irvingpenn - Musée de l`Elysée

Transcription

irvingpenn - Musée de l`Elysée
DOSSIER PÉDAGOGIQUE
AVEC LE SOUTIEN DE LA FONDATION JULIUS BAER
IRVING PENN
LES PETITS METIERS
09.102010.-16.01.2011
Irving Penn Fireman, London, 1950;
©Condé Nast Publications, Ltd.
MUSEE DE L’ELYSEE
T + 41 21 316 99 11
UN MUSEE POUR LA PHOTOGRAPHIE
F + 41 21 316 99 12
18, AVENUE DE L’ELYSEE
[email protected]
CH –1006 LAUSANNE
WWW.ELYSEE.CH
TABLE DES MATIÈRES
INFORMATIONS PRATIQUES
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SPÉCIAL ENFANTS
4
CHRONOLOGIE
5
LES PETITS METIERS
7
TIRAGES PLATINE
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PROPOSITIONS D'ACTIVITES PEDAGOGIQUES
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2
INFORMATIONS PRATIQUES
Heures d’ouverture
Le Musée de l’Elysée est ouvert du mardi au dimanche de 11 h à 18 h,
ainsi que les jours fériés
Adresse
18, avenue de l’Elysée, 1014 Lausanne
T + 41 21 316 99 11
F + 41 21 316 99 12
E [email protected]
www.elysee.ch
Transports
bus n°4 et n°8, Montchoisi / Musée Olympique ; n°2, Croix-d’Ouchy
;
n° 25, Elysée. Métro M2, Délices.
Visites
L’entrée au musée est gratuite pour les élèves et leur enseignant/e.
Ce dernier bénéficie de la gratuité s’il souhaite préparer sa visite.
Ce dossier est téléchargeable sur www.elysee.ch, rubrique
éducation.
Des visites commentées – en français, allemand ou anglais – sont
proposées aux groupes (maximum 25 personnes).
La visite est facturée CHF 50.- (au lieu de 75.-) pour les écoles.
Prière de s’inscrire à l'accueil 10 jours à l’avance, par téléphone au
021 316 99 11 ou par e-mail à l’adresse [email protected]
Visites Guidées
Dimanche 10 octobre 16 h
Visite guidée par un guide du musée
Dimanche 17 octobre 16 h
Visite guidée par un guide du musée
Dimanche 24 octobre 16 h
Visite guidée par un guide du musée
Dimanche 14 novembre 16 h
Visite guidée par un guide du musée
Dimanche 12 décembre 16 h
Visite guidée par un guide du musée
Dimanche 16 janvier 16 h
Visite guidée par un guide du musée
Conférences
CHF 15.- / 5.-
Dimanche 07 novembre, Salle Lumière, 16 h
Cycle "Histoire de la photographie en 10 leçons"
L'Ecole de Düsseldorf I
par Radu Stern
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Dimanche 21 novembre, Salle Lumière, 16 h
Cycle "Histoire de la photographie en 10 leçons"
L'Ecole de Düsseldorf II
par Radu Stern
Dimanche 05 décembre, Salle Lumière, 16 h
Cycle "Les chefs-d'œuvre de la photographie"
The Steerage d'Alfred Stieglitz
par Radu Stern
La photographie en questions
Posez vos questions, le responsable des activités pédagogiques
se tient à votre disposition
Samedi 06 novembre, 16 h
Samedi 04 décembre, 16 h
SPÉCIAL ENFANTS
En famille au musée Pendant que les parents visitent l'exposition, les enfants la
découvrent à travers des propositions ludiques.
Dimanche 10 octobre, 16 h
Dimanche 24 octobre 16 h
Dimanche 14 novembre 16 h
Dimanche 06 décembre 16 h
Stages pour enfants
Jeux d'images
1. Du mardi 19 octobre au jeudi 21 octobre, 14 h – 17 h
er
2. Les mercredis 17 novembre. 24 novembre 2010 et 1 décembre.
Une exploration ludique du monde de l’image photographique pour les enfants de 6 à 12
ans.
Le stage se déroule sur les trois jours, sur inscription uniquement
Inscriptions et contact
Radu Stern
021 316 99 11
[email protected]
Rédaction du dossier : Radu Stern, responsable des programmes éducatifs
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CHRONOLOGIE
1917, le 6 juin
Naissance à Plainfield, N.J, d'Irving Penn. Son père, Harry,
était horloger et sa mère, Sonia, infirmière. Son frère cadet
deviendra le fameux réalisateur Arthur Penn.
1934-1938
Etudes de dessin, peinture et graphisme à la Pennsylvania
Museum School of Industrial Art avec Alexey Brodovitch.
Pendant l'été, Penn est l'assistant non payé de Brodovitch
au Harper's Bazaar. Brodovitch publie les premiers dessins
de Penn dans le magazine.
1938
Obtient son diplôme B.A. en design graphique.
Directeur artistique du magazine Juniors League.
1940
Remplace Brodovitch en tant que directeur de la publicité
de Saks Fifth Avenue. Penn commence à photographier.
1942
Peinture au Mexique.
1943
Assistant de Alexander Liberman,le directeur artistique de
er
Vogue. Première couverture pour Vogue, le 1 octobre.
1944-1945
Membre de l'American Field Service, Penn participe à
l'effort de guerre en tant que conducteur d'ambulance en
Italie et en Inde.
1946
Retourne comme photographe chez Vogue.
1948
Penn photographie les habitants de Cuzco.
1951
Penn commence son projet Small Trades (Les petits
métiers), qui deviendra une partie de World in a Small
Room (Des Mondes dans une petite chambre).
1958
Nommé un des "10 photographes les plus importants du
monde" par le Popular Photography Magazine.
1960
Livre : Moments Preserved.
1967
Commence à retravailler ses anciens tirages en utilisant le
procédé platine.
1974
Livre : Worlds in a Small Room.
1977
Exposition : Street Material, The Metropolitan Museum of
Art. New York.
1980
Exposition Earthly Bodies, Marlborough Gallery, New York.
Livre : Flowers.
1984
Rétrospective Irving Penn au MoMA, New York.
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1985
Prix Hasselblad.
1987
Prix culturel de la Société allemande de photographie.
1990
La National Portrait Gallery et le Smithsonian American Art
Museum achètent un nombre important d'images d'Irving
Penn
Livre : Passage.
1996
Penn fait une donation importante de ses images à l'Art
Institute of Chicago.
1999
Livre : The Astronomers Plan: a Voyage to
Earth.
2001
Livre : Still Life.
2008, février
Le J. Paul Getty Museum achète 252 images de la série
Small Trades.
2009, le 7 octobre
Décès d'Irving Penn à New York.
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LES PETITS METIERS
Irving Penn, Autoportrait
L'exposition Irving Penn : Les petits métiers a été conçue par Virginia Heckert et Anne Lacoste,
conservatrice associée et conservatrice adjointe au J. Paul Getty Museum à Los Angeles, qui avait fait
l'acquisition de 252 tirages de la série Small Trades en 2008. Cette série, la plus longue de la carrière
d'Irving Penn, est un projet personnel. En 1950, il a 33 ans et est à Paris à la demande de Michel de
Brunhoff, le directeur de l'édition française de Vogue, pour faire un travail sur les collections haute
couture. Sa carrière est étroitement liée au célèbre magazine dont la couverture du mois d'octobre 1943
est la première image publiée de Penn. Pendant les pauses entre deux séances de photographie de
mode, Penn a eu l'idée de commencer à photographier les petits métiers : bistrotiers, bouchers,
boulangers, chanteuses de rue, charbonniers, chevriers, cireurs de chaussures, chiffonniers, cordonniers,
cuisiniers, facteurs, femmes de ménage, fromagers, garçons de café, laveurs de vitres, pâtissiers,
plâtriers, poissonniers, rémouleurs, rempailleurs, vendeurs de journaux, vitriers et même un photographe
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ambulant, avant que beaucoup de ces activités, survivances d'une époque préindustrielle, ne
disparaissent. Penn fait part de son idée à Alexander Liberman, le directeur artistique de Vogue, qui la
communique à Michel de Brunhoff, qui mandate Edmonde Charles-Roux en tant qu'assistante de Penn.
La jeune femme deviendra rédactrice chez Vogue, titulaire de la rubrique La Vie de Paris. Elle estime
aussi que l'idée de photographier "les sous-couches sociales" est intéressante et collabore à sa
réalisation. Un studio est loué rue de Vaugirard, dans les locaux d'une ancienne école de photographie
et Edmonde Charles-Roux aide Penn à se mettre en contact avec les modèles : J'ai trouvé deux
rabatteurs, Robert Doisneau et son complice Robert Giraud. Ils ont été un peu comme les traffichino de
Naples, ceux qui vous ouvrent les portes. Le choix était judicieux, Robert Giraud, journaliste, spécialiste
de l'argot, était un des meilleurs connaisseurs de la vie de la ville et de ses quartiers populaires. Son
terrain de chasse a été la zone autour de la rue Mouffetard, une des plus vieilles rues de Paris. Edmonde
Charles-Roux se souvient :
Les gens que Penn photographiait ne disait pas qu'ils venaient de
Mouffetard, mais de la Mouf. Penn leur demandait "qu'est-ce que la
Mouf ? De quoi parlent-ils ? Je lui disais que c'était de l'argot, une
manière de dire Mouffetard. A cette époque, Mouffetard était un
quartier étonnant. Vous pouvez vous croire au Moyen-Âge avec les
marchands de légumes et les artisans qui travaillaient dans la rue.
Chaque modèle recruté recevait un cachet pour le temps passé avec le photographe.
En dépit de la spécificité typiquement "parisienne" de la rue Mouffetard, qui aurait tenté plus d'un, les
gens de la rue ne sont pas photographiés dans la rue. Penn choisit d'extraire ses modèles de leur
environnement habituel et de les photographier en studio, sans doute afin d'éviter le pittoresque quasi
folklorique du quartier. A l'instar du pittoresque, la nostalgie est absente de ces images. Le protocole est
bien établi et ne diffère pas de celui utilisée pour les photographies de mode : fidèle à ses habitudes,
Penn photographie les habitants de la Mouf le plus souvent, mais pas toujours, un par un, de plein pied,
dans leurs vêtements de travail, vus de face devant un fond blanc confectionné d'un ancien rideau de
théâtre. Le code vestimentaire est essentiel : c'est lui qui communique l'identité sociale des modèles,
plus importante pour Penn dans ce travail que leur identité individuelle. Quelques exceptions dans ce
défilé d'artisans : des personnages bohèmes comme l'intellectuel, le peintre, le sculpteur, la chanteuse
de cabaret et un excentrique, le bonapartiste, grand admirateur de Napoléon, qui apparaissait
régulièrement sur la rue Bonaparte, habillé en soldat de l'Empereur. Penn utilise l'éclairage naturel. Le
décor était volontairement dépouillé au maximum et les seuls accessoires admis étaient leurs outils de
travail. Il continue ainsi la façon de faire commencée à Cuzco deux ans auparavant, en février 1948,
quand il avait photographié les habitants dans une chambre vide, dépourvue de tout élément qui aurait
pu suggérer leur contexte social. La séparation du modèle de son environnement continue dans ses
8
Le studio d'Irving Penn rue Vaugirard, 1850
© Irving Penn Foundation
photographies de mode de 1948-1950, dans lesquelles il place les personnes dans un coin de la
chambre limitant ainsi l'espace qui les entoure. La diminution de la profondeur de champ obtenu par
l'utilisation du coin va se poursuivre dans les photographies parisiennes. Dans Les petits métiers,
l'isolement du modèle, présent dans chaque image, est l'élément formel essentiel qui assure l'unité
visuelle de la série. Néanmoins, son rôle est plus complexe. Rétrospectivement, dans Worlds in a Small
Room, Penn précise son approche :
J’ai préféré me confronter uniquement à la personne elle-même loin des
accidents de la vie quotidienne, portant ses propres vêtements et bijoux,
isolée dans mon studio. De cette personne seule, je pouvais distiller
l’image que je voulais et la froide lumière du jour la transporterait sur le
film… Éloigner les modèles de leur environnement naturel et les installer
dans un studio face à l’objectif, n’avaient pas seulement pour but de les
isoler, cela les transformait.
Premièrement, l'isolement contribue à une certaine neutralité de la prise de vue souhaitée par Penn.
Deuxièmement, il a comme résultat une monumentalisation du modèle, qui devient seul objet du
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regard. L'attention du regardeur n'est détournée par rien d'autre, ce qui lui permet de voir et
d'apprécier les détails. Le risque de monotonie engendrée par une mise en page qui peut sembler
répétitive est contrebalancé par la variété des contenus, qui est suffisamment forte pour garder éveillé
l'intérêt du spectateur. Troisièmement, les photographier en studio permet de leur accorder exactement
le même soin et la même attention qu'aux autres modèles bien plus célèbres.
Irving Penn, Les garçons bouchers, 1951
© Editions Condé Nast S.A.
Quelquefois, les images de la série Les petits métiers ont été étiquetées photographies de reportage.
Rien n'est moins vrai, car le terrain de Penn n'est pas la rue, mais le studio. Il n'a jamais été intéressé par
les hasards et la rapidité de l'instantané, mais par la lenteur qui permet de maîtriser le détail et le
contrôle absolu qu'il peut exercer sur ses modèles. Ces derniers ne sont pas surpris pendant leur travail,
ce qui aurait pu leur laisser une certaine maîtrise de leurs gestes, ils adoptent tous une pose à peu près
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pareille, exigée par le photographe. Les vues sont toujours frontales. Les prises de vues étaient longues
et minutieuses. Les images sont composées avec un soin extrême et parfois recadrées, afin d'améliorer
encore la composition.
Les outils présents à l'image peuvent nous faire penser à un schéma iconographique bien connu, les
portraits avec des attributs. Plus encore que photographies de reportage, les images de Penn ont été
considérées comme des portraits. Cependant, même si parfois on connaît le nom du modèle, le but de
Penn n'est pas d'exprimer l'unicité et l'individualité propre à la personne. Penn, auteur d'innombrables
portraits célèbres, s'éloigne dans cette série de la pratique habituelle du portraitiste. Ses premières
visées semblent être plutôt d'ordre presque ethnographique, la réalisation d'une typologie dans laquelle
l'identité du modèle s'efface devant l'expression d'un type.
En parlant du travail sur les petits métiers, Edmonde Charles-Roux affirme que "Penn n'avait qu'une
idée en tête : rendre hommage à Eugène Atget". Atget avait traité le sujet dans sa fameuse série Petits
métiers et scènes animées, commencée en 1897, qui a été éditée en cartes postales et avait inclus des
photographies des artisans et marchands ambulants dans d'autres séries, comme Métiers, boutiques et
étalages de Paris ou celle consacrée aux zoniers. Toutefois, il y a de grandes différences entre les images
d'Atget et celles de Penn. Pour le premier, ces photographies font partie d'un ensemble plus large qui
voulait donner une image globale de la ville. Atget voulait "posséder tout le vieux Paris" en images et
les petits métiers n'étaient qu'un élément parmi d'autres d'une approche globale qui incluait
l'architecture et les intérieurs parisiens. Deuxième grande différence : Atget représente les artisans et les
marchands en pleine activité, parfois mise en scène, en insistant sur leur interaction avec le milieu
urbain. .Rien de cela chez Penn, qui n'intègre pas ses modèles dans la ville.
A part Atget, la référence immédiate qui vient à l'esprit est le grand projet du photographe allemand
August Sander, qui avait commencé au début des années 1920 à travailler à la réalisation d'une vue
synoptique de la société allemande de l'époque, intitulée Les Hommes du 20
ème
siècle. Moins ambitieux
que Sander, Penn ne veut pas photographier toutes les couches sociales, ne rêve pas d'un inventaire
exhaustif et se limite aux petits métiers, continuant ainsi une très vieille tradition. En effet, des gravures
ème
représentant des petits métiers circulent déjà en Europe depuis le 16
siècle. Le thème n'a pas été
traité que par des graveurs populaires, il a intéressé aussi des grands maîtres, comme Abraham Bosse.
Le recueil de gravures sur bois Cri de Paris, représentant 18 petits métiers a été constamment réédité et
ème
le sujet reste très présent dans les chromolithographies du 19 . Si l'admiration pour Eugène Atget et
ses photographies d'ouvriers a pu jouer comme détonateur, la conception de la série doit beaucoup à
Sander et son approche systématique, que Penn pousse encore plus loin en maintenant une distance
qui ne varie pas avec ses modèles. Cette systématique, très présente au niveau formel, est moins
rigoureuse au niveau conceptuel du choix des métiers et des modèles. Comme chez Sander, la
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représentation sociale que nous propose Penn est subjective. En revanche, à la différence du
photographe allemand, Penn ne revendique jamais l'objectivité.
Saisissant immédiatement le potentiel de ces images, Alexander Liberman les veut pour Vogue.
Edmonde Charles- Roux publie certaines d'entre elles sur trois pages du numéro spécial de juin 1951
intitulé Paris a 2000 ans sous le titre Visages et métiers de Paris. Les photographies étaient, légendées
comme suit :
Le vitrier : Eternel piéton de Paris. Ses clients sont rue de l’Estrapade
L’artiste peintre : Signe ses toiles : Darta. Plus connu à Montmartre
sous le nom de D’Artagnan
L’intellectuel : Poète, laveur de vitres et client des cafés littéraires de
la rive gauche
Le concierge : M. Albert, fidèle gardien d’une demeure de la rue de
Bourgogne
Le rémouleur : Tient aussi un bistro : « Aux quatre Sergents de La
Rochelle », rue Mouffetard
Les garçons bouchers : Georges et Paul, de la rue du Pot-de-fer, en
costume de travail
Le facteur : En été, le sourire aux lèvres, il dessert les alentours
Le cordonnier : Depuis 25 ans à « La Botte rouge », rue Guénégaud.
Ex-Cordonnier du Cadre Noir.
Le petit pâtissier : Placé chez Coquelin, rue du Bac. Son
apprentissage durera cinq ans.
Le peintre en bâtiment : Joyeux luron en espadrilles et feutre
cabossé. Vit dans le 5ème arrondissement
Le charbonnier : Tient un débit de vins à l’enseigne « Bois et
charbons », rue de Lille.
Le garçon de café : M. Ledain. Depuis 10 ans sert des « demis » aux
habitués des Deux magots
Le jeune télégraphiste : En tenue des jours de pluie. Sa poste est rue
Littré.
Le cuisinier : M. Lequeillet du Restaurant Voltaire dans l’exercice de
ses fonctions.
Les images étaient accompagnées du texte suivant, signé Vogue, écrit probablement par Edmonde
Charles-Roux :
Au cours d’un récent séjour, Irving Penn, qui, incontestablement, se
classe parmi les plus grands maîtres de la photographie, renonçant à
exploiter la traditionnelle beauté des sites de la capitale, a choisi pour
modèles les artisans de Paris, tels qu’ils lui sont apparus au hasard de
ses pérégrinations à travers la ville. Voici, vus par lui, le rapin de
Montmartre et son large feutre noir, le cuisinier dans sa toque
empesée, le petit pâtissier blanc de farine, le charbonnier
encapuchonné et noirci. Nous qui les rencontrons tous les jour sans les
voir, ne manquons pas de comparer ces hommes, ces visages, ces
costumes avant que tous aient adopté l’inévitable complet-veston ou le
« bleu de travail », tristes vêtements d’un siècle partisan de
l’uniformité
12
Après Paris, Penn se rend à Londres en septembre de la même année et continue le travail en
photographiant les petits métiers typiques de la ville : chiffonniers, fripiers, poissonniers, ramoneurs ou
Irving Penn, Ramoneur, 1950
© Condé Nast Publications Ltd..
policiers dans leur uniforme célèbre. Une sélection d'images paraît dans le numéro de février 1951 de la
Vogue Britannica. A la fin de l'année le travail sera poursuivi à New York, où Penn introduit dans son
corpus des métiers plus technologiques, donc plus modernes, comme ceux de scaphandrier,
téléphoniste et…photographe, sans négliger ceux plus traditionnels. Il passe, par exemple, beaucoup de
temps à chercher un des rares maréchaux-ferrants qui se trouvait encore dans la ville. D'autres choix
sont liés au mode de vie américain, comme le joueur professionnel de basket-ball ou le vendeur de hotdogs. Un choix de soixante images paraît dans le numéro de juillet 1951 de l'édition américaine de
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Vogue sous le titre Une galerie des forces non armées : Soixante hommes dans leurs vêtements de
travail.
Irving Penn, Vendeur de hot-dogs, 1951
© Condé Nast Publications Inc..
En 1974, Penn va se livrer à une analyse sociologique comparative du comportement des trois nations :
En général, les Parisiens doutaient que nous ferions exactement ce que
nous avions promis. Ils pensaient que quelque chose de louche allait
arriver, mais ils arrivaient au studio plus ou moins comme convenu motivés par le cachet. Les Londoniens étaient assez différents des
Français. Il leur semblait tout à fait logique d'être photographiés en
tenues de travail. Ils arrivaient au studio, toujours à l'heure et se
présentaient devant l'appareil photo avec un sérieux et une fierté tout
à fait remarquables. Des trois, les Américains étaient les plus
imprévisibles. En dépit de nos recommandations, quelques-uns
arrivèrent aux séances changés de pied en cap, rasés de frais et parfois
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même dans leurs costumes sombres du dimanche, convaincus de faire
leur premier pas vers Hollywood.
La citation est tirée du livre World in a Small Room (Des mondes dans une petite chambre). Un choix
d'images des petits métiers faites à Paris, Londres et New York, dont certaines avaient été publiées dans
Moments Preserved en 1960, est mis ensemble avec d'autres images faites par Penn dans ses voyages
au Pérou, en Grèce, en Espagne, au Dahomey, au Cameroun, au Népal, en Nouvelle Guinée, au Maroc
et aux Etats-Unis. Le but de ces images est le même : documenter la disparition des vielles cultures.
TIRAGES PLATINE
A l'époque de leur prise de vue, Penn avait soigneusement fait des tirages argentiques des
petits métiers. Néanmoins, ces photographies avaient été réalisées principalement pour être
publiées dans la presse. Dans les années 1960, Penn devient de plus en plus préoccupé par son
image. Plutôt que photographe de mode, il veut laisser à la postérité l'image d'un
photographe d'art, il désire être reconnu en tant qu'artiste. Son souhait est de créer des
images faites pour être exposées dans des galeries et des musées. Pour réaliser ceci, il revisite
ses anciens négatifs et, à partir de 1967, commence à faire des nouveaux tirages des petits
métiers, dont le nombre est strictement contrôlé, en utilisant cette fois-ci le procédé
ème
platine/palladium. Cette technique, connue déjà au 19
siècle a été un des procédés favoris
des photographes pictorialistes. La différence essentielle entre le tirage platine et le tirage
argentique est que, dans le premier cas, les sels photosensibles sont imprégnés dans la
structure même du papier, alors que les sels d'argent restent dans la couche d'émulsion qui
couvre le papier photographique. L'usage du platine permet une gamme tonale beaucoup plus
étendue que celle d'un tirage argentique. L'ajout de sels de palladium renforce la chaleur des
tons. Pendant des années, Penn expérimente ce procédé afin de trouver les meilleurs dosages.
Le format des tirages est plus grand et la variété de tons impressionnante. La texture des tissus
des vêtements est nettement plus visible, tout comme les détails. Les figures sont plus
sculpturales, ce qui accentue leur monumentalité. La juxtaposition des tirages argentiques et
de tirages platine/palladium ayant le même sujet offre l'occasion d'une comparaison très
instructive pour comprendre la relation entre technique et production de sens.
Pour approfondir le sujet :
Virginia Heckert, Anne Lacoste, Irving Penn: Small Trades, Los Angeles, J. Paul Getty Museum, 2009
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PROPOSITIONS D'ACTIVITES PEDAGOGIQUES
1. Penn et la modernité
Pour gymnasiens ou élèves de dernière année du collège.
Objectif pédagogique : comprendre la modernité d'Irving Penn
Expliquer brièvement aux élèves la théorie des genres. Leur demander quel est le genre des images de Penn.
- Les images de Penn ont été considérées comme du reportage.
Demander aux élèves de critiquer l'hypothèse : images photographiées en studio et non dans la rue, les
images sont posées, les prise de vues très longues et la composition maîtrisée à l'extrême
- La plupart du temps, ces images ont souvent été considérées comme des portraits.
Expliquer brièvement aux élèves les caractéristiques du genre portrait. Leur demander quel sont les écarts pris par
Penn vis-à-vis la définition traditionnelle du genre du portrait : personnages représentés de dos (policier, garçon
de café)
Lancer la discussion : portraits ou types ? Révélation d'une identité unique de l'individu photographié ou
représentation d'un type qui incarne un métier ?
- Continuer par une discussion des photographies du modèle du sculpteur : s'agit-il des photographies de nu ou
le nu n'est qu'un attribut définissant le métier du modèle ?
Conclure en soulignant la modernité de l'approche de Penn, qui fait appel à une iconographie ancienne, mais qu'il
arrive à utiliser d'une façon moderne.
1. Le concept de série
Pour gymnasiens ou collégiens.
Objectif pédagogique : comprendre le concept de série.
Demander aux élèves pourquoi on voit les photographies de Penn comme parties d'un même ensemble.
- unité du sujet : les petits métiers
- unité du format pour les tirages argentiques
- même point de vue
- même type d'éclairage
- même type de composition
Expliquer aux élèves la relation d'appartenance (paradigmatique) et le concept de série.
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