LE SYSTEME AFRICAIN DE PROTECTION DES DROITS DE
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LE SYSTEME AFRICAIN DE PROTECTION DES DROITS DE
LE SYSTEME AFRICAIN DE PROTECTION DES DROITS DE L’HOMME Cours de Licence 1 de Fatou Kiné CAMARA, Docteure d’Etat en Droit, Chargée d’enseignement, Fascicule 1 Faculté des Sciences Juridiques et Politiques, Université Cheikh Anta Diop de Dakar, fsjp.ucad.sn Système africain de protection des droits de l’homme – Licence 1 – Fatou Kiné CAMARA SOMMAIRE Fascicule 1 INTRODUCTION ………………………………………………………………………… p. 3 CHAPITRE 1er LES DROITS HUMAINS EN AFRIQUE : EVOLUTION ET CONTEXTE HISTORIQUE Section 1. La tradition africaine de respect de l’être humain ……………………………….p. 5 section 2. Les effets dévastateurs des traites esclavagistes et de la conquête coloniale … p.13 CHAPITRE 2 LES INSTRUMENTS AFRICAINS DE PROTECTION DES DH Section 1 : La Charte africaine des droits de l’homme et des peuples …………………… p.20 Section 2 : La Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant …………………… p.29 . Section 3 : Le Protocole à la charte africaine des droits de l’homme et des peuples relatif aux droits des femmes en Afrique ……………………………………………… …………… p.34 2 Système africain de protection des droits de l’homme – Licence 1 – Fatou Kiné CAMARA INTRODUCTION L’expression « droits de l’homme » est-elle appropriée ? L’expression « droits de l’homme » est contestée en raison de l’ambiguïté du mot « homme » (désignant à la fois la catégorie générique des êtres humains ei les adultes de sexe masculin).Elle tend à disparaitre pour céder la place à l’expression « droits humains », « droits fondamentaux » ou « droits de la personne humaine ». Toutefois elle continue à être utilisée du fait des pactes, conventions, protocoles et chartes des Nations Unies, de l’Organisation de l’Unité Africaine (remplacée par l’Union Africaine) qui consacrent cette expression. Que recouvre l’expression « droits de l’homme » ? Les droits de l’homme recouvrent l’ensemble des prérogatives que détient chaque personne humaine dès sa naissance et du simple fait qu’elle est née vivante. Cet ensemble de droits garantit sa liberté, le respect de sa dignité, ainsi que son plein épanouissement physique, intellectuel.et moral. Qu’est-ce qui caractérise les droits de l’homme ? – L’inhérence à l’être humain Les droits de l’homme constituent la peau juridique des êtres humains. Ils s’attachent à chaque personne dès sa naissance, du seul fait que c’est un être humain et indépendamment de toute autre considération, qu’elle soit religieuse, culturelle, politique ou autre. Chaque individu porte en lui ses droits humains même si les lois d’un Etat ou d’une communauté (ethnique, politique, religieuse) ne les lui reconnaissent pas ou les bafouent. – L’inaliénabilité Ils ne peuvent être ni saisis, ni vendus, ni donnés ; ils ne sont pas négociables ; ils ne sont pas dans le commerce juridique. – L’imprescriptibilité ils ne peuvent être ni perdus (prescription extinctive), ni acquis (prescription acquisitive) par l’effet du passage du temps. Ce n’est pas parce qu’une personne 3 Système africain de protection des droits de l’homme – Licence 1 – Fatou Kiné CAMARA n’a pas revendiqué pendant longtemps un de ses droits de l’homme qu’elle le perd. – L’indivisibilité Les droits de l’homme sont interdépendants, intimement liés. Ils sont inséparables. Aucun n’est supérieur à l’autre, ni plus important, il n’y a pas de hiérarchie entre eux..Il suffit qu’un seul droit soit bafoué pour que tous les autres soient en péril tandis que l’accès effectif à un droit facilite l’accès à tous les autres. – L’universalité Les droits de la personne humaine ne se limitent ni à une région, ni à une époque, ni à une culture, ni à des catégories de personnes particulières. Ils sont les mêmes pour tous les êtres humains où qu’ils soient de par le monde. Tous les êtres humains, où qu’ils soient de par le monde, quelle que soit leur âge, leur religion, leur sexe, ou leur couleur de peau, sont égaux en dignité et en droit. L’existence d’un système africain de protection des droits de l’homme, est-elle en contradiction avec le principe de l’universalité de ces droits ? La mise en place d’un système « africain » de protection des droits de l’homme n’est pas une remise en cause de l’universalité des droits de l’homme. Elle ne signifie pas non plus qu’il y aurait des droits de l’homme différents selon les continents. Le système africain de protection des droits de l’homme est un moyen de renforcer la promotion et la réalisation effective des droits consacrés par les conventions internationales en la matière (cf. annexe). Il est constitué par des instruments juridiques adoptés dans le cadre de l’OUA/UA d’une part, et, d’autre part, par des organes chargée de veiller eu respect par les Etats de leurs engagements internationaux et africains relatifs à la protection des droits fondamentaux de la personne humaine. Ainsi, les préambules de chacun des instruments africains de protection des droits de l’homme précisent leur attachement aux conventions des Nations Unies et Déclarations internationales intervenues dans le même domaine. 4 Système africain de protection des droits de l’homme – Licence 1 – Fatou Kiné CAMARA CHAPITRE 1er LES DROITS DE L'HOMME EN AFRIQUE : EVOLUTION ET CONTEXTE HISTORIQUE SECTION 1. LA TRADITION AFRICAINE DE RESPECT DE L’ETRE HUMAIN Les traditions identifiées en Afrique ancienne et précoloniale indiquent l’existence de règles témoignant de normes culturelles fondées sur l’attachement à la dignité et à l’égalité en droits de tous les êtres humains. §I. Les lois de l’Egypte négro-pharaonique1 Le principe de l’Etat de droit ( Nul n’est au-dessus des lois) Selon le témoignage suivant de Diodore, nul, pas même le souverain n’était audessus des lois en Egypte ancienne : « D'abord les rois ne menaient pas une vie aussi libre ni aussi indépendante que ceux des autres nations. Ils ne pouvaient point agir selon leur gré. Tout était réglé par des lois »2 Plus loin, Diodiore renchérit, en précisant qu’il s’agit là d’une tradition fort ancienne et bien ancrée : « Il paraît étrange qu'un roi n'ait pas la liberté de choisir sa nourriture quotidienne ; et il est encore plus étrange qu'il ne puisse prononcer un jugement, ni prendre une décision, ni punir quelqu'un, soit par passion, soit par caprice, ou par toute autre raison injuste, mais qu'il soit forcé d'agir conformément aux lois fixées pour chaque cas particulier. Comme c'étaient là des coutumes établies, les rois ne s'en fâchaient pas et n'étaient point mécontents de leur sort »3 Le principe de la justice indépendante, transparente et équitable (respect des droits de la défense et de la légalité des peines) Diodore apporte le témoignage suivant : 1 Sur le caractère négro-africain de l’Egypte pharaonique lire les ouvrages de Cheikh Anta Diop, édités chez Présence Africaine, Paris : Nations nègres et culture ; L’Unité culturelle de l’Afrique Noire – Domaines du patriarcat et du matriarcat dans l’antiquité classique. 2 Diodore de Sicile (1er siècle av. J. C.), Histoire universelle, Livre 1er, LXX, Traduction de Ferdinand Hoefer (1851) http://www.mediterranees.net/geographie/diodore/livre1.html (visite le 12 mai 2013) 3 Diodore, op. cit. LXXI 5 Système africain de protection des droits de l’homme – Licence 1 – Fatou Kiné CAMARA « Les Egyptiens ont porté une grande attention à l'institution de l'ordre judiciaire, persuadés que les actes des tribunaux exercent, sous un double rapport, beaucoup d'influence sur la vie sociale. Il est en effet évident que la punition des coupables et la protection des offensés sont le meilleur moyen de réprimer les crimes. Ils savaient que si la crainte qu'inspire la justice pouvait être effacée par l'argent et la corruption, la société serait près de sa ruine. »4 « Toutes les lois étaient rédigées en huit volumes lesquels étaient placés devant les juges ; le plaignant devait écrire en détail le sujet de sa plainte, raconter comment le fait s'était passé et indiquer le dédommagement qu'il réclamait pour l'offense qui lui avait été faite. Le défendeur, prenant connaissance de la demande de la partie adverse, répliquait également par écrit à chaque chef d'accusation ; il niait le fait, ou en l'avouant il ne le considérait pas comme un délit, ou si c'était un délit il s'efforçait d'en diminuer la peine ; ensuite, selon l'usage, le plaignant répondait et le défendeur répliquait à son tour. Après avoir ainsi reçu deux fois l'accusation et la défense écrites, les trente juges devaient délibérer et rendre un arrêt qui était signifié par le président, en imposant l'image de la Vérité sur l'une des parties mises en présence. »5 « Tous jouissent de droits égaux. On accorde un temps suffisant aux plaignants pour exposer leurs griefs, aux accusés pour se défendre, et aux juges pour se former une opinion. »6 Le principe de l’égalité devant la loi de tous les êtres humains Parmi les lois qui font l’admiration de Diodore, la suivante exprime la philosophie juridique qui sous-tend la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 « Celui qui avait tué volontairement soit un homme libre, soit un esclave, était puni de mort ; car les lois voulaient frapper, non d'après les différences de fortune, mais d'après l'intention du malfaiteur »7 La référence à l’esclavage doit être nuancée car, contrairement à des croyances populaires implantées par des récits religieux, l’Egypte pharaonique n’était pas 4 Diodore, op.cit, LXXXV Diodore, op.cit, LXXXV 6 Diodore, op.cit, LXXXVI. 7 Diodore, op. cit.LXXVII 5 6 Système africain de protection des droits de l’homme – Licence 1 – Fatou Kiné CAMARA un Etat esclavagiste. Les pyramides ont été construites par des ouvriers payés et non par des esclaves. 8 La dignité reconnue à chaque être humain s’opposait à ce qu’un être humain puisse être considéré comme étant un objet vivant, c’est-àdire un être humain dénué de droits. L’abolition de la peine de mort Bien que prévue par les lois, la peine de mort était rarement appliquée (du fait même du respect accordé à la vie humaine).9 C’est ce qui en facilite l’abrogation à laquelle fait référence Diodore dans le passage suivant : « . .. Sabacon10 devint souverain d'Egypte ; il était d'origine éthiopienne, et l'emportait sur ses prédécesseurs par sa piété et sa bienfaisance. On peut citer, comme une preuve de son humanité, l'abolition de la plus grande de toutes les peines, la peine de mort. Il obligeait les condamnés à mort de travailler, tout enchaînés, aux ouvrages publics. C'est par ce moyen qu'il fit construire de nombreuses digues, et creuser beaucoup de canaux utiles. Il réalisait ainsi l'idée de diminuer, à l'égard des coupables, la sévérité de la justice, et de faire tourner une peine inutile au profit de la société. »11 Le devoir d’assistance à personne en danger La tradition africaine a plus insisté sur les devoirs de l’être humain que sur ses droits. Ainsi, la loi ci-dessous rapportée par Strabon est une illustration du devoir de chacun de veiller au bien-être de son prochain et de lui porter secours, le cas échéant : « Celui qui voyait sur son chemin un homme aux prises avec un assassin, ou subissant quelque violence, et ne le secourait pas lorsqu'il le pouvait, était condamné à mort. S'il était réellement dans l'impossibilité de porter du secours, il devait dénoncer les brigands et les traduire devant les tribunaux ; s'il ne le faisait pas, il était condamné à recevoir un nombre déterminé de coups de verges, et à la privation de toute nourriture pendant trois jours. »12 8 Cf. Della Monica, La classe ouvrière sous les pharaons, Librairie d’Amérique et d’Orient, Paris 1980, pp. 6264 Les « esclaves » étaient des prisonniers de guerre qui ne perdaient pas leur statut d’êtres humains du fait de leur captivité. Il était même fréquent qu’ils soient adoptés par leur « maitre » et qu’ils se marient avec des membres de sa famille proche, v. F.K. Camara et S. S. M. Kanji, L’union matrimoniale dans la tradition des peuples noirs, L’Harmattan, Paris, 2000, pp. 66-67. 9 La justice autochtone africaine privilégiait les dommages et intérêts ou le bannissement par rapport à la peine capitale. Cf. Fatou K. Camara, Pouvoir et Justice dans la tradition des peuples noirs, L’Harmattan, Paris 2004, pp. 22-34. 10 Shabaka (règne 716-c. 701 avant l’ère chrétienne) 11 Diodore, op. cit, Livre 1er , chapitre LXV 12 Diodore, op. Cit. LXXVII 7 Système africain de protection des droits de l’homme – Licence 1 – Fatou Kiné CAMARA La protection des droits des enfants Etant originaire d’une civilisation qui ignore les droits des enfants, et donne au père (le pater familias en latin, le des potes en grec) le droit de tuer tout enfant dont il ne veut pas, pour une raison ou une autre, Diodore ne peut pas manquer de relever, pour s’en étonner, les règles suivantes : « Les parents qui avaient tué leurs enfants ne subissaient point la peine capitale, mais ils devaient, pendant trois jours et trois nuits, demeurer auprès du cadavre et le tenir embrassé, sous la surveillance d'une garde publique. Car il ne paraissait pas juste d'ôter la vie à ceux qui l'avaient donnée aux enfants ; et on croyait leur causer, par ce châtiment, assez de chagrin et de repentir pour les détourner de semblables crimes.»13 « Les parents sont obligés de nourrir tous leurs enfants, »14 « Aucun enfant n'est réputé illégitime »15 L’interdiction de la contrainte par corps Autre marque du respect accordé à la dignité de l’être humain, Diodore souligne la règle suivante, dont il indique que le célèbre législateur athénien, Solon, s’est inspiré (ainsi que d’autres règles puisées en Egypte) : « les créanciers qui demandaient le remboursement ne pouvaient s'adresser qu'aux biens du débiteur, la contrainte par corps n'étant en aucun cas admise. »16 Les 42 Commandements de la religion négro-égyptienne La religion égyptienne reflète le profond humanisme qui inspire les lois profanes. Les Textes des sarcophages en attestent. Ils datent du 3e millénaire av. J.-C. et représentent ainsi les plus anciens écrits religieux connus à ce jour. Ils portent des formules réservées à l’ascension de pharaon vers la lumière (l’immortalité). Ces formules ont été popularisées au Nouvel Empire (15501070 av. J.-C.) et sont connues sous le nom de Livre des Morts. Elles contiennent la « Confessions négative » ou les 42 actes que la personne défunte doit jurer n’avoir jamais commis durant son séjour sur terre. Parmi ces actes interdits, les suivants, qui résument à eux seuls le respect profond de l’être humain (sans distinctions, ni discrimination) qui est au fondement de cette civilisation africaine : 13 Diodore, op. cit. LXXVII Diodore, op. cit. LXXX 15 Diodore, op. cit. LXXX 16 Diodore, op. cit. LXXIX 14 8 Système africain de protection des droits de l’homme – Licence 1 – Fatou Kiné CAMARA 11. Je n’ai pas affligé. 12. Je n’ai pas affamé. 13. Je n’ai pas fait pleurer. 14. Je n’ai pas tué. 15. Je n’ai pas ordonné de tuer. 16. Je n’ai fait de peine à personne.17 §II. Les lois de l’empire du Mali Le serment du Mandé (1222)18 Le Mandé est le berceau de l'Empire du Mali, un empire qui, à son apogée (14ème siècle), couvrait la majeure partie de l’Afrique de l'Ouest. En 1222, la confrérie des chasseurs19 du Mandé, dont était membre Soundjata Keita, le fondateur de l’empire du Mali, prête solennellement serment contre l’esclavage (la traite transsaharienne arabo-musulmane fait des ravages20) et pour le respect universel des droits de l’être humain. Ci-dessous un extrait de leur serment qui proclame le respect dû à toute vie humaine sans distinction, ni discrimination d’aucune sorte : Les enfants de Sanènè et Kontron21 déclarent : Toute vie humaine est une vie, Il est vrai qu’une vie apparaît à l’existence avant une autre vie, Mais une vie n’est pas plus « ancienne », Plus respectable qu’une autre vie, De même qu’une vie ne vaut pas mieux qu’une autre vie. Toute vie étant une vie, Tout tort causé à une vie exige réparation. Par conséquent, Que nul ne s’en prenne gratuitement à son voisin, Que nul ne cause du tort à son prochain, Que nul ne martyrise son semblable. 17 Initiation aux livres des morts égyptiens, F. Schwartz , Albin Michel, Paris, 1988, pp. 158-159. La Charte du Mandé et autres traditions du Mali, traduit par Youssouf Tata Cissé et Jean-Louis SagotDufauvroux, Albin Michel, Paris, 2003 19 « [L]e chasseur n'est pas seulement celui qui va chasser le gibier. Il est aussi celui qui détient des savoirs, des dons, des valeurs, qui impliquent, de sa part, des obligations envers la nature et la société. »Tidiane Diakité, http://ti.diak.over-blog.com/article-afrique-et-droit-de-l-homme-hier-et-aujourd-hui-63917764.html (visite le 23 octobre 2011) 20 « La traite négrière arabo-musulmane a commencé lorsque l'émir et général arabe Abdallah ben Saïd a imposé aux Soudanais un bakht (accord), conclu en 652, les obligeant à livrer annuellement des centaines d'esclaves. La majorité de ces hommes était prélevée sur les populations du Darfour. Et ce fut le point de départ d'une énorme ponction humaine qui devait s'arrêter officiellement au début du XXe siècle. » Tidiane N’Diaye, Le génocide voilé, enquête historique, Gallimard , Paris 2008, p. 10. Malek Chebel, L’esclavage en terre d’Islam – un tabou bien gardé, Fayard, Paris, 2007. 21 Les génies tutélaires des chasseurs du Mandé, Sanènè (la mère) et Kontron (son fils) ne sont d’aucun pays ni d’aucune race : ils sont l’incarnation des vertus humaines portées au plus haut degré d’expression. 18 9 Système africain de protection des droits de l’homme – Licence 1 – Fatou Kiné CAMARA Les enfants de Sanènè et Kontron déclarent : Que chacun veille sur son prochain.22 Quand il accède au trône, Soundjata respecte son serment et abolit l’esclavage. Le griot Wa kamissoko en porte témoignage : « Si Magan Soundjata, qui n’a point placé le mors dans la bouche d’un seul Malinké pour aller le vendre, comme je te l’ai dit, a acquis, à son retour au Manden, après que Soumaworo eût fui devant lui pour aller se réfugier dans les grottes de Koulikoro, la confiance pleine et entière de sa patrie, c’est bien parce qu’il a aboli l’esclavage. Et il fit son règne sans avoir une seule fois mis le mors dans la bouche d’un Malinké pour aller le vendre. Voilà pourquoi le Manden s’est soumis à lui et l’a suivi. »23 La Charte de Kurukan Fuga (1236)24 La Charte de Kurukan Fuga est énoncée en 1236 par Soundjata et ses alliés à l’issue de la bataille de Kirina qui marque la fin des guerres fratricides qui ont déchiré le Mandé.25 La Charte reprend les principes évoqués dans le serment du Mandé. Ainsi, il est disposé à l’article 5 de la Charte la règle suivante : « Chacun a le droit à la vie et à la préservation de son intégrité physique. » Contrairement aux autres chartes et déclarations fondées sur la reconnaissance de droits fondamentaux de l’être humains tels que la Magna Carta (Angleterre, 1215), la Déclaration d’indépendance des Etats –Unis (1776), la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (France,1789), la Charte de Kurukan Fuga prend soin de préciser l’importance à accorder aux droits des femmes, notamment leur droit au respect et leur droit à la participation à la conduite des affaires publiques et politiques. Les règles suivantes en sont la preuve : « Article 14: N’offensez jamais les femmes, nos mères ».26 22 La charte du Mandé et autres traditions du Mali, op.cit. Y. T. Cissé, Wa Kamissoko, La grande geste du Mali, des origines à la fondation de l’Empire, KarthalaArsan, Paris 2000, p. 203 24 Texte de la Charte de Kurukan Fuga, disponible sur : www.afrik.com/IMG/doc/LA_CHARTE_DE_KURUKAN_FUGA.doc (consulté le 3 juillet 2014). Un grand nombre des énoncés de la Charte sont une réalité dans l’empire du Mali que visite 100 ans après, en 1352, Ibn Battûta, cf. son ouvrage, Voyages, III. Inde, Extrême-Orient, Espagne et Soudan, ed. La Découverte/Poche, Paris 1997 p. 423-426. 25 D. T. Niane, Soundjata ou l’épopée mandingue, Présence Africaine, Paris 1960 ; Youssouf Tata Cissé, Wa Kamissoko, La grande geste du Mali, des origines à la fondation de l’Empire, Karthala-Arsan, Paris 2000 : Pr Djibril Tamsir Niane, Université Gaston Berger de Saint-Louis, Leçon inaugurale 2009 : La Charte de Kurukan Fuga – Aux sources d’une pensée politique en Afrique. http://www.ugb.sn/actualites/lecon_inagurale_2009.pdf 26 Charte de Kurukan Fuga, op.cit.loc.cit. 23 10 Système africain de protection des droits de l’homme – Licence 1 – Fatou Kiné CAMARA « Article 16: Les femmes, en plus de leurs occupations quotidiennes doivent être associées à tous nos Gouvernements. »27 §III. Les lois de l’Afrique australe :le concept d’Ubuntu L’ubuntu est expliqué par Desmond Tutu de la manière suivante : « Un des dictons dans notre pays est Ubuntu - l'essence de l'être humain.» 28 « Une personne avec Ubuntu est ouverte et disponible pour les autres, elle [a] une solide confiance en soi fondée sur la conscience qu'elle appartient à un ensemble plus vaste et qu’elle est diminuée quand des personnes sont humiliées ou diminuées, ou que d'autres sont torturées ou opprimées.»29 D’après la chercheure, Bernedette Muthien, le même concept est appelé Unhu (Zimbabwe) ; Khoelna (Kalahari /Afrique du Sud) ; Royaner (Iroquois / Amérique du nord), Hoyane (Seneca / Amérique du nord). Elle le traduit de la manière suivante : « Je suis parce que j’appartiens; mon humanité est inextricablement liée à la vôtre, je ne peux pas être heureux si nous ne sommes pas tous heureux. Je vais bien si tout le monde va bien. »30 Cet appel à aider son semblable et à ne pas accepter qu’il soit humilié ou maltraité se retrouve dans l’adage suivant relevé parmi les traditions du Mali : « L’ultime remède de l’être humain, C’est son prochain.»31 Le monde épris de paix et d’harmonie que reflète les adages ci-dessus est enterré, ainsi que les valeurs qu’il porte, sous les atrocités des traites esclavagistes puis des guerres coloniales qui dévastent le continent. QESTIONS 27 Charte de Kurukan Fuga, op.cit.loc.cit. Cette règle a été un príncipe de gouvernement qui a régi de nombreux Etats et communautés africaines de l’antiquité à la conquête coloniale, cf. Cheikh Anta Diop, L’unité culturelle de l’Afrique Noire, domaine du patriarcat et su matriarcat dans l’antiquité classique, Présence Africaine ; F. K. Camara “Les femmes et le pouvoir politique dans la tradition noire africaine : Maât et la matriarcat » ANKH, revue d’égyptologie et de civilisations africaines, n°18, 19, 20, pp. 143-155. 28 Desmond Tutu, conférence en 2008, extraits sur http://en.wikipedia.org/wiki/Ubuntu_(philosophy) 29 Desmond Tutu , No future without forgiveness, 1999, extraits sur http://en.wikipedia.org/wiki/Ubuntu_(philosophy) 30 Bernedette Muthien, “Egalitarianism and Nonviolence: Gifts of the Khoe-San”, Off Our Backs, Vol. 38, No. 1 (2008), p. 57 31 Cissé et Sagot-Dufauvroux, op.cit. Les adages illustrent des valeurs culturelles et résument une vision du monde. Le concept de « ubuntu » et l’adage « l’homme est le remède de l’homme » sont à l’opposé de la culture gréco-latine qui fait de l’homme un loup pour l’homme à travers l’adage « Homo homini lupus ». 11 Système africain de protection des droits de l’homme – Licence 1 – Fatou Kiné CAMARA Connaissez-vous des adages ou des contes africains qui incitent au respect des droits de la personne humaine ? Lesquels ? A en juger par ces contes, adages et proverbes peut-on dire que l’Afrique avait une conception des droits de l’homme différente de celle énoncée dans la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948 ? La protection de la dignité de l’être humain se fait-elle plus efficacement par l’énoncé des devoirs de l’être humain ou par l’énoncé des droits de l’être humain ? Justifiez votre réponse. Les références aux traditions africaines d’antan sont-elles utiles à la promotion et à la protection des droits de l’être humain dans les pays africains ? Quelles sont vos réponses aux questions, ci-dessous, de l’écrivain Tidiane Diakité : • « Même si la Charte ne concerna pas toute l'Afrique en 1222, pourquoi aujourd'hui, sur une bonne étendue du continent, les valeurs prônées par la Charte du Mandé il y a 9 siècles, principalement celles de liberté, égalité, respect et justice pour tous, donc la démocratie, ne trouvent-elles toujours pas leur application pratique et concrète ? » • « L'Afrique en serait-elle encore là si les idéaux des Chasseurs du Mandé avaient imprégné l'esprit des Africains contemporains en général et celui de leurs responsables politiques en particulier » 32 BIBLIOGRAPHIE - Ibn Battûta, Voyages, III. Inde, Extrême-Orient, Espagne et Soudan, ed. La Découverte/Poche, Paris 1997 F.K. Camara et S. S. M. Kanji, L’union matrimoniale dans la tradition des peuples noirs, L’Harmattan, Paris, 2000 Fatou K. Camara, Pouvoir et Justice dans la tradition des peuples noirs, L’Harmattan, Paris 2004, Charte de Kurukan Fuga, texte disponible sur : www.afrik.com/IMG/doc/LA_CHARTE_DE_KURUKAN_FUGA.doc (consulté le 3 juillet 2014). Malek Chebel, L’esclavage en terre d’Islam – un tabou bien gardé, Fayard, Paris, 2007 Youssouf Tata Cissé et Jean Sagot-Dufauvroux, La Charte du Mandé et autres traditions du Mali, traduit par Albin Michel, Paris, 2003 Y. T. Cissé, Wa Kamissoko, La grande geste du Mali, des origines à la fondation de l’Empire, Karthala-Arsan, Paris 2000 32 Blog de Tidiane Diakité, http://ti.diak.over-blog.com/article-afrique-et-droit-de-l-homme-hier-et-aujourd-hui63917764.html (visite le 23 octobre 2011) 12 Système africain de protection des droits de l’homme – Licence 1 – Fatou Kiné CAMARA - - Della Monica, La classe ouvrière sous les pharaons, Librairie d’Amérique et d’Orient, Paris 1980, Tidiane Diakité, Blog, http://ti.diak.over-blog.com/article-afrique-et-droit-de-l-homme-hier-et-aujourdhui-63917764.html (visite le 23 octobre 2011) Diodore de Sicile (1er siècle av. J. C.), Histoire universelle, Livre 1er, LXX, Traduction de Ferdinand Hoefer (1851) http://www.mediterranees.net/geographie/diodore/livre1.html (visite le 12 mai 2013) Cheikh Anta Diop, Nations nègres et culture, Présence Africaine, Paris Cheikh Anta Diop, L’Unité culturelle de l’Afrique Noire – Domaines du patriarcat et du matriarcat dans l’antiquité classique, Présence Africaine, Paris Tidiane N’Diaye, Le génocide voilé, enquête historique, Gallimard , Paris 2008 D. T. Niane, Soundjata ou l’épopée mandingue, Présence Africaine, Paris 1960 Djibril Tamsir Niane, Université Gaston Berger de Saint-Louis, Leçon inaugurale 2009 : La Charte de Kurukan Fuga – Aux sources d’une pensée politique en Afrique. http://www.ugb.sn/actualites/lecon_inagurale_2009.pdf F. Schwartz , Initiation aux livres des morts égyptiens, Albin Michel, Paris, 1988 *** SECTION 2. LES EFFETS DEVASTATEURS DES TRAITES ESCLAVAGISTES ET DE LE CONQUÊTE COLONIALE §I. Les traites esclavagistes Au VIIe siècle, la conquête de l’Afrique du Nord par les armées arabomusulmanes, qui invoquent la jihad (guerre sainte), marque le début de la traite transsaharienne. Tidiane Ndiaye en donne la date et les circonstances exactes : « La traite négrière arabo-musulmane a commencé lorsque l'émir et général arabe Abdallah ben Saïd a imposé aux Soudanais un bakht (accord), conclu en 652, les obligeant à livrer annuellement des centaines d'esclaves. La majorité de ces hommes était prélevée sur les populations du Darfour. Et ce fut le point de départ d'une énorme ponction humaine qui devait s'arrêter officiellement au début du XXe siècle. »33 L’horreur de la transformation d’êtres humains en marchandise sur lesquelles chaque propriétaire a l’usus, le fructus et surtout l’abusus ne saurait être décrite. Toutefois Tidiane Ndiaye s’y est essayé en ces termes : « Alors que la traitre transatlantique a duré quatre siècles, c’est pendant treize siècles sans interruption que les Arabes ont razzié l’Afrique subsaharienne. La plupart des millions d'hommes qu'ils ont déportés ont disparu du fait des traitements inhumains et de la castration généralisée. »34 33 34 Tidiane N’Diaye, Le génocide voilé, enquête historique, Gallimard , Paris 2008, p. 10 Op.cit.loc.cit. 13 Système africain de protection des droits de l’homme – Licence 1 – Fatou Kiné CAMARA En 1441 la traite européenne démarre en Afrique. Le 18 Juin 1452, la bulle pontificale (décision du Pape équivalente à une loi), Dum diversas, autorise les rois d'Espagne et du Portugal à réduire tous les incroyants à l'esclavage perpétuel. Elle est confirmée et renforcée par la bulle Romanus Pontifex en 1445. 35 Dans la loi sénégalaise déclarant l’esclavage et la trait négrière crimes contre l’humanité, l’exposé des motifs donne les chiffres suivants quant aux nombre de victimes : « Selon les estimations les plus fiables, ce sont, au moins, quelque 22 millions d’esclaves, qui ont été arrachés au continent noir, entre 1500 et 1888. En effet, selon certains auteurs, pour un esclave vendu, il faut compter, au moins, 10 personnes tuées ou disparues. Le bilan démographique de cette monstrueuse entreprise se chiffre, en pertes humaines réelles, pour le continent, à près de 200 millions de personnes ».36 La déportation, à échelle industrielle de millions d’Africain/e/s, les pertes massives en vies humaines qui l’accompagne, bouleversent les structures politiques, économiques et sociales des sociétés africaines. Ses conséquences dévastatrices résumé ainsi par le législateur sénégalais : « La traite négrière a fortement, développé, en Afrique, des guerres aux conséquences incalculables. Il en a découlé la peur, la perte de confiance en soi, des traumatismes socioculturels vivaces, des déplacements gigantesques de populations et des cohortes de refugiés qui ont totalement désorganisé les empires africains, détruit le tissu social, plombé l’économie, installé l’insécurité, la confusion, l’incertitude du lendemain, la violence, l’esprit de rapines, la corruption, le pillage, l’alcoolisme, la culture de violation des droits humains, tels que ceux-ci étaient, par exemple, attestés dans une Charte 35 Commentaire des bulles papales Dum diversas et Romanus Pontifex dans, Étude préliminaire des conséquences pour les peuples autochtones de la construction juridique internationale connue sous le nom de doctrine de la découverte, Conseil économique et social des Nations Unies, Instance permanente sur les questions autochtones, Neuvième session, New York, 19-30 avril 2010, pp. 7_9, file:///H:/African%20System%20of%20HRP/FASCICULE/Conseil%20Economique%20&%20Social%20des% 20NU%20page%208%20Bulle%20papale%20&%20esclavage.pdf (consulté le 20 juillet 2014) 36 Loi 2010-10 du 5 mai 2010 déclarant l’esclavage et la traite négrière, crimes contre l’Humanité, Sénégal, J.O. N° 6560 du samedi 11 décembre 2010, Exposé des motifs 14 Système africain de protection des droits de l’homme – Licence 1 – Fatou Kiné CAMARA comme celle de Kurukan Fugha, en vigueur dans le Manding, dès 1236. L’installation d’un état chronique de guerre, de violence et d’insécurité. »37 Le déclin des valeurs humanistes africaines est aussi grave, profond et important que le déclin économique. La Traite des Noir/e/s va sévir sans interruption jusqu’à la fin du 18ème siècle. Dès son abolition, elle est remplacée par la conquête coloniale. §II. Les guerres coloniales La conquête coloniale consiste en des expéditions punitives menées contre les populations civiles sur toute l’étendue du continent, sous le terme de « pacification ». A Saint-Louis du 5énégal, le 11 mars 1855, le général Faidherbe, décrit une entreprise de pacification de la manière suivante : « Le 1er mars pour tirer vengeance de la trahison dont s’étaient rendus coupables les villages de la rive droite de la Tawé, nous brûlâmes les grands villages de Ndombo, Ntiago, Khombay, Mbilor. Nous faillîmes prendre en bloc la population fugitive de ce village, malheureusement le hasard nous fit suivre un sentier qu’ils venaient d’abandonner et nous ne prîmes qu’une quinzaine de prisonniers. Mais rien n’égale la terreur que notre poursuite inspire à ces malheureuses populations entraînées dans cette guerre par quelques chefs vendus aux Maures. »38 Les troupes de Faidherbe s’attaquent à des civils sans défense, ainsi que la prouve le décompte officiel des blessés et des morts de part et d’autre : « En somme, depuis dix jours, nous avons pris 2000 bœufs, 30 chevaux, 50 ânes ainsi qu’un très grand nombre de moutons, 150 prisonniers ; tués environ cent hommes à l’ennemi, fait un butin considérable et brûlé 25 villages. Tout cela ne nous a coûté que 3 hommes tués, 8 blessés et 3 chevaux perdus. »39. Cet extrait résume les méthodes de la guerre menée contre les populations africaines pour l’appropriation de leurs terres, durant la conquête at pendant l’occupation coloniale. Elles répondent aux caractéristiques suivantes : 37 Loi du 5 mai 2010. Le royaume du Walo, le Sénégal avant la conquête, Boubacar Barry, Karthala 1985, annexe, p. 341. 39 op. cit.loc.cit 38 15 Système africain de protection des droits de l’homme – Licence 1 – Fatou Kiné CAMARA - Utilisation de troupes constituées des colonisés eux-mêmes Exemple : «Ainsi la mission Voulet Chanoine, dont les massacres sont les plus connus, ne comportait que 8 officiers et sous-officiers blancs pour 1 200 Africains »40 - Système généralisé de répression au service d'une économie de pillage Exemple : « A leur arrivée dans le grand port d’Anvers, les navires à vapeurs de sa compagnie sont remplis jusqu’aux panneaux d’écoutilles de cargaisons de caoutchouc et d’ivoire de grande valeur. Mais quand, au son des fanfares jouant sur le quai, ils larguent les amarres pour regagner le Congo avec des jeunes gens impatients en uniforme alignés le long de leur lisse, ils n’ont pratiquement à bord que des officiers, des armes à feu et des munitions. Il ne s’agit donc pas d’un commerce. Le caoutchouc et l’ivoire ne sont échangés contre rien. »41 - Massacres de masse (pour l’exemple) : Thiaroye, Sénégal, le 1er décembre 194442 ; 1947, à Madagascar43 ; Congo Belge44 ; Namibie (le génocide des Herreros)45 ; Kenya (le massacre des Mau-Mau) ; Cameroun46 Un article paru dans le mensuel français Le Monde Diplomatique résume de la manière suivante ce qu’a été le régime colonial pour les populations africaines : « On jugeait alors les atrocités nazies en Europe, mais, de Sétif en 1945 à Haiphong en 1946, de Madagascar en 1947-1948 à Casablanca en 1947, puis à la Côte d’Ivoire en 1950, les massacres et la torture perpétrés par les armées de la République française ne cessèrent pas. 40 Raphael Granvaud, De l’armée coloniale à l’armée néocoloniale (1830 - 1990), éditions Agone, octobre 2009, p. 6 (disponible sur : http://survie.org/IMG/pdf_Brochure_De_l_armee_coloniale_a_l_armee_neocoloniale.pdf (consulté le visite 10 novembre 2011) 41 Adam Hochschild, les fantômes du roi Léopold, un holocauste oublié, éd. Belfond, Paris 1998, p. 10. 42 « L’armée tire de nuit sur des tirailleurs sénégalais démobilisés et désarmés qui réclamaient leur solde. Il y eut officiellement 35 morts, pourtant plusieurs centaines de tirailleurs avaient été débarqués. » Granvaud, op. cit. p. 23 43 Granvaud, op.cit.loc.cit. 44 Les troupes du roi Léopold pratiquent « une des plus importantes boucheries de l’histoire récente » Adam Hochschild, op.cit., p. 11 45 Le massacre des Hereros - « le premier génocide du XXe siècle » Joël Kotek, "le génocide oublié des Hereros", la revue L’Histoire, numéro 261, janvier 2002 46 Thomas Deltombe, Manuel Domergue, Jacob Tatsitsa, Kamerun ! Une guerre cachée aux origines de la Françafrique (1948-1971), 2011, éd. La Découverte 16 Système africain de protection des droits de l’homme – Licence 1 – Fatou Kiné CAMARA Comment expliquer ces répressions « en Algérie on peut tout se permettre contre les Arabes » alors que la métropole fêtait sa victoire sur le nazisme, synonyme de racisme et de purification ethnique ? Comment pouvait-on à la fois « s’enorgueillir de la Résistance et approuver les guerres coloniales » ? » L’extrait suivant d’un discours Jules Ferry à la Chambre des Députés française fournit peut-être une réponse à la question posée ci-dessus : « …la politique d'expansion coloniale est un système politique et économique … Oui, ce qui manque à notre grande industrie, que les traités de 1860 ont irrévocablement dirigé dans la voie de l'exportation, ce qui lui manque de plus en plus ce sont les débouchés. Pourquoi ? Parce qu'à côté d'elle l'Allemagne se couvre de barrières, parce que au-delà de l'océan les États-Unis d'Amérique sont devenus protectionnistes et protectionnistes à outrance ; parce que non seulement ces grands marchés, je ne dis pas se ferment, mais se rétrécissent, deviennent de plus en plus difficiles à atteindre par nos produits industriels ; parce que ces grands États commencent à verser sur nos propres marchés des produits qu'on n'y voyait pas autrefois. »47 §III. Le legs colonial La longue période de l’occupation coloniale a laissé de profondes séquelles dans les Etats indépendants. Parmi le legs de l’époque coloniale on peut compter les éléments suivants : - La Centralisation et la concentration des pouvoirs - La dénaturation des coutumes : les administrateurs des colonies veillent à la création et/ou au maintien d’un ordre social inégalitaire, imposant des coutumes souvent réinterprétées ou simplement inventées.48 - La réduction du rôle des femmes au modèle occidental et patriarcal de domination masculine.49 - La promotion des différences ethniques comme outils de division et de hiérarchisation50. 47 Discours sur la colonisation, 28 juillet 1885, http://www.assemblee-nationale.fr/histoire/ferry1885.asp (Visite le 27 mai 2012). 48 Cf. Granvaud, op. cit. p. 16 49 cf. « Femmes et colonialisme », Arlette Gautier, in M. Ferro, Le Livre noir du colonialisme, XVIe-XXe siècle : de l'extermination à la repentance, Robert Laffont, 2003, p. 581. 50 Cf. Colette Braeckman, Terreur africaine – Burundi, Rwanda, Zaïre : les racines de la violence, éd. Fayard 17 Système africain de protection des droits de l’homme – Licence 1 – Fatou Kiné CAMARA - L’utilisation du viol comme arme de guerre et mode de récompense des soldats51 - La réglementation de la prostitution : Les bordels militaires de campagnes (BMC) sont légalisés en AOF par un décret de 1909. Ils sont considérés d'utilité publique et liés à l'obligation de contrôle médical des prostituées.52 - La pénalisation de la contraception et de l’interruption volontaire de grossesse. La loi du 31 juillet 1920 qui interdit la propagande anticonceptionnelle, l’avortement et la promotion du contrôle des naissances est introduite en AOF par le décret du 30 mai 1933 (Journal Officiel de l’Afrique occidentale française, 1933, p. 624).53 QUESTIONS / TESTS DE COMPREHENSION Y-a-t-il des lois et des pratiques que vous pouvez citer comme étant issues de la période coloniale ? Justifiez vos réponses. Au Sénégal, le Parlement a adopté, en 2010, une loi déclarant l’esclavage et la traite négrière, crimes contre l’Humanité. Elle énonce dans son exposé de motifs les faits suivants : « La traite négrière a fortement, développé, en Afrique, des guerres aux conséquences incalculables. Il en a découlé la peur, la perte de confiance en soi, des traumatismes socioculturels vivaces, des déplacements gigantesques de populations et des cohortes de refugiés qui ont totalement désorganisé les empires africains, détruit le tissu social, plombé l’économie, installé l’insécurité, la confusion, l’incertitude du lendemain, la violence, l’esprit de rapines, la corruption, le pillage, l’alcoolisme, la culture de violation des droits 51 Granvaud, op. cit. p. 18. Granvaud, op. cit. p. 18-19. Au Sénégal, en dépit de la ratification par l’Etat (en 1979) de La convention pour la répression de la traite des êtres humains et de l’exploitation de la prostitution d’autrui , adoptée en 1949 par l’Assemblée générale des Nations Unies, entrée en vigueur en 1951, et qui considère ce commerce comme étant « incompatible avec la valeur et la dignité de la personne humaine » (Préambule), la prostitution est légale. Les « clients » sont protégés : acheter, ou tenter d’acheter, des services sexuels n’est pas un délit, tandis que les femmes livrées à la prostitution sont astreintes au carnet sanitaire et à l’inscription dans un fichier, sous peine de sanctions pénales (loi n°66-21 du 1er février 1966 relative à la lutte contre les maladies vénériennes et la prostitution) 53 Au Sénégal, les dispositions de cette loi sont reconduites dans le Code pénal adopté en 1965. La loi n° 80/49 du 24 décembre 1980 dépénalise la contraception mais ajoute à l’arsenal répressif l’article 305 bis (recopié sur la loi française de 1920) qui réprime les « discours » ayant provoqué au délit d’avortement « alors même que cette provocation n’aura pas été suivie d’effet. ». 52 18 Système africain de protection des droits de l’homme – Licence 1 – Fatou Kiné CAMARA humains, tels que ceux-ci étaient, par exemple, attestés dans une Charte comme celle de Kurukan Fuga, en vigueur dans le Manding, dès 1236. » 54 Que pensez-vous des conséquences de la traite esclavagiste énoncées dans l’exposé des motifs ? Vous semblent-elles exactes ? Justifiez vos réponses. BIBLIOGRAPHIE - - - - - Article en ligne, « Le massacre des Hereros (1904-1908) », http://www.ldhtoulon.net/spip.php?article485 (visite le 26 juillet 2012) Boubacar Barry, Le royaume du Walo, le Sénégal avant la conquête, Karthala 1985, p. 341. Yves Benot, Massacres coloniaux, 1944-1950 : la IVe République et la mise au pas des colonies françaises (préface de François Maspero), La Découverte, Paris, 1994, 200 pages Colette Braeckman, Terreur africaine – Burundi, Rwanda, Zaïre : les racines de la violence, éd. Fayard. Aimé Césaire, Discours sur le colonialism, Présence africaine, Paris 1955 Courrier International du 12 au 18 fév 2004 « Cent ans après le génocide des Herero: L’Allemagne découvre son sanglant passé africain », http://www.africatime.com/Benin/popup.asp?no_nouvelle=99991 M. Davis, Génocides tropicaux : catastrophes naturelles et famines coloniales (18701900). Aux origines du sous-développement, La Découverte, 2006. Thomas Deltombe, Manuel Domergue, Jacob Tatsitsa, Kamerun ! Une guerre cachée aux origines de la Françafrique (1948-1971), 2011, éd. La Découverte, introduction, p. 25, http://www.kamerun-lesite.com/ Véronique Dimier « Le Commandant de Cercle : un « expert » en administration coloniale, un « spécialiste » de l'indigène ? », Revue d'Histoire des Sciences Humaines 1/2004 (no 10), p. 39-57. http://www.cairn.info/revue-histoire-des-sciences-humaines-2004-1-page-39.htm (visite le 27 juillet 2012) « Femmes et colonialisme », Arlette Gautier, in M. Ferro, Le Livre noir du colonialisme, XVIe-XXe siècle : de l'extermination à la repentance, Robert Laffont, 2003, p. 581 Raphaël Granvaud, De l’armée coloniale à l’armée néocoloniale (1830 - 1990), éditions Agone, Collection Survie, Octobre 2009 Adam Hochschild, les fantômes du roi Léopold, un holocauste oublié, éd. Belfond, Paris 1998 Joël Kotek, "le génocide oublié des Hereros", la revue L’Histoire, numéro 261, janvier 2002 54 Loi 2010-10 du 5 mai 2010 déclarant l’esclavage et la traite négrière, crimes contre l’Humanité, J.O. N° 6560 du samedi 11 décembre 2010. 19 Système africain de protection des droits de l’homme – Licence 1 – Fatou Kiné CAMARA - - Olivier Le Cour Grandmaison, Coloniser, exterminer. Sur la guerre et l’État colonial, Fayard, Paris, 2005 Le Monde Diplomatique, Août 1994, « Massacres coloniaux », par Yves Benot, L’envers de la « mission civilisatrice », http://www.mondediplomatique.fr/1994/08/A/645 Albert Londres, Terre d’ébène (la traite des Noirs), édition le serpent à plumes, Paris. Charles Onana, « La France et ses tirailleurs, enquête sur les combattants de la République », éditions Duboiris, 2003, préface de Amadou Mahtar M’Bow PRESSAFRIQUE 08.10.06, « Des vétérans Mau Mau intentent un procès contre le Royaume-Uni pour meurtres et tortures » http://pressafrique.com/m647.html The Guardian, 6 octobre 2006, « Mau Mau veterans to sue Britain over torture and illegal killings in Kenya” http://www.guardian.co.uk/world/2006/oct/06/kenya.topstories3 CHAPITRE 2 LES INSTRUMENTS AFRICAINS DE PROTECTION DES DH SECTION 1 : LA CHARTE AFRICAINE DES DROITS DE L’HOMME ET DES PEUPLES La Charte africaine des droits de l’homme et des peuples est adoptée le 28 juin 1981 lors de la Conférence des Chefs d'Etat et de gouvernement, à Nairobi, Kenya. Elle entre en vigueur le 21 octobre 1986, après sa ratification par 25 États. En 1999, la Charte avait été ratifiée par tous les Etats membres de l’OUA. Elle traite, en 68 articles, des droits et des devoirs des individus ainsi que des droits des peuples. Elle prévoit en outre la création d’un organe de promotion et de protection de ces droits : la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples. §I. Une Charte africaine et innovante La Charte est un texte innovant en matière de droits de l’homme, texte dont les rédacteurs ont aussi tenu à marquer le caractère africain. A- Le caractère africain de la Charte En 1979, l’Assemblée des Chefs d’Etat et de Gouvernement de l’OUA demande unanimement au Secrétaire Général de l’OUA de prendre les mesures suivantes : 20 Système africain de protection des droits de l’homme – Licence 1 – Fatou Kiné CAMARA « [O]rganiser dès que possible, dans une capitale africaine, une réunion restreinte d’experts de haut niveau afin de préparer un projet préliminaire d’une « Charte africaine des droits de l’homme et des peuples » prévoyant entre autres l’établissement d’institutions pour promouvoir et protéger les droits de l’homme et des peuples. AHG/Dec. 115 (XVI) Rev. 1 1979 » »55 Non seulement les experts sélectionnés sont tous africains mais encore, ils ont comme directives de s’inspirer de la tradition africaine ainsi que des préoccupations des Africains. La Commission africaine des droits de l’homme et des peuples a résumé ces directives de la manière suivante : « Une conférence de vingt experts africains présidée par le Juge Kéba Mbaye est organisée en 1979 à Dakar, Sénégal. Le Comité d’Experts est largement influencé par le discours d’ouverture du Président hôte, le Président Senghor, qui enjoint au Comité de s’inspirer des valeurs africaines et traditionnelles mais également, de mettre l’accent sur les besoins réels des Africains, le droit au développement et les devoirs des individus. »56 La Charte est adoptée par les Etats en : « Tenant compte des vertus de leurs traditions historiques et des valeurs de civilisation africaine qui doivent inspirer et caractériser leurs réflexions sur la conception des droits de l'homme et des peuples » En conclusion du Préambule les Etats se disent : « Fermement convaincus de leur devoir d'assurer la promotion et la protection des droits et libertés de l'homme et des peuples, compte dûment tenu de l'importance primordiale traditionnellement attachée en Afrique à ces droits et libertés ». B- Le caractère innovant de la Charte La Charte est innovatrice car elle pose des principes qui ne faisaient pas encore l’unanimité dans la communauté internationale. 1) L’affirmation de l’indivisibilité des différentes générations de droits de l’homme 55 Commission africaine des droits de l’homme et des peuples, « Histoire de la Charte africaine » Site officiel CADHP http://www.achpr.org/fr/instruments/achpr/history/ (visite le 17 août 2012) 56 Op.cit.loc.cit. 21 Système africain de protection des droits de l’homme – Licence 1 – Fatou Kiné CAMARA Alors que les Nations unies ont élaboré deux conventions distinctes en matière de droits de l’homme : le Pacte international relatif aux droits civils et politiques d’une part et, d’autre part, le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, l’OUA adopte un instrument unique réunissant les différentes générations de droits humains. Le Préambule à la CADHP le souligne très précisément : « les droits civils et politiques sont indissociables des droits économiques, sociaux et culturels, tant dans leur conception que dans leur universalité, et que la satisfaction des droits économiques, sociaux et culturels garantit la jouissance des droits civils et politiques.» 2) La consécration des droits des peuples et du droit au développement Soucieux de respecter les directives reçues, leur demandant de porter attention aux besoin des Africains, les rédacteurs de la Charte font, dès le préambule, la remarque suivante : « [I]l est essentiel d'accorder désormais une attention particulière au droit au développement ». Les droits des peuples sont également élevés au même rang que les droits de l’individu avec lesquels ils sont indissociablement liés. Le Préambule l’affirme comme suit : « la réalité et le respect des droits du peuple doivent nécessairement garantir les droits de l'homme». 3) L’énoncé des devoirs des êtres humains Après avoir reconnu que : « les droits fondamentaux de l'être humain sont fondés sur les attributs de la personne humaine, ce qui justifie leur protection internationale », le Préambule à la CADHP pose le considérant suivant, rappelant aux individus qu’ils ont aussi des devoirs (vis-à-vis de leurs semblables, de leur famille, de l’Etat ainsi que de la communauté internationale) : « la jouissance des droits et libertés implique l'accomplissement des devoirs de chacun » §II. Droits et devoirs consacrés par la Charte A. Les droits individuels (articles 1 à 18) Ils traitent des droits reconnus à toute personne humaine : « sans distinction aucune, notamment de race, d‘ethnie, de couleur, de sexe, de langue, de religion, 22 Système africain de protection des droits de l’homme – Licence 1 – Fatou Kiné CAMARA d'opinion politique ou de toute autre opinion, d'origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation » (article 2). 1- Les droits civils et politiques de l’être humain Ces droits sont communément appelés droits de première génération car ils sont associés à la Déclaration d’indépendance des Etats-Unis (1776) et à la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (France 1789) • Droit à la vie • Droit à l’intégrité physique • Droit à la propriété • Droit à la liberté de pensée, de conscience, de religion. • Droit à la liberté d’association • Droit à la liberté d’opinion et d'expression • Droit de tout citoyen et de toute citoyenne de prendre part à la direction des affaires publiques, sans discrimination. • Droit de tout citoyen et de toute citoyenne de voter et d’être élu/e, dans des élections libres et transparentes. • Droit de tout citoyen et de toute citoyenne d’accéder aux fonctions publiques de son pays, dans des conditions assurant l’égalité. • Droit à la liberté (abolition de l’esclavage, protection contre l’arrestation et la détention arbitraires) • Droit à un procès équitable • Droit de ne pas être soumis/e à la torture ou à des traitements cruels, inhumains ou dégradants • Droit à l’égalité devant la loi • Droit à la protection de la loi 2- Les droits économiques, sociaux et culturels Ces droits sont qualifiés de deuxième génération car ils sont reliés à la révolution bolchévique de 1917. • Droit à l’éducation • Droit à la santé (jouir du meilleur état de santé physique et mentale possible) • Droit de gagner sa vie par un travail librement choisi • Droit de jouir de conditions de travail justes et favorables • Droit à un salaire équitable et une rémunération égale pour un travail de valeur égale. 23 Système africain de protection des droits de l’homme – Licence 1 – Fatou Kiné CAMARA B. Les droits des peuples (articles 19 à 25) La Charte africaine reconnaît aux peuples africains des droits mais elle n’a pas défini la notion de peuple. • Egalité en droits et dignité de tous les peuples (art. 19 CADHP) • Droit à l’existence, à l’auto-determination et à la libération du joug colonial (art. 20) • Droit à la libre détermination de leurs richesses et ressources naturelles (art. 21) • Droit au développement économique et culturel (art. 22) • Droit à la paix et à la sécurité (art. 23) • Droit à un environnement satisfaisant et global, propice à leur développement (art. 24) La Commission africaine des droits de l’homme et des peuples a été saisie sur le sens à donner au droit des peuples à l’autodétermination dans la Communication 75/92 Congrès du peuple katangais / DRC. La Communication a été introduite en 1992 par M. Gérard Moke, Président du Congrès du Peuple Katangais pour demander à la Commission Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples de reconnaître le Congrès du Peuple Kantangais comme un mouvement de libération devant aider le Katanga à acquérir son indépendance; reconnaître l'indépendance du Katanga aider à obtenir l'évacuation du Zaïre du territoire Katangais. La Commission a commencé par faire la constatation suivante : « Le problème qui se pose dans cette affaire est l'auto-détermination non pas de tous les Zaïrois en qualité de peuple mais des Katangais spécifiquement.»57 Puis elle a précisé qu’elle est tenue de respecter la Charte de l’OUA58 qui pose le principe de l’intangibilité des frontières héritées de la colonisation. Elle en tire comme conséquence que l’autodétermination peut s’exercer sous diverses formes, dont l’indépendance, l’auto-gouvernement, le gouvernement local, le 57 Communication 75/92 Congrès du peuple katangais / DRC http://www.achpr.org/files/sessions/16th/comunications/75.92/achpr16_75_92_fra.pdf (visite le 26 juillet 2013) 58 Article II, paragraphe 3 de la Charte : « Les objectifs de l'Organisation sont les suivants : (…). Défendre leur souveraineté, leur intégrité territoriale et leur indépendance; », confirmé par l’article 4 (b) de l’Acte constitutif de l’Union africaine 24 Système africain de protection des droits de l’homme – Licence 1 – Fatou Kiné CAMARA fédéralisme, le confédéralisme, l’unitarisme , mais toujours dans le respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de l’Etat.59 Sur cette question, Mutoy Mubiala, Administrateur au Haut-Commissariat aux droits de l’homme des Nations Unies, a rappelé la position qu’a prise la Commission dans le cas de la Casamance : « Ainsi, dans le rapport de la mission de bons offices qu’elle a effectuée au Sénégal en 1996, à la suite de plusieurs plaintes émanant de Casamance, la Commission, tout en reconnaissant la réalité des frustrations des populations locales, a rejeté le bien-fondé de leur revendication d’indépendance, aux motifs que celle-ci n’irait pas seulement à l’encontre de l’intégrité du pays mais ouvrirait la voie à la séparation d’autres entités de celui-ci »60 Dans la Communication 155/96 : Social and Economic Rights Action Center (SERAC) and Center for Economic and Social Rights (CESR) / Nigeria, la Commission analyse la notion de peuple au sens de l’article 21 qui pose le droit des peuples à la libre disposition de leuts richesses et de leurs ressources naturelles. Son analyse est que le peuple désigne la population de l’Etat souverain, en opposition à la situation de peuple colonisé. « 56. (…)Les conséquences de l’exploitation coloniale ont laissé les populations et les ressources précieuses de l’Afrique encore vulnérables au détournement étranger. Les rédacteurs de la Charte africaine voulaient manifestement rappeler aux gouvernements africains l’héritage douloureux du continent et ramener le développement économique coopératif à sa place traditionnelle, c’est-à-dire au cœur de la société africaine. »61 Le Groupe de travail d’experts de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples sur les populations/communautés autochtones a présenté un rapport à la 33e session de la Commission africaine en mai 2003 à Niamey (Niger), le Groupe de travail a, d’une part, reconnu l’existence des peuples 59 « 4. La Commission pense que l'auto détermination peut s'opérer dans l’une des façons suivantes : indépendance, auto-gouvernement, gouvernement local, fédéralisme, confédéralisme unitarisme ou toute autre forme de relations conforme aux aspirations du peuple mais tout en reconnaissant les autres principes établis tels que la souveraineté et l’intégrité territoriale. 5. La Commission est tenue de sauvegarder la souveraineté et l'intégrité territoriale du Zaïre qui est un Etat membre de l'OUA et un Etat partie à la Charte Africaine des Droits de 1’Homme et des Peuples. » communication 75/92 Congrès du peuple katangais / DRC, op.cit.loc.cit. 60 “Les droits des peoples en Afrique” Rev. trim. dr. h. (60/2004) p. 994, disponible sur www.rtdh.eu/pdf/2004985.pdf (visite le 26 juillet 2013) 61 155/96 : Social and Economic Rights Action Center (SERAC) and Center for Economic and Social Rights (CESR) / Nigéria http://caselaw.ihrda.org/fr/doc/155.96/view/ (visite le 26 juillet 2013) 25 Système africain de protection des droits de l’homme – Licence 1 – Fatou Kiné CAMARA autochtones en Afrique et, d’autre part, établi que les articles 19 à 24 de la Charte africaine leur étaient applicables62 En ce qui concerne les droits culturels des peuples, Mubiala rapporte les directives suivantes de la Commission africaine : « [L]a Commission requiert des Etats de rapporter sur la politique globale et les mesures spécifiques adoptées pour promouvoir « l’identité culturelle, en tant que facteur qui suscite une appréciation mutuelle entre individus, groupes, nations et régions » et des mesures et programmes destinés à « promouvoir une prise de conscience de l’héritage culturel des groupes ethniques nationaux, des minorités, et des secteurs autochtones de population.».63 En matière de droits des peuples, la pratique des Etats a été passée en revue par Mutoy Mubiala. Il en ressort une grande diversité dans l’interprétation et l’application du droit des peuples à l’autodétermination (ex. seuls l’Ethiopie et le Soudan ont reconnu ce droit aux différentes ethnies qui les composent) ; des droits culturels des différents groupes ethniques (certains Etats ont plusieurs langues officielles en reconnaissance des droits linguistiques de leurs différents groupes ethno-linguistiques, et admettent le pluralisme juridique avec à cpoté du droit écrit un statut égal accordé aux droits coutumiers) les droits économiques et sociaux de communautés habitant des zones d’exploitation de ressources stratégiques (matières précieuses, pétrole et ressources forestières) sont aussi acceptés par des pays tels le Tchad ou le Nigeria.64 C. Les devoirs des individus à l'égard de l'Etat, de la communauté internationale, de la famille et de leur prochain. (art. 27, 28 et 29) Il faut bien comprendre qu’il ne s’agit nullement de soumettre le respect des droits de l’individu au respect par ce dernier de ses devoirs. A partir du moment où les conventions sont signées et ratifiées par les Etats, ce sont eux les débiteurs des droits consacrés dans les conventions auxquels ils sont parties. Cependant, les articles relatifs aux devoirs des individus peuvent être compris comme un code d’éthique à l’intention des populations. Un code d’éthique ne pose pas des règles juridiquement contraignantes, il pose, en l’espèce, des règles de comportement devant rappeler la tradition africaine du souci du bien-être de son prochain et de la société où l’on vit (cf. les adages comme « L’homme est le remède de l’homme » et les concepts tel que l’Ubuntu). 62 Mutoy Mubiala, op. cit. p. 995-996. Mutoy Mubiala, op. cit. p. 997 64 Mutoy Mubiala, op. cit. p. 990-993. 63 26 Système africain de protection des droits de l’homme – Licence 1 – Fatou Kiné CAMARA Dans l’article 28 de la CADHP il est posé en particulier « le devoir de de respecter et de considérer ses semblables sans discrimination aucune » ainsi que le devoir de « tolérance réciproque». La tolérance étant ainsi distinguée du respect, il est important d’en comprendre le sens. Yossi Nehustan, qui lui a consacré tout un article, la définit de la façon suivante : « La tolérance doit être entendue comme le devoir de ne pas nuire à autrui bien que la personne tolérante pense qu’il existe de bonnes raisons de le faire parce que (a) les valeurs exprimées dans le comportement, le mode de vie, les propos de l’autre araissent « mauvaises » à la personne tolérante, c’est-à-dire, dangereuses, nuisibles, immorales, injustes, inutiles, irrationnelles, et ainsi de suite, ou (b) parce que ses caractéristiques personnelles (couleur de peau, sexe, mœurs, apparence physique, handicap physique, etc.) inspirent du dégoût ou de la répulsion à la personne tolérante, ou ces caractéristiques impliquent l’infériorité de l’autre aux yeux de la personne tolérante »65 L’article 29 pose comme autre devoir des individus celui de : « veiller, dans ses relations avec la société, à la préservation et au renforcement des valeurs culturelles africaines positives, dans un esprit de tolérance, de dialogue et de concertation et d'une façon générale de contribuer à la promotion de la santé morale de la société». La référence aux « valeurs culturelles africaines positives » implique de faire le tri dans les valeurs culturelles africaines pour écarter celles qui seraient négatives. Les critères permettant de classer des pratiques et des valeurs culturelles dans l’une ou l’autre catégorie reposent sur l’attention portée au principe de l’égalité en droits et en dignité de tous les êtres humains et à la promotion de leurs droits fondamentaux. Ainsi, compte tenu de ces critères, les pratiques suivantes ont été jugées contraires aux droits de la personne humaine, notamment ceux des femmes et des enfants par la Charte africaine des roits et du bien-être de l’enfant comme par le Protocole à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples : l’inégalité en droits dans le mariage des femmes et des 65 (Notre traduction) Yossi Nehushtan (2007) “The Limits of Tolerance: A Substantive-Liberal Perspective” Ratio Juris 20, 2 , p. 232) 27 Système africain de protection des droits de l’homme – Licence 1 – Fatou Kiné CAMARA hommes, les mariages d’enfants (ou mariages précoces), l’excision, la mendicité des enfants. En revanche tout ce qui est tradition positive doit être encouragé, enseigné et applique (ex. les valeurs énoncées dans le serment du Mandé ; la parenté à plaisanterie et les devoirs de solidarité et de règlement à l’amiable des litiges qui la sous-tend). QUESTIONS – Comment comprenez-vous la notion de devoirs de l’homme ? – Quelles sont les différentes définitions que l’on peut donner de la notion de « peuple » – Quelles sont les différentes générations des droits de l’homme ? – Le terme « génération » signifie-t-il qu’il y aurait une hiérarchie entre les différentes catégories de droits de l’homme ? Justifiez votre réponse. – Quelles sont les obligations de l’Etat en matière de droits de l’homme ? BIBLIOGRAPHIE • • • • • • • • • Kéba MBAYE, Les droits de l’homme en Afrique, Pédone, Paris, 2002 « Histoire de la Charte africaine » Site officiel CADHP http://www.achpr.org/fr/instruments/achpr/history/ (visite le 17 août 2012) Site de la commission africaine des droits de l’homme et des peuples www.achpr.org/fr/ Site de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples www.africancourt.org/fr Convention régissant les aspects propres aux problèmes des réfugiés en Afrique http://www.aidh.org/Biblio/Txt_Afr/instr_conv_69.htm Charte africaine des droits de l’homme et des peuples www.africa-union.org/ Jean Didier BOUKONGOU, « L’attractivité du système africain de protection des droits de l’homme » www.chr.up.ac.za/chr old/centre.../ahrlj/.../BOUKONGOUfr.062.doc (visite le 26 jillet 2013) Mactar KAMARA, « La promotion et la protection des droits fondamentaux dans le cadre de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples et du Protocole facultatif additionnel de juin 1998 », par Mactar Kamara, Revue trimestrielle des droits de l’homme, n°63/2005, p. 709-727 Mutoy MUBIALA, « Les droits des peuples en Afrique », Revue trimestrielle des droits de l’homme, n°2004/60, www.rtdh.eu/pdf/2004985.pdf (visite le 26 juillet 2013), 987 SECTION 2 : LA CHARTE AFRICAINE DES DROITS ET DU BIEN-ETRE DE L’ENFANT (CADBE) 28 Système africain de protection des droits de l’homme – Licence 1 – Fatou Kiné CAMARA Adoptée en juillet 1990 elle entre en vigueur le 29 novembre 1999. Elle est ratifiée par le Sénégal le 29 septembre 1998. La CADBE reconnaît aux enfants les mêmes droits que ceux énoncés dans la Convention des Nations Unies sur les droits de l’enfant (§II). Son originalité tient au fait que d’une part elle porte une attention particulière aux atteintes spécifiques au droits des enfants en Afrique. (§I) et que, d’autre part, elle attribue des responsabilités aux enfants (§III). Enfin, elle créé un organe de promotion et de protection des droits de l’enfant : le Comité des experts pour le bien-être de l’enfant §I. L’attention particulière à la spécificité des atteintes aux droits des enfants en Afrique Bien qu’il ait affirmé que « l'enfant occupe une place unique et privilégiée dans la société africaine », le Préambule de la CADBE note « avec inquiétude » que : « [L]a situation de nombreux enfants africains due aux seuls facteurs socioéconomiques, culturels, traditionnels, de catastrophes naturelles, de poids démographiques, de conflits armés, ainsi qu'aux circonstances de développement, d'exploitation, de la faim, de handicaps, reste critique » Prenant en compte le fait que, sur le continent, nombre d’atteintes aux droits de l’enfant se font sous le couvert de la coutume, de la tradition ou de la religion, la CADBE prend soin de mettre l’Etat face à ses responsabilités vis-à-vis de l’enfant. Ainsi l’article 1er, sous l’intitulé « Obligations des Etats membres », énonce la règle impérative suivante : « Toute coutume, tradition, pratique culturelle ou religieuse incompatible avec les droits, devoirs et obligations énoncés dans la présente Charte doit être découragée dans la mesure de cette incompatibilité.» L’article 21 énumère, sous un intitulé très clair « protection contre les pratiques négatives sociales et culturelles », les obligations de chaque Etat partie en la matière. Ainsi il est disposé ce qui suit : « 1. Les Etats parties à la présente Charte prennent toutes les mesures appropriées pour abolir les coutumes et les pratiques négatives, culturelles et sociales qui sont au détriment du bien-être, de la dignité, de la croissance et du développement normal de l’enfant, en particulier a) les coutumes et pratiques préjudiciables à la santé, voire à la vie de l’enfant ; b) les coutumes et pratiques qui constituent une discrimination à l’égard de certains enfants, pour des raisons de sexe ou autres raisons. » 29 Système africain de protection des droits de l’homme – Licence 1 – Fatou Kiné CAMARA §II. Les droits des enfants en Afrique A- La définition de l’enfant Tout d’abord, l’enfant est défini comme étant « tout être humain âgé de moins de 18 ans. ».66 B- La justification de son statut La Charte donne les raisons suivantes pour expliquer le statut spécial qui est réservé tous les enfants : « [L]'enfant, en raison de son immaturité physique et mentale, a besoin d'une protection et de soins spéciaux. (…) l'enfant, compte tenu des besoins liés à son développement physique et mental, a besoin de soins particuliers pour son développement corporel, physique, mental, moral et social, et qu'il a besoin d'une protection légale dans des conditions de liberté, de dignité et de sécurité».67 La CADBE décrit de la façon suivante le cadre idéal dans lequel tout enfant devrait évoluer : «[P] pour assurer l'épanouissement intégral et harmonieux de sa personnalité, l'enfant devrait grandir dans un milieu familial, dans une atmosphère de bonheur, d'amour et de compréhension. »68 C- Les principes directeurs 1) La non discrimination Le principe fondamental régissant les droits de la personne humaine est rappelé par la CADBE en ce qui concerne les droits de l’enfant. Ils ne sauraient faire l’objet d’aucune discrimination, quel que soit le motif invoqué. « Tout enfant a droit de jouir de tous les droits et libertés reconnus et garantis par la présente Charte, sans distinction de race, de groupe ethnique, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d'appartenance politique ou autre opinion, d'origine nationale et sociale, de fortune, de naissance ou autre statut, et sans distinction du même ordre pour ses parents ou son tuteur légal. »69 66 Article 2 CADBE - Définition de l’enfant Préambule de la CADBE. 68 Préambule de la CADBE. 69 Article 3 CADBE 67 30 Système africain de protection des droits de l’homme – Licence 1 – Fatou Kiné CAMARA La discrimination n’est pas juste le fait de distinguer un groupe d’un autre. Elle est: « « le fait de distinguer des autres un groupe social et de restreindre ses droits »70 ou « l’action d’établir une différence, d’exclure par une 71 ségrégation » . L’acte discriminatoire peut aussi être défini comme l’action « qui tend à distinguer, à son détriment, un groupe humains des autres. »72 () 2) La prééminence de l’intérêt de l’enfant La manière très large dont l’article 4 de la Charte73 est formulée signifie que quelles que soient les personnes en cause, quelle que soit le type d’affaire dont il s’agit l’intérêt de l’enfant devra toujours primer sur toute autre considération. 3) La prise en compte obligatoire de l’avis de tout enfant capable de communiquer L’article 4 utilise des formules permettant l’interprétation la plus large possible des situations où l’avis de l’enfant est impérativement requis. De plus, elle ne fixe pas d’âge plancher à partir duquel l’enfant doit être consulté. L’obligation de demander à l’enfant son avis concerne tout enfant « capable de communiquer ». La communication ne s’exprimant pas seulement par la parole mais également par des signes ou des attitudes « 2. Dans toute procédure judiciaire ou administrative affectant un enfant qui est capable de communiquer, on fera en sorte que les vues de l'enfant puissent être entendues soit directement, soit par le truchement d'un représentant impartial qui prendra part à la procédure, et ses vues seront prises en considération par l'autorité compétente, conformément aux dispositions des lois applicables en la matière. »74 D- Les droits assurant la protection de l’enfant • Droit à la non discrimination (art. 3, 26) • Droit à la vie, à la protection et au développement (art. 5) • Droit au nom (art. 6) • Droit à une nationalité (art. 6) 70 Dictionnaire Hachette 2005 Larousse, 1988 72 Larousse, 1988 73 Article 4 CADBE. « 1. Dans toute action concernant un enfant, entreprise par une quelconque personne ou autorité, l'intérêt supérieur de l'enfant sera la considération primordiale. » 74 Article 4 CADBE. 71 31 Système africain de protection des droits de l’homme – Licence 1 – Fatou Kiné CAMARA • Droit à la liberté d’expression, d’association, de pensée, de conscience et de religion (art. 7, 8, 9) • Droit à la protection de la vie privée (art. 10) • Droit à l’éducation (art. 11) • Droit aux loisirs, aux activités récréatives et culturelles (art. 12) • Droit des enfants handicapés à des mesures spéciales de protection et à l’accès effectif à tous les droits garantis aux autres enfants (art. 13) • Droit à la santé (art. 14) • Droit à la protection contre toute forme d’exploitation économique, y compris la mendicité (art. 15, 29) • Droit à une législation du travail appropriée (âge minimal; heures de travail, conditions d’emploi, … art. 15) • Droit à la protection contre les abus sexuels et les mauvais traitements (art. 16, 27) • Droit à une justice adaptée pour les mineurs (art. 17) • Droit à la protection de la famille, aux soins et à la protection des parents (art. 18,19, 20) • « Aucun enfant ne peut être privé de son entretien en raison du statut marital de ses parents. » (art. 18,3.) • Droit à la protection contre les pratiques négatives sociales et culturelles (art. 21) • Droit à la protection dans les zones de conflit armé (art. 22) • Droit à la protection des enfants réfugiés ou séparés de leurs parents (art. 23, 25) • Prééminence de l’intérêt de l’enfant dans les procédures d’adoption (art. 24) • Droit des mères (femmes enceintes, allaitantes ou mères d’enfants en bas âge) accusées ou jugées coupables d'infraction à la loi pénale de bénéficier de la liberté provisoire et de peines alternatives à l’emprisonnement (art. 30) §iii. Les responsabilités des enfants (art 31) La CADBE confère à chaque enfant, selon son âge et ses capacités, des responsabilités envers sa famille, la société, l'Etat, la communauté internationale et toute autre communauté reconnue légalement. Chaque devoir doit être interprétés en conformité avec les exigences découlant des droits des enfants. En effet, aucune atteinte au droit d’un enfant ne saurait être justifié par l’obligation 32 Système africain de protection des droits de l’homme – Licence 1 – Fatou Kiné CAMARA de l’enfant de respecter ses parents (mariage précoce), d’assister sa famille (mendicité et pires formes de travail des enfants), de servir la communauté nationale ou de de préserver l’intégrité territoriale (enfant soldat). Chacune des obligations énoncées dans l’article ci-dessous doit tenir compte de la réserve qu’il contient : « Tout enfant a des responsabilités envers sa famille, la société, l'Etat et toute autre communauté reconnue légalement ainsi qu'envers la communauté internationale. L'enfant, selon son âge et ses capacités, et sous réserve des restrictions contenues dans la présente Charte, a le devoir : a) d'œuvrer pour la cohésion de sa famille, de respecter ses parents, ses supérieurs et les personnes âgées en toutes circonstances et de les assister en cas de besoin ; b) de servir de communauté nationale en plaçant ses capacités physiques et intellectuelles à sa disposition ; c) de préserver et de renforcer la solidarité de la société et de la nation ; d) de préserver et de renforcer les valeurs culturelles africaines dans ces rapports avec les autres membres de la société, dans un esprit de tolérance, de dialogue et de consultation, de contribuer au bien-être moral de la société ; e) de préserver et de renforcer l'indépendance nationale et l'intégrité de son pays ; f) de contribuer au mieux de ses capacités, en toutes circonstances et à tous les niveaux, à promouvoir et à réalise l'unité africaine. »75 QUESTIONS – Est-il dangereux d’attribuer à l’enfant des responsabilités dans une charte portant sur ses droits et sur son bien-être ? Justifiez-votre réponse. – Que pensez-vous de l’affirmation contenue dans le Préambule de la CADBE selon laquelle « l'enfant occupe une place unique et privilégiée dans la société africaine » ? – L’Etat du Sénégal peut-il invoquer le respect de la religion ou des valeurs culturelles sénégalaise pour justifier la non protection de l’un quelconque des droits des enfants ? 75 Article 31 – Responsabilité des enfants 33 Système africain de protection des droits de l’homme – Licence 1 – Fatou Kiné CAMARA – A votre avis, à partir de quel âge un enfant est-il capable de communiquer ? BIBLIOGRAPHIE – Jean-Didier Boukongou, « Le système africain de protection des droits de l’enfant – exigences universelles et prétentions africaines », CRDF,n°5, 2006, p. 97-108, disponible sur http://www.unicaen.fr/puc/ecrire/revues/crdf/crdf5/crdf0509boukongou.pdf (consulté le 05 juillet 2014) – Cartographie et analyse des systèmes de protection de l’enfance au Sénégal, Ministère de la Famille, des Groupements Féminins et de la Protection de l’Enfance ; Ministère de la Justice ; Cellule d’Appui à la Protection de l’Enfance ; RAPPORT FINAL ; Janvier 2011, disponible sur http://www.unicef.org/wcaro/french/Senegal_Carto_Analyse_Systemes_Prot_Enfant.p df (consulté le 05 juillet 2014) – La Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant – La convention des Nations Unies sur les droits de l’enfant SECTION 3. LE PROTOCOLE A LA CHARTE AFRICAINE DES DROITS DE L’HOMME ET DES PEUPLES RELATIF AUX DROITS DES FEMMES EN AFRIQUE Le Protocole à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples relatif aux droits des femmes en Afrique est plus connu sous le nom de Protocole de Maputo car il a été adopté le 11 Juillet 2003 à Maputo (Mozambique) par la Conférence des chefs d’Etats de l’Union Africaine. Il a reçu les 15 ratifications nécessaires à son entrée en vigueur le 25 Novembre 2005. En décembre 2011, sur les 53 pays membres de l'UA, 49 ont signé le protocole (les quatre Etats non signataires sont: Botswana, Egypte, Erythrée, Tunisie) 31 de ces pays l'ont ratifié (58,5% des Etats membres de l'UA). Le Sénégal l’a ratifié avec la loi n° 2004-35 du 8 janvier 2005 autorisant la ratification du PCADHP.76 §I. Les motifs de la ratification du Protocole de Maputo par le Sénégal Le Protocole de Maputo est un instrument juridique correspondant aux priorités spécifiques des femmes en Afrique. Il complète les dispositions de la Charte Africaine en renforçant la protection des droits de la Femme en Afrique, La ratification par le Sénégal du Protocole de Maputo se justifie pour les raisons suivantes, exposées dans le projet de loi d’autorisation de ratification : 76 J.O. N° 6200 du samedi 8 janvier 2005 (http://www.jo.gouv.sn/spip.php?article5163 ) visite le 27 juillet 2013 34 Système africain de protection des droits de l’homme – Licence 1 – Fatou Kiné CAMARA « La persistance aujourd’hui de discriminations ou de pratiques néfastes à l’égard des femmes en Afrique a révélé les limites de la Charte africaine des Droits de l’homme et des autres instruments internationaux relatifs aux Droits de l’Homme. Cette situation a conduit la Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement de l’union africaine à adopter en juillet 2003 à Maputo le Protocole à la Charte africaine des Droits de l’homme et des Peuples relatif aux Droits de la Femme en Afrique. (…) Il vise l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes sous toutes ses formes et la mise en œuvre, à cet effet de stratégies, d’information, d’éducation et de communication. Dans ce sens, les Etats Parties se sont engagés à insérer dans leurs législations internes des mesures appropriées pour garantir l’application des principes ci-après : • l’égalité entre les hommes et les femmes ; • le respect de la dignité de la femme ; • le droit à la vie, à l’intégrité et à la sécurité de la femme. Le Protocole vise également l’élimination des pratiques néfastes à l’égard des femmes. (…) Par ailleurs, le Protocole garantit à la femme un égal accès à la justice et une égale protection devant la loi. Il reconnaît, en outre, à la femme Africaine les droits ci-après : • le droit de participer aux processus politiques à la prise de décision ; • le droit à la paix ; • le droit à l’éducation et à la formation ; • les droits économiques ; Une protection spéciale est également prévue pour les femmes âgées, les femmes handicapées et les femmes en situation de détresse. (…) Le Sénégal, en ratifiant ce Protocole, confirmerait son engagement pour la promotion des droits de la femme.»77 §II Les concepts clés du Protocole de Maputo A- Les valeurs africaines Le Préambule fait référence au « rôle crucial des femmes dans la préservation des valeurs africaines ». Il précise également qu’il s’agit des valeurs basées sur les principes suivants : 77 Loi n° 2004-35 du 8 janvier 2005, Exposé des motifs J.O. N° 6200 du samedi 8 janvier 2005. 35 Système africain de protection des droits de l’homme – Licence 1 – Fatou Kiné CAMARA – – – – – – l’égalité, la paix, la liberté, la dignité, la justice, la solidarité la démocratie. B- Les femmes Le vocable « femmes » recouvre toutes les personnes de sexe féminin quel que soit leur âge ( art. 1er, g Protocole) C- La discrimination à l’égard des femmes Le Protocole définit la discrimination à l’égard des femmes comme étant : « [T]oute distinction, exclusion, restriction ou tout traitement différencié fondés sur le sexe, et qui ont pour but ou pour effet de compromettre ou d’interdire la reconnaissance, la jouissance ou l’exercice par les femmes, quelle que soit leur situation matrimoniale, des droits humains et des libertés fondamentales dans tous les domaines de la vie ».78 D- Les pratiques néfastes Pour lutter efficacement contre les pratiques néfastes le Protocole prend soin d’en donner une définition sans équivoque. Ainsi il classe dans cette catégorie les comportements suivants : « [T]out comportement, attitude ou pratique qui affecte négativement les droits fondamentaux des femmes, tels que le droit à la vie, à la santé, à l’éducation, à la dignité et à l’intégrité physique ».79 E- La violence a l’égard des femmes Dans des contextes culturels où la violence à l’égard des femmes, des jeunes filles et des fillettes est issue de la société elle-même qui la banalise et la perpétue, elle est très souvent invisible car ignorée. Une bonne définition contribuant à la visibilité des phénomènes sociaux, le Protocole expose dans les détails tous les cas, actes et comportements constituant une violence à l’égard de la femme. Ainsi il y a violence dans les cas suivants : 78 79 Article 1er e) du Protocole. Article 1er i) du Protocole. 36 Système africain de protection des droits de l’homme – Licence 1 – Fatou Kiné CAMARA « [T]ous actes perpétrés contre les femmes causant ou pouvant causer aux femmes un préjudice ou des souffrances physiques, sexuelles, psychologiques ou économiques, y compris la menace d’entreprendre de tels actes, l’imposition de restrictions ou la privation arbitraire des libertés fondamentales, que ce soit dans la vie privée ou dans la vie publique, en temps de paix, en situation de conflit ou de guerre. »80 §III. Les obligations fondamentales des Etats parties Les Etats parties au Protocole de Maputo se sont engagées à : – Eliminer la discrimination et les pratiques néfastes à l’égard des femmes (art. 2 et 5), – Former les organes chargés de l’application de la loi à la compréhension et au respect des droits humains des femmes et des filles (art. 8) – Assurer la représentation équitable/paritaire des femmes dans les institutions judiciaires et celles chargées de l’application de la loi, ainsi que dans les organes de décisions (articles, 8, 9, 19) – Garantir une réparation appropriée à toutes les femmes dont les droits auront été violés (art. 25) – Allouer les ressources budgétaires adéquates pour la mise en œuvre et le suivi des actions de prévention et d’éradication les violences contre les femmes (art. 4) – Garantir une réparation appropriée à toutes les femmes dont les droits auront été violés (art. 25) §IV. - Les droits consacrés par le Protocole de Maputo Droit à la dignité (art. 3) Droit à la vie, à l’intégrité et à la sécurité (art. 4) Droits égaux dans le mariage Âge minimum pour le mariage de 18 ans pour la fille (art. 6) Fondement de la légalité du mariage sur le plein et libre consentement des deux futurs conjoints (art. 6) - Droits égaux en cas de séparation de corps, de divorce et d’annulation du mariage (art. 7) - Droit à l’accès à la justice et à l’égale protection devant la loi (art. 8) 80 Article 1er k) du Protocole 37 Système africain de protection des droits de l’homme – Licence 1 – Fatou Kiné CAMARA - Droit à la représentation équitable des femmes dans les institutions judiciaires et celles chargées de l’application de la loi (art. 8) - Droit à la participation au processus politique et à la prise de décision – représentation paritaire obligatoire (art. 9) - Droit à la paix – droit de participer à la promotion et au maintien de la paix (art. 10) - Droit à la protection dans les conflits armés (art. 11) - Droit à l’éducation et à la formation (art. 12) - Droit à l’égalité en matière d’accès à l’emploi (art. 13) - droit à une rémunération égale des hommes et des femmes pour des emplois de valeur égale (art. 13) - Droit à la protection contre le harcèlement sexuel dans les lieux de travail (art. 13) - Droit à la transparence dans le recrutement, la promotion et dans le licenciement (art. 13) - Droit au soutien financier et à la protection sociale dans le secteur informel (art. 13) - Droit à l’égalité fiscale (art. 13) - Droits égaux en matière de sécurité sociale (art. 13) - Droits égaux en matière de responsabilité parentale (art. 13) - Droit à l’interdiction de l’exploitation ou de l’utilisation des femmes à des fins de publicité à caractère pornographique ou dégradant pour leur dignité. (art. 13) - Droit à la valorisation de leur travail domestique (art. 13) - Droit à la santé (art. 14) - Droit au contrôle de leur fécondité et de décider librement de leur maternité, du nombre d’enfants et de l’espacement des naissances (art. 14) - Droit à l’avortement médicalisé (art. 14, 2. c) - Droit de se protéger et d’être protégées contre les infections sexuellement transmissibles, y compris le VIH/SIDA (art. 14)81 • Droit à la sécurité alimentaire (art. 15) • Droit à un habitat adéquat (art. 16) • Droit à un environnement culturel positif (art. 17) 81 Lire : Les observations générales sur l’article 14(1)(d) http://www1.chr.up.ac.za/index.php/african-commission-documents.html (visite le 11 août 2013) 38 et (e) du PCADHP Système africain de protection des droits de l’homme – Licence 1 – Fatou Kiné CAMARA • Droit à un environnement sain et viable (Art. 18) • Droit à un développement durable (Art 19) • Droit de la veuve de/à : • jouir de tous les droits humains (art. 20) • une part équitable dans l’héritage des biens de son conjoint (art. 21) • continuer d’habiter dans le domicile conjugal, quel que soit le régime matrimonial (art. 21) • Droits égaux à hériter de leurs parents en parts équitables (art. 21) • Droit à des mesures de protection spéciales des femmes : • âgées (art. 22) • handicapées (art. 23) • en situation de détresse - pauvres, chefs de famille, issues de communautés marginalisées, incarcérées et en état de grossesse ou allaitant (art. 24) QUESTIONS – Partagez-vous l’affirmation faite dans le Préambule du Protocole de Maputo selon laquelle les valeurs d’égalité, de paix, de liberté, de dignité, de justice, de solidarité et de démocratie sont des valeurs africaines ? – Quels sont les cas de violences à l’égard des femmes, des jeunes filles et des fillettes que vous pouvez citer ? Les hommes, jeunes et moins jeunes, en sont-ils autant victimes que les femmes et les filles ? – Quels sont les cas de discriminations à l’égard des femmes, des jeunes filles et des fillettes que vous pouvez citer ? Les hommes, jeunes et moins jeunes, sont-ils autant victimes de discriminations que les femmes et les filles ? – Quels sont les cas de pratiques néfastes à l’égard des femmes, des jeunes filles et des fillettes que vous pouvez citer ? Les hommes, jeunes et moins jeunes, en sont-ils autant victimes que les femmes et les filles ? BIBLIOGRAPHIE • « Les Femmes Africaines S’organisent Pour La Ratification Et La Mise En Œuvre Du Protocole De Maputo » publié sur le sie web de AWID (Association pour les droits de la femme et le développement) http://www.awid.org/fre/Actualites-etAnalyses/Dossier-du-Vendredi/Les-femmes-africaines-s-organisent-pour-laratification-et-la-mise-en-aeuvre-du-Protocole-de-Maputo (visite le 27 juillet 2013) 39 Système africain de protection des droits de l’homme – Licence 1 – Fatou Kiné CAMARA • • Les observations générales sur l’article 14(1)(d) et (e) du PCADHP http://www1.chr.up.ac.za/index.php/african-commission-documents.html (visite le 11 août 2013) « Budget analysé selon le genre, synthèse des principaux concepts et de certaines initiatives dans les Amériques » http://www.feminamericas.net/FR/thematiques/ThemResumeBudgetf.5.pdf (visite le 1er juillet 2011) CHAPITRE 3 LES MECANISMES AFRICAINS DE PROTECTION DES DROITS DE L’HOMME 40 Système africain de protection des droits de l’homme – Licence 1 – Fatou Kiné CAMARA SYSTÈME AFRICAIN DE PROTECTION DES DROITS DE L’HOMME TABLE DES MATIERES Sommaire ………………………………………………………………………………… p. 2 INTRODUCTION ………………………………………………………………………… p. 3 CHAPITRE 1er LES DROITS HUMAINS EN AFRIQUE : EVOLUTION ET CONTEXTE HISTORIQUE Section 1. La tradition africaine de respect de l’être humain ……………………………….p. 5 §I. Les lois de l’Egypte négro-pharaonique ……………………………………………… p. 5 §II. Les lois de l’empire du Mali ………………………………………………………. p.9 §IV. Les lois de l'Afrique australe : le concept d’Ubuntu ……………………………….. p.11 Questions ………………………………………………………………………………… p.12 Bibliographie ……………………………………………………………………………. p.13 section 2. Les effets dévastateurs des traites esclavagistes et de la conquête coloniale … p.13 §I. Les traites esclavagistes ……………………………………………………………… p.13 §II. Les guerres coloniales ………………………………………………………………. p.15 §III. Le legs colonial ……………………………………………… …………………….. p.17 Questions ………………………………………………………………………………… p.18 Bibliographie ……………………………………………… …………………………….. p.19 CHAPITRE 2 LES INSTRUMENTS AFRICAINS DE PROTECTION DES DH Section 1 : La Charte africaine des droits de l’homme et des peuples …………………… p.20 §I. Une Charte africaine et innovante …………………………………………………… p.20 A- Le caractère africain de la Charte ………………………………………………... p.20 B- Le caractère innovant de la Charte ……………………………………………… p. 21 4) L’affirmation de l’indivisibilité des différentes générations de droits de l’homme p.21 5) La consécration des droits des peuples …………………………………………… p.22 6) L’énoncé des devoirs des êtres humains ………………………………………….. p.22 §II. Droits et devoirs consacrés par la Charte …………………………………………… p.23 A- Les droits des individus ………………………………………………………….. p.23 B- Les droits des peuples …………………………………………………………… p.24 C- Les devoirs des individus ……………………………………………… ………... p.26 Questions ………………………………………………………………………… ……… p.28 Bibliographie ……………………………………………… …………………………….. p.28 Section 2 : La Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant …………………… p.29 §I. L’attention particulière à la spécificité des atteintes aux droits des enfants en Afrique p.29 §II. Les droits des enfants en Afrique …………………………………………………… p.30 A- La définition de l’enfant …………………………………………………………. p.30 B- La justification de son statut ……………………………………………… ……... p.30 C- Les principes directeurs ……………………………………………… ………….. p.30 1) La non discrimination ……………………………………………… ……………. p.30 2) la prééminence de l’intérêt de l’enfant …………………………………………… p.31 3) La prise en compte obligatoire de l’avis de tout enfant capable de communiquer p.31 D- Les droits assurant la protection de l’enfant ……………………………………… p.31 §III. Les responsabilités des enfants ……………………………………………… ……. p.32 Questions ……………………………………………… ………………………………… p.33 Bibliographie ……………………………………………… ……………………………. p.34. Section 3 : Le Protocole à la charte africaine des droits de l’homme et des peuples relatif aux droits des femmes en Afrique ……………………………………………… …………… p.34 41 Système africain de protection des droits de l’homme – Licence 1 – Fatou Kiné CAMARA §I. Les motifs de la ratification du Protocole de Maputo par le Sénégal ………………… p.35 §II. Les concepts clés du Protocole de Maputo ……………………………………………p.36 A- Les valeurs africaines ……………………………………………… ……………. p.36 B- Les femmes ……………………………………………… ……………………… p.36 C- La discrimination à l’égard des femmes …………………………………………...p.36 D- Les pratiques néfastes ………………………………………………………………p.36 E- La violence à l’égard des femmes ……………………………………………… .. p.37 §III. Les obligations fondamentales des Etats parties …………………………………… p.37 §IV. Les droits consacrés par le Protocole de Maputo ………………………………… …p.38 Questions ……………………………………………… ………………………………… p.39 Bibliographie ……………………………………………… ……………………………. p.40. CHAPITRE 3 LES MECANISMES AFRICAINS DE PROTECTION DES DH Section 1 : La Commission africaine des droits de l’homme et des peuples Section 2 : Le Comité des experts pour le bien-être de l’enfant Section 3 : La Cour africaine des droits de l’homme et des peuples 42