Journal l`Express - Devenir papa sans être marié, un choix

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Journal l`Express - Devenir papa sans être marié, un choix
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L'EXPRESS / VENDREDI 20 JUIN 2008
Dans le canton, le nombre de naissances
hors mariage dépasse la moyenne suisse
L’autorité parentale conjointe
bientôt débattue au Parlement
La majorité des naissances en Suisse surviennent dans le cadre d’un mariage.
Mais la proportion de naissances hors mariage a quadruplé depuis 1970.
Dans le canton de Neuchâtel, 17,3% de naissances ont eu lieu hors mariage
en 2006. C’est plus que la moyenne suisse, située à 15,4%. /vgi
Moment très attendu par les groupes de soutien des pères:
le Parlement suisse devrait débattre à l’automne du postulat
Wehrli, qui prévoit que l’autorité parentale conjointe devienne
la règle pour les parents divorcés ou non mariés. /vgi
GARDE D’ENFANTS
Devenir papa sans être marié,
un choix qui peut se révéler risqué
VIRGINIE GIROUD
est incroyable!
L’enfant serait
quand même
mieux avec son
papa, plutôt que dans un foyer
avec des étrangers!» Sébastien, de
Saint-Aubin, ne supporte plus la
situation: son fils de trois mois,
qu’il a eu avec une femme à laquelle il n’est pas marié, est actuellement placé dans un foyer
de La Chaux-de-Fonds, car la
mère vient d’être internée dans
un hôpital. «J’aimerais pouvoir
ramener mon fils chez moi. Mais
je ne peux pas, tout simplement
parce que je ne suis pas marié à la
mère!»
Le jeune homme, aujourd’hui
séparé de la maman qui est sous
tutelle, vient de demander à l’autorité tutélaire s’il pouvait rendre
visite à son enfant plus souvent.
Réponse: il le voit déjà suffisamment. «Dès la maternité, j’ai eu
l’impression d’être mis à l’écart»,
regrette Sébastien, 26 ans.
Cette situation n’étonne guère
Felipe Fernandez, secrétaire de
l’association Père pour toujours,
basée à Genève: «Le nombre de
couples non mariés est de plus en
plus élevé, et le nombre d’enfants
qui naissent hors mariage augmente constamment. Il y a des
tas de cas similaires!»
Pour lui, le problème réside
«C’
dans le fait que la société évolue,
et que les lois suisses ne suivent
pas. Selon le code civil, «si la mère
n’est pas mariée avec le père, l’autorité parentale appartient à la
mère» (art. 298). «La législation
favorise très nettement la femme.
Nous avons de nombreux cas
dramatiques de pères qui ne peuvent plus voir leurs enfants», regrette Felipe Fernandez.
Patrick Robinson, président du
mouvement pour la condition
paternelle neuchâteloise, ajoute
qu’il reçoit «de nombreux téléphones. Des pères s’adressent à
moi, parfois en pleurs, parce
qu’ils n’arrivent pas à voir leurs
enfants. Pourtant, tous les spécialistes de l’enfance sont d’accord
sur le fait qu’un contact régulier
entre les enfants et leurs deux parents est nécessaire pour leur développement équilibré.»
Actuellement, un postulat déposé en 2004 aux Chambres fédérales est en cours d’étude en
commission. Il demande que
l’autorité parentale conjointe soit
la règle pour les parents divorcés
ou non mariés.
Mais d’ici là, «les pères non mariés dépendront du bon vouloir
de madame», constate Felipe Fernandez. A moins qu’ils entament
une procédure difficile (lire cicontre) pour obtenir l’autorité
parentale ou la garde. Sébastien,
qui a tout de suite reconnu son
enfant, vient justement de lancer
une procédure: «Mon avocat a
demandé la garde totale de l’enfant, étant donné que la mère
n’est pas apte à s’occuper de mon
fils.»
Son mandataire a bon espoir:
«La mère va très mal, mais l’enfant est en lieu sûr dans le foyer.»
L’avocat reconnaît toutefois que
«tout aurait été plus simple si le
couple avait été marié»... /VGI
«Des pères
s’adressent à moi,
parfois en pleurs,
parce qu’ils
n’arrivent pas à
voir leurs enfants»
Felipe Fernandez
CONFLITS? Selon l’association Père pour toujours, «tous les spécialistes sont d’accord sur le fait qu’un contact
(KEYSTONE)
régulier entre les enfants et leurs deux parents est nécessaire pour un développement équilibré.»
«Les parents ne sont pas mariés? Le père n’a rien à dire»
Sébastien se plaint de ne pas pouvoir rendre
visite à son fils plus souvent. Selon lui, sa
tutrice estime qu’il le voit assez. Pourquoi le
service des mineurs et tutelles n’autorise-t-il
pas plus de visites?
Christian Fellrath, chef du Service des
mineurs et tutelles: Je ne peux pas vous
donner d’informations sur des cas particuliers.
Mais si cet homme n’est pas satisfait de nos
explications, il a le droit de saisir l’autorité de
recours.
les géniteurs ne sont pas mariés. Le père n’a
rien à dire. Et il lui est en général difficile
d’obtenir l’autorité parentale conjointe. Pour
cela, il lui faut au minimum l’accord de la
mère. Puis une enquête doit être effectuée.
d’avoir des relations personnelles avec l’enfant.
Mais il est vrai que le parent qui détient
l’autorité parentale - d’office la mère - a les
pleins pouvoirs sur la vie de son enfant. Il
choisit le lieu de domicile, l’éducation, etc.
Le fait que les parents ne soient pas mariés
peut donc poser problème. Et s’ils étaient
pacsés?
Le pacs ne remplace pas le mariage au
niveau du droit de la famille. Avec un couple
pacsé, le régime «non marié» s’applique.
Il a d’ailleurs fait une demande pour obtenir
la garde totale. A-t-elle des chances
d’aboutir?
En définitive, quels sont les droits d’un père
qui a eu un enfant hors mariage?
Je ne peux pas répondre sur ce cas. Mais
d’un point de vue juridique, la mère est la seule
à obtenir l’autorité parentale d’office lorsque
A partir du moment où le père reconnaît son
enfant, il a un devoir: celui de verser une
pension pour l’enfant. Et il a un droit: celui
Votre service a 3000 dossiers d’enfants à
traiter pour le canton. Dont le tiers concerne
des problèmes de droit de visite. Nos enfants
sont-ils traumatisés?
Ces problèmes sont traumatisants pour tout
le monde. Et j’ai un grand reproche à formuler
aux parents: «Quand on parle de ses enfants, il
faut parler entre papa et maman! Et laisser ses
chamailleries de côté lorsque les petits sont
présents. Car les dégâts sont véritablement
importants lorsqu’un enfant est au cœur d’un
conflit. Ce qui prime, c’est son bien-être.» /vgi
Oui, un géniteur a le droit de ne plus voir ses enfants...
Les parents qui ont des enfants hors
mariage ne sont évidemment pas les
seuls à être exposés à des problèmes
de garde d’enfants. Les conflits sont
parfois tout aussi douloureux lorsque
les enfants ont été conçus dans le
cadre d’une union, et que cette union
dysfonctionne.
Victoria (prénom d’emprunt), mère
de deux enfants dont elle a l’autorité
parentale, est effondrée: depuis
plusieurs mois, son ex-mari ne
s’occupe plus de leurs deux enfants un
week-end sur deux et le mercredi,
comme le prévoyait le jugement de
divorce. «Il se désengage totalement en
prétextant des impératifs
professionnels, et refuse d’assumer ses
responsabilités de père et d’honorer
son droit de visite», regrette cette
habitante de Colombier.
Pire selon elle: la justice
neuchâteloise défend le fonctionnement
SURPRENANT La justice neuchâteloise
rappelle que «le droit de visite est un droit,
(KEYSTONE)
et non pas une obligation».
du père. «Le droit de visite est un droit,
et non pas une obligation», a statué
Pierre Aubert, président de l’Autorité
tutélaire du district de Neuchâtel, en se
basant sur le code civil suisse. Dans
une ordonnance du 11 juin 2008, il
rappelle qu’il appartient au géniteur qui
a la garde des enfants «d’assumer leur
bien-être quotidien». Selon le juge, le
père doit s’organiser «loyalement pour
exercer un droit qu’il a lui-même
demandé, mais nul n’est à l’abri
d’impératifs professionnels».
Pierre Aubert a donc signifié à
Victoria qu’elle a «l’obligation» de
veiller sur ses enfants, «de les accueillir
même aux dates où ils devraient
normalement être chez leur père,
lorsque celui-ci en est empêché pour
des raisons objectives.» La maman
risque même une «peine d’amende» si
elle ne s’occupe pas des enfants
lorsque le père a son droit de visite.
Une décision qui attriste Victoria. «Je
suis assistante sociale, et j’ai des
horaires irréguliers. Donc quand
j’apprends que mon ex-mari ne viendra
pas chercher nos enfants parce qu’il a
des impératifs professionnels, je me
retrouve dans une situation délicate!»
Victoria est d’autant plus attristée que
son ex-mari s’est battu durant des
années pour obtenir la garde totale des
enfants. «Et maintenant qu’il s’est
remarié, il se désengage. Il m’a même
dit: «Tu as voulu la garde totale, tu
assumes!» Aujourd’hui, il n’y a rien qui
protège la maman, qui s’investit pour
tout. La loi est mal faite. C’est
terriblement usant!»
Victoria a donc décidé de faire
recours contre l’ordonnance du 11 juin.
«Je le fais pour le bien-être de mes
enfants. Parce qu’un père ne peut pas
se permettre de voir ses enfants quand
ça lui chante, à la carte!» /vgi
Tél. 032 724 04 04
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