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UNIVERSITE PERMANENTE
La semaine de 4 jours
Combattre les idées reçues
Déclaration universelle des droits de l’Homme (Nations Unies, 1948) :
« Tout être humain a droit au repos, au temps libre, à une limitation des heures de travail et à des
congés payés. »
Depuis les années 1930, la réduction du temps de travail a toujours été au cœur du débat
idéologique chez les socialistes. Mais la crise de la fin des années 2000 et le slogan de 2007
« travailler plus pour gagner plus » ont fait mal voir le repos, les loisirs et les vacances, laissant
reposer une grande partie de l’origine de la crise économique de 2008 sur les faux arguments
d’un manque de « compétitivité du travail » en Europe.
Durant ces crises, le maître-mot des chantres du néolibéralisme reste bien celui de
rétablissement de la compétitivité. Dit autrement, patronat et droite, pour nous sortir de la crise, ne
proposent rien d’autre que de diminuer les salaires et d’accroître le nombre d’heures travaillées.
Quitte à revenir sur les droits acquis par les travailleurs au cours du temps. Les socialistes militent
pour une réduction du temps de travail (RTT) au nom de la démocratie et de l’émancipation des
individus qu’elle suppose.
A bien des égards, la réduction du temps de travail est fondamentale pour le nouveau modèle
de développement qu’il nous faut urgemment inventer. En effet, au-delà du sujet du temps libéré,
la réduction du temps de travail est une nécessité pour sortir des crises économique, écologique,
sociale, démocratique. Pouvons-nous réellement attendre le retour de la croissance pour réduire
les inégalités sociales, créer des milliers d’emplois, tout en réduisant drastiquement nos
émissions de Gaz à Effet de Serre ?
Un combat historique des socialistes d’une actualité urgente
Si la gauche est fière d’un héritage, elle reste trop souvent sans voix face aux assauts de la droite
qui accuse cette mesure de plomber notre économie. Pourtant, c’est parce que nous traversons
une crise que les socialistes doivent se montrer audacieux et innovants en proposant la semaine
des 32 heures. Il y a à cela au moins trois raisons fondamentales : l’ampleur du chômage avec
10% de la population active en France (soit près de 3 millions de chômeurs et ce nombre passe à
5 millions en comptabilisant les temps partiels subis) et 10,9% dans la zone euro ; la certitude de
ressources énergétiques limitées nous oblige à penser le plein emploi avec un taux de
croissance naturel plus bas qu’espéré ; une nécessaire meilleure répartition des richesses
produites quand les gains de productivité sont accaparés par le capital au détriment des
travailleurs.
L’urgence écologique nous oblige à penser un autre modèle de développement, faiblement
émetteur en carbone, fortement émetteur en emplois, reposant la question d’autres indicateurs
de richesses produites. La crise écologique qui se traduit par la prise de conscience de ressources
naturelles limitées nous oblige à penser des sociétés dans lesquelles les taux de croissance
naturels seront trop peu élevés pour créer massivement de l’emploi. Les socialistes doivent
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l’affirmer : peu importe la croissance, c’est sur la répartition que nous devons agir. Il n’est pas
normal que certains ne puissent pas travailler. C’est pourquoi les 32 heures hebdomadaires (ou
la semaine de 4 jours) sont nécessaires, comme l’ont compris certains patrons, et permettent de
créer des emplois sans forcément attendre une croissance de plus en plus hypothétique. Déjà en
1993, Antoine Riboud, fondateur de BSN Danone, affirmait haut et fort « il faut passer à quatre
jours, 32 heures, sans étape intermédiaire. C’est le seul moyen d’obliger les entreprises à créer
des emplois » .
La démocratie que nous portons en tant que socialistes n’est pas compatible avec les inégalités
sociales et économiques croissantes fragmentant notre société. Ne voulons-nous pas répondre à
l’urgence sociale ? Pourtant, la croissance ralentie que connaissent nos économies nous
empêche d’attendre que les emplois reviennent quand la croissance reviendra.
Réduction du temps de travail : productivité, progrès technique et
création d’emplois
Il convient alors de mener la bataille culturelle et de revenir sur les arguments de nos adversaires.
Sur un siècle et demi la durée du travail a diminué en France de presque la moitié. Pourtant, la
production a été multipliée par 13, la productivité multipliée par 26.
•
La réduction du tem ps de travail est une incitation à l’innovation
technologique, les entreprises ont alors intérêt à moderniser leur outil de production. De
même en permettant l’accroissement du revenu des nouveaux employés, elle accroit la
demande en participant à la relance de la consommation.
•
La RTT n’est pas un frein à la productivité et à l’em ploi. Ce n’est pas parce que
le temps de travail individuel diminue que le volume de travail global effectué dans la
société diminue. Au contraire, elle provoque le plus souvent une augmentation de la
productivité, notamment grâce aux accidents et à la fatigue moindres (que certains
estiment coûter 4% du PIB des pays industrialisés). Dans toute l’Europe, on produit plus en
travaillant moins. C’est ce qui explique en partie que les travailleurs allemands à temps
plein étaient à 30,3h par semaine avant 2008.
•
Contrairement à ce qu’affirme la droite, aucune étude économ étrique en Europe
ou aux Etats-Unis n’établit avec certitude que la baisse des salaires
entraine autom atiquem ent une hausse de l’em ploi. De même, aucune étude
n’établit avec certitude d’effets négatifs de la réduction du temps de travail sur la création
d’emplois. Ainsi, une étude de la DARES en 2004 conclue que se sont 350 000 postes sur
la période 1998-2002, qui ont été créés dans cette période de mise en place des 35h,
sans déséquilibre financier pour les entreprises.
Réduction du temps de travail : mieux répartir les richesses pour
renforcer notre démocratie
La RTT remplace la surcharge de travail des uns par l’insertion des autres en obligeant à une plus
juste répartition des richesses produites. A la critique qui nous est souvent faite sous la forme «
Vous répartissez un gâteau dont la taille reste identique alors que nous [la droite] nous cherchons
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la croissance pour en accroitre la taille », n’ayons pas peur de répondre par l’affirmative. Oui,
quand la part est trop importante, les socialistes trouvent juste de redécouper le gâteau afin
d’assurer un morceau aux sans parts. Or, si la répartition de la valeur ajoutée entre travail et
capital reste à peu près constante dans le temps, c’est la ventilation de cette répartition qui est de
plus en plus inégalitaire.
Alors que le travail est de plus en plus coopératif (économie de réseau), il est dans la logique des
choses d’envisager la productivité sous l’angle collectif. Les plus riches accaparent les fruits de la
croissance tandis que les plus pauvres s’appauvrissent. C’est ce qui explique en France la hausse
du nombre de millionnaires quand le nombre de personne vivant sous le seuil minimum de
pauvreté ne cesse de croitre lui aussi. Les socialistes doivent poser la question de la répartition
sociale des gains de productivité (des fruits de la croissance). Cela passe par une RTT financée
par des prélèvements sur les plus fortunées de nos concitoyens.
De plus, les socialistes doivent aussi avec le débat des 32 heures mettre en avant une autre
conception de la richesse. A l’accusation que les néolibéraux porteront de favoriser un travail non
productif, nous répondrons que la hausse du PIB (Produit Intérieur Brut) ces dernières années
s’explique au contraire par la définition d’une valeur d’échange, donc marchande, à ce qui
n’avait avant qu’une valeur d’usage. Pour exemple, la sœur dans un hospice qui n’avait pas de
salaire a été remplacée par une infirmière dont le salaire est comptabilisé dans le PIB.
Enfin, conquérir les 32h, c’est remettre en cause le dogme actuel et absurde du PIB comme seul
indicateur de richesses. Il n’est pourtant que l’outil capitaliste de contrôle de notre modèle de
développement sous le seul prisme de la croissance. Catastrophes écologiques, sociales, dues à
une répartition des richesses produites toujours plus inégales en sont les conséquences directes.
Mais une action politique doit voir son efficacité mesurée à moyen et long terme et non pas avec
les seuls termes économiques. Voilà bien le clivage. Quand la critique par la droite de la
réduction du temps de travail hebdomadaire à 35h ne prenait pas en compte ces éléments :
temps supplémentaire consacré à la société, à ses proches, aux loisirs, au repos bénéfique pour
la santé, répartition du travail entre plus de personnes et donc baisse du chômage, etc.
Le but de tous socialistes est le progrès social, c’est à dire l’amélioration des conditions de vie des
membres d’une société, prises au sens large. Mais le progrès humain se mesure principalement
en fonction de ses conséquences sur les autres humains. Il ne saurait être prôné aux dépends de
ses concitoyens et de la planète. C’est le sens du nouveau modèle de développement que nous
prônons. C’est une démarche qui lie maîtrise individuelle et collective du temps, bref une
démarche démocratique.
Pour parvenir aux 32h en France, il faudra :
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Une négociation collective et nationale avec les partenaires sociaux et entreprises
•
Un dialogue social long
•
Que cette imposition ne se fasse pas au détriment de la stabilité des emplois créés : des
exonérations de cotisations sociales en échange d’embauche en CDI seront imposées
La réduction du temps de travail est au centre de notre projet de société. Au delà de
l’indispensable lutte contre le chômage et d’une plus juste répartition des richesses, c’est un
vecteur d’émancipation permis par une société du temps libéré.
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La question de la durée du travail hebdomadaire a été posée mais il s’agit aussi pour nous de
réfléchir au temps de travail sur l’année avec la sixième semaine de congés payés et sur la vie
toute entière avec tant la retraite à 60 ans que l’allongement des congés parentaux ou encore
des semestres ou années sabbatiques.
Pour reprendre les termes d’André Gortz
« La réduction de la durée de travail ne présentera pas de valeur libératrice ni ne changera la
société si elle sert seulement à redistribuer le travail et à réduire le chômage. La réduction de la
durée du travail n’est pas seulement un moyen de gestion du système, elle est aussi une fin en
elle-même pour autant qu’elle réduit les contraintes systémiques et les aliénations que la
participation au processus social de production fait peser sur les individus. Pour autant, d’autre
part, qu’elle élargit l’espace des activités autodéterminées individuelles et collectives ».
Conseils bibliographiques
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André Gortz Capitalisme, socialisme, écologie, édition Galilée, 1991
Pierre Larrouturou, C’est plus grave que ce qu’on vous dit…mais on peut s’en sortir,
éditions Nova, 2012
Pierre Larrouturou, Urgence sociale : Changer le pansement ou penser le changement ?
Pour un sursaut citoyen, Editions Ramsay, 2006
Dominique Méda, Le travail : une valeur en voie de disparition ?, édition Flammarion,
2010
Jean Viard, Le sacre du temps libre, la société des 35heures, éditions L’aube, 2009
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