j etais banquier com

Transcription

j etais banquier com
RAPPORT ANNUEL 2014 DE LA FIU
É DITION 109 –
VENDREDI
19
AOÛT
2016
LES DÉCLARATIONS
D’OPÉRATIONS
DOUTEUSES EN HAUSSE
DANS LE GLOBAL BUSINESS
L’ HEBDOMADAIRE
ÉLECTRONIQUE GRATUIT
« LA BANQUE
A BEAUCOUP
DE DÉFIS
À RELEVER »
RAJ DUSSOYE, NOUVEAU CEO DE SBM BANK (MAURITIUS) LTD
Il est en poste depuis le 16 août, et il songe
déjà aux changements à apporter pour redorer
le blason de la SBM Bank (Mauritius) Ltd. Raj
Dussoye, qui retrouve la SBM après bien des
années, se dit prêt à reconquérir les parts du
marché érodées de la banque. Parcours
d’un banquier qui prône la reconnaissance
des talents locaux
COÛT DU MÉTRO LÉGER
DE Rs 6,2 MILLIARDS EN 2001
À Rs 24,8 MILLIARDS EN 2013
LA TOUR
« LA BANQUE A
BEAUCOUP DE
DÉFIS À RELEVER »
VENDREDI 19 AOÛT 2016 | BIZWEEK | ÉDITION 109
RAJ DUSSOYE, NOUVEAU CEO DE SBM BANK (MAURITIUS) LTD
Il est en poste depuis le
16 août, et il songe déjà
aux changements à apporter pour redorer le
blason de la SBM Bank
(Mauritius) Ltd. Raj
Dussoye, qui retrouve la
SBM après bien des années, se dit prêt à reconquérir les parts du
marché érodées de la
banque. Parcours d’un
banquier qui prône la
reconnaissance des
talents locaux
HERRSHA LUTCHMAN-BOODHUN
5
LA TOUR
VENDREDI 19 AOÛT 2016 | BIZWEEK | ÉDITION 109
6
’est avec confiance qu’il
prend la barre de la SBM
Bank (Mauritius) Ltd. Raj
Dussoye est de ceux qui
persévèrent. Il l’a montré à
chaque fois qu’il a eu à surmonter un
obstacle, à prendre une décision importante ou tout simplement dans l’exercice
quotidien de ses fonctions.
C’est en 1982 que Raj Dussoye intègre la State Bank of Mauritius (SBM),
juste après ses études secondaires. Il se
voit offrir une bourse d’études après le
Higher School Certificate (HSC), mais
cela ne comprend pas les billets d’avion.
N’ayant pas les moyens financiers nécessaires, il doit décliner la bourse d’études.
À cette époque, la SBM était en pleine
expansion. Raj Dussoye intègre l’institution bancaire en tant que Clerical Assistant. Il y exercera pendant sept ans. La
chance lui sourit quand il obtient une
promotion et devient Clerk, bien que ses
responsabilités ne changent pas.
Mais Raj Dussoye vise haut. L’idée
qu’il n’a pu entamer des études
supérieures le hante. Il se lance donc en
1989, tout en continuant à travailler,
dans des études bancaires. Il prend des
cours, le soir, à l’Université de Maurice.
« Je me souviens bien que Dan Maraye, ancien gouverneur de la Banque centrale, et
l’ex-juge Bhushan Domah, étaient mes professeurs de classe en comptabilité et en étude
légale respectivement. J’en garde de très
bons souvenirs », nous confie-t-il.
Toutefois, l’Université de Maurice
n’offre que des études de niveau 1. « J’ai
dû me battre seul pour compléter mes études
de niveau 2 et devenir Associate of the
Chartered Institute of Bankers (ACIB) en
peu de temps », explique-t-il.
Vers la même époque, il est promu officier dans un nouveau département de
la banque ; le Corporate Banking Development. « C’est là où j’ai commencé à
briller avec une vue analytique et une
maîtrise des dossiers complexes. J’ai vite
tapé dans l’œil du CEO de l’époque, Muni
Krishna Reddy, qui m’a bien guidé dans
ma carrière », explique notre interlocuteur.
Ce dernier devient très vite, en 1993,
le Manager de la succursale de QuatreBornes.
En 1995, la SBM décide de créer des
départements non-bancaires tels le stockbroking, l’asset management… La
banque fait alors appel à lui pour lancer
ces départements. Il y consacre une
C
année, avant de se voir dans l’obligation
de réintégrer le ‘core business’ de la
banque. Il est même promu ‘Team
Leader’ du Retail Banking, avec sous sa
responsabilité une vingtaine de succursales, ainsi que tous les soucis journaliers
qui vont avec, les problèmes des clients à
régler, ainsi que ceux du personnel.
En 1996, l’environnement bancaire
dans le monde du ‘corporate business’
devient de plus en plus complexe, et la
SBM est à la recherche de spécialistes
pour épauler le Head of Corporate Banking, le défunt Anil Gunness, qui deviendrait subséquemment le CEO de la
banque.
Au début de l’an 2000, la banque décide de migrer vers une nouvelle plateforme technologique. « On fait appel à
moi pour piloter ce projet qui comprenait
les négociations commerciales et l’implémentation du projet lui-même. Puisque le
‘corporate business’ souffrait en mon absence, j’ai dû laisser l’implémentation du
projet à d’autres et retourner vers mon
métier de banquier corporate », soutient
Raj Dussoye.
Fin 2001, la SBM décide de mener un
exercice de ‘succession planning’ pour
parer à l’éventualité d’un départ de Muni
Krishna Reddy, alors Managing Director. Quatre candidats sont choisis – Anil
Gunness, Jairaj Sonoo, Vikram Dowlut
et Raj Dussoye lui-même. À la suite de
cet exercice, le panel de sélection qui
comprend les membres du board, ainsi
que des représentants d’Accenture et de
Mckinsey, lui offre de prendre la direction de la banque.
« N’étant pas mentalement prêt et
venant tout juste de me marier, avec un
petit bébé à la maison, j’ai décliné l’offre en
faveur d’Anil Gunness, à qui j’ai donné
tout mon soutien », se souvient-il.
Suite à cet exercice, le conseil d’administration recommande un ‘fast track’.
En 2003, la banque décide ainsi de l’envoyer en Inde, en tant que CEO – Operations, pour qu’il acquiert un
rayonnement international.
Il y passe trois « merveilleuses années »,
soit une année à Chennai et deux autres
à Mumbai. « Mon but principal était l’acquisition d’une banque indienne pour la
SBM », poursuit-il. Cependant, la Reserve Bank of India (RBI) vient de l’avant avec un règlement ayant pour but
d’empêcher les banques étrangères d’acquérir des banques indiennes.
Raj Dussoye s’attèle néanmoins à un
LES DÉFIS DU SECTEUR EN GÉNÉRAL
Si la SBM a des défis à relever, c’est
aussi le cas pour le secteur bancaire
en général. Le banquier qu’est Raj
Dussoye estime que l’excès de liquidités pèse toujours sur toutes les
banques, et que cela va durer aussi
longtemps que l’économie mondiale
ne redémarre pas vraiment.
Mais cet excès de liquidités va entraîner davantage de compétition sur
les intérêts. Ce qui peut être une
bonne chose pour les grandes entreprises et les Mauriciens en général.
De l’autre côté, lance Raj Dussoye, le
monde bancaire devient de plus en
plus complexe et nécessite des spécialistes de plus en plus pointus.
« Beaucoup nous font croire qu’il faut
dépendre des ‘experts’ étrangers.
Personnellement, je crois beaucoup
dans le savoir-faire mauricien, qu’il
soit basé à Maurice ou qu’il exerce à
l’étranger. Ce n’est pas pour rien
qu’on dit que le Mauricien est
débrouillard ! » lance notre interlocuteur.
‘cleaning up exercise’ des actifs de la
banque, et lorsqu’il part en 2006,
l’opération indienne est saine.
Il revient ainsi à Maurice en 2006, en
tant que Head of Sales & Service, ce qui
fait de lui, techniquement, le numéro 3
de la banque. « J’ai bossé dur, comme
d’habitude, dans l’attente d’une progression
verticale dans ma carrière », avance le père
de famille.
En juin 2007, son contrat arrive à
terme. Il s’enquiert, auprès de la direction de la banque, de la prochaine étape
de sa carrière. « On m’a fait savoir qu’il y
aurait un changement à la tête de la
banque, et le souhait était que le CEO et le
Deputy CEO soient des expatriés. Je n’étais
pas trop d’accord à cause de la non-reconnaissance des talents locaux. J’ai alors pris
mes distances », se souvient Raj Dussoye.
À la même époque, le groupe Ciel
s’active sur son nouveau projet bancaire
et cherche un banquier expérimenté. Raj
Dussoye y prend de l’emploi. Ciel en
partenariat avec I&M Bank du Kenya,
achète alors la First City Bank, qui deviendra Bank One.
« C’était une banque pourrie avec du
personnel complètement découragé, des
procédures qui n’existaient pas et je me suis
mis à la tâche de lancer de nouveaux flux
de revenus, recruter de nouveaux talents,
monter une nouvelle équipe, faire du ‘business process reengineering’, et rehausser totalement le niveau des services et la
compétence du personnel pour pouvoir redresser la banque en 10 mois », explique
Raj Dussoye.
Pour ce dernier, quoiqu’en pensent les
gens, le redressement de Bank One a été
une réussite. Selon lui, malgré les
quelques secousses à la banque à la fin de
son contrat, Bank One demeure rentable
sur la base solide qu’il a léguée.
À l’expiration de son contrat, il décide
toutefois de prendre un peu de recul.
Quand le groupe AXYS l’approche
pour son projet de banque, il se laisse
tenter et s’embarque, en tant que consultant, dans cette nouvelle aventure. Il
passera deux ans et demi chez AXYS où,
poursuit-il, il règne une ambiance très
cordiale, un esprit entrepreneurial très
profond, ainsi qu’une volonté d’apporter
du nouveau dans le secteur des services
financiers de Maurice.
C’est alors que la SBM fait de nouveau appel à lui.
« Malgré le fait que j’étais loin de la
SBM, elle me restait toujours chère, car j’y
ai passé les 25 plus belles années de ma
jeunesse », poursuit notre interlocuteur.
C’est là, en effet, qu’il a rencontré son
épouse, Sultanah, avec qui il a fondé une
famille qui comprend aujourd’hui sa fille
Saharah, 16 ans, et son fils Shaan, 13 ans.
Bien qu’étant loin de la SBM pendant
toutes ces années, Raj Dussoye s’intéressait à tout ce qui se passait à la banque
et, souligne-t-il, les événements récents
lui faisaient mal. Ainsi, lorsqu’on l’a approché pour qu’il vienne à la rescousse de
la banque, il a accepté de tout cœur. La
SBM est, pour lui, comme « lakaz
mama ». Son retour marque ainsi un
Fin 2001, la SBM décide de mener un
exercice de ‘succession planning’ pour
parer à l’éventualité
d’un départ de Muni
Krishna Reddy, alors
Managing Director.
Quatre candidats
sont choisis – Anil
Gunness, Jairaj
Sonoo, Vikram
Dowlut et Raj
Dussoye lui-même.
« homecoming » après l’exil.
Un ‘homecoming’ par la grande
porte, puisqu’il est nommé Chief Executive Officer de la SBM Bank (Mauritius)
Ltd, et donc le responsable des opérations bancaires en général.
En ce moment, explique le nouveau
CEO, la SBM est en pleine implémentation de son projet de transformation
informatique, qui va changer la face de
la banque et la positionner comme une
institution très moderne.
« La banque a beaucoup de défis à surmonter. Nous avons des problèmes au
niveau des ressources humaines, de la qualité des services, de communication avec les
clients, un déficit de compétence, mais
surtout une banque qui, avec l’âge, a tendance à devenir obèse, et n’est plus agile
comme dans sa jeunesse », observe le
CEO.
Raj Dussoye se dit cependant confiant de pouvoir très vite relever tous ces
défis et redorer le blason de la SBM. Il
dit être conscient que la banque a souffert pendant quelques années en termes
d’érosion des parts de marché, mais affirme qu’il fera le nécessaire pour mettre
en place des stratégies pour les reconquérir. Aujourd’hui, lance-t-il, le monde
devient de plus en plus digital, et l’internet of things devient davantage une réalité de jour en jour. La SBM ayant adopté
ces développements technologiques, la
banque prendra résolument un visage
digital.
Le nouveau CEO rappelle cependant
que le métier de banquier dépendant
beaucoup des relations humaines, et la
SBM ayant toujours prôné la proximité
avec ses clients, « je veillerai à ce que cette
proximité augmente au lieu de se diluer. »
Ce dernier ajoute également que la
SBM participera de plein gré aux initiatives du gouvernement pour revaloriser
les petites et moyennes entreprises
(PME) afin d’encourager la création
d’emplois.
« Après tout, la SBM a été créée pour
bancariser ceux qui étaient ‘non-bankable’,
et qui comprenaient surtout le petit peuple
mauricien », conclut-il.