L`antre du secret

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L`antre du secret
A PROPOS DE L'AUTEUR
« Le nom de Heather Graham sur une couverture est
une garantie de lecture intense et captivante », a écrit le
Literary Times. Son indéniable talent pour le suspense, sa
nervosité d’écriture et la variété des genres qu’elle aborde
la classent régulièrement dans la liste des meilleures ventes
du New York Times. L’antre du secret est le deuxième
tome de la série « Cafferty & Quinn ».
HEATHER GRAHAM
L’antre du secret
Titre original : WAKING THE DEAD
Traduction française de JULIE ALBIZZI
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HARLEQUIN
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ISBN 978-2-2803-6271-9
En hommage à ma belle-sœur et à mon beaufrère, Angelina Mero Pozzessere et Alphonse
Pozzessere, qui m’ont fait connaître le Massachusetts,
m’ont appris à apprécier la merveilleuse cuisine
italienne et m’ont fait découvrir cette ville
incroyable et si riche d’histoire qu’est Salem.
En hommage aussi à Dee Mero Law, George
Law, Doreen Law Westermark, John Westermark,
Kenneth Law, Bill, Eileen et Eddie Staples,
et à « Auntie Tomato », Gail Astrella.
Merci pour ces séjours extraordinaires,
étranges et amusants à Salem !
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La maison se dressait rue Frenchmen, à La NouvelleOrléans. Elle était banale : ni luxueuse, ni décrépite,
semblable aux maisons voisines, celles des classes moyennes
où les parents travaillaient tous les deux et où les enfants
allaient à l’école. Le jardin était bien tenu, mais sans plus,
et la façade aurait mérité un coup de peinture. En somme,
c’était un endroit qui n’aurait jamais dû attirer l’attention.
Jusqu’à récemment, lorsqu’un voisin avait remarqué
le corps d’une femme gisant dans la cuisine et appelé la
police. En entrant à l’intérieur, la brigade avait trouvé une
véritable scène de chaos.
Michael Quinn n’était pas arrivé parmi les premiers
— il n’était plus flic à présent, mais détective, pour
autant il avait gardé des liens privilégiés avec ses anciens
collègues de la police, qui l’appelaient quelquefois à la
rescousse. Comme ce matin, quand Jake Larue, son
ancien coéquipier, lui avait demandé de venir sur cette
scène de crime. L’avantage, c’était que Larue lui payait
des honoraires de consultant. Ce n’était pas plus mal, car
certaines de ses enquêtes privées s’avéraient coûteuses.
— J’ai vu beaucoup de choses dans ma carrière, fit
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L'antre du secret
Larue en retrouvant Quinn à la porte. L’ouragan Katrina,
des bagarres de gangs, des crimes atroces, tout le lot
habituel de la police… Mais je n’avais jamais vu un
spectacle pareil !
Jake était pourtant assigné aux affaires les plus complexes,
y compris celles qui frôlaient l’étrange et l’inquiétant. C’était
un bon policier, Quinn le savait depuis longtemps. Il ne
prétendait jamais avoir toutes les réponses et n’hésitait
pas à demander de l’aide, d’où qu’elle vienne. L’essentiel,
pour lui, c’était de résoudre les affaires. C’était pour cela
qu’il avait appelé Quinn.
Larue avait eu de la chance de le trouver, d’ailleurs :
à l’heure qu’il était, il aurait encore dû être en mission
au Texas, mais celle-ci s’était finie plus tôt que prévu,
si bien qu’il avait pu revenir tard la veille au soir. Sans
avoir le temps de prévenir personne : Danni allait être très
surprise en le voyant arriver chez elle, comme il comptait
le faire dans la matinée ! Mais, avant cela, il allait devoir
se concentrer sur la scène de crime.
Il regarda la façade d’un air intrigué.
— Que s’est‑il passé ? Un deal de drogués qui a mal
tourné ?
La maison ne suggérait rien de tel, mais il ne fallait
jamais jurer de rien en matière de drogue.
— Je n’en sais rien, répondit Larue, mais ça m’étonnerait. Prends des gants et des couvre-chaussures. Nous
essayons de ne pas attirer trop de curieux.
Quinn haussa les sourcils. Il était presque impossible de
protéger les scènes de crime quand les lieux grouillaient
de monde. Mais Larue, habitué aux procédures, avait déjà
prévu un cordon de policiers de la rue jusqu’au porche.
A l’arrière de la maison, dans le jardin, d’autres policiers
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retenaient les voisins qui s’étaient rassemblés. Les seules
personnes autorisées à passer étaient celles qui portaient
un uniforme ou une blouse de secouriste.
— Le Dr Hubert est là, dit Larue.
Quinn aimait bien Ron Hubert, le médecin légiste. Il
était compétent et savait faire preuve de souplesse. Il ne se
vexait pas si l’on remettait ses conclusions en question ou
si l’on suggérait des analyses supplémentaires. Comme il
le disait lui-même, il pouvait faire des erreurs, ou parfois
négliger un détail important, comme tout le monde. Il
avait pour mission de faire parler les morts mais, si un
cadavre inspirait une idée à quelqu’un d’autre, il l’acceptait volontiers.
— Bien, dit Larue. Prenons les choses dans l’ordre.
Voici l’entrée…
Le corps d’un homme corpulent était étendu sur le sol.
Penché sur lui, Hubert enregistrait des notes à voix basse
sur son téléphone portable.
— Victime de sexe masculin, entre quarante-cinq
et cinquante-cinq ans. On peut fixer l’heure de la mort
entre 6 et 7 heures du matin. La cause du décès est sans
doute due à de nombreux coups à l’arme blanche, dont
plusieurs sûrement mortels. L’homme a dû mourir sur
place, comme l’indique la flaque de sang répandue. Il y
a aussi des coulures autour de lui…
Hubert coupa son téléphone et leva les yeux.
— Faites attention au sang, dit‑il. Les techniciens
prennent des photos mais nous préférons préserver au
maximum la scène de crime. Quinn ! Ravi de vous voir
ici, fiston.
Ron Hubert appelait pratiquement tout le monde
« fiston ». Il était né dans le Minnesota et ses origines
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nordiques étaient frappantes : ses cheveux blonds devenaient platine à mesure qu’ils blanchissaient et ses yeux
étaient d’un bleu presque transparent. Son port droit le
rajeunissait mais Quinn savait qu’il avait la soixantaine.
— On l’a poignardé ? Vous avez trouvé l’arme ?
demanda Quinn.
— Non, répondu Larue, on n’a rien trouvé. Ce type
s’appelait apparemment James A. Garcia. Sa famille vit
dans le coin depuis le xixe siècle. Il avait hérité de cette
maison et travaillait comme coursier pour une compagnie
de transport.
— Le corps dans la cuisine est celui de sa femme,
Andrea, intervint Hubert. C’est comme si elle avait été
tailladée à coups d’épée. Vous pouvez lui montrer, Larue.
Ensuite, je ferai emmener les corps à la morgue.
Quinn suivit Larue dans la cuisine. C’était impossible
de donner un âge à la victime. Elle était si défigurée que
seules sa robe et la longueur des cheveux indiquaient
qu’il s’agissait d’une femme. Elle n’avait pas seulement
été « tailladée » : on aurait dit qu’on l’avait littéralement
passée dans un hachoir. Son sang se répandait en rigoles
irrégulières sur le linoléum. Ils l’observèrent un moment
en évitant de piétiner le sol puis Larue lança :
— Suis-moi là-haut. Le cauchemar n’est pas fini.
Un troisième corps reposait sur un lit, dans une chambre.
— Arnold Santander, expliqua Larue, le père de Mme
Garcia, apparemment. On l’a abattu d’une balle.
— Revolver ? Fusil ?
— Quelque chose d’assez gros pour faire des dégâts
considérables. Et ce n’est pas tout… Il y en a d’autres.
Dans la chambre suivante, un quatrième corps avait
été massacré à coups de gourdin. Il était méconnaissable.
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— Maggie Santander, dit Larue. La mère de Mme
Garcia.
Ils redescendirent. Le cinquième corps se trouvait au
rez-de-chaussée, près de la porte donnant sur l’arrière de
la maison. Comparé aux autres, il était en relativement
bon état.
— Et voici la sœur de Mme Garcia, Maria Orr. D’après
les voisins, c’est elle qui a emmené les enfants Garcia à
l’école, ce matin. C’était leur habitude : Mme Garcia, elle,
allait les chercher le soir. Maria revenait souvent prendre
un café avant d’aller travailler, sur un marché local. Sa
sœur était femme au foyer.
Quinn s’agenouilla près du corps et lui souleva délicatement les cheveux. Il regarda Larue en fronçant les
sourcils.
— Etranglée ?
— D’après les premières constatations de Hubert, oui.
Quinn se releva.
— Et il n’y a vraiment aucune arme dans la maison ?
Ni dans le jardin ?
— Aucune. Les techniciens cherchent encore, bien
sûr. J’ai des hommes qui interrogent les voisins et qui
fouillent toutes les poubelles du voisinage. La ville est
en état d’alerte. Je vais devoir donner une conférence de
presse. Tu as une idée de quelques mots raisonnables que
je pourrais dire pour éviter la panique ?
L’un des policiers de Larue, qui s’approchait en
contournant le corps avec précaution, entendit la question
et marmonna :
— Vous pourriez leur dire de prendre un chien et
d’acheter une mitraillette !
Larue lui jeta un regard glacial.
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L'antre du secret
— Il ne manquerait plus que ça, persifla-t‑il. Des
citoyens terrifiés et armés jusqu’aux dents ! Quinn, quel
genre de vibrations ressens-tu ? Que te dit ton instinct ?
Est‑ce que tout cela t’évoque quelque chose ?
Quinn haussa les épaules.
— Y a-t‑il le moindre signe que les victimes auraient
consommé de la drogue ? Ou trafiqué ?
— Ce pauvre Garcia était coursier, entraîneur de baseball et diacre de sa paroisse. Son épouse faisait des tartes
aux pommes… Aucune trace de drogue. Et il est clair
aussi qu’aucun d’eux n’a tué les autres avant de se suicider.
Quinn hocha la tête puis résuma la situation telle qu’il
la comprenait.
— En somme, les grands-parents étaient chacun dans
leur chambre, au lit. Sans doute parce qu’ils étaient âgés et
en mauvaise santé. Mme Garcia était en train de débarrasser
le petit déjeuner et son mari s’apprêtait à partir travailler.
La tante a dû revenir de l’école à ce moment‑là, s’apercevoir de quelque chose et courir vers la porte arrière. Mais
c’était trop tard. Il semblerait logique qu’on l’ait abattue
dans le dos pour l’empêcher de s’enfuir mais non, on l’a
étranglée. Le fait qu’on ait employé plusieurs méthodes
pour tuer laisse penser que les agresseurs étaient plusieurs.
Ce qui est étrange, ce sont ces mares de sang autour des
victimes. Elles sont intactes. Personne n’a marché dedans
et il n’y a pas d’empreintes de mains sanglantes sur les
murs… Juste des éclaboussures…
Il soupira puis reprit :
— Ça ne devrait pas être très difficile de retrouver
les meurtriers, car ils seront couverts de sang. Seule la
victime étranglée n’a pas la moindre tache. C’est pour ça
que je pense qu’elle a été tuée en dernier et qu’il y a eu
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plusieurs agresseurs. S’il n’y en avait eu qu’un, il aurait
commencé par elle, avant d’avoir les mains ensanglantées. Mais, comme elle tentait de fuir, cela signifie que
les autres étaient déjà morts…
— Donc, on doit chercher plusieurs suspects…
— C’est ce que je soupçonne, en tout cas. Et ils seront
couverts de sang, sauf s’ils avaient mis des vêtements de
protection. Mais, même ainsi, il y aura forcément des
gouttes de sang quelque part. Ce qui est vraiment étrange,
c’est que ces agresseurs ont apparemment tué leurs victimes là où ils les ont trouvées, puis se sont volatilisés.
Larue écoutait Quinn avec attention, les sourcils froncés.
— Pour l’instant, tu ne me dis rien que je ne sache déjà !
— Je ne suis pas omniscient !
— C’est vrai, mais…
— Tes hommes doivent absolument chercher des
gens avec des taches de sang sur eux. Il est impossible
de faire un tel carnage sans que cela laisse des traces.
Et, naturellement, les techniciens doivent passer toute la
maison au peigne fin.
— En plus, soupira Larue, rien n’a été volé. Cela ressemble vraiment à une vengeance. Un proche s’estimant
lésé, une querelle de famille… Ou alors un psychopathe
qui passait par là. Ce genre de crime atroce n’est pas
forcément celui d’un intime. Il y a des exemples célèbres.
Jack l’Eventreur avait horriblement mutilé sa dernière
victime, Mary Kelly, et il choisissait ses proies absolument au hasard.
— Mais c’étaient toutes des prostituées, rappela
Quinn. Il avait un « type » de victimes. A quel « type »
cette famille Garcia pouvait‑elle bien correspondre ? Je
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te conseille d’en apprendre plus sur eux. Peut‑être qu’un
objet a tout de même été volé, en dépit des apparences.
— Rien n’a été dérangé, aucun tiroir n’a été ouvert, ni
aucune boîte à bijoux…
Quinn dévisagea son ancien collègue. Larue approchait
de la quarantaine. Il était grand, mince, avec les cheveux
très courts et le regard vif, pétillant d’intelligence. Il était
très doué pour se fier à son instinct et, par chance, son
instinct lui soufflait toujours de faire confiance à Quinn.
— C’est pour ça que je t’ai fait venir, ajouta Larue.
Parce que je sais très bien voir ce qui saute aux yeux alors
que, toi, tu es capable de deviner ce qui ne se voit pas. Je
te ferai passer toutes les informations que je pourrai réunir
d’ici quelques heures. Hubert commencera les autopsies
dès qu’il sera de retour à la morgue.
— Ça ne t’ennuie pas si je refais un tour à l’intérieur ?
Je voudrais vérifier quelque chose…
— Quoi donc ?
— Comme je te l’ai dit, je suis étonné de ne pas
trouver plus de taches de sang dans la maison. Et je suis
surpris que les seules coulures qu’on distingue ramènent
à James Garcia.
— Tu ne suggères tout de même pas qu’il a massacré
toute sa famille avant de revenir dans l’entrée se tailler
lui-même en morceaux ?
— Non, bien sûr. Je dis simplement que ces coulures
semblent indiquer qu’on est d’abord monté à l’étage tuer
les grands-parents, puis qu’on est ensuite passé dans la
cuisine tuer l’épouse, et qu’après seulement on s’en est pris
à James Garcia puis à la tante. Cela dit, tu remarqueras
qu’il n’y a aucune trace de sang sous les portes. En tout cas,
comme je l’ai dit, le ou les agresseurs se sont forcément
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retrouvés couverts de sang. Il est d’ailleurs très étonnant
que personne dans le voisinage n’ait rien remarqué. Je
sais qu’il y a beaucoup de crimes à La Nouvelle-Orléans,
mais on n’est pas au moment d’Halloween, où personne ne
s’étonne de voir des zombies et des vampires se promener
partout. Même si les agresseurs sont sortis vêtus d’un
drap ou d’une couverture, on comprend mal comment ils
sont parvenus à ne laisser aucune empreinte à l’extérieur.
— Peut‑être avaient‑ils une voiture ou une camionnette
qui les attendait, dit Larue.
— C’est possible, mais il y aurait tout de même des
gouttes, des traces sur le seuil de la maison… Je vais
examiner tout ça, d’accord ?
— Je t’en prie. A la seule condition que tu gardes
tes couvre-chaussures et que tu ne déranges pas mes
techniciens.
Quinn laissa Larue donner ses instructions sur l’enlèvement des corps et se mit à déambuler dans la maison.
Tout d’abord, il ne trouva rien de particulier. Evidemment,
il évitait soigneusement de déranger les policiers, très
occupés à faire leurs relevés. Il savait qu’ils n’avaient jeté
pour l’instant qu’un coup d’œil rapide dans le garage et
décida de commencer par là.
Il s’en félicita, car il tomba aussitôt sur quelque chose
d’étonnant.
Un bocal de verre, sans étiquette, à demi dissimulé
entre deux pots de peinture.
Il le prit dans ses mains et l’examina avec attention,
les sourcils froncés.
Le bocal avait contenu quelque chose. On l’avait nettoyé
mais… il y restait une trace rouge. Un résidu.
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L'antre du secret
Etait‑ce du sang ? La tache était si petite que c’était
difficile à dire. Il allait falloir faire des analyses.
Il se hâta d’aller remettre le bocal à Grace Leon, qui
dirigeait les techniciens de scène de crime. Elle observa
à son tour la trace suspecte.
— Merci, dit‑elle. Nous aurions fini par trouver ce
bocal, bien sûr, mais… merci tout de même. Est‑ce que
cette trace est bien ce que je pense ?
Quinn eut un nouveau sourire amer.
— Il faudra attendre les résultats de l’analyse, mais
je parie que oui.
Le tableau accroché au mur — une remarquable
« giclée1 » en couleur — attirait tout de suite le regard
par son élégance et ses coloris exquis.
Au premier plan, un gentleman aux cheveux noirs se
penchait sur un sofa sur lequel une belle femme vêtue de
blanc était étendue, en train de lire. On voyait l’homme de
trois quarts et l’on devinait seulement son profil. Il tendait
une rose à la femme. La scène dégageait une atmosphère
nostalgique et un peu mystique, à la manière des toiles
du peintre préraphaélite John Waterhouse.
L’image semblait comme animée par une vie mystérieuse. L’observateur avait presque l’impression de pouvoir
y pénétrer, de faire partie du tableau.
Derrière le sofa se dressait une énorme cheminée,
semblable à celle d’un château. Sur le manteau de la
cheminée trônait le portrait d’un chevalier médiéval,
1. Impression d’art sur imprimante à jet d’encre, en haute définition et
grand format. (NdT)
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sans son heaume. De part et d’autre, des plaques de métal
arboraient les armoiries de la maison des Guillaume,
avec au-dessous des épées entrecroisées. Sur la gauche
se trouvait un massif escalier de pierre en face duquel se
dressaient deux armures du xvie siècle, brandissant leur
épée telles des sentinelles. Pourtant, l’ensemble évoquait
plus une paisible atmosphère victorienne qu’une scène
du Moyen Age.
Sur le même tableau, à côté du couple, un garçonnet
d’une douzaine d’années et une fillette d’environ huit
ans jouaient aux échecs. A leurs pieds, un enfant plus
jeune manipulait un jouet. Les couleurs, même pour un
tirage moderne, étaient chatoyantes, avec des cramoisis
profonds, soulignés de mauve et de gris dans les coins de
pénombre. La robe de la petite fille jetait une tache bleu
vif. Tout au fond, par une porte grande ouverte, un chienloup au pelage argenté aboyait tandis qu’un majordome
accueillait des visiteurs à l’allure formelle.
A première vue, la reproduction, romantique et paisible,
n’avait rien à voir avec le titre écrit au-dessous : Fantômes
de l’esprit.
Pourtant, quand on examinait la scène avec plus
d’attention, la perception commençait à changer. Si l’on
modifiait un peu sa perspective, certains détails troublants
apparaissaient alors.
La femme, par exemple, tenait un poignard sous son
livre. L’homme qui lui tendait une rose, dissimulait quant
à lui un pistolet dans son dos.
Vus de près, les heaumes des armures abritaient deux
regards malveillants.
Même les pièces du jeu d’échecs avaient des visages
torturés qui paraissaient crier.
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L'antre du secret
Le jouet que manipulait le petit garçon, par terre, était
une guillotine, et ce qu’on aurait pu prendre pour des
fleurs éparpillées sur le sol étaient en fait des poupées
décapitées.
Danni Cafferty observait la toile, fascinée par le
sinistre spectacle qu’elle dévoilait. Une voix derrière elle
interrompit sa contemplation.
— Danni ?
Elle se retourna. Niles Villiers, le propriétaire de la
galerie Images d’images, s’avançait vers elle. Wolf, son
gigantesque chien de garde, était couché près d’elle. Wolf
avait à peu près la taille d’un wagon de marchandises
mais Niles ne cilla pas. Lui et Wolf se connaissaient et les
animaux bien dressés étaient les bienvenus dans sa galerie.
Wolf accepta les caresses de Niles en remuant la queue.
— J’adore ce chien, dit Niles. Mais ce n’est pas celui
de Quinn, ton ami ? Il y a un moment qu’on ne l’a pas vu.
— Il est en voyage d’affaires au Texas.
Niles la regarda avec commisération.
— Ma pauvre ! J’aime bien Quinn. C’est un type formidable. Alors, quand il t’abandonne, il te laisse son chien ?
Danni protesta vigoureusement. Elle n’était en rien
abandonnée ! Après avoir résolu un cas mystérieux,
autour d’un buste en marbre et d’un culte satanique, elle
et Quinn avaient entamé une liaison mais c’est juste qu’ils
avaient décidé de ne pas aller trop vite. Ils préféraient
prendre leur temps.
Quinn était parti prêter main-forte à la police du Texas
un mois plus tôt. Il se déplaçait ainsi régulièrement à la
demande de contacts et d’amis qu’il avait gardés dans les
forces de l’ordre. D’ordinaire, ses missions ne duraient
que quelques jours. Cette fois, cela semblait très long…
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En tout cas, Quinn lui laissait toujours Wolf quand il
partait. Il savait que Wolf serait prêt à sacrifier sa vie
pour sauver Danni.
— Au moins, c’est un chien exceptionnel, dit Niles.
— Absolument.
Niles étreignit Danni avec affection, et elle l’embrassa
avec chaleur. Niles n’était pas seulement un ami : c’était
aussi celui qui lui avait généreusement prêté sa galerie
de la rue Royal, A l’identique, pour exposer les tableaux
qu’elle peignait. La galerie se trouvait non loin de la
boutique d’antiquités et de curiosités de Danni, Le Chat
de Cheshire.
— Merci d’être venue ! lança Niles.
— Tu me connais, Niles. Dès qu’il y a un vernissage
quelque part, j’accours !
Un serveur passait. Niles prit deux flûtes de champagne
sur le plateau et en tendit une à Danni.
— Je suis ravi que tu sois là, dit‑il. Ta présence donne
à ma galerie une note d’élégance et de sophistication plus
qu’appréciable.
Danni sourit.
— Tu aurais dû me dire que je devais avoir l’air sophistiquée… J’aurais mis autre chose qu’un jean !
Niles agita négligemment la main. Lui-même arborait
un costume élégant et était très beau, avec sa peau dorée
et son regard noisette, pénétrant. Grand, mince, il avait
tout d’un hôte raffiné.
— Ma chère, tu serais superbe même habillée d’un
sac-poubelle. Tu as une classe folle, un air mystérieux…
et ce chien-loup à tes pieds te va très bien. Les gens
regardent les toiles mais ils te regardent aussi, tu sais.
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L'antre du secret
Et, si jamais tu achètes quelque chose, ils se sentiront
obligés de t’imiter !
— Merci de tes compliments… Mais je pense que
c’est surtout Wolf qui intrigue tes clients !
Elle posa la main sur la tête du chien. Souvent, les gens
en avaient peur et s’en écartaient, mais il était si bien dressé
que beaucoup demandaient aussi à le caresser. Quand il
n’avait pas à défendre farouchement ses maîtres, c’était
un animal très affectueux. Même s’il comptait des loups
parmi ses ancêtres.
Niles se rapprocha de Danni en sirotant son champagne.
— J’ai quelques huiles authentiques très jolies que
j’espère vendre, mais je suis surtout ravi qu’une maison
parisienne m’ait autorisé à faire des giclées de Fantômes
de l’esprit, comme celle qui est exposée aujourd’hui. Elles
sont superbement réalisées. Cela permet aux gens qui
ne sont pas millionnaires d’avoir des œuvres d’art chez
eux sans devoir dévaliser une banque. Et, franchement,
la qualité est telle qu’on a du mal à distinguer les copies
de l’original.
— Tu exagères un peu, dit Danni en souriant. Cette
toile est étonnante, c’est vrai, mais ce n’est tout de même
pas le vrai tableau !
— Oui, oui, bien sûr… Mais, une fois au mur, elle fait
vraiment de l’effet !
— J’espère que tu en vendras beaucoup et que tu
gagneras beaucoup d’argent, répondit Danni avec élan.
Du moment que l’artiste n’est pas lésé, c’est l’essentiel.
— Danni !
— Excuse-moi, Niles. Je n’aurais pas dû dire ça.
Il lui sourit.
— Quand vas-tu exposer de nouveau ? Maintenant
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que cette affreuse histoire de secte est derrière toi ?
demanda-t‑il.
Danni haussa les épaules. Elle s’était remise au travail
et avait repris le cours de sa vie depuis quelques semaines,
c’était vrai. Il n’y avait même pas un an qu’elle avait
découvert que son père, avant sa mort, avait mené une
existence secrète et qu’elle avait hérité non seulement
des antiquités de son magasin, mais aussi d’un certain
nombre d’objets très particuliers.
Niles faisait allusion à l’affaire du buste de Pietro
Miro, bien sûr. A l’époque, Danni n’aurait jamais pu
imaginer ce qu’était le Mal absolu, et maintenant elle ne le
connaissait que trop bien. Son père n’avait pas seulement
collectionné les objets rares ; il avait aussi été une sorte
de guerrier livrant bataille pour libérer des innocents de
forces malfaisantes. Elle avait parfois l’impression que
c’était un rêve dans lequel, malgré elle, elle devait jouer
un rôle. Auparavant, elle ignorait complètement que de
sinistres pouvoirs pouvaient se loger dans un objet aussi
banal qu’un buste de marbre.
— Excuse-moi, se hâta de dire Niles. Je n’aurais sans
doute pas dû te poser cette question. Cette histoire est
encore récente, et je sais que tu es intime avec plusieurs
des personnes qui ont été impliquées.
— Rassure-toi, c’est fini, Niles. Bo Ray et moi nous
débrouillons très bien avec la boutique. Je te remercie de
l’intérêt que tu portes à mon travail.
— Il y a tout de même plusieurs mois que je n’ai vu
aucune de tes œuvres !
— J’y travaille. Je n’ai encore rien de prêt.
— Eh bien, n’hésite pas à me montrer quelque chose,
dès que tu voudras. Tu es très talentueuse, Danni. Comme
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L'antre du secret
Mason. Il n’a pas encore eu sa chance, mais ça viendra.
Maintenant, je te laisse admirer mes Fantômes. C’est une
œuvre magnifique, à voir à distance mais aussi de près.
Henry Hubert avait beaucoup de talent et cette toile-là
fait date dans son œuvre. Il avait toujours été fasciné par
le côté obscur des choses mais il a rarement peint avec
autant d’habileté la cruauté dissimulée dans les détails
d’une scène exquise.
Danni hocha la tête.
— Je connais son Ange pleurant au crépuscule. C’est
une toile très mélancolique, mais très belle.
— Donc, Henry Hubert te dit quelque chose ?
— Je suis diplômée d’histoire de l’art, je te rappelle. Je
sais qu’il a laissé peu de toiles derrière lui car il est mort
très jeune. Il est considéré comme un artiste mineur. On
parle rarement de lui de nos jours.
— Jusqu’à très récemment, corrigea Niles. Cela a
changé quand on a redécouvert Fantômes de l’esprit.
L’œuvre avait disparu depuis longtemps et a resurgi il y
a quelques mois dans une vente aux enchères. Hubert est
mort très jeune, c’est vrai. Dieu seul sait ce qu’il aurait
peint s’il avait vécu plus longtemps ! Il avait un don
extraordinaire pour la perspective. Peu d’artistes arrivent
à créer des scènes différentes intégrées dans un même
tableau de manière aussi efficace.
— Si je me rappelle bien mes cours, l’original de cette
toile a été peint en Suisse, durant l’été 1816. Une année
si pluvieuse qu’on disait alors qu’il n’y avait pas eu d’été.
— C’est vrai. Apparemment, l’éruption d’un volcan,
le mont Tambora en Indonésie, avait modifié momentanément le climat. Je me suis intéressé à cette histoire en
découvrant ce tableau. Le volcan était entré en éruption
L'antre du secret
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en 1815 mais les retombées ont eu des conséquences
pendant plus d’un an. Il a neigé au mois de juin, même
aux Etats-Unis ! Ce temps affreux a beaucoup déprimé
les contemporains, mais il nous a permis de connaître
cette merveilleuse œuvre d’art !
— N’oublie pas que Mary Shelley a écrit son Frankenstein
la même année !
— C’est vrai. Elle était influencée par toutes les
recherches de l’époque sur l’électricité. Mary connaissait
les plus grands scientifiques de son temps… Son livre est
un chef-d’œuvre, dit Niles d’un ton respectueux. Il aborde
ce qui est apparent et ce qui est caché dans l’existence…
Tout comme ce tableau illustre le masque que nous portons
pour dissimuler nos pensées réelles. Pour les critiques,
c’est la meilleure toile que Henry Hubert ait jamais peinte.
Quel dommage qu’il soit mort !
— Il s’est suicidé, n’est‑ce pas ? murmura Danni.
Niles secoua la tête.
— C’est ce que les autorités ont raconté, mais rien
n’est moins sûr. On l’a retrouvé dans la tour d’un château,
assis devant son chevalet. Il aurait été empoisonné… Mais
comment savoir ?
Danni se mit à rire.
— Ils auraient pu le disséquer. Cela se faisait beaucoup,
à l’époque. On volait même des cadavres dans les cimetières pour que les médecins s’entraînent ! Rappelle-toi
Burke et Hare1. Ils s’étaient fait une spécialité des vols
1. William Burke et William Hare ont commis une série de meurtres à
Edimbourg, en 1827-1828. Ils revendaient les cadavres de leurs victimes à un
professeur d’anatomie, à des fins de dissection. (NdT)
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L'antre du secret
de cadavres qu’ils revendaient et allaient même jusqu’au
crime…
— Mais c’était plus tard, coupa Niles.
— C’est vrai, mais ils n’étaient pas les premiers. Il
y avait des trafics de ce genre dans tous les pays. Vers
1800, il y avait déjà plusieurs siècles que les médecins et
les scientifiques disséquaient des cadavres. On n’arrivait
peut‑être pas à soigner les malades mais on a fait de
grands progrès en anatomie ! En tout cas, tu as raison,
Hubert a peut‑être été empoisonné sans qu’on s’en rende
compte. Seulement, quand on l’a trouvé avec à la main un
verre de vin qui contenait Dieu sait quelle toxine, il était
seul. Donc, il s’est vraiment suicidé. Le pauvre était très
déprimé et il n’existait pas d’anxiolytiques à l’époque !
Il y a eu beaucoup de tragédies, alors. Shelley s’est noyé
dans un lac. Byron avait à peine trente ans quand il est
mort. Mary Shelley a perdu trois de ses quatre enfants
en bas âge. Tout cela est très triste.
Niles n’avait pas l’air très impressionné. Visiblement,
les œuvres des artistes l’intéressaient plus que la façon
dont ils étaient morts.
— Comment a-t‑on redécouvert Fantômes de l’esprit ?
s’enquit Danni.
— Eh bien, la toile avait disparu peu après la mort de
Hubert. Elle a réapparu dans un entrepôt, en Angleterre,
puis est partie dans un musée en France et a disparu de
nouveau pendant la Seconde Guerre mondiale.
— Volée par les nazis, j’imagine ?
— Exactement ! Apparemment, on l’a retrouvée soigneusement emballée dans la cave d’un vieux criminel nazi
mort au Brésil. Le gouvernement brésilien a restitué la
toile au musée français mais, comme ce dernier manquait
L'antre du secret
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d’argent, il l’a vendue aux enchères. Personne ne sait qui a
acquis l’original, d’ailleurs. Ces ventes-là se font souvent de
façon très confidentielle, à travers une kyrielle de sociétés
écran. En tout cas, l’acquéreur a autorisé une galerie
française à faire une copie à l’huile et, à partir de cette
copie, à réaliser un tirage d’impressions couleur, limité
à deux mille exemplaires. Et tu ne sais pas le plus fort…
Niles baissa la voix pour ajouter d’un ton de conspirateur :
— Il paraît que l’acheteur habite ici, à La NouvelleOrléans ! J’ai eu énormément de chance. J’ai pu acquérir
cent exemplaires du tirage et j’en ai déjà vendu soixante-six !
Danni se pencha vers la giclée. Le tableau était aussi
riche, aussi complexe que l’histoire de monstre humanoïde
du Dr Frankenstein.
— Veux-tu que je t’en réserve une ? demanda Niles.
Danni hésita. L’œuvre était superbe, c’était vrai. Mais
elle était aussi assez sinistre, très pessimiste sur la nature
humaine. L’homme offrait‑il vraiment une rose en songeant
au meurtre ? Ces enfants jouaient‑ils déjà avec un dédain
méprisant et cruel pour les êtres vivants ?
Une visiteuse avec un chapeau orné de plumes vint
poser une question à Niles. Il s’excusa auprès de Danni
avec un clin d’œil.
— Allez, je t’en mets une de côté ! lança-t‑il avant de
s’éloigner.
— Eh bien, je n’aurai qu’à la ranger avec le cercueil et
les têtes jivaros de la collection de mon père, marmonnat‑elle pour elle-même.
— Eh, Danni ! héla une voix.
Danni se retourna et faillit heurter Mason Bradley,
un peintre qui donnait un coup de main à Niles dans sa
galerie. Le vrai métier de Mason, c’était la restauration
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L'antre du secret
de tableaux et il y excellait. Comme beaucoup d’artistes,
il se faisait la main en étudiant les grands maîtres et
en faisant des copies à l’occasion. A trente-huit ans,
il était grand, beau garçon avec ses cheveux blonds,
et tentait de se faire un nom dans le Quartier français
en peignant des scènes des cimetières de La NouvelleOrléans. Il avait un style hyper-réaliste, un peu exagéré,
qui donnait à ses œuvres une atmosphère tout à la fois
poignante et étrange.
— Mason ! Comment vas-tu ? demanda Danni.
— Bien, je te remercie. Et toi ? Tu t’es remise au
travail ? Je sais que ça n’a pas été facile pour toi, après
la mort de ton père.
— Ça va, je m’en sors.
— J’ai vu que tu avais un chien. Wolf, c’est ça ?
Mason sourit à Wolf mais n’essaya pas de le caresser.
Danni se demanda s’il avait peur ou s’il n’aimait tout
simplement pas les chiens.
— Oui, il s’appelle Wolf.
— Eh bien, au moins, Quinn t’a laissé quelque chose
pendant son absence ! En tout cas, tant qu’il n’est pas là, si
tu veux venir prendre un café ou pleurer sur mon épaule,
n’hésite pas, dit gentiment Mason.
Danni baissa la tête pour dissimuler un sourire.
— Je n’ai aucune envie de pleurer, assura-t‑elle. Quinn
est… Il est au Texas.
— Tu devrais te trouver quelqu’un d’un peu stable,
Danni.
— Je vais très bien, Mason !
— Tu étais en train de regarder le tableau de Hubert ?
— Oui. Il est… étonnant, n’est‑ce pas ?
Mason contempla la reproduction en hochant la tête.
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— Apparemment, Hubert avait participé cet été-là à
une sorte de jeu sur les « fantômes ». lord Byron l’avait
mis au défi de peindre un tableau aussi effrayant que les
romans que son petit groupe allait écrire. Je dois dire
qu’il s’en est remarquablement bien sorti.
— C’est vrai. A propos, Mason, j’ai vu plusieurs de
tes gravures de cimetières. Elles sont superbes. Tes toiles
sont magnifiques et je suis ravie que tes gravures soient
aussi prisées !
— Oui, mais j’aimerais que mes toiles se vendent
aussi bien ! Les gens hésitent à acheter un original. Je
ne suis pas encore assez reconnu, tu sais comment cela
fonctionne, dit Mason. Au moins, je ne tire plus le diable
par la queue.
Il baissa les yeux vers sa flûte de champagne vide et
reprit :
— Je vais devoir retourner près des clients. Je sais qu’il
faut te mettre une giclée de Hubert de côté, ne t’inquiète
pas. Et tu sais…
Il baissa la voix sur le ton de la confidence :
— Il paraît que le propriétaire de l’original habite
dans le coin.
— Oui, Niles me l’a dit.
— Il a bien de la chance d’avoir une toile pareille. Bref,
ma chère amie, n’oublie pas que nous t’adorons, Niles et
moi, et que, si tu as besoin de nous, nous sommes là !
— Merci.
Danni sourit tandis que Mason se précipitait vers un
client puis elle se retourna de nouveau vers la reproduction.
Il était difficile d’en détacher le regard, mais elle finit
enfin par s’éloigner. Billie McDougall, son bras droit qui
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L'antre du secret
ressemblait à la fois à Ichabod Crane1 et à Riff Raff2,
était seul pour garder la boutique. Le comptable, Bo Ray
Tomkins, se chargeait plutôt des comptes et de l’inventaire.
Bo Ray n’était pas avec eux depuis longtemps et il lui
arrivait de donner un coup de main avec les clients, mais
Danni préférait rentrer aider Billie, même si ce dernier
s’en sortait en général très bien sans elle.
Elle salua Mason puis sortit dans la rue Royal, Wolf
sur les talons. Le soleil inondait de lumière les magnifiques balcons dont certains étaient encore ornés de leurs
décorations de mardi gras, avec des drapeaux et des
rubans. Sur les terrasses, des profusions de plantes vertes
rehaussaient encore l’élégance désuète si caractéristique
du Quartier français.
Cependant, alors qu’elle se dirigeait vers sa boutique,
Wolf se mit à aboyer comme un fou en tirant sur sa laisse.
D’ordinaire si bien dressé, il était si excité qu’elle crut
qu’il allait l’entraîner de force de l’autre côté de la rue.
— Wolf !
Elle se rendit alors compte qu’un homme, debout sur
le trottoir d’en face, la regardait.
Il portait une veste légère, parfaite pour ce temps printanier. Il était très grand, avec les cheveux blond foncé,
des lunettes noires et un chapeau à large bord. Ses lèvres
s’étirèrent dans un sourire. Elle aurait reconnu ce sourire
n’importe où…
Les battements de son cœur s’accélérèrent. Elle était
follement heureuse de le revoir.
1. Personnage du roman The Legend of Sleepy Hollow, de Washington
Irving, 1820. (NdT)
2. Rappeur américain. (NdT)
L'antre du secret
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Pourtant…
Le fait qu’il soit déjà de retour la troublait. Etait‑il
revenu parce qu’il avait terminé sa mission ? Ou pour la
voir, elle ?
A moins qu’un drame ne se prépare ici même ?
En tout cas, Quinn était revenu.
A La Nouvelle-Orléans, un tableau disparu du XIXe siècle refait
mystérieusement surface. Dès lors, une série de meurtres d’une rare
violence s’abat sur la ville. Coïncidence ou malédiction ? Pour Danni
Cafferty, jeune artiste peintre aux capacités psychiques hors du
commun, cela ne fait aucun doute : un nouvel objet malfaisant sème
la mort sur son passage…
Afin de mettre un terme aux agissements du tableau tueur, Danni
sait qu’elle peut compter sur Michael Quinn, détective privé hors pair
qu’elle a aidé lors d’une précédente enquête et avec lequel elle a eu
une aventure. Mais, si aujourd’hui elle se pose beaucoup de questions
sur la nature exacte de leur relation, Danni est sûre d’une chose : ses
interrogations amoureuses devront attendre, car sa seule priorité est
de résoudre cette affaire, qui, elle le sent, risque de la pousser dans ses
retranchements les plus profonds…
L’antre du secret
est le second tome de la série
CAFFERTY & QUINN
28.6478.4
79.0117.5
ROMAN INÉDIT
- 7,50 €
Tome 1
Tome 2
www.harlequin.fr