irvingpenn - Musée de l`Elysée
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irvingpenn - Musée de l`Elysée
DOSSIER PÉDAGOGIQUE AVEC LE SOUTIEN DE LA FONDATION JULIUS BAER IRVING PENN LES PETITS METIERS 09.102010.-16.01.2011 Irving Penn Fireman, London, 1950; ©Condé Nast Publications, Ltd. MUSEE DE L’ELYSEE T + 41 21 316 99 11 UN MUSEE POUR LA PHOTOGRAPHIE F + 41 21 316 99 12 18, AVENUE DE L’ELYSEE [email protected] CH –1006 LAUSANNE WWW.ELYSEE.CH TABLE DES MATIÈRES INFORMATIONS PRATIQUES 3 SPÉCIAL ENFANTS 4 CHRONOLOGIE 5 LES PETITS METIERS 7 TIRAGES PLATINE 15 PROPOSITIONS D'ACTIVITES PEDAGOGIQUES 16 2 INFORMATIONS PRATIQUES Heures d’ouverture Le Musée de l’Elysée est ouvert du mardi au dimanche de 11 h à 18 h, ainsi que les jours fériés Adresse 18, avenue de l’Elysée, 1014 Lausanne T + 41 21 316 99 11 F + 41 21 316 99 12 E [email protected] www.elysee.ch Transports bus n°4 et n°8, Montchoisi / Musée Olympique ; n°2, Croix-d’Ouchy ; n° 25, Elysée. Métro M2, Délices. Visites L’entrée au musée est gratuite pour les élèves et leur enseignant/e. Ce dernier bénéficie de la gratuité s’il souhaite préparer sa visite. Ce dossier est téléchargeable sur www.elysee.ch, rubrique éducation. Des visites commentées – en français, allemand ou anglais – sont proposées aux groupes (maximum 25 personnes). La visite est facturée CHF 50.- (au lieu de 75.-) pour les écoles. Prière de s’inscrire à l'accueil 10 jours à l’avance, par téléphone au 021 316 99 11 ou par e-mail à l’adresse [email protected] Visites Guidées Dimanche 10 octobre 16 h Visite guidée par un guide du musée Dimanche 17 octobre 16 h Visite guidée par un guide du musée Dimanche 24 octobre 16 h Visite guidée par un guide du musée Dimanche 14 novembre 16 h Visite guidée par un guide du musée Dimanche 12 décembre 16 h Visite guidée par un guide du musée Dimanche 16 janvier 16 h Visite guidée par un guide du musée Conférences CHF 15.- / 5.- Dimanche 07 novembre, Salle Lumière, 16 h Cycle "Histoire de la photographie en 10 leçons" L'Ecole de Düsseldorf I par Radu Stern 3 Dimanche 21 novembre, Salle Lumière, 16 h Cycle "Histoire de la photographie en 10 leçons" L'Ecole de Düsseldorf II par Radu Stern Dimanche 05 décembre, Salle Lumière, 16 h Cycle "Les chefs-d'œuvre de la photographie" The Steerage d'Alfred Stieglitz par Radu Stern La photographie en questions Posez vos questions, le responsable des activités pédagogiques se tient à votre disposition Samedi 06 novembre, 16 h Samedi 04 décembre, 16 h SPÉCIAL ENFANTS En famille au musée Pendant que les parents visitent l'exposition, les enfants la découvrent à travers des propositions ludiques. Dimanche 10 octobre, 16 h Dimanche 24 octobre 16 h Dimanche 14 novembre 16 h Dimanche 06 décembre 16 h Stages pour enfants Jeux d'images 1. Du mardi 19 octobre au jeudi 21 octobre, 14 h – 17 h er 2. Les mercredis 17 novembre. 24 novembre 2010 et 1 décembre. Une exploration ludique du monde de l’image photographique pour les enfants de 6 à 12 ans. Le stage se déroule sur les trois jours, sur inscription uniquement Inscriptions et contact Radu Stern 021 316 99 11 [email protected] Rédaction du dossier : Radu Stern, responsable des programmes éducatifs 4 CHRONOLOGIE 1917, le 6 juin Naissance à Plainfield, N.J, d'Irving Penn. Son père, Harry, était horloger et sa mère, Sonia, infirmière. Son frère cadet deviendra le fameux réalisateur Arthur Penn. 1934-1938 Etudes de dessin, peinture et graphisme à la Pennsylvania Museum School of Industrial Art avec Alexey Brodovitch. Pendant l'été, Penn est l'assistant non payé de Brodovitch au Harper's Bazaar. Brodovitch publie les premiers dessins de Penn dans le magazine. 1938 Obtient son diplôme B.A. en design graphique. Directeur artistique du magazine Juniors League. 1940 Remplace Brodovitch en tant que directeur de la publicité de Saks Fifth Avenue. Penn commence à photographier. 1942 Peinture au Mexique. 1943 Assistant de Alexander Liberman,le directeur artistique de er Vogue. Première couverture pour Vogue, le 1 octobre. 1944-1945 Membre de l'American Field Service, Penn participe à l'effort de guerre en tant que conducteur d'ambulance en Italie et en Inde. 1946 Retourne comme photographe chez Vogue. 1948 Penn photographie les habitants de Cuzco. 1951 Penn commence son projet Small Trades (Les petits métiers), qui deviendra une partie de World in a Small Room (Des Mondes dans une petite chambre). 1958 Nommé un des "10 photographes les plus importants du monde" par le Popular Photography Magazine. 1960 Livre : Moments Preserved. 1967 Commence à retravailler ses anciens tirages en utilisant le procédé platine. 1974 Livre : Worlds in a Small Room. 1977 Exposition : Street Material, The Metropolitan Museum of Art. New York. 1980 Exposition Earthly Bodies, Marlborough Gallery, New York. Livre : Flowers. 1984 Rétrospective Irving Penn au MoMA, New York. 5 1985 Prix Hasselblad. 1987 Prix culturel de la Société allemande de photographie. 1990 La National Portrait Gallery et le Smithsonian American Art Museum achètent un nombre important d'images d'Irving Penn Livre : Passage. 1996 Penn fait une donation importante de ses images à l'Art Institute of Chicago. 1999 Livre : The Astronomers Plan: a Voyage to Earth. 2001 Livre : Still Life. 2008, février Le J. Paul Getty Museum achète 252 images de la série Small Trades. 2009, le 7 octobre Décès d'Irving Penn à New York. 6 LES PETITS METIERS Irving Penn, Autoportrait L'exposition Irving Penn : Les petits métiers a été conçue par Virginia Heckert et Anne Lacoste, conservatrice associée et conservatrice adjointe au J. Paul Getty Museum à Los Angeles, qui avait fait l'acquisition de 252 tirages de la série Small Trades en 2008. Cette série, la plus longue de la carrière d'Irving Penn, est un projet personnel. En 1950, il a 33 ans et est à Paris à la demande de Michel de Brunhoff, le directeur de l'édition française de Vogue, pour faire un travail sur les collections haute couture. Sa carrière est étroitement liée au célèbre magazine dont la couverture du mois d'octobre 1943 est la première image publiée de Penn. Pendant les pauses entre deux séances de photographie de mode, Penn a eu l'idée de commencer à photographier les petits métiers : bistrotiers, bouchers, boulangers, chanteuses de rue, charbonniers, chevriers, cireurs de chaussures, chiffonniers, cordonniers, cuisiniers, facteurs, femmes de ménage, fromagers, garçons de café, laveurs de vitres, pâtissiers, plâtriers, poissonniers, rémouleurs, rempailleurs, vendeurs de journaux, vitriers et même un photographe 7 ambulant, avant que beaucoup de ces activités, survivances d'une époque préindustrielle, ne disparaissent. Penn fait part de son idée à Alexander Liberman, le directeur artistique de Vogue, qui la communique à Michel de Brunhoff, qui mandate Edmonde Charles-Roux en tant qu'assistante de Penn. La jeune femme deviendra rédactrice chez Vogue, titulaire de la rubrique La Vie de Paris. Elle estime aussi que l'idée de photographier "les sous-couches sociales" est intéressante et collabore à sa réalisation. Un studio est loué rue de Vaugirard, dans les locaux d'une ancienne école de photographie et Edmonde Charles-Roux aide Penn à se mettre en contact avec les modèles : J'ai trouvé deux rabatteurs, Robert Doisneau et son complice Robert Giraud. Ils ont été un peu comme les traffichino de Naples, ceux qui vous ouvrent les portes. Le choix était judicieux, Robert Giraud, journaliste, spécialiste de l'argot, était un des meilleurs connaisseurs de la vie de la ville et de ses quartiers populaires. Son terrain de chasse a été la zone autour de la rue Mouffetard, une des plus vieilles rues de Paris. Edmonde Charles-Roux se souvient : Les gens que Penn photographiait ne disait pas qu'ils venaient de Mouffetard, mais de la Mouf. Penn leur demandait "qu'est-ce que la Mouf ? De quoi parlent-ils ? Je lui disais que c'était de l'argot, une manière de dire Mouffetard. A cette époque, Mouffetard était un quartier étonnant. Vous pouvez vous croire au Moyen-Âge avec les marchands de légumes et les artisans qui travaillaient dans la rue. Chaque modèle recruté recevait un cachet pour le temps passé avec le photographe. En dépit de la spécificité typiquement "parisienne" de la rue Mouffetard, qui aurait tenté plus d'un, les gens de la rue ne sont pas photographiés dans la rue. Penn choisit d'extraire ses modèles de leur environnement habituel et de les photographier en studio, sans doute afin d'éviter le pittoresque quasi folklorique du quartier. A l'instar du pittoresque, la nostalgie est absente de ces images. Le protocole est bien établi et ne diffère pas de celui utilisée pour les photographies de mode : fidèle à ses habitudes, Penn photographie les habitants de la Mouf le plus souvent, mais pas toujours, un par un, de plein pied, dans leurs vêtements de travail, vus de face devant un fond blanc confectionné d'un ancien rideau de théâtre. Le code vestimentaire est essentiel : c'est lui qui communique l'identité sociale des modèles, plus importante pour Penn dans ce travail que leur identité individuelle. Quelques exceptions dans ce défilé d'artisans : des personnages bohèmes comme l'intellectuel, le peintre, le sculpteur, la chanteuse de cabaret et un excentrique, le bonapartiste, grand admirateur de Napoléon, qui apparaissait régulièrement sur la rue Bonaparte, habillé en soldat de l'Empereur. Penn utilise l'éclairage naturel. Le décor était volontairement dépouillé au maximum et les seuls accessoires admis étaient leurs outils de travail. Il continue ainsi la façon de faire commencée à Cuzco deux ans auparavant, en février 1948, quand il avait photographié les habitants dans une chambre vide, dépourvue de tout élément qui aurait pu suggérer leur contexte social. La séparation du modèle de son environnement continue dans ses 8 Le studio d'Irving Penn rue Vaugirard, 1850 © Irving Penn Foundation photographies de mode de 1948-1950, dans lesquelles il place les personnes dans un coin de la chambre limitant ainsi l'espace qui les entoure. La diminution de la profondeur de champ obtenu par l'utilisation du coin va se poursuivre dans les photographies parisiennes. Dans Les petits métiers, l'isolement du modèle, présent dans chaque image, est l'élément formel essentiel qui assure l'unité visuelle de la série. Néanmoins, son rôle est plus complexe. Rétrospectivement, dans Worlds in a Small Room, Penn précise son approche : J’ai préféré me confronter uniquement à la personne elle-même loin des accidents de la vie quotidienne, portant ses propres vêtements et bijoux, isolée dans mon studio. De cette personne seule, je pouvais distiller l’image que je voulais et la froide lumière du jour la transporterait sur le film… Éloigner les modèles de leur environnement naturel et les installer dans un studio face à l’objectif, n’avaient pas seulement pour but de les isoler, cela les transformait. Premièrement, l'isolement contribue à une certaine neutralité de la prise de vue souhaitée par Penn. Deuxièmement, il a comme résultat une monumentalisation du modèle, qui devient seul objet du 9 regard. L'attention du regardeur n'est détournée par rien d'autre, ce qui lui permet de voir et d'apprécier les détails. Le risque de monotonie engendrée par une mise en page qui peut sembler répétitive est contrebalancé par la variété des contenus, qui est suffisamment forte pour garder éveillé l'intérêt du spectateur. Troisièmement, les photographier en studio permet de leur accorder exactement le même soin et la même attention qu'aux autres modèles bien plus célèbres. Irving Penn, Les garçons bouchers, 1951 © Editions Condé Nast S.A. Quelquefois, les images de la série Les petits métiers ont été étiquetées photographies de reportage. Rien n'est moins vrai, car le terrain de Penn n'est pas la rue, mais le studio. Il n'a jamais été intéressé par les hasards et la rapidité de l'instantané, mais par la lenteur qui permet de maîtriser le détail et le contrôle absolu qu'il peut exercer sur ses modèles. Ces derniers ne sont pas surpris pendant leur travail, ce qui aurait pu leur laisser une certaine maîtrise de leurs gestes, ils adoptent tous une pose à peu près 10 pareille, exigée par le photographe. Les vues sont toujours frontales. Les prises de vues étaient longues et minutieuses. Les images sont composées avec un soin extrême et parfois recadrées, afin d'améliorer encore la composition. Les outils présents à l'image peuvent nous faire penser à un schéma iconographique bien connu, les portraits avec des attributs. Plus encore que photographies de reportage, les images de Penn ont été considérées comme des portraits. Cependant, même si parfois on connaît le nom du modèle, le but de Penn n'est pas d'exprimer l'unicité et l'individualité propre à la personne. Penn, auteur d'innombrables portraits célèbres, s'éloigne dans cette série de la pratique habituelle du portraitiste. Ses premières visées semblent être plutôt d'ordre presque ethnographique, la réalisation d'une typologie dans laquelle l'identité du modèle s'efface devant l'expression d'un type. En parlant du travail sur les petits métiers, Edmonde Charles-Roux affirme que "Penn n'avait qu'une idée en tête : rendre hommage à Eugène Atget". Atget avait traité le sujet dans sa fameuse série Petits métiers et scènes animées, commencée en 1897, qui a été éditée en cartes postales et avait inclus des photographies des artisans et marchands ambulants dans d'autres séries, comme Métiers, boutiques et étalages de Paris ou celle consacrée aux zoniers. Toutefois, il y a de grandes différences entre les images d'Atget et celles de Penn. Pour le premier, ces photographies font partie d'un ensemble plus large qui voulait donner une image globale de la ville. Atget voulait "posséder tout le vieux Paris" en images et les petits métiers n'étaient qu'un élément parmi d'autres d'une approche globale qui incluait l'architecture et les intérieurs parisiens. Deuxième grande différence : Atget représente les artisans et les marchands en pleine activité, parfois mise en scène, en insistant sur leur interaction avec le milieu urbain. .Rien de cela chez Penn, qui n'intègre pas ses modèles dans la ville. A part Atget, la référence immédiate qui vient à l'esprit est le grand projet du photographe allemand August Sander, qui avait commencé au début des années 1920 à travailler à la réalisation d'une vue synoptique de la société allemande de l'époque, intitulée Les Hommes du 20 ème siècle. Moins ambitieux que Sander, Penn ne veut pas photographier toutes les couches sociales, ne rêve pas d'un inventaire exhaustif et se limite aux petits métiers, continuant ainsi une très vieille tradition. En effet, des gravures ème représentant des petits métiers circulent déjà en Europe depuis le 16 siècle. Le thème n'a pas été traité que par des graveurs populaires, il a intéressé aussi des grands maîtres, comme Abraham Bosse. Le recueil de gravures sur bois Cri de Paris, représentant 18 petits métiers a été constamment réédité et ème le sujet reste très présent dans les chromolithographies du 19 . Si l'admiration pour Eugène Atget et ses photographies d'ouvriers a pu jouer comme détonateur, la conception de la série doit beaucoup à Sander et son approche systématique, que Penn pousse encore plus loin en maintenant une distance qui ne varie pas avec ses modèles. Cette systématique, très présente au niveau formel, est moins rigoureuse au niveau conceptuel du choix des métiers et des modèles. Comme chez Sander, la 11 représentation sociale que nous propose Penn est subjective. En revanche, à la différence du photographe allemand, Penn ne revendique jamais l'objectivité. Saisissant immédiatement le potentiel de ces images, Alexander Liberman les veut pour Vogue. Edmonde Charles- Roux publie certaines d'entre elles sur trois pages du numéro spécial de juin 1951 intitulé Paris a 2000 ans sous le titre Visages et métiers de Paris. Les photographies étaient, légendées comme suit : Le vitrier : Eternel piéton de Paris. Ses clients sont rue de l’Estrapade L’artiste peintre : Signe ses toiles : Darta. Plus connu à Montmartre sous le nom de D’Artagnan L’intellectuel : Poète, laveur de vitres et client des cafés littéraires de la rive gauche Le concierge : M. Albert, fidèle gardien d’une demeure de la rue de Bourgogne Le rémouleur : Tient aussi un bistro : « Aux quatre Sergents de La Rochelle », rue Mouffetard Les garçons bouchers : Georges et Paul, de la rue du Pot-de-fer, en costume de travail Le facteur : En été, le sourire aux lèvres, il dessert les alentours Le cordonnier : Depuis 25 ans à « La Botte rouge », rue Guénégaud. Ex-Cordonnier du Cadre Noir. Le petit pâtissier : Placé chez Coquelin, rue du Bac. Son apprentissage durera cinq ans. Le peintre en bâtiment : Joyeux luron en espadrilles et feutre cabossé. Vit dans le 5ème arrondissement Le charbonnier : Tient un débit de vins à l’enseigne « Bois et charbons », rue de Lille. Le garçon de café : M. Ledain. Depuis 10 ans sert des « demis » aux habitués des Deux magots Le jeune télégraphiste : En tenue des jours de pluie. Sa poste est rue Littré. Le cuisinier : M. Lequeillet du Restaurant Voltaire dans l’exercice de ses fonctions. Les images étaient accompagnées du texte suivant, signé Vogue, écrit probablement par Edmonde Charles-Roux : Au cours d’un récent séjour, Irving Penn, qui, incontestablement, se classe parmi les plus grands maîtres de la photographie, renonçant à exploiter la traditionnelle beauté des sites de la capitale, a choisi pour modèles les artisans de Paris, tels qu’ils lui sont apparus au hasard de ses pérégrinations à travers la ville. Voici, vus par lui, le rapin de Montmartre et son large feutre noir, le cuisinier dans sa toque empesée, le petit pâtissier blanc de farine, le charbonnier encapuchonné et noirci. Nous qui les rencontrons tous les jour sans les voir, ne manquons pas de comparer ces hommes, ces visages, ces costumes avant que tous aient adopté l’inévitable complet-veston ou le « bleu de travail », tristes vêtements d’un siècle partisan de l’uniformité 12 Après Paris, Penn se rend à Londres en septembre de la même année et continue le travail en photographiant les petits métiers typiques de la ville : chiffonniers, fripiers, poissonniers, ramoneurs ou Irving Penn, Ramoneur, 1950 © Condé Nast Publications Ltd.. policiers dans leur uniforme célèbre. Une sélection d'images paraît dans le numéro de février 1951 de la Vogue Britannica. A la fin de l'année le travail sera poursuivi à New York, où Penn introduit dans son corpus des métiers plus technologiques, donc plus modernes, comme ceux de scaphandrier, téléphoniste et…photographe, sans négliger ceux plus traditionnels. Il passe, par exemple, beaucoup de temps à chercher un des rares maréchaux-ferrants qui se trouvait encore dans la ville. D'autres choix sont liés au mode de vie américain, comme le joueur professionnel de basket-ball ou le vendeur de hotdogs. Un choix de soixante images paraît dans le numéro de juillet 1951 de l'édition américaine de 13 Vogue sous le titre Une galerie des forces non armées : Soixante hommes dans leurs vêtements de travail. Irving Penn, Vendeur de hot-dogs, 1951 © Condé Nast Publications Inc.. En 1974, Penn va se livrer à une analyse sociologique comparative du comportement des trois nations : En général, les Parisiens doutaient que nous ferions exactement ce que nous avions promis. Ils pensaient que quelque chose de louche allait arriver, mais ils arrivaient au studio plus ou moins comme convenu motivés par le cachet. Les Londoniens étaient assez différents des Français. Il leur semblait tout à fait logique d'être photographiés en tenues de travail. Ils arrivaient au studio, toujours à l'heure et se présentaient devant l'appareil photo avec un sérieux et une fierté tout à fait remarquables. Des trois, les Américains étaient les plus imprévisibles. En dépit de nos recommandations, quelques-uns arrivèrent aux séances changés de pied en cap, rasés de frais et parfois 14 même dans leurs costumes sombres du dimanche, convaincus de faire leur premier pas vers Hollywood. La citation est tirée du livre World in a Small Room (Des mondes dans une petite chambre). Un choix d'images des petits métiers faites à Paris, Londres et New York, dont certaines avaient été publiées dans Moments Preserved en 1960, est mis ensemble avec d'autres images faites par Penn dans ses voyages au Pérou, en Grèce, en Espagne, au Dahomey, au Cameroun, au Népal, en Nouvelle Guinée, au Maroc et aux Etats-Unis. Le but de ces images est le même : documenter la disparition des vielles cultures. TIRAGES PLATINE A l'époque de leur prise de vue, Penn avait soigneusement fait des tirages argentiques des petits métiers. Néanmoins, ces photographies avaient été réalisées principalement pour être publiées dans la presse. Dans les années 1960, Penn devient de plus en plus préoccupé par son image. Plutôt que photographe de mode, il veut laisser à la postérité l'image d'un photographe d'art, il désire être reconnu en tant qu'artiste. Son souhait est de créer des images faites pour être exposées dans des galeries et des musées. Pour réaliser ceci, il revisite ses anciens négatifs et, à partir de 1967, commence à faire des nouveaux tirages des petits métiers, dont le nombre est strictement contrôlé, en utilisant cette fois-ci le procédé ème platine/palladium. Cette technique, connue déjà au 19 siècle a été un des procédés favoris des photographes pictorialistes. La différence essentielle entre le tirage platine et le tirage argentique est que, dans le premier cas, les sels photosensibles sont imprégnés dans la structure même du papier, alors que les sels d'argent restent dans la couche d'émulsion qui couvre le papier photographique. L'usage du platine permet une gamme tonale beaucoup plus étendue que celle d'un tirage argentique. L'ajout de sels de palladium renforce la chaleur des tons. Pendant des années, Penn expérimente ce procédé afin de trouver les meilleurs dosages. Le format des tirages est plus grand et la variété de tons impressionnante. La texture des tissus des vêtements est nettement plus visible, tout comme les détails. Les figures sont plus sculpturales, ce qui accentue leur monumentalité. La juxtaposition des tirages argentiques et de tirages platine/palladium ayant le même sujet offre l'occasion d'une comparaison très instructive pour comprendre la relation entre technique et production de sens. Pour approfondir le sujet : Virginia Heckert, Anne Lacoste, Irving Penn: Small Trades, Los Angeles, J. Paul Getty Museum, 2009 15 PROPOSITIONS D'ACTIVITES PEDAGOGIQUES 1. Penn et la modernité Pour gymnasiens ou élèves de dernière année du collège. Objectif pédagogique : comprendre la modernité d'Irving Penn Expliquer brièvement aux élèves la théorie des genres. Leur demander quel est le genre des images de Penn. - Les images de Penn ont été considérées comme du reportage. Demander aux élèves de critiquer l'hypothèse : images photographiées en studio et non dans la rue, les images sont posées, les prise de vues très longues et la composition maîtrisée à l'extrême - La plupart du temps, ces images ont souvent été considérées comme des portraits. Expliquer brièvement aux élèves les caractéristiques du genre portrait. Leur demander quel sont les écarts pris par Penn vis-à-vis la définition traditionnelle du genre du portrait : personnages représentés de dos (policier, garçon de café) Lancer la discussion : portraits ou types ? Révélation d'une identité unique de l'individu photographié ou représentation d'un type qui incarne un métier ? - Continuer par une discussion des photographies du modèle du sculpteur : s'agit-il des photographies de nu ou le nu n'est qu'un attribut définissant le métier du modèle ? Conclure en soulignant la modernité de l'approche de Penn, qui fait appel à une iconographie ancienne, mais qu'il arrive à utiliser d'une façon moderne. 1. Le concept de série Pour gymnasiens ou collégiens. Objectif pédagogique : comprendre le concept de série. Demander aux élèves pourquoi on voit les photographies de Penn comme parties d'un même ensemble. - unité du sujet : les petits métiers - unité du format pour les tirages argentiques - même point de vue - même type d'éclairage - même type de composition Expliquer aux élèves la relation d'appartenance (paradigmatique) et le concept de série. 16