Des créateurs bleu-blanc-rouge qui bousculent le commerce en ligne

Transcription

Des créateurs bleu-blanc-rouge qui bousculent le commerce en ligne
Nicolas Cohen
Nicolas d’Audiffret
Loïc Duvernay
Des créateurs bleu-blanc-rouge
qui bousculent le commerce en ligne
Hélène Martinez
—
Le site Alittlemarket.com permet d’acheter en ligne près d’un million et demi
de créations d’artistes et d’artisans de la France entière. Le succès
de la plateforme et son expansion dans les secteurs de la mercerie et de l’épicerie
traduisent l’attrait des Français pour les produits artisanaux
et nationaux. Un marché porteur en passe de devenir un phénomène de société.
—
« made in France »
Les vendeurs et les acheteurs
se bousculent pour adhérer au concept.
Leur enthousiasme incite le trio à
renoncer à ses activités professionnelles
pour s’investir pleinement dans le
développement de la start-up. Chaque
année, la croissance dépasse 100 %.
Le site enregistre aujourd’hui 2 millions
de visites par mois et accueille chaque
jour de 40 à 80 nouveaux créateurs.
La vague politique et médiatique du
made in France vient soutenir le concept,
qui a pourtant quatre ans d’avance sur
celle-ci. Mais ses fondateurs mesurent
aussi l’inclination des consommateurs
à donner du sens à leurs achats. « Nous
observons une tendance de fond présente
en France depuis des années mais pas
toujours évidente à mettre en pratique
pour le consommateur. Nous répondons
à cette attente en informant l’internaute
sur l’origine du produit et son créateur.
« Les microentreprises et les artisans
représentent l’avenir de la production française.
Leurs produits ont une âme, une originalité
qu’il est impossible d’imiter ou même d’importer. »
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© Sophie Lepert/A LITTLE market
sur une plateforme d’e-commerce.
Ensemble, ils lancent l’aventure
A Little Market. Très vite, ils sollicitent
Loïc Duvernay pour réaliser un audit.
Celui qu’on appelle Super Loïc est
programmeur depuis près de vingt ans.
Il rejoint finalement le binôme pour
prendre les rênes du projet. Il assume
aujourd’hui le rôle de directeur technique
de la plateforme, mise en ligne en 2008.
© Sophie Lepert/A LITTLE market
Un jour de 2007, dans le Sud-Ouest
de la France, Nicolas et Nicolas
rencontrent Igor. Le premier, Nicolas
Cohen, mène alors une carrière dans
l’industrie à la suite d’une formation
d’ingénieur à l’École des arts et métiers
et entrepreneuriale à HEC. Le second,
Nicolas d’Audiffret, diplômé de l’ESCP
Europe, exerce dans un cabinet
de conseil en stratégie entre Paris
et San Francisco. Tous deux nourrissent
l’ambition de bâtir un projet
d’entreprise sociale. Igor Gaignault,
artisan spécialisé dans les arts de la table
et le travail de l’ardoise, leur exprime
son aversion pour le versant
commercial de son métier. Cela inspire
une idée au deux Nicolas. Il existe
en France des milliers d’artisans comme
Igor. Ils ont de l’or dans les mains
mais pas forcément dans les poches.
Ils ont le talent artistique mais pas
nécessairement la fibre commerciale.
Ils existent dans toutes les régions
de France mais sont parfois éloignés
de leurs prospects. Les futurs associés
flairent le potentiel d’Internet
pour la diffusion et la distribution
de ces créations artisanales. Ainsi naît
l’envie de rassembler artistes et artisans
© Sophie Lepert/A LITTLE market
© Sophie Lepert/A LITTLE market
Lancé en
décembre 2008
par un trio
de jeunes
entrepreneurs
(page de gauche),
A little market
fédère une
importante
communauté
d’artisans
et de créateurs.
L’essor de la plateforme est proportionnel
à l’engouement des Français pour le made
in France », précise Nicolas d’Audiffret.
A Little Market facilite ainsi la vente
pour les 63 000 créateurs qu’elle
représente aujourd’hui, et ne prend
que 5 % de commission sur chaque
vente contre 60 % chez un distributeur
traditionnel. Les vendeurs affichent
ainsi des prix convenables. Et le public
en bénéficie directement.
Les entrepreneurs allouent une
importance toute particulière au lien
social. Dans l’univers déshumanisé
du web, ils favorisent l’échange entre
les créateurs et leurs clients via
une messagerie interne dynamique.
we demain initiative
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A Little Market se refuse à investir
dans une campagne marketing
classique. « Le bien-être de nos membres
– au nombre de 450 000 – est le meilleur
des marketings », assure Nicolas
d’Audiffret. C’est précisément la tâche
qui incombe à l’équipe « bien-être
et loyauté » – comprenez service
client – : veiller à la satisfaction
de la communauté, entretenir une
proximité entre ses membres. Depuis
2009, plusieurs événements ont été
organisés. En juin 2013, la 3e édition
des Journées du fait main a rassemblé
plus de 100 événements à travers
la France le temps d’un week-end :
des ventes, des expositions, des ateliers
et des démonstrations avec les créateurs.
Le but : revaloriser l’artisanat
et le savoir-faire français. En décembre
prochain, le premier Noël des créateurs
aura lieu partout dans l’Hexagone
sur le même principe d’exposition
et de vente de créations locales.
A Little Market est enfin à l’initiative
du Tremplin des créateurs, premier
concours visant à élire sur Internet
les meilleurs créateurs de France
dans les domaines de la décoration,
des bijoux, de la mode et des accessoires.
Les vainqueurs sont récompensés
par des prix leur permettant de gagner
en visibilité.
« do it yourself »
En cinq ans, A Little Market
s’est imposé sur le web. Conscients
des valeurs positives véhiculées
par ce mode de consommation
alternatif en plein essor, les fondateurs
déclinent la formule. En 2010,
A Little Mercerie lance la vente
d’articles de confection aux créateurs
amateurs et professionnels. Avec
12 000 vendeurs et 474 000 références,
le site atteste aujourd’hui
un changement des comportements
et la vogue du « do it yourself ».
Le secteur alimentaire connaît
également des mutations ?
A Little Épicerie propose depuis
mars 2013 l’achat de produits du terroir
directement auprès des producteurs,
favorisant les circuits courts.
Nicolas d’Audiffret en est convaincu :
« Les microentreprises et les artisans
représentent l’avenir de la production
française. Ils n’entrent pas en concurrence
avec les pays fabriquant à moindre
coût. Leurs produits ont une âme,
une originalité qu’il est impossible d’imiter
ou même d’importer. Notre rôle est de
développer ce type de consommation. » u
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