Communication Nantes base textuelle

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Communication Nantes base textuelle
Communication RT Méthodes (RT 20)
5e congrès de l’Association Française de Sociologie
Nantes, 22-5 septembre 2013
Notes de communication orale
1
Prendre la mesure des variables stratégiques des concertations :
une méthode non déclarative
Septembre 2013
GuyGuy-ElEl-Karim Berthomé♣
Résumé :
L’essentiel de la recherche francophone sur les processus participatifs fait peu usage de
repères quantitatifs. Il semble toutefois intéressant de pouvoir prendre la mesure des
variables en jeu dans ces processus, selon une métrique qui permettrait notamment la
comparaison entre cas d’étude.
C’est ce que nous nous proposons de faire au moyen d’une méthode originale de conversion
de données qualitatives nombreuses – issues d’enquêtes de terrain sur trois cas de
concertation en matière de gestion des déchets – vers un nombre limité de repères
quantitatifs.
La littérature scientifique sur le sujet présente des méthodes rodées pour opérer ce type de
conversion (Likert-scale questions, Analytical Hierarchy Process). Mais ces méthodes se
fondent toujours à la base sur des déclarations d’acteurs obtenues hors contexte et à partir
de questions fermées établies ex ante. On peut ainsi les qualifier de méthodes déclaratives.
Or ces méthodes déclaratives comportent plusieurs biais, parce que l’on renseigne ici des
informations stratégiques, et que les acteurs sont non omniscients. Notre communication
présente une méthode alternative inédite plus récapitulative. Cette méthode conserve un
principe de classement et sommation des informations sur des échelles graduées, mais à
partir d’échelles établies ex post, et surtout, en exploitant un stock d’informations
essentiellement observable en contexte, du type « options ou actions effectivement
engagées par les parties durant la concertation ».
Nous nous centrerons pour illustrer notre méthode sur la variable stratégique majeure
caractérisant les attentes des différentes parties prenantes de la concertation.
Mots clé : Concertation, participation, variables stratégiques, biais déclaratif, méthode récapitulative,
gestion des déchets
♣
AgroParisTech Clermont-Ferrand, UMR Métafort ; mail to : [email protected]
2
1 PROBLEME
1.1 Les concertations dans le champ de l’aménagement
Acteurs : Agence de gestion, communautés de communes, communes, bureaux d’étude, industriels,
associations, riverains, presse locale, etc.
Débat (multiples formes, plus ou moins conflictuelles)
Projet émergeant
Plusieurs années
→ ce ne sont plus des cas isolés (réglementation aidant, mais pas seulement)
→ Certaines ont pu donner l’impression de dégager des résultats positifs (années 90)
∑ intérêt pour une compréhension et maîtrise de ces processus
1.2 Saisir les variables des concertations
Des études quantitatives existent sur cet objet : souvent niveau macroscopique et presque toujours
variables de résultat des concertations (Margerum, 2002 ; Beierle et Cayford, 2002)
Mais très largement dominent les études qualitatives, très peu repères quantitatifs. Elles permettent
d’aborder bien des questions, et d’interroger le jeu des variables.
Mais émergent aussi depuis 2000 des besoins de :
_ classement des processus (leur ampleur par exemple, entre national et international, cas aéroport)
_ comparaison des processus (ex. domaine de l’eau, déchets, routes)
_ éprouver des liens de causalité (notamment sur des aspects qui commence à être bien défrichés par
des étude qualitatives)
→ Pour ces chantiers, disposer de repères quantifiés peut s’avérer bien utile ou éclairant
→ J’ai pu réaliser des exercices de quantification sur diverses variables, mais centrer sur variable
clé et didactique des attendus ou attachements des différentes parties prenantes (Atkin & Skitmore,
2008)
∑
J’ai été amené à développer une méthode originale, bien différente des méthodes les plus en
usage en la matière au niveau international. Ce qui soulève des enjeux…
3
2 ENJEUX DE METHODE
2.1 Enjeux liés à l’objet visé par la quantification
_ Imprédictible (Forester, 2006),
→ Cadre statique, pas dynamique : point aveugle sur formation des attentes, des coalitions, la
transformation des attentes.
_ Complexe : négociation intense, en profondeur, prolongée (Wilson 1998; Affolderbach 2008; Widick
2009)
→ Obtention et traitement des données permettant de saisir cette complexité
2.2 Enjeux liés à la nature de la méthode de quantification
Les méthodes déclaratives sont quasiment les seules utilisées
Qu’est-ce que le matériau « déclaratif » :
Sur notre objet d’étude, il est souvent fait usage questionnaires tél ou mail, ou sur le terrain, avec
brochure (Rojanamon et al., 2012) ; ou de pool d’expert réunis ou consultés (Eskandari et al, 2012)
Le matériau est collecté au travers :
_ échelles d’intensité (du moins vers le plus) (Dalton et al, 2012) ;
_ « Likert-scale questions » : échelle à X points graduée de 1 « pas important du tout » à X « très
important » (Awakul et Ogunlana, 2002 ; Cho et al., 2005 ; Thomson et al., 2007) ;
_ « Analytical Hierarchy Process » (AHP: 1988 1er symposium international) (Strager et Rosenberger,
2006 ; Ananda et Herath, 2008 ; Bao et al, 2012)
Les méthodes déclaratives :
_ Données extraites ex situ : pas de l’observation en contexte, même si c’est en cours de processus
→ pas de connaissance/ contrôle de « l’environnement » de la donnée
_ Grille de quantification ex ante :
→ L’information doit s’adapter à l’échelle (et pas l’échelle à l’information)
∑ Ces caractéristiques des méthodes déclaratives se traduisent dans de sérieux biais:
_ Un biais de lucidité : capacité à reconstituer dans tous les détails, avec l’éloignement du temps =
appréciation juste (ex. rapports de force) et actualisée des faits.
_ Un biais de position : confiance dans leur sincérité (acteurs non stratèges) et leur capacité
d’extériorisation, ce qui semble difficile auprès de personnes partisanes et impliquées…
4
→ Il existe des techniques pour tenter de corriger ces biais :
_ littérature en psychologie sociale : test des échelles de Likert = correction des incohérences (ratio
minimal de cohérence)
_ littérature en économie comportementale : substitution de termes (« dangers » plutôt que
« risques »)
→ En dépit de ces biais, ces méthodes peuvent bien rendre des services :
_ Prévision/ préparation de politiques (Jeong et al, 2013)
_ Donner à voir les perceptions (Dalton et al, 2012 ; Rojanamon et al., 2012) ou représentations
(Watkin et al, 2012) de populations dont les engagements sont méconnus.
∑
Les méthodes déclaratives directes sont quasiment les seules utilisées pour des raisons
d’opérationnalisation (commande, temps, accès aux données, facilité d’utilisation) et de
disponibilité de méthodes standardisées (= transférables, valorisables).
Dans le cas de négociations décisives, répétées, et si l’analyse vise à comprendre le jeu des
acteurs, le cours des évènements, les méthodes déclaratives comportent des biais
problématiques.
→ D’où l’idée d’une méthode permettant d’éviter ces biais, plutôt que de les corriger :
_ Données collectées in situ, sur la durée = meilleure maitrise de « l’environnement » de la donnée
_ Grille de quantification ex post : l’échelle est élaborée sur la base des données collectées
5
3 METHODE
3.1 La collecte d’informations
Cas d’étude : 3 cas d’étude réels, 3 territoires (plusieurs communautés de communes : 150 à 300 000
habitants), qui ont été confrontés dans le courant des années 2000 à un sérieux problème de
renouvellement de leurs capacités de gestion des déchets.
Collecte de données a procédé en deux grandes campagnes, sur trois cas d’étude :
_ une enquête exploratoire (sur 2 à 3 mois)
_ une enquête dirigée (sur 4 à 6 mois) a eu lieu 2 ans plus tard.
Matériau empirique :
Nous avons suivi le processus de décision concertée sur plusieurs années (6 à 8 ans) : entretiens
(n :80, M : 100 min.), comptes-rendus de réunions, presse territoriale, et documentation, notamment
grise ou officieuse (écrits personnels, tracts non diffusés, Cdrom et rapports techniques confidentiels,
etc.) (cf. Berthomé, 2011)
3.2 Les aspects débattus
Pour prendre la mesure des attachements = 1° savoir sur quoi ils portent : le contenu des débats
→ Avoir une liste des grands aspects autour desquels ont tourné les débats
VS ex ante : Le plus souvent, les sujets de débat sont classifiés in abstracto (cf Awakul et Ogunlana,
2002).
→
À peu de choses près, les mêmes grands aspects débattus dans les différents cas de
concertation, solubles en sept aspects hiérarchisés :
A1.
Répartition de la charge de gestion sur le territoire.
A2.
Aspects techniques sur chaque segment de la filière.
A3.
Logistique et prévision sur la filière.
A4.
Impacts sanitaires et environnementaux.
A5.
L’amont du traitement et les démarches « qualité ».
A6.
Information entre le syndicat et les publics extérieurs.
A7.
Coûts, compensations et rentabilité (questions financières).
6
3.3 Les marques d’attachement sur chaque aspect
Que sont les « marques d’attachement » :
Des données qui seraient abstraites du travail de communication stratégique des agents = hors biais
de position : lorsque les protagonistes n’ont pas d’autres choix que de révéler une partie de
leurs attachements.
→ Plutôt rares
→ La non intervention est souvent plus révélateur que l’intervention (ex. possibilité de blocage
juridique).
∑ Une série de marques d’attachement pour chaque protagoniste
1
et pour chaque aspect
3.4 L’attachement sur chaque aspect
1. Les marques d’attachement les plus radicalement opposées sur un aspect = des extremums ou
bornes d’une échelle allant de -1 à 1 (ex. de l’aspect ‘répartition sur le territoire’)
2. Elaborer une graduation d’un extremum à l’autre, soit une échelle de placement des marques
d’attachement : place ou placement des marques d’attachement.
3. Poids d’une marque d’attachement en comparaison des autres marques d’attachement d’un
même protagoniste (cf. Li et al, 2011). Echelle en fonction unique (primordial (vers 1), substantiel
(vers 0,5), ou accessoire (vers 0,1)), en fonction de l’engagement du protagoniste dans
l’ensemble, du contexte, de la façon dont elle survient (risques, sacrifices) = hors biais de lucidité
4. Agrégation des notes : (
1
∑ note de place x note de poids ) / ∑ poids
28 parties prenantes dans le cas 1 ; 37 dans le cas 2 ; et 32 dans le cas 3.
7
4 RESULTATS
RESULTATS
Attachements
Cas 1
Cas 2
Cas 3
_ Industriel 2/a (N=5 : 4A)
Vers un
extremum
_ Lobby industriel (N=4 : 2A)
_ Élus pro incinérat. (N=14 :6A) _ Préfecture (N=13 : 9A)
_ Syndicat forestiers (N=2 :2A)
_ BE technique (N=3 : 2A)
_ Bureau d’étude 1/b (N=1 :1A) _ Secteur agglo (N=21 : 7A)
_ Enquêteurs publics (N=5 :4A) _ Pt. CC Sud-est (N=6 :5A)
G
R
O
_ Secteur Sud-est (N=2 :1A)
_ Bureau d’étude 1/a (N=1 :1A)
_ Elus ville 1/E (N=7 :5A)
U
_ Personnel du CG (N=3 :3A)
P
_ Forestiers privés (N=7 :5A)
E
_ Secteur S-O (1/D) (N=6 :5A)
er
1
_ Industriel site 3/A (N=6 : 5A)
_ Bureau E 3/a (N=29 : 9A)
_ Industriel site 3/C (N=7 : 5A)
_ Politiques du CG (N=16 : 7A)
_ Bureau E 3/c (N=24 : 7A)
_ Maire Est agglo (N=14 : 6A)
_ Employés site 3/A (N=1 : 1A)
_ Presse territoriale (N=18 : 7A) _ Secrétaire syndic. (N=15 : 7A)
_ 3 CC secteur N-E (N=9 :7A)
_ Personnel collectiv. (N= : A)
_ Asso secteur 2/F (N=40 :9A)
_ CC du N-ouest (N=14 : 6A)
_ CM commune 2/C (N=5 :5A)
_ Syndicat du N-E (N=14 :5A)
_ CC du Sud-ouest (N=8 :5A)
_4
ème
CC + au Sud (N=28 : 7A)
ème
CC du Sud (N=27 : 7A)
_ 1 vice pt. syndic. (N=34 :9A) _ élus N intérieur (N=34 :7A)
_ Association centre (N=9 :5A) _ Association de 2/C (N=4 :4A)
_3
_ Secteur centre (N=9 :4A)
_ CM commune 2/F (N=9 :6A)
_ Délégués syndic. (N= 195:9 A)
_ Asso. centre-S (N=6 :4A)
_ Gde asso intérieur (N=22 :7A) _ CC et agglo du N (N=26 : 7A)
_ DRIRE (N=10 : 5A)
_ DDASS (N=9 :5A)
Ligne de
partage
_ Secteur 2/D (N=6 : 5A)
_ Asso. de conso. (N=11 :5A)
8
_ Dir. technique CG (N=22 :8A)
_ ADEME (N=6/3A)
_ BE communication (N=2 :2A)
G
_ ADEME (N=13 :7A)
_ Délégués syndic. (N=151 :9A) _ techniciens CTD (N=11 :7A)
_ ADEME (N=18 :8A)
_ Délégués syndic. (N=110 :9A)
R
_ CM ville du N-O (N=4 :2A)
_ Syndicat du S-E (N=18 :5A)
U
_ CC scénario A (N=9 :3A)
_ Directeur envrt. CG (N=2 :2A) _ Déléguée agglo (N=9 :6A)
e
_ 4 vice pt syndic. (N=4 :3A)
_ Ministère envirt (N=2 :2A)
P
_ Élu centre sud (N=11 :7A)
_ Syndicat déptmtal 3/b (N=29:7A)
E
_ Secteur de l’agglo (N=10 :6A) _ Asso. locale intérieur (N=9 :5A) _ BE com. 3/d (N=5 : 4A)
O
2
_ Maire et CM 3/A (N=26 :8A)
_ Maire com. 1/A (N=9 :5A)
_ Conseil de dévlpt. (N=10 :4A) _ Asso. conso. (N=37:9A)
_ Verts du dépt. (N=12 :6A)
_ Ancien Asso. envrt. (N=6 :3A)
_ CG et Pays (N=26 :7A)
_ Gde asso. envrt. (N=45 :9A)
_ Verts départmt (N=13 :7A)
_ Asso. locale territ. (N=93 :9A)
_ Maire voisin 1/A (N=1 :1A)
_ Asso. poli. l’intérieur (N=18 :8A)
_ Presse régionale (N=5 :4A)
_ Asso. génér. envirt. (N=17 :7A)
_ Asso. pol. ville Nord (N=13 :7A)
_ Ecologistes centre (N=1 :1A)
_ Assos. gde asso. (N=3 :2A)
Vers l’autre
_ Parti régional (N=8 :8A)
_ Préfecture (N=21 :7A)
_ Élus opposition N. (N=3 :1A)
_ Grde asso. envirt. (N=57 :9A) _ Presse locale (N=4 :3A)
_ CG voisin et DIREN (N=1 :1A)
extremum
_ Verts CC du N (N=22 :9A)
_ Asso. général. envt (N=24 :9A)
_ Asso. locale 3/A (N=98 : 9A)
4.1 Attachements et jeu d’acteurs
→ Le niveau (quantifié) des attachements donne des indications sur des aspects qualitatifs :
La nature des parties prenantes :
_ Relative neutralité d’attachement
_ Relative proximité d’attachement
_ Regroupement en coalitions « objectives » ; ex. tests de probabilités avérés
4.2 Attachements et généricité
Des régularités dans les attachements de certains :
→
Les industriels du domaine et les bureaux d’étude techniques appartiennent toujours au groupe
1, et leur placement au sein de ce groupe est toujours très prononcé.
→
Les organismes publics (DRIRE, ADEME, DDASS, syndicats) sont généralement assez
modérés. On notera que les organes publics plus spécialement dédiés aux questions de coordination
(tels les conseils de développement ou les syndicats d’étude supra territoriaux) se placent toujours au
sein du groupe 2.
→
Le placement des différentes zones du territoire (que ce soit les populations ou les élus de ces
zones) n’est jamais vraiment « extrême ». Le placement des regroupements d’élus partisans de
certaines options politiques ou techniques est plus imprévisible.
9
→
Les préfectures et les personnels des Conseils Généraux peuvent se placer de façon assez
« extrême » quand ils appartiennent au groupe 1.
→
C’est l’inverse pour les associatifs. C’est lorsqu’ils appartiennent au groupe 2 que leur placement
peut être « extrême ».
→
Les associations environnementales généralistes se placent toujours résolument du côté du
groupe 2.
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5 DISCUSSION
Des résultats compatibles avec les résultats des prédécesseurs : Barbier et Larédo (1997),
Davoudi et Evans (2005), Davoudi (2006), Saarikoski (2006). Davoudi et Evans (2005) et Davoudi
(2006).
Des résultats décalés :
_ Des distinctions ex ante (ex. statutaires).
_ Des approches qualitatives : Généricité des attachements plutôt que généralité sur l’évolution du
conflit : ouverture progressive à des montages socio-techniques concurrents, d’une complexité
croissante (Störmer et al, 2009 ; Magnani, 2012)
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