Edition n° 401 | 16 Mars - 29 Mars 2015
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IPCF | Institut Professionnel des Comptables et Fiscalistes agréés SOMMAIRE p. 1/ R éclamation à propos de sa propre déclaration p. 3/ La motivation du licenciement et l’audition du travailleur Réclamation à propos de sa propre déclaration Le contribuable est-il tenu de manière irrévocable par cipe constitutionnel de légalité, sur la base duquel le sa propre déclaration ? Ou peut-il encore contester une contribuable est uniquement tenu de satisfaire à l’impôt cotisation établie sur la base de sa déclaration et confor- effectivement et légalement dû et au caractère d’ordre mément à celle-ci ? La réponse à ces questions est large- public de la loi fiscale. ment positive, mais la jurisprudence apporte certaines nuances. Établissement de la déclaration Principe En l’absence de toute restriction dans la loi, toute forme d’être rectifiée. Cette erreur peut être une erreur maté- pléter sa déclaration fiscale. Lorsque le contribuable rielle, une erreur de droit ou de fait ou le fait que le constate que sa déclaration contient une erreur, il sou- contribuable a été victime d’un dol. Le fait qu’une appré- haite évidemment pouvoir la corriger. Cette erreur n’est ciation en droit est à l’origine de l’erreur n’est en prin- souvent découverte qu’une fois la cotisation établie. Se cipe pas pertinent (voir cependant infra). pose dès lors la question de savoir si le contribuable peut, dans ce cas de figure, contester la cotisation au Il est question d’une erreur matérielle si le contribuable moyen d’une réclamation ou, le cas échéant, d’une de- a, en remplissant sa déclaration, fait une faute de calcul mande de dégrèvement d’office. ou d’écriture ou a, à la suite d’une négligence, d’une distraction ou d’une autre erreur manifeste, commis une Initialement, le fisc considérait que la déclaration est erreur qui n’a pas de lien avec l’appréciation en droit réputée correcte et constituer un aveu extrajudiciaire de son imposabilité ou la fixation de sa base imposable. de la part du contribuable. La déclaration lierait dès lors L’exemple type d’une erreur matérielle est l’oubli de le contribuable de manière définitive. mentionner des frais professionnels déductibles dans la déclaration, alors que ces frais sont bel et bien mention- Ce point de vue extrêmement strict n’a, à juste titre, nés dans une annexe à la déclaration. guère emporté l’adhésion de la jurisprudence. Les dispositions légales relatives aux actes administratifs ne Une erreur de droit (ou erreur juridique) se produit contiennent en effet aucune restriction en ce sens. Le lorsqu’il y a interprétation incorrecte de la loi ou appli- contribuable peut donc bel et bien contester la cotisa- cation incorrecte de la loi fondée sur des faits établis à la tion qui a été établie sur la base de sa déclaration, dans suite d’une erreur qui implique un élément intellectuel, laquelle il a fait une erreur. Cette possibilité de rectifier un acte mental ou un acte délibéré. Il est par exemple les erreurs trouve par ailleurs son origine dans le prin- question d’une erreur de droit lorsque le contribuable 1 P a c i ol i N ° 401 I P C F - B I B F / 16 M a r s 2015 - 29 Mars 2 0 1 5 P 309339 – Bureau de dépôt 9000 Gent X – Bimensuel – Ne paraît pas dans les semaines 28-36 d’erreur commise dans la déclaration est susceptible L’erreur est humaine, y compris lorsqu’il s’agit de com- pense que des frais professionnels ne sont que partiel- constitue une erreur de droit, le contribuable n’a pas lement déductibles, alors qu’ils le sont intégralement. la possibilité d’introduire une demande de dégrèvement d’office. Dans ce cas, il peut uniquement introduire une Restrictions réclamation dans le délai précité de six mois. Bien que la distinction entre erreur matérielle et juri- Charge de la preuve dique ne soit à première vue pas pertinente dans le cadre de la contestation d’une cotisation établie sur la La charge de la preuve de l’existence et de la nature base de sa propre déclaration, cette distinction implique d’une erreur dans la déclaration (ou dans les annexes cependant deux restrictions importantes. qui en font partie intégrante) incombe au contribuable2. Celui-ci peut fournir cette preuve par tous les moyens Puisque le contribuable peut introduire une réclama- de droit, à l’exception du serment. La loi ne contient en tion contre sa propre déclaration, on considère que cette effet aucune restriction en la matière. L’administration réclamation peut également porter sur tous les docu- concrète de la preuve pose cependant souvent des dif- ments et annexes qui font partie intégrante de la dé- ficultés au contribuable. C’est surtout le cas lorsque le claration. C’est ainsi que pour les sociétés, les comptes contribuable doit prouver que la nature de l’erreur porte annuels, qui sont à la base de la déclaration fiscale, font sur une erreur matérielle dans les comptes annuels et intégralement partie de celle-ci. Les comptes annuels non sur une décision. La jurisprudence est en effet très lient le contribuable et le fisc dans la même mesure que stricte en la matière. la déclaration. La possibilité de modifier les comptes annuels d’une manière opposable au fisc est cependant limitée. La jurisprudence considère en effet que seules Rectification avant l’établissement de la cotisation ? les erreurs pures et simples commises dans les comptes annuels sont opposables au fisc. Lorsque l’erreur com- Il n’est pas exclu que le contribuable découvre l’erreur mise dans les comptes annuels est la conséquence d’une qu’il a commise dans sa déclaration avant l’établisse- décision, la correction de celle-ci n’est pas opposable ment de la cotisation. Peut-il alors rectifier immédia- au fisc1. C’est ainsi que la comptabilisation immédiate tement cette erreur ou doit-il nécessairement attendre d’une facture d’acompte et son attribution, en tant que l’établissement de la cotisation avant de la faire rectifier créance, à un exercice déterminé, au lieu de sa compta- par le biais de la procédure de réclamation ? bilisation dans les comptes de régularisation, implique une décision dont la correction éventuelle ne peut avoir La loi ne répond nullement à cette question, au contraire d’effet sur le plan fiscal. Une comptabilisation qui est de la jurisprudence. Le tribunal de première instance de clairement contraire à la législation comptable sera en Louvain a expressément confirmé, dans un jugement revanche bel et bien considérée comme une erreur maté- du 8 novembre 2013, que tant qu’aucune cotisation n’a rielle. En d’autres termes, seules les erreurs matérielles été établie, le contribuable peut signaler les erreurs au dans les comptes annuels qui sont rectifiées peuvent service chargé de l’établissement de la cotisation. Le tri- justifier le dépôt d’une réclamation contre la cotisation bunal ajoute cependant qu’il ne peut être fait un usage établie sur la base de ces comptes annuels. abusif du droit de communiquer des corrections après l’expiration du délai de dépôt de la déclaration, par La seconde restriction est de nature procédurale et exemple en vue de ralentir ainsi, de manière non autori- concerne le délai dans lequel le contribuable doit agir sée, l’établissement d’une cotisation correcte3. pour rectifier l’erreur. Lorsque l’erreur constitue une erreur purement matérielle, le contribuable peut introduire soit une réclamation (art. 366 et suiv. du CIR), soit Kim BRONSELAER une demande de dégrèvement d’office (art. 376 du CIR). Michail PEREZ VAN GAEVEREN Une réclamation doit être introduite dans un délai de Avocats, Laga six mois à compter du troisième jour ouvrable suivant la date d’envoi de l’avertissement-extrait de rôle. Une demande de dégrèvement d’office doit être introduite dans un délai de cinq mois à compter du 1er janvier de l’année au cours de laquelle l’impôt a été établi. Lorsque l’erreur 1 Voir e.a. Cass. 12 mai 1989, T.R.V. 1989, 423. 2 2 Cass. 14 janvier 1960, Pas. 1960, I, 543 ; Cass. 27 juillet 1963, Pas. 1963, I, 1130. 3 Tr. Louvain 8 novembre 2013, R.G. 12/1553/A, www.monkey.be. P a c i ol i N ° 401 I P C F - B I B F / 16 M a r s 2015 - 29 Mars 2 0 1 5 La motivation du licenciement et l’audition du travailleur I. Préambule la loi du 26 décembre 2013 et, pour le secteur privé, de la convention collective de travail numéro 1092, par l’ab- La motivation du licenciement que nous examinons sence d’obligation générale de motivation formelle du dans la présente contribution, à laquelle nous lions l’au- congé et ce, malgré plusieurs dispositions supra natio- dition du travailleur, s’entend de la motivation formelle, nales en sens contraire3. Parallèlement, la loi du 3 juil- par opposition à la motivation substantielle qui vise la let 1978 précitée ne prévoyait pas et ne prévoit toujours matérialité des faits invoqués par l’employeur pour jus- pas actuellement d’obligation d’audition du travailleur tifier le licenciement. Nous abordons donc l’obligation avant son licenciement. pour l’employeur de respecter certaines formes à l’occasion de la rupture des relations contractuelles au rang II.2. Tempéraments desquelles peuvent figurer l’obligation de mentionner dans un écrit les raisons pour lesquelles il est mis fin A. Les agents contractuels du secteur public au contrat de travail ou encore d’auditionner préalablement le travailleur. Sur la base de la loi du 29 juillet 1991 relative à la motivation formelle des actes administratifs et des principes A cet égard, il est important de rappeler que l’audition généraux de droit administratif (audi alteram partem préalable du travailleur licencié et l’existence d’une …), l’on estime généralement, même s’il ne s’agit pas motivation formelle, exprimée à l’occasion de la rup- d’une position unanime4, que les employeurs du secteur ture, voire ultérieurement, ne pourraient constituer public sont tenus par une obligation de motivation for- une condition d’existence de la rupture du contrat de melle de la rupture du contrat de travail, outre une obli- travail. La rupture du contrat de travail est en effet un gation d’audition préalable de l’agent contractuel avant acte juridique unilatéral irrévocable qui se suffit à lui- de prendre la décision de licenciement5. même, sans devoir respecter de conditions spécifiques. Cependant, la partie qui a rompu le contrat en ne res- B. Les mécanismes spécifiques de protection pectant pas les dispositions légales applicables, telles celles prescrites par la loi du 3 juillet 1978 relative aux Dans certaines situations particulières, des mécanismes contrats de travail, s’expose au paiement d’indemnité(s). spécifiques de protection contre le licenciement ont été Elle ne s’expose par contre pas à la nullité du congé ni, mis en place par le législateur en vue de contraindre en règle générale, à l’obligation de réintégration du travailleur licencié. II. Cadre légal avant l’adoption de la loi du 26 décembre 20131 : ce qui reste aujourd’hui applicable II.1. Principe : inexistence d’une obligation générale de motivation formelle et d’audition préalable sur la base de la loi du 3 juillet 1978 La loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail, applicable aux employeurs du secteur privé et du secteur public, se caractérisait avant l’entrée en vigueur de 1 Loi du 26 décembre 2013 concernant l’introduction d’un statut unique entre ouvriers et employés en ce qui concerne les délais de préavis et le jour de carence ainsi que de mesures d’accompagnement. 3 2 Convention collective de travail numéro 109 du 12 février 2014 conclue au sein du Conseil national du Travail, concernant la motivation du licenciement, rendue obligatoire par arrêté royal du 9 mars 2014, M.B. 20 mars 2014. 3 Voyez notamment : la recommandation numéro 119, adoptée par l’Organisation internationale du travail le 26 juin 1963 ; la convention numéro 158 adoptée par l’Organisation du travail le 22 juin 1982 (articles 4 et 7) ; la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (article 30). 4 C. trav. Liège, 5 septembre 2012, RG 2011/AL/270 ; en matière de licenciements pour faute grave : C. trav. Liège, 5 août 2008, RG 8501/07 ; C. trav. Liège, 28 octobre 2008, RG 8332/07. 5 M. JOURDAN, « La rupture de la relation de travail de membres du personnel soumis à la loi du 3 juillet 1978 relative au contrat de travail », in Droit du travail : les services publics, J. JACQMAIN, Bruxelles, Bruylant, 2005, pp. 342 et s ; J. JACQMAIN, « Le licenciement des travailleurs contractuels dans les services publics : avec ou sans motivation formelle ? », Chron.D.S., 2007, pp. 514 et s. ; O. DEPRINCE, « Audition préalable et motivation du licenciement, : un état de la question, quelques réflexions », in Le Droit du travail dans tous ses secteurs, Liège, Anthemis, 2008, pp. 150 et s. ; A. DE BECKER, « De motivering van het ontslag van een arbeidscontractant in de publieke sector », R.W., 2007-2008, p. 90 ; F. LAMBINET, S. GILSON, « De la nécessité de l’audition préalable au congé à l’égard des contractuels de la fonction publique », Chron. D.S., 2013, liv. 7, pp. 339-346 ; L. DEAR, « L’audition préalable et la motivation du congé », in Le licenciement abusif, Anthemis, 2009, pp. 93 et s. P a c i ol i N ° 401 I P C F - B I B F / 16 M a r s 2015 - 29 Mars 2 0 1 5 l’employeur tantôt à exposer a priori ou a posteriori les motifs de la rupture tantôt à entendre le travailleur C. Le licenciement abusif et la théorie de l’abus de droit préalablement à la rupture de son contrat de travail6. Jusqu’au 1er avril 2014, date d’entrée en vigueur pour le Tous ces mécanismes spécifiques demeurent actuel- secteur privé de la convention collective de travail numé- lement toujours applicables, même depuis l’entrée en ro 109, exception faite du licenciement pour faute grave vigueur de la loi du 26 décembre 2013 et, pour le sec- et des régimes de protection d’exception précités, aucun teur privé, de la convention collective de travail numéro mécanisme général de motivation formelle et d’audition 109. Bien que étroitement liées à la motivation, géné- préalable ne s’imposait aux employeurs à l’occasion de la ralement requise dans ces législations spécifiques, soit rupture des contrats de travail. par l’entremise du respect d’une procédure préalable au licenciement, soit par le biais d’une motivation particu- Le défaut d’obligation d’audition préalable et le défaut lière formelles et/ou substantielles, ces règles n’ont pas d’obligation générale de motivation formelle de la rup- été intégrées dans la loi du 26 décembre 2013 ni dans la ture des contrats de travail aux termes de la loi du 3 juil- convention collective de travail numéro 109. let 1978 relative aux contrats de travail ne signifiait pas pour autant que l’employeur pouvait rompre un contrat Ainsi en est-il du licenciement pour motif grave du tra- de travail sans aucun motif ou pour un motif non admis- vailleur régi par l’article 35 de la loi du 3 juillet 1978 qui sible en droit. impose une obligation générale de motivation a priori du licenciement. Bien plus, alors que la loi ne le prévoit Au même titre que pour la rupture de tout autre contrat, en aucun cas, une certaine jurisprudence et doctrine le contrat de travail ne pouvait être rompu de manière expriment le souhait que, comme pour le secteur public, abusive. C’est ainsi que deux mécanismes de contrôle l’employeur du secteur privé entende les explications du a posteriori des motifs du licenciement pouvaient être travailleur avant de le licencier pour motif grave . invoqués : Par ailleurs, il existe de nombreuses dispositions légales –Les ouvriers engagés à durée indéterminée pou- éparses contenant le droit pour le travailleur de ne pas vaient invoquer le régime du licenciement abusif, être licencié, dans certaines circonstances, pour cer- régi par l’article 63 de la loi du 3 juillet 1978. Ce tains motifs. Soit la loi n’autorise le licenciement que régime, favorable aux ouvriers, se justifiait par le pour le(s) motif(s) qu’elle désigne (membres effectifs et souci du législateur de compenser les délais de préa- suppléants représentant le personnel au conseil d’entre- vis moins favorables aux ouvriers par rapport à ceux prise ou au comité pour la prévention et la protection reconnus aux employés en renforçant la sécurité et au travail…)8, soit la loi autorise le licenciement sauf la stabilité d’emploi des ouvriers14. Ce régime – qui pour le motif qui a enclenché la protection (travailleuse n’est plus applicable pour le secteur privé depuis enceinte9, travailleur ayant introduit une demande de l’entrée en vigueur de la loi du 26 décembre 2013 congé parental 7 ou de congé d’adoption , travailleur et de la convention collective de travail numéro 109 ayant déposé plainte ou intenté une action en justice – se caractérisait essentiellement par les trois compo- tendant à faire respecter les dispositions légales sur la santes suivantes : non-discrimination12 ou sur le harcèlement …)13. • Le licenciement abusif était clairement défini en ces 10 11 termes : « le licenciement d’un ouvrier engagé pour une durée indéterminée effectué pour des motifs qui n’ont aucun lien avec l’aptitude ou la conduite de 6 F. KEFER, « La motivation du licenciement en droit belge », Revue de la Faculté de droit de l’Université de Liège, 2011/3-4, pp. 438-448. 7 L. DEAR, « L’audition préalable et la motivation du congé », in Le licenciement abusif, Anthemis, 2009, pp. 94 et s., C. trav. Liège, 25 avril 2006, J.T.T., 2006, p. 366. 8 Article 2 de la loi du 19 mars 1991 portant un régime de licenciement particulier pour les délégués du personnel au conseil d’entreprise et au comité pour la prévention et la protection au travail ainsi que les candidats délégués du personnel. 9 l’ouvrier ou qui ne sont pas fondés sur les nécessités du fonctionnement de l’entreprise, de l’établissement ou du service » ; la Cour de cassation avait en outre investi les juridictions du travail d’un pouvoir marginal, mais bien réel, de contrôle de proportionnali- Article 40 de la loi du 16 mars 1971 sur le travail. 10 Article 15 de la convention collective de travail n° 64 du 29 avril 1997 instituant un droit au congé parental. 14 Interrogée sur le caractère discriminatoire de l’article 63 de la loi du 3 juillet 1978 en tant qu’il est réservé aux seuls ouvriers, à l’exclusion des employés, la Cour constitutionnelle, dans un arrêt du 21 juin 2001, a répondu négativement à cette question en justifiant sa position par la différence de traitements existant entre les préavis des ouvriers et des employés : C.C., 21 juin 2001, arrêt n° 84/2001. 11Article 30ter de la loi du 3 juillet 1978 relative au contrat de travail. 12 Article 17 de la loi du 10 mai 2007 tendant à lutter contre certaines formes de discrimination. 13Article 32tredecies de la loi du 4 août 1996 relative au bien-être des travailleurs pendant l’exécution de leur travail. 4 P a c i ol i N ° 401 I P C F - B I B F / 16 M a r s 2015 - 29 Mars 2 0 1 5 té entre le motif allégué et la résiliation du contrat de travail de l’ouvrier . comportement anormal, ou encore si elle se fonde sur un motif totalement illégitime. 15 •La charge de la preuve du licenciement abusif était • Par ailleurs, il appartient à tout travailleur, se pré- renversée en faveur des ouvriers16 ; sur cette base, valant d’un abus de droit de licenciement, d’appor- il appartenait donc à l’employeur de prouver le(s) ter la preuve de l’abus de droit et ce, conformément motif(s) du licenciement si l’ouvrier en contestait la réalité. à l’article 870 du Code judiciaire. • Enfin, pour être retenu, l’abus de droit à l’occasion •Le dommage était fixé de façon forfaitaire, à savoir de la rupture du contrat de travail doit avoir été six mois de rémunération, sans que l’ouvrier ne générateur, dans le chef du travailleur, d’un pré- doive démontrer son dommage et son ampleur. judice distinct de celui que répare forfaitairement – Les employés, mais également les ouvriers, pouvaient invoquer l’article 1134 du Code civil qui constitue la base de la théorie de l’abus de droit. Le principe de l’exécution de bonne foi des conventions interdit en effet à une partie contractante d’abuser des droits l’indemnité compensatoire et il appartient au travailleurs d’en apporter la preuve. III. Cadre légal après l’adoption de la loi du 26 décembre 2013 que le contrat lui octroie, à savoir en l’espèce le droit de rompre le contrat de travail17. La théorie de l’abus III.1. Introduction de droit demeure applicable même depuis l’entrée en vigueur de la loi du 26 décembre 2013 et, pour Tenant compte de l’harmonisation des préavis des ou- le secteur privé, de la convention collective de travail vriers et des employés intervenue conformément à numéro 109. Par opposition à l’article 63 de la loi du l’article 38 de la loi du 26 décembre 2013, le régime de 3 juillet 1978, les trois composantes précitées sont licenciement abusif préférentiel pour les ouvriers ne se fondamentalement différentes : justifiait plus, raison pour laquelle la loi précitée a pré- • La théorie de l’abus de droit n’est pas clairement vu que l’article 63 de la loi du 3 juillet 1978 cessera de définie dans la loi. Pour être constitutif d’abus de produire ses effets dès que d’autres dispositions, appli- droit, le droit de licencier doit être exercé par l’em- cables respectivement dans le secteur privé et dans le ployeur d’une manière « qui dépasse manifestement secteur public, auront été adoptées en matière de « moti- les limites de l’exercice normal de ce droit par une vation » du licenciement19. personne prudente et avisée » . Cette définition gé18 nérique est retenue par la jurisprudence à travers diverses formes. Ainsi, la rupture du contrat peut III.2. Le secteur privé : la convention collective de travail numéro 109 être abusive si elle est totalement disproportionnée par rapport à l’intérêt servi, si elle est révélatrice A. Champ d’application d’une intention de nuire, si elle détourne le droit de sa finalité économique et sociale, si elle est utilisée Sur la base de l’article 38 de la loi du 26 décembre 2013, à titre de mesure de représailles, si elle révèle un les partenaires sociaux, par la voie du Conseil national du Travail, ont adopté le 12 février 2014 une convention collective de travail numéro 109 concernant la motiva- 15 Cass., 27 septembre 2010, J.T.T., 2011, p. 7 ; Cass., 22 novembre 2010, J.T.T., 2011, p. 3 ; F. KEFER, « La motivation du licenciement en droit belge », Revue de la Faculté de droit de l’Université de Liège, 2011/3-4, pp. 438 -448 ; G. CHUFFART, A. AMERIAN, op. cit., p.65. 16 G. CHUFFART, A. AMERIAN, « Le licenciement abusif des ouvriers : une évolution nécessaire », J.T.T., 2012, p. 65. tion du licenciement entrée en vigueur le 1er avril 2014 pour les congés donnés ou notifiés à partir de cette date (ci-après la convention collective). S’agissant d’une convention collective, seuls les em- 17 Notre propos n’étant pas de tracer un exposé exhaustif sur le licenciement abusif, nous renvoyons le lecteur aux nombreuses contributions en la matière dont notamment : C. CLESSE, Le licenciement abusif, Etudes Pratiques de Droit Social, n° 24, Kluwer, Bruxelles, 2005, p. 264 ; M. STRONGYLOS, « Licenciement et motivation : la conséquence de l’acte de rupture non ou mal motivé », Pacioli (F) 2006, liv. 218, pp. 4-8 ; F. LAGASSE, J.T.T., 2005, liv. 928, p. 424 ; F. VERBRUGGE, Ors., 2006, liv. 2, p. 20 ; M. DUMONT, Chron. D.S., 2006, liv. 6, p. 368 ; V. VANNES, L., DEAR, La rupture abusive du contrat de travail. Théories et applications, Collection de la Faculté de droit de l’Université Libre de Bruxelles’, n° 61, Bruylant, Bruxelles, 2011, p. 696 ; C. DESMET, « Le congé en droit belge devra-t-il bientôt être formellement motivé ? », J.T.T. 2013, liv. 1165, pp. 337-343 ; S. GILSON, « L’absence de motivation formelle du congé, une règle en sursis ? L’exemple du licenciement des contractuels de la fonction publique », Ors., 2006, liv. 4 pp. 8-21 et liv. 5, pp. 1-7. ployeurs soumis à la loi du 5 décembre 1968 sur les conventions collectives de travail et les commissions paritaires et leurs travailleurs sont visés par celle-ci.20 19 En son avis du 6 novembre 2013, le Conseil d’Etat a très clairement critiqué cette délégation de pouvoir aux partenaires sociaux (Voy. : C.E., section de législation, n°54.231/1, 6 novembre 2013, in Doc. Parl., Ch. repr., sess.53 2013-2014, 3144/001, p. 116 et réponse : Doc. parl., Ch. repr., sess. 53, 2013-2014, 3144/001, p. 27. 20 P. JOASSART, « Conventions collectives et secteur public : deux grandes solitudes ? », Le droit du travail dans tous ses secteurs, Commission Université-Palais, Anthemis, 2008, pp. 471492. 18 Cass., 10 septembre 1971, R.W., 19711972, p. 321. 5 P a c i ol i N ° 401 I P C F - B I B F / 16 M a r s 2015 - 29 Mars 2 0 1 5 Il s’agit donc uniquement des employeurs du secteur reprise dans la convention collective. Il n’existe donc privé. toujours pas actuellement pour le secteur privé d’obligation générale d’audition du travailleur préalablement Par ailleurs, la convention collective exclut de son à son licenciement. champ d’application une série d’hypothèses, soit en raison du caractère précaire de l’occupation (durant les six B.2. Droit général d’information a posteriori du tra- premiers mois d’occupation, à l’occasion d’un contrat de vailleur travail intérimaire ou d’un contrat d’occupation d’étu- La convention collective n’a pas non plus instauré diant), soit en raison de la (pré)pension (actuellement d’obligation générale de motivation a priori dans le chômage avec complément d’entreprise), soit en raison chef de l’employeur, c’est-à-dire aux termes du courrier de la restructuration de l’entreprise, soit encore en rai- notifiant la rupture. A l’occasion de la notification du son de la protection contre le licenciement dont jouit le congé, l’employeur demeure donc libre de motiver ou travailleur. Les travailleurs ne pouvant se prévaloir de non la rupture. Comme par le passé, la motivation ne la convention collective, ne pourront donc que se référer constitue donc toujours pas une condition de validité à la théorie générale de l’abus de droit dont nous avons du congé ou du préavis. Par contre, l’employeur est rappelé ci-avant les préceptes. désormais tenu par une obligation de motivation a posteriori : il lui appartient de préciser les motifs fondant En cas de licenciement pour motif grave au sens de la rupture du contrat de travail si le travailleur en for- l’article 35 de la loi du 3 juillet 1978, l’article 2 § 4 de mule la demande en respectant la procédure prévue à la convention collective dispose que son chapitre III ne cet effet25. s’applique pas. S’agissant du chapitre relatif au droit de connaître les motifs concrets qui ont conduit au licen- B.3. Formalités relatives au droit à l’information a ciement, on peut aisément comprendre cette exclusion. posteriori L’article 35 de la loi du 3 juillet 1978 prévoit en effet La convention collective prévoit, en ses articles 4 à 6, des modalités spécifiques de motivation, autrement plus des règles formelles distinctes à respecter par le tra- strictes et contraignantes dans le chef de l’employeur vailleur et l’employeur selon que ce dernier informe que celles énoncées dans la convention collective de tra- spontanément le travailleur des motifs concrets de vail numéro 109. son licenciement ou l’en informe suite à sa demande. En cas de violation de ces règles, l’employeur s’expose Enfin, le licenciement des ouvriers assorti, pour une du- au paiement à l’égard du travailleur concerné d’une rée indéterminée21 ou pour une durée temporaire22, d’un amende civile correspondant à deux semaines de ré- préavis réduit fait l’objet de dispositions spécifiques aux munération et à une modification de la charge proba- termes de la convention collective23. toire en défaveur de l’employeur quant aux motifs du licenciement ne pouvant être « manifestement dérai- B. En quoi consiste la motivation formelle ? sonnable » : B.1. Inexistence d’une obligation d’audition préalable – Première hypothèse : Information spontanée de l’em- Alors que d’aucuns appelaient à l’introduction d’un sys- ployeur tème généralisé d’audition préalable des travailleurs Conformément à l’article 6 de la convention collective, avant licenciement – applicable actuellement dans cer- l’employeur qui, de sa propre initiative, a communi- tains secteurs d’activités24 – cette obligation n’a pas été qué par écrit au travailleur les motifs concrets qui ont conduit à son licenciement, n’est pas tenu de répondre à la demande d’information complémentaire qui lui serait 21 Essentiellement les ouvriers du secteur de la construction. 22 notamment des secteurs de l’industrie de l’habillement et de la confection (CP 109), de l’ameublement et de l’industrie de transformation du bois (CP 126), des grandes entreprises de vente au détail (CP 311), de l’industrie de la chaussure (CP 128.02) ou du sous-secteur de la prothèse dentaire (CP 330). 23 Pour une analyse pointue sur la question, voy. : M. STRONGYLOS, R. CAPART et G. MASSART, Le statut unique ouvriers-employés, Commentaire pratique de la loi du 26 décembre 2013, Anthemis, 2014 ; L. DEAR et S.GILSON, « L’obligation de motiver le congé et le licenciement manifestement déraisonnable » et O. DEPRINCE, « Motivation du licenciement : une insécurité juridique dans le secteur public », in L’harmonisation des statuts entre ouvriers et employés, 2014, pp. 161 et s. 24 La Commission paritaire des entreprises d’assurances numéro 306 a conclu le 9 novembre 1987 une convention collective de travail ensuite adressée par ce même travailleur. Si le travailleur soutient que cette communication spontanée de l’employeur ne contient pas les éléments lui permettant de connaître les « motifs concrets » ayant prévoyant un système de stabilité d’emploi, lequel a été amendé par de nouvelles conventions collectives : ces dispositions instaurent l’obligation d’entendre le travailleur et d’informer la délégation syndicale avant de procéder à un licenciement. 25 Convention collective de travail numéro 109, articles 1 et 3. 6 P a c i ol i N ° 401 I P C F - B I B F / 16 M a r s 2015 - 29 Mars 2 0 1 5 conduit à son licenciement, l’employeur peut maintenir En cette hypothèse, l’indemnité prescrite par l’article sa position en ne donnant pas d’autres explications au 9 de la convention collective est due au travailleur, à travailleur. Dans ce cas, la question de l’appréciation savoir une indemnité pouvant varier de trois à dix-sept des « motifs concrets » sera, le cas échéant, tranchée par semaines de rémunération. Même si la convention col- les juridictions du travail. lective ne le précise pas, les juridictions du travail fixeront sans doute le montant de l’indemnité en fonction de Par ailleurs, l’employeur peut également décider de la disproportion existant entre la décision de rupture du s’inscrire dans la voie tracée par les articles 4 et 5 de contrat et les motifs invoqués à l’appui de cette décision. la convention collective en décidant de répondre à la demande écrite du travailleur. Dans ce cas, l’employeur Pour le surplus, les commentaires, repris dans la devra respecter les conditions énoncées ci-après, pour convention collective, précisent que le contrôle du ca- autant que le travailleur ait également respecté les for- ractère raisonnable du licenciement ne porte pas sur malités s’imposant à lui. les circonstances du licenciement. Par ailleurs, les commentaires précisent que le contrôle du caractère « nor- – Deuxième hypothèse : Information suite à la demande mal et raisonnable » du licenciement par les juridictions du travailleur du travail est marginal, l’employeur étant « dans une En cette hypothèse, le travailleur doit adresser sa de- large mesure, libre de décider de ce qui est raisonnable : mande d’information à l’employeur par lettre recom- il faut respecter les différentes alternatives de gestion mandée dans un délai de deux mois après que le contrat qu’un employeur normal et raisonnable pourrait envisa- de travail a pris fin . En cas de licenciement moyennant ger ». Poursuivant l’analyse de ce concept, les commen- la prestation d’un préavis, la demande du travailleur taires énoncent que « seul le caractère manifestement doit être adressée à l’employeur par pli recommandé déraisonnable du licenciement peut être contrôlé et non dans un délai de six mois après la notification du congé l’opportunité de la gestion de l’employeur (c’est-à-dire son par l’employeur, sans toutefois pouvoir dépasser deux choix entre les différentes alternatives de gestion raison- mois après la fin du contrat de travail27. nables dont il dispose) ». Conformément à l’article 5 de la convention collective, Enfin, les notions d’aptitude, de conduite du travailleur l’employeur qui reçoit une telle demande d’information, ou de nécessités du fonctionnement de l’entreprise, ne conforme aux règles formelles précitées, doit communi- sont pas définies aux termes de la convention collective. quer au travailleur, par lettre recommandée, les motifs La jurisprudence se calquera certainement sur les no- concrets qui ont conduit à son licenciement dans les tions identiques développées dans le cadre de l’article deux mois à dater de la réception de la lettre recomman- 63 de la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de dée contenant la demande du travailleur. travail. C. Le licenciement manifestement déraisonnable III.3. Le secteur public : pas encore de fumée blanche Le convention collective introduit en droit belge du tra- Pour les employeurs ne ressortissant pas du champ d’ap- vail une nouvelle notion, à savoir celle de « licenciement plication de la loi du 5 décembre 1968 sur les conven- manifestement déraisonnable ». tions collectives de travail et les commissions paritaires, 26 soit en principe les employeurs du secteur public, aucun L’article 8 de la convention collective dispose qu’un « li- régime relatif à la motivation du licenciement n’a été cenciement manifestement déraisonnable est le licencie- adopté au jour de la rédaction du présent article sur la ment d’un travailleur engagé pour une durée indétermi- base de l’article 38 de la loi du 26 décembre 2013. née, qui se base sur des motifs qui n’ont aucun lien avec l’aptitude ou la conduite du travailleur ou qui ne sont pas Nous ne pouvons donc déterminer la manière dont la fondés sur les nécessités du fonctionnement de l’entre- motivation sera régie et, le cas échéant, sanctionnée prise, de l’établissement ou du service, et qui n’aurait ja- dans ce secteur. Néanmoins, comme nous l’avons rap- mais été décidé par un employeur normal et raisonnable ». pelé ci-avant, les employeurs du secteur public sont en 28 règle générale déjà considérés comme étant tenus, au regard des principes de droit administratif, par une 26 Convention collective de travail numéro 109, article 4 alinéa 1. 27 Convention collective de travail numéro 109, article 4 alinéas 1 et 2. obligation d’audition préalable et de motivation formelle 28 Nous soulignons. du courrier de rupture du contrat. 7 P a c i ol i N ° 401 I P C F - B I B F / 16 M a r s 2015 - 29 Mars 2 0 1 5 Dans l’état actuel de la législation, nous devons donc Outre ces nouveautés, les employeurs et les travail- constater une insécurité juridique dans le chef des em- leurs ne doivent pas perdre de vue les nombreuses dis- ployeurs du secteur public. Sans accord, l’article 63 de positions légales éparses qui étaient en vigueur avant la loi du 3 juillet 1978, dans sa version actuelle appli- l’adoption de la loi du 26 décembre 2013 et de la conven- cable exclusivement aux ouvriers, demeure en effet en tion collective de travail numéro 109 et qui demeurent vigueur. Se pose donc la question de savoir si une nou- actuellement applicables en matière de motivation au velle discrimination, pouvant être soumise à la censure sens large (licenciement pour faute grave et régimes de de la Cour constitutionnelle, n’est pas ainsi créée : com- protection spécifique). ment justifier en effet, d’un côté, que le statut des ouvriers et des employés soit désormais harmonisé concer- Pour le secteur public, nous regrettons que plus d’une nant la fixation du préavis et de l’indemnité de rupture année après l’entrée en vigueur de la loi du 26 décembre et, d’un autre côté, que les ouvriers, de surcroît unique- 2013, aucune mesure analogue à la convention collec- ment du secteur public, puissent continuer à bénéficier tive de travail numéro 109 n’ait été adoptée. Même si les du régime du licenciement abusif régi par l’article 63 de principes de droit administratif impliquent déjà, selon la loi du 3 juillet 1978 ? une certaine tendance, une obligation de motivation formelle, les employeurs et les travailleurs contractuels IV.Conclusion du secteur public demeurent dans l’insécurité juridique la plus totale tenant compte du maintien, pour le seul Au rang des nouveautés, retenons pour le secteur privé secteur public, du régime préférentiel du licenciement que tant les travailleurs que les employeurs doivent être abusif pour les ouvriers prescrit par l’article 63 de la loi particulièrement attentifs au formalisme accru induit du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail. par la convention collective de travail numéro 109 en matière de demande motivation formulée par le travailleur et de réponse à cette demande. Epinglons égale- Géraldine MASSART et Michel STRONGYLOS ment le défaut d’obligation générale d’audition du tra- Elegis vailleur préalablement au licenciement. Aucun extrait de cette publication ne peut être reproduit, introduit dans un système de récupération ou transféré électroniquement, mécaniquement, au moyen de photocopies ou sous toute autre forme, sans autorisation préalable écrite de l’éditeur. La rédaction veille à la fiabilité des informations publiées, lesquelles ne pourraient toutefois engager sa responsabilité. Editeur responsable : Jean-Marie CONTER, IPCF – av. Legrand 45, 1050 Bruxelles, Tél. 02/626.03.80, Fax. 02/626.03.90 e-mail : [email protected], URL : http://www.ipcf.be Rédaction : Jean-Marie CONTER, Gaëtan HANOT, Geert LENAERTS, Xavier SCHRAEPEN, Chantal DEMOOR. Comité scientifique : Professeur P. MICHEL, Professeur Emérite de Finance, Université de Liège, Professeur C. LEFEBVRE, Katholieke Universiteit Leuven. 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