Volume 89 (2).QXD - Canadian Journal of Public Health
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Volume 89 (2).QXD - Canadian Journal of Public Health
A B R É G É La satisfaction, l’autonomie des usagers et l’économie réalisée pour le système de santé par l’utilisation du service Info-Santé CLSC de la région de Québec ont été évaluées dans la période 48-72 heures suivant un appel à ce service. Les données ont été obtenues lors d’une relance téléphonique auprès d’un échantillon aléatoire proportionnel de 394 appels d’usagers représentatifs de 58 676 appels au service Info-Santé. Les résultats révèlent un taux de satisfaction élevé chez la très grande majorité des répondants (> 90 %) pour la majorité des 14 indicateurs utilisés pour mesurer la satisfaction. Le délai d’attente jugé trop long pour obtenir la communication avec l’infirmière et l’incohérence des informations reçues d’autres professionnels pour le même problème constituent les deux seules sources d’insatisfaction. Une proportion de 91 % des usagers n’ont pas eu à rappeler InfoSanté pour le même problème. La majorité des répondants (83 %) font les actions suggérées par les infirmières et 97 % le font conformément avec ce qui a été recommandé. Une proportion de 89 % se disent capables de résoudre le problème s’il se présentait à nouveau. Dans l’hypothèse de l’inexistence du service InfoSanté, une proportion de 76 % des usagers auraient eu recours à une ressource médicale pour résoudre le problème. Si ces personnes mettaient à exécution leur intention, on estime qu’il en coûterait annuellement près de deux millions de dollars de plus au système de santé québécois pour la seule région de Québec. A B S T R A C T Satisfaction, self-care and cost savings resulting from the use of CLSC’s Info-Santé service of the Québec region have been evaluated in the period 48-72 hours after the user’s call to the service. Data have been collected by a telephone survey on a random sample of 394 users. Results show a very high rate of satisfaction with the majority of the 14 selected indicators. The waiting time until connection with a nurse was the main source of dissatisfaction. Approximately 91% of callers did not have to call back the service for the same problem. The majority of users (83%) carried out the actions recommended by the nurse, and 89% felt they would be able to handle the problem if it recurred. If Info-Santé did not exist, 76% of service users declared that they would have visited a doctor to solve their problem. If they had done so, it would have cost an estimated nearly two million dollars to the Québec Government. MARCH – APRIL 1998 Info-Santé CLSC : Un service efficace ? Louise Hagan, PhD,1 Gaétan Garon, MD 2 Le service Info-Santé CLSC s’inscrit dans un ensemble de mesures visant à réduire l’achalandage des urgences des hôpitaux. L’objectif général visé par ce service est d’offrir à tous les citoyens de la région sociosanitaire de Québec, une réponse téléphonique bilingue, facilement et rapidement accessible, pour des besoins d’information, d’évaluation, d’apprentissage, d’orientation et de référence dans une approche globale de la santé et ce, 24 heures par jour et 7 jours par semaine. Il doit être d’accès rapide. Le service Info-Santé CLSC est établi dans la région de Québec depuis 1984. Au cours de l’année 1993-94, un nombre de 203 600 appels ont été traités par les infirmières.1 Au moment de l’étude, Info-Santé CLSC était centralisé dans un point de service sous la responsabilité du CLSC Haute-Ville de Québec et il desservait huit des neufs territoires de CLSC de la région sociosanitaire de Québec (03). Le service était donc disponible à une population de 586 825 personnes réparties sur l’ensemble de ces territoires. Le but de l’étude est d’évaluer l’efficacité du service Info-Santé CLSC de la région de Québec (03) concernant trois aspects : la satisfaction et l’autonomie chez les usagers et l’économie réalisée. 1. Faculté des sciences infirmières et Membre du Centre de recherche sur les services communautaires, Université Laval 2. Directeur général, CLSC Haute-Ville Organisme subventionnaire : Régie régionale de la santé et des services sociaux de Québec Correspondance : Madame Louise Hagan, Faculté des sciences infirmières, 4106 Pavillon Paul-Comtois, Université Laval, Québec (Qc) G1K 7P4, Tél. : 418656-2131 ext. 3505, Téléc. : 418-656-7747, C. électr. : [email protected] MÉTHODOLOGIE Il s’agit d’une étude évaluative descriptive réalisée sur un échantillon aléatoire proportionnel à l’achalandage par quart de travail (jour, soir, nuit) de 394 appels d’usagers au service Info-Santé général (niveau de confiance 95 %, précision 5 %). L’échantillon est représentatif du nombre total d’appels traités à Info-Santé pour la période de décembre 1995 à mars 1996, soit 58 676 appels. Un sous-échantillon aléatoire proportionnel (n = 97 appels d’usagers) a aussi été constitué pour permettre l’analyse de conformité entre les actions et les orientations suggérées par l’infirmière lors de l’appel initial de l’usager et les actions déclarées faites par ce dernier suite à l’appel au service Info-Santé. Les données ont été recueillies lors d’une entrevue téléphonique de relance d’une durée moyenne de 13 minutes, à l’aide d’un questionnaire d’entrevue structuré et préalablement testé selon les règles d’usage pour assurer le maximum de validité et de fiabilité. La satisfaction de l’usager a été évaluée à partir de 14 indicateurs reflétant la qualité de deux aspects du service : la relation interpersonnelle entre l’infirmière et l’usager et le processus du traitement de l’appel. Ces indicateurs sont les suivants : l’accessibilité, la courtoisie, l’empathie, le respect de la personne, le partenariat, le support, la sécurisation, la disponibilité, la compréhension du problème de l’usager, l’adéquation des solutions proposées, la communication, la cohérence, la fiabilité et la précision des informations et la réponse au besoin d’information de l’usager. Le niveau de satisfaction globale de l’usager à l’égard du service Info-Santé a également été évalué. CANADIAN JOURNAL OF PUBLIC HEALTH 125 SATISFACTION, AUTONOMIE ET ÉCONOMIE L’autonomie de l’usager fait référence aux apprentissages (connaissances et habiletés) résultant du traitement de l’appel par Info-Santé. L’économie réalisée fait référence à l’estimation des coûts épargnés au système de santé québécois. Cette estimation est basée sur les coûts unitaires des services de santé et des services professionnels. RÉSULTATS Le profil des répondants Les personnes ayant participé au sondage sont majoritairement des femmes (femmes = 83 % vs hommes = 16 %). La moyenne d’âge des personnes interrogées est de 36,5 ans (médiane : 33 ans ; écart type = 13,5 ans ; étendue = 16 à 90 ans). Une proportion de 7 % sont des personnes âgées de 65 ans et plus. La plupart (74 %) vivent avec un conjoint ainsi qu’avec des enfants (69 %). La majorité des personnes (51 %) a complété des études secondaires, 28 % ont fait des études collégiales et 21 % possèdent une formation universitaire. Les personnes qui font appel au service pour elles-mêmes sont généralement (68 %) inquiètes de leur condition et se perçoivent comme étant très ou assez malades (83 %). Dans 53 % des cas, l’utilisateur du service Info-Santé est un intermédiaire, c’est-à-dire une personne qui appelle à l’intention d’un membre de la famille (98 %)—un enfant de trois ans et moins assez souvent (25 %). Une proportion de 68 % des raisons d’appels consistent en une demande de conseils reliés à des manifestations de signes et symptômes spécifiques à un système physiologique particulier : le système gastro-intestinal (27 %), le système respiratoire (13 %), l’ORL (yeux, oreilles, nez, gorge) (9 %), le système cutané (9 %) et finalement le système ostéo-articulaire (8 %). La satisfaction des usagers à l’égard du service Info-Santé Le tableau I présente les résultats observés sur l’ensemble des 14 indicateurs de satisfaction utilisés. On observe une très grande satisfaction (> 90 %) des usagers sur plus de 85 % des indicateurs. L’accessibilité et l’incohérence perçue par les usagers de l’information reçue d’autres 126 TABLEAU I La satisfaction des usagers à l’égard du service Info-Santé Les indicateurs de la satisfaction % totalement ou plutôt en accord avec l’énoncé* La relation interpersonnelle entre l’usager et l’infirmière Délai d’attente raisonnable Courtoisie Empathie Respect de la personne Partenariat Support de l’intervenante Sécurisation Disponibilité 42 100 99 100 91 94 98 100 La qualité du processus du traitement de l’appel Compréhension du problème Solutions convenables Facilité de compréhension des informations et conseils Cohérence des informations reçues Précision des informations et conseils Quantité convenable d’information 98 98 100 55 99 95 La satisfaction générale à l’égard du service Info-Santé Ferait encore appel au service Info-Santé pour un autre problème 100 Cote moyenne (%) de satisfaction générale à l’égard du service Info-Santé (mesurée sur échelle 0 à 10) 89 * Les pourcentages sont arrondis professionnels consultés pour le même problème constituent les deux seules sources d’insatisfaction. La satisfaction globale à l’égard du service Info-Santé est de 89 %. L’autonomie des usagers L’autonomie fait référence à la capacité d’auto-soin développée par l’intervention éducative de l’infirmière d’Info-Santé. Elle est évaluée à partir de la perception des usagers. Une proportion de 88 % des répondants (N = 345) ont affirmé que le service InfoSanté a été la première ressource consultée pour résoudre le problème. Nous présentons ici la synthèse des faits saillants des résultats de l’étude : • 94 % affirment qu’Info-Santé les a motivés à faire par eux-mêmes tout ce qu’ils étaient en mesure de faire pour résoudre le problème; • 34 % acquièrent de nouvelles connaissances et 53 % confirment ce qu’ils savent déjà; • 100 % jugent les informations et les conseils faciles à comprendre; • 91 % n’ont pas eu à rappeler Info-Santé pour le même problème depuis l’appel initial; • 86 % ne ressentent pas le besoin de consulter une autre ressource pour résoudre le problème; REVUE CANADIENNE DE SANTÉ PUBLIQUE • 89 % s’estiment capables de régler euxmêmes le même problème s’il se présentait de nouveau. • 83 % mettent en application les actions recommandées (85 % prévention secondaire); • 97 % appliquent les actions de soins et traitements pour contrôler les signes et symptômes et 23 % déclarent faire les actions de surveillance des signes et symptômes; • 84 % consultent à court terme une ressource médicale (médecin généraliste 54 %) pour résoudre le problème lorsque recommandé par l’infirmière; Les variables le plus souvent associées aux actions sont l’âge et la scolarité. Les liens statistiques observés sont toutefois trop faibles pour avoir une portée pratique pour l’intervention à Info-Santé. L’économie réalisée L’économie réalisée est estimée à partir des intentions exprimées par les usagers. Nous avons en effet demandé à l’ensemble des répondants d’indiquer vers quelles ressources ils se seraient dirigés si Info-Santé n’existait pas. Les résultats révèlent que le service d’urgence est encore la première ressource envisagée (31 %) en l’absence du service Info-Santé. La deuxième ressource envisagée est le médecin de famille ou médecin généraliste (27 %), suivie du CLSC (6 %) VOLUME 89, NO. 2 SATISFACTION, AUTONOMIE ET ÉCONOMIE ou de la clinique externe d’un hôpital (6 %). Le recours à un médecin spécialiste n’est pas souvent mentionné (4 %). Un faible pourcentage (6 %) n’aurait pas consulté une autre ressource de toute manière. Enfin, dans certains cas, les gens auraient consulté d’autres types de ressources telles un pharmacien (5 %) et d’autres (7 %) auraient eu recours à un parent ou à un ami. Quelle que soit la nature du lieu physique de la ressource envisagée, il semble y avoir un dénominateur commun dans les intentions des usagers du service Info-Santé : en l’absence du service Info-Santé, une proportion de 76 % auraient consulté une ressource médicale, le plus vraisemblablement un omnipraticien dans l’une ou l’autre des structures du système de santé (urgence, clinique externe, cabinet privé). La liste analytique des activités principales par sous-centre et par établissement pour l’année financière terminée le 31 mars 1995, 2 le budget annuel 1995-96 3 d’Info-Santé et les statistiques de la RAMQ4 ont servi de base pour comparer le coût unitaire moyen d’une visite à l’urgence et en clinique externe avec le coût unitaire d’un appel à Info-Santé : visite à l’urgence (52,39 $), clinique externe (15,41 $) et Info-santé (10,63 $). L’honoraire du médecin n’étant pas comptabilisé dans ce montant puisqu’il s’agit d’un coût défrayé par la RAMQ, nous y avons ajouté le coût minimal pour un examen ordinaire variant de 10,00 $ à 15,75 $ selon le lieu de pratique du médecin. Le coût du traitement d’un appel par l’infirmière d’Info-Santé est de 6,00 $ (taux horaire moyen/nombre d’appels pour chaque heure). L’économie réalisée sur une période de quatre mois a été extrapolée pour une période d’un an. Elle a été calculée en tenant pour acquis que l’échantillon est représentatif de la population visée, soit la clientèle ayant utilisé le service Info-Santé sur cette période de quatre mois. Ainsi le dénominateur de référence ne serait donc plus de 236 personnes (60 % de l’échantillon = 394 appels) mais plutôt de plus ou moins 35 206 personnes (60 % de la population visée, N = 58 676 appels) soit le nombre de personnes utilisant le service Info-Santé CLSC et recevant uniquement des informations et/ou conseils de la part de l’infirmière sans être explicitement MARCH – APRIL 1998 référées à d’autres ressources professionnelles médicales. Ces personnes utilisent donc en principe une seule ressource du réseau : Info-Santé CLSC. En se référant à la répartition des intentions des usagers telle que décrite précédemment, nous avons calculé les coûts associés aux recours évités à d’autres services et ressources du réseau : 10 913 visites à l’urgence (680 862,07 $), 2 042 visites en clinique externe (51 887,22 $), 9 646 visites en cabinet médical privé (141 796,20 $) et 2 112 visites aux services courants d’un CLSC (21 120,00 $). Ceci représente une facture totale de 895 665,49 $. Les coûts d’utilisation du service Info-Santé par 24 713 personnes ayant reçu des conseils sans avoir à recourir à une ressource médicale (10,63 $, coût unitaire d’un appel à Info-Santé) sont de 262 699,19 $. On constate donc une économie totale de 632 966,30 $ pour une période de quatre mois et une économie annuelle de 1 898 898,90 $. Cette économie annuelle de près de deux millions de dollars est de plus une estimation plutôt conservatrice car elle ne tient pas compte des consultations possibles auprès d’un médecin spécialiste, ni de la récurrence des visites médicales reliée au suivi souvent recommandé aux usagers pour évaluer l’évolution de la situation. DISCUSSION Les sujets de la présente étude ont été sélectionnés par un procédé d’échantillonnage aléatoire proportionnel au nombre d’appels par quart de travail pour le service Info-Santé s’adressant à la population en général. D’emblée, il faut souligner qu’Info-Santé général s’adresse à une clientèle qui exclue les personnes inscrites aux services d’accessibilité 24/7 (maintien à domicile), la ligne spécialisée MTS provinciale, la télésurveillance pour les personnes âgées et le service alerte et coordination des urgences. Il n’est donc pas surprenant de constater que le profil des répondants ne correspond pas nécessairement au profil de certains groupes de la population en général, notamment la population des personnes âgées de 65 ans et plus (7 % dans l’étude et 12 % dans la population). De plus les personnes qui appellent à Info- Santé sont plus scolarisées que la population en général (21 % dans l’étude vs près de 10 % dans la population). Info-Santé général ne rejoint donc pas nécessairement les clientèles les plus utilisatrices des services d’urgence ou des autres ressources du réseau. Il faut en conséquence nuancer les résultats concernant les recours évités. D’une part, si les personnes qui appellent à Info-Santé général étaient effectivement celles qui, en général, consomment plus régulièrement les services les plus coûteux, il est possible que l’estimation de l’économie réalisée ait été différente de celle présentée ici. D’autre part, on peut aussi s’interroger si Info-Santé général rejoignait davantage les personnes potentiellement moins outillées (en faisant référence à la scolarité) pour résoudre elles-mêmes leurs problèmes de santé, ces personnes auraientelles déclaré dans les mêmes proportions, être plus en mesure de solutionner ellesmêmes leur problème après un appel à Info-Santé. Les personnes interrogées dans la présente étude représentent davantage une certaine partie de la population qui a recours à un service de première ligne pour s’éviter des démarches souvent inutiles et pour mettre à profit leur potentiel de participation à la résolution des problèmes de santé mineurs et courants. Nous n’avons aucune raison a priori de croire que l’échantillon soit biaisé quant à sa représentativité pour les périodes d’achalandage du service Info-Santé général. Il faut par ailleurs questionner le fait que pour chaque usager sélectionné, il n’y avait qu’un essai pour le rejoindre faute de quoi l’usager éligible suivant était sélectionné. Un total de 1 152 appels de relance téléphonique ont ainsi été faits. De ce nombre, 758 se sont avérés impossibles au moment prévu pour diverses raisons, dont la principale est l’absence de l’usager au moment de la relance ou la présence d’un répondeur téléphonique (N = 586). Un nombre de 172 personnes ont été rejointes, mais pour diverses raisons, elles ne pouvaient participer à l’étude. Parmi celles-ci, une seule s’est dite insatisfaite globalement du service Info-Santé et 11 ont souligné une insatisfaction. Même si les autres 160 personnes rejointes qui n’ont pu participer à l’étude avaient déclaré être très insatisfaites du service Info-Santé, elles n’auraient pas changé CANADIAN JOURNAL OF PUBLIC HEALTH 127 SATISFACTION, AUTONOMIE ET ÉCONOMIE les résultats globaux sur la satisfaction puisqu’elles ne constituent que 14 % de l’ensemble (N = 1 152) des appels de relance. Quant aux 758 personnes non rejointes, aucun indice ne nous permet de croire à leur insatisfaction du service InfoSanté. Elles peuvent par ailleurs présenter des caractéristiques particulières telles être les personnes les plus occupées et les personnes qui s’absentent plus souvent et plus longtemps de leur domicile. Au total, 53 périodes de relances téléphoniques ont été réalisées par l’intervieweuse (16 en matinée, 10 en après-midi et 27 en soirée). Cette répartition des périodes de relance avait pour but de maximiser les chances de rejoindre le plus de personnes éligibles possibles. Les résultats observés dans cette étude évaluative sont en général très positifs et ce tant pour la satisfaction des usagers que pour leur capacité d’auto-soin. Le taux de satisfaction des usagers du service Info-Santé de Québec s’apparente largement à ceux observés dans les études évaluatives des services Info-Santé d’autres régions du Québec tels que relatés dans le document intitulé « Portrait des services existants et synthèse des évaluations antérieures.»1 Ces études évaluatives ont également été faites par des relances téléphoniques auprès d’échantillons aléatoires de tailles variables (96 à 1 200 sujets). Dans la présente étude, on observe cependant un taux d’usagers assez insatisfaits du délai d’attente et de la cohérence des informations reçues pour le même problème de la part d’Info-Santé comparées à celles reçues de d’autres ressources professionnelles. Dans le premier cas, l’insatisfaction reliée au délai d’attente (moyenne de la durée d’attente perçue = 12 minutes) n’est pas surprenante. Les gens s’attendent vraisemblablement à une réponse plus rapide si on se réfère à la proportion de personnes inquiètes et nerveuses au moment de l’appel. Quant à l’insatisfaction à l’égard de la cohérence des informations reçues, il faut apporter certaines réserves. L’information recueillie est très subjective et rien ne nous permettait d’établir si les personnes ont posé les mêmes questions aux différentes personnes consultées. Il faut néanmoins considérer cette information comme importante puisque si les usagers ont la perception qu’ils reçoivent des informations et 128 des conseils contradictoires, sans doute seront-ils moins enclins à consulter une ressource qui leur est moins familière et dont ils connaissent moins la valeur. Qu’en est-il de la validité des résultats sur l’autonomie ou la capacité d’auto-soin ? Cette variable a été mesurée à partir de la perception des usagers. Les résultats généralement positifs à l’égard de la capacité de prise en charge chez les usagers interrogés dans la présente étude s’apparentent aux résultats observés dans les autres études évaluatives réalisées antérieurement dans d’autres régions de Québec.1 Quel intérêt l’usager aurait-il à déclarer une réalité factice ? Le fait que la très grande majorité des usagers affirme être satisfaite du service Info-Santé milite en faveur de la véracité de leurs affirmations à l’égard de leur capacité d’auto-soin suite à l’appel. Finalement, l’estimation d’une économie potentielle de près de deux millions de dollars annuellement pour la seule région de Québec à partir de l’analyse des intentions des usagers doit être regardée avec réserve. Certes, cette donnée présente une limite au niveau de la validité puisqu’il est difficile d’évaluer la probabilité des actions résultant des intentions. Quelle distance y a-t-il en effet entre l’intention et l’action ? On ne peut y répondre de façon précise d’autant plus que la population étudiée n’est pas nécessairement celle qui utilise le plus les diverses ressources professionnelles. Mais si on considère l’état de nervosité et d’inquiétude avoué par plus de 67 % des usagers et le faible pourcentage (5,6 %) d’usagers ayant affirmé ne pas avoir eu l’intention de consulter une autre ressource même si Info-Santé n’avait pas existé, on peut au moins croire qu’une bonne proportion des personnes relancées auraient consulté cette autre ressource pour réduire leur inquiétude en agissant rapidement sur le problème et en obtenant réponses à leurs questions. Ces économies potentielles sont non négligeables. CONCLUSION Cette étude descriptive révèle que le service Info-Santé de la région de Québec atteint de façon générale ses objectifs de satisfaction et de développement de la capacité de prise en charge chez les usagers de la population en général. Par sa contribution REVUE CANADIENNE DE SANTÉ PUBLIQUE spécifique, le service Info-Santé semble réduire les coûts associés au recours systématique à des ressources médicales lorsqu’ils ont besoin de conseils pour participer à la solution d’un problème de santé. La nature des intentions des usagers en l’absence du service Info-Santé met en évidence le caractère complémentaire du médecin omnipraticien et du service Info-Santé. Il semble donc qu’en première ligne, le service Info-Santé soit un service pertinent dans le contexte actuel où les ressources doivent être utilisées de façon coordonnée, rationalisée et en complémentarité avec les autres ressources disponibles du réseau. Dans le contexte économique actuel, ce type de service est vraisemblablement appelé à se développer tant en première ligne, c’est-à-dire comme premier contact de l’usager avec le réseau de la santé, que comme service de deuxième et troisième lignes pour le soutien et l’éducation à la santé des personnes souffrant de problèmes de santé chroniques. Dans une perspective de plus grande efficience, il serait nécessaire de poursuivre la recherche évaluative en portant un regard critique plus direct sur divers aspects du service, notamment, sur sa structure (centralisée et décentralisée), sur le processus du traitement de l’appel (évaluation du problème soumis, communication et fonction éducative), ainsi que sur la compétence réelle des usagers à appliquer les conseils fournis par l’infirmière suite à un appel à Info-Santé. BIBLIOGRAPHIE 1. Gouvernement du Québec. Services de réponse téléphonique 24/7. Portrait des services existants et synthèse des évaluations antérieures. Ministère de la Santé et des Services sociaux, rapport écrit par Lise Dunnigan, Service de l’évaluation de la couverture de la qualité des services, Direction de l’évaluation, 1995;77p. 2. Ministère de la Santé et des Services sociaux. La liste analytique des activités principales par souscentre et par établissement pour l’année financière terminée le 31 mars 1995. Coûts unitaires des services (visite à l’urgence, visite en clinique externe). MSSS, 1995. 3. Info-Santé CLSC -CLSC Haute-Ville de Québec Budget annuel 1995-96. Coût unitaire d’un appel à Info-Santé. 1996 (non-publié). 4. Régie de l’assurance maladie du Québec. Les statistiques de la RAMQ sur les coûts des services professionnels pour la période du 1er janvier 1995 au 31 décembre 1995. Québec, 1995. Reçu : 20 décembre 1996 Accepté : 9 juin 1997 VOLUME 89, NO. 2