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Encore quelques iours d'altente
!
Le lever de ridesu est prévu
pour le l8 iuin, iour de
présenlation des prololypes réulisés
dsns
le
csdre de Hsbrtat Créstion
Brelagne, une opération qui scelle
l'sllisnce du design et de lu filière
smeuhlemenl-agencement inlérieur
de
ls
maison
en Bretagne.
Le meuble breton est en petite forme
Née d'un constat des acteurs nationaux de l'industrie du meuble et
de structures régionales comme l'Arisi (Agence régionale d'information stratégique ei technologique de la CRCI Bretagne) ou ABI Bois
(association interprofessionnelle du bois en Bretagne), l'opération
Habitat Création Bretagne (HCB)veut donner un grand bol d'oxygène
à un secteur en proie à ses doutes.
"Jusque dans /es dernières décennies, le Grand Ouest jouait le rôle
de locomotive dans l'industrie du meuble en France, rappelle Olivier
Ferron d'ABl Bois. Selon les données recueillies par l'Unifa, la
Bretagne compte aujourd' hui seulement 41 établissements employant
1 600 salariés (contre 200 entreprises voilà vingt ans). lls représentent 5,1 % des établissements du secteur e|3,4 Yo des effectifs au
plan national. "On met souvent en évidence la disparition de nombreuses enfreprlses. ll faut pourtant relativiser, souligne Véronique Calvez,
déléguée régionale de l'Union nationale des industries françaises de
l'ameublement (Unifa). Le secteur comprend aussi bien le mobilier
domestique que celui des collectivités (estauration, hôtellerie, scolaire, hospitalier.'). Sur ce uéneau, la Bretagne accueille deuxtrès bel/es unlfés : MMO à Vitré-3T (350 personnes) et Hill-Rom à Pluvigner-56
(700 personnes). Même si le marché est difficile, car soumis à I'évoIution des remboursements par la sécurité sociale, il reste porteur:
sRilncNr ÉcoNoMrQUE. N"lBi. JUIN
JUILLET 2008
LES VERRERIES DE BRÉHAT {ILE DE BRÉHAT.2z)
Le choix du luxe
création de maisons de retraite, politique de
maintien à domicile... qui vont soutenir la
demande de mobilier spécialisé dans /es
années à venir".
Une concurrence frontale
sur le meuble de maison
Le choc est plus frontal sur le meuble de maison. La Bretagne est plutôt spécialisée dans
les meubles de style alors que l'habitat maison
est confronté à la concurrence de produits à
faible coût largement diffusés par les chaînes
de distribution (But, lkea, Conforama, etc).
Les comportements d'achat ont fortement
évolué : on n'achète plus une salle à manger
complète mais des meubles à l'unité. Mais la
région est aussi connue pour une densité
exceptionnelle de fabricants de cuisine et
d'aménageurs de salles de bains.
Comme dans de nombreux secteurs, les entre-
prises sont confrontées à la question de
la
i.j:.:::.,..
transmission et donc au maintien du centre de
décision en région "Certaines enfreprlses s'en
sortent très bien, reprend Olivier Ferron. Ce
sont ce//es qui ont fait le pari de la productivité
ef se sonf positionnées comme assemb/eurs,
en s'organisant, en sous-traitant une partie de Ia fabrication en
France ou à l'étranger, en achetant des pièces ou Ia quincail-
"tt faut souligner [e fait, qu'auiourd'hui, des enfrepdses
décident de s'investir pour fake de la créativité, déclare Yves
Neumager, le créateur des Verreries de Bréhat' Avec les
Bretons, lafilière n'a pas encore dit son dernier moL C'est
pourquoi j'ai répondu présent à l'une desentrepdses invesfi'es dans
HCB lorsqu'elle m'a sollicité. L'idée de la créati-
vité bretonneest en phase avec notre démarche", rappelle
le chef d'entreprise qui s'appuie sur "une identité insulaire
très appréciée" et une inspiration maritime plus discrète
pour créer une quincaillerie aux allures de bijoux' présente dans les hôtels et les magasins de luxe, de Londres
à Dubai, de la Russie à New York
.
lmplantées voilà dix ans à Bréhat par son créateur qui
cherchait à y installer une activité adisanale non saisonnière
mais capable d'attirer les touristes, les Verreries ont su saisir l'opportunité d'une demande de boules d'escalier pour
lancer ieur première collection. Associant le verre, le métal,
I'or et l'argent, elles offrent un service sur mesure aux plus
grands décorateurs et travaillent aussi avec des entreprises régionales : les carrelages Josse, les meubles Ménard
ou les escaliers Flin. Toujours à la recherche de nouveaux
débouchés, elles se sont rapprochées de Delta Dore, spécialiste dans la domotique. Les verreries de Bréhat se
sont vu décerner en 2006, le très sélectif label Entreprise
du patrimoine vivant.
BRETAGNE ÉCONOMIQUE.
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lerie en Europe ou ailleurs." Et de citer Alista en Pays de la Loire
et en Vendée , "un réseau de sous-traitanfs bien identifié' Le
meuble dolt aussl s'ouvrir à I'habitat: désormais on vend une
ambiance, un univers, on va vers Ia décoration, Ie luminaire' ' '" ,
précise Olivier Ferron qui a déjà dans ses carlons, des projets
de rapprochement avec le bois-construction : "N'oublions
o/o
que Ie marché de Ia maison bols progress e de 20 par
an, cela peut fournir de belles ouverlures à nos agenceurs et
pas
fabricants de mobilier."
Une cohérence bretonne
Dans ce contexte, Habitat Création Bretagne a pour objectif de
créer une cohérence bretonne dans la réponse à apporter aux
nouvelles façons de vivre et d'habiter, de l'adulescent au
senior: "On en attend une méthodologie pour mener des
projets collectifs par rapport àdes cibles bien identifiées et une
réftexion prospective qui permette à I'industrie bretonne
de combler un déficit d'image et le manque de marque
régionale", précise ainsi Philippe Jarniat du VIA (Valorisation de
l'innovation dans l'ameublement).
La direction artistique de l'opération à été confiée au designer
Philippe Daney. "Nous nous nous sornrnes orientés sur le design d'environnement, c'est-à-dire I'intérieur de Ia maison : meubles, Iuminaires, obfets de décoration. Pour nous, il s'agit non
pas d'expérimentation mais de s'appuyer sur la motivation
interne de l'entreprise pour amener de nouvelles solutions, en
réponse aux demandes émergentes des consommateurs. Le
meuble a perdu sa connotation régionale. Qul se souvie nt, par
exemple, du rouge de Guérande ? Nous avons cherché à
renouveler un esprit, une thématique bretonne, en s'appuyant
sur des valeurs comme la proximité mer-agriculture, les forles
Noyer, sycomore et dessus cuir pour le bureau Hiéroglyphe
réalisé par Yves Brand honneur
m'a encouragé à aller vers ce nouveau marché ce que je ne faipas. En collaboration avec les designers de Pupsam, je fais
des essars de couleurs, de matériaux, pour un projet de bureau
de direction qui puise son inspiration dans le cahier "Bretagne"
élaboré par Philippe Daney."
sars
HCB a aussi convaincu MAC, entreprise installée à Tinténiac
(35), spécialisée depuis 25 ans dans le meuble de collectivité
(restauration, salle de détente ou de réunion). MAC dispose de
plusieurs produits phares comme la chaise 2T3M (deux temps
trois mouvements), une chaise empilable facilitant le ménage.
fesprit d'innovation et d'esthétique caractérise l'entreprise qui,
même avec moins de dix salariés, rayonne sur le Grand Ouest
et travaille avec des designers (Philippe Daney, François
Josse). "Partictper à ce projet va nous booster dans la créa-
marées, I'accumulation des motifs, Ies couleurs... Entre les
participants, deslErners et industriels, des /lens se nouent, la
démarche esf très positive et devient un travail de groupe".
Au-delà de l'effet d'aubaine (disposer de la collaboration d'un
designer expérimenté pour une contribution symbolique), l'opérationl a séduit entreprises et arlisans. Président d'Ebénistes
créateurs de Bretagne, adhérent Abi bois, Yves Brand'honneur
(Saint-Armel-35), reconnaît "se poser plein de questions. Je suls
à la recherche d'une ouverture à une clientèle d'entreprises.
HCB
tion d'un siège senior qui associera esthétique et ergonomie.
Nous pourrons ainsi défricher un nouveau créneau de marché."
A padir des propositions du designer partenaire, Bruno Houssin,
l'entreprise fera ses choix en s'appuyant sur "son flair" : "Si on
y croit, ce sera bon et on lancera la production".
Les Ateliers du Grand-Fougeray implantés en llle-et-vilaine (35
personnes ) s'y sont également investis . Son dirigeant, Yves
Sallares, "observe /es tendances et l'évolution de la chambre
qui devient une suite parentale, un espace d'intimité qui doit
accueillir le lit, les livres, I'ordinateur, la coiffeuse, etc, lorsque
les enfants et petits-enfants occupent Ie reste de I'appartement.
Llavenir est au modulable et au sur-mesure". Si, généralement, le catalogue évolue "se/on /es remontées des commerciaux", cette fois I'entreprise a choisi de travailler main dans
la main avec Erwan Peron pour un prototype de lit senior.
"On va communiquer dans /a presse spécialisée, c'esf un fesf
dans le magasin, si ça marche, on lancera la production".
Le designer, qui travaille de manière régulière pour des fabricants, a ainsi proposé plusieurs versions du "lit à vivre Penn
IENTREpRtSE RENÉ TR0TEL (HÉNnNsrHEN-22)
Le meuble de style a encore sa place
Fleuron de l'ébénisterie française, l'entreprise René Trotel a bien failli disparaître
défendre la propriété intellectuelle (la
marque, les plans, les calibres, les dos-
Une entreprise des environs de Rennes,
sélectionnée sur sa capacité à respecter
totalement en 2007 des suites des
slers de fabrication).
les modes de fabrication, s'engage à
relancer la production, sous l'oeil
erreurs de gestion qui ont suivi la
transmission et provoqué la cessation
d'activité.
A I'initiative de Philippe Leterme, distributeur des meubles Trotel à Amiens,
vigilant de René ïrotel. Trois meubles
sont présentés au salon de Paris et 50
ventes réalisées, pour une gamme
dont les prix s'étagent de 7 000 à
de nombreux contacts sont pris auprès
'16
des élus pour maintenir l'activité de
l'entreprise costarmoricaine centenaire
à Hénanbihen. Démotivés, les anciens
salariés ne se sentent pas une âme
d'entrepreneurs, le passif social est
lourd. Une SARL est alors créée par
trois distributeurs (dont Philippe
Leterme), rejoints par René Trotel, pour
Le buffet du Trégor
000 euros. Ainsi, I'armoire de Saint-
Suliac, l'armoire du pays Pagan et le
petit buffet du Trégor continueront à
séduire une clientèle touchée par un
produit né "de la mémoire intacte dans
un monde quioublie". Le patrimoine
breton, cetui qui "se caresse, ou !'on
sent le rabot", a encore de belles heures à vivre," conclut René Trotel.
BRETAGNE ÉCOI'IOII,IIQUI. N'187. ]UIN-]U LLET
2OOB
F::,';;
pour Domelia, spécialiste du rangement, la collaboration avec un clesigner permet d'ouvrir des codes esthétiques et oser des matériaux nOuveaux
ar bed", et considère que "l'identité bretonne est un riche
terrain d'inspiration. Le succès repose aussisur la capacité de
I'industriel à se remettre en cause", à avoir "Ltne part d'audace
pour intégrer des /çnes contemporaines dans une collection
en 100 o/o ttlâssif".
Une relatlon cle confiance
La bonne entente entre le designer et l'industriel est la clé de
cette nouvelle orientation marché. Comme I'explique Berlrand
Pincemin, qui réfléchit à la conception d'une table basse avec
l'entreprise Perrouin (60 personnes dans la banlleue de Rennes),
"l'industriel prend un vrai risque en s'inféressant à un produit
qui ne fait pas partie de son activité traditionnelle. Le design
est décrié et a du mal à trouver sa place dans I'entreprise.
L'occasion nous est donné icide travailler avec un industriel
tocal, de connaître aussi I'état d'esprit des entreprises participantes et leur volonté d'intégrer Ie design dans leur stratégie" '
Avec une première mise à l'épreuve : le projet doit s'inscrire
dans une fourchette de prix et de contraintes techniques. "//
afallu faire très vite, sx mois à peine, pour réussir une rencontre entre des personnes et trouver une réponse à un besotn" '
Cette même urgence anime la collaboration entre François Elie
et Domelia (20 personnes à Rennes). Ce spécialiste du range-
CHRISTIAN TURRINI, MËUBLES TURRINI À POruT SCORFF (56}
"Trotrver une corcélation
entre l'entreprise, /e des igner et l'édtteur"
"Désormais,le design se /oge danstou'
tes /es créations. Dans Ie domaine du
meuble, la Bretagne n'a Pas encore
suffisamment pris le train du design, c'est
pourtant Ie plus sûr moyen de promou-
voir Ie savoir-faire régional et de
développer te chiffre d'àffaires de nos
entreprises", estime Christian Turrini.
Les meubles Turrini emploient soixante
personnes à Pont Scorff et travaillent
pour le compte de grands éditeurs de
BRETAGNE ÉCONOMIQUE. N"l87
.]U
N JU LLET 2OtlB
meubles. "Nous répondons à une démar'
che conjainte de l'éditeur et du designer
qui nous confient la mise au point et la
réalisation de leurs créations".
Christian Turrini s'est fait une priorité de
l'écoute du designer, car le dialogue est
parlois ardu : "le designer ne se fixe généralement aucune limite dans sa recherche
esthétique. Je me contente d'interpréter
ses dessrns pour trouver /es so/utlons
techniques qui aboutiront au produit".
Faire venir un designer dans l'entreprise
n'est pas difficile, "à condition d'être en
relation avec le réseau (l'éditeuf qui va
vendre le produit et Permettre une
rémunération attractive de lacréativité du
designer". C'est l'éditeur qui est le
plus sensible aux attentes du marché et
qui peui donner l'impulsion, c'est lui
qui détient la clé de cette démarche
d'innovation.