolés dans la chaîne alimentaire et impliqué en santé publique. Elles faciliteront également les études d’attribution de source de contamination. Au final, la pression de contrôle exercée par les contrôles officiels pourra être davantage centrée sur les aliments ainsi définis comme étant les plus à risque et les recommandations destinées aux consommateurs pourront être d’autant plus ajustées. Il est important de disposer d’une vision globale de la contamination et l’articulation entre les différents secteurs de la chaîne alimentaire (production primaire – aliment – Homme) doit être faite dans une démarche de type « One Health » (Calistri et al., 2013). L’harmonisation des procédures de caractérisation et d’analyse des résultats doit être maintenue entre les différents acteurs de la chaîne de surveillance. Les signaux d’alerte et de vigilance révélés par le dispositif de surveillance des salmonelles d’origine non humaine pourraient aboutir à la mise en place d’investigations approfondies sur le terrain. Ces études, programmées en concertation avec les responsables du dispositif de surveillance des salmonelles d’origine humaine, permettraient ainsi de mieux prévenir et maîtriser le danger que représentent les salmonelles. Les salmonelles ne connaissant aucune frontière entre les différents secteurs d’activité, le système de surveillance doit suivre la même logique. Remerciements Les auteurs remercient vivement tous les partenaires du réseau Salmonella ainsi que l’ensemble des membres de l’équipe d’animation de ce réseau, grâce à qui ce dispositif de surveillance peut exister et fonctionner. Références bibliographiques Anses, 2011. Fiche de description de danger biologique transmissible par les aliments – Salmonella spp. Disponible en ligne, consulté le 19 janvier 2015 : http://www.anses.fr/Documents/MIC-Fi-Salmonellaspp.pdf Anses, 2013. Avis de la saisine n°2012-SA-0214 relatif à l’identification de variants de Salmonella Typhimurium et la prise en compte de ces variants dans le programme officiel de lutte en élevage avicole. Disponible en ligne, consulté le 19 janvier 2015 : https://www.anses.fr/sites/default/files/ documents/BIORISK2012sa0214Ra.pdf Bassi, C., Merle, C., Fenières, A., Le Hello, S., Melik, N., Donguy, M.P., Lailler, R., Jourdan-Da Silva, N., 2013. Investigation d’un épisode de cas groupés de salmonellose à Paris 7e. Novembre 2012 à février 2013. Saint-Maurice : Institut de veille sanitaire, 40 pp. Bone, A., Noel, H., Le Hello, S., Pihier, N., Danan, C., Raguenaud, M.E., Salah, S., Bellali, H., Vaillant, V., Weill, F.X., Jourdan-da Silva, N., 2010. Nationwide outbreak of Salmonella enterica serotype 4,12:i:- infections in France, linked to dried pork sausage, Euro Surveill. 15(24):pii=19592. Boumart, Z., Roche S.M., Lalande, F., Virlogeux-Payant, I., HennequetAntier, C., Menanteau, P., Gabriel, I., Weill, F. X., Velge, P., Chemaly, M., 2012. Heterogeneity of persistence of Salmonella enterica serotype Senftenberg strains could explain the emergence of this serotype in poultry flocks. PLoS One 7(4): e35782. Calistri, P., S. Iannetti, Danzetta, M. L., Narcisi, V., Cito, F., Sabatino, D. D., Bruno, R., Sauro, F., Atzeni, M., Carvelli, A., Giovannini, A., 2013. The components of ‘One World - One Health’ approach. Transbound Emerg Dis 60 Suppl 2: 4-13. Colomb-Cotinat, M., Le Hello, S., Rosières, X., Lailler, R., Weill, F.X., JourdanDa Silva N., 2014. Cas publiés de salmonelloses chez les jeunes enfants secondaires à une exposition aux reptiles : revue bibliographique 19932013. Bull Epidémiol Hebd. 1-2, 8-16. Danan, C., Baroukh, T., Moury, F., Jourdan-da Silva, N., Brisabois, A., Le Strat, Y., 2011. 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