La liberté d`expression au Canada
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La liberté d`expression au Canada
La liberté d’expression au Canada Note d’information, PEN International PEN International, Koops Mill, 162-164 Abbey Street, London, SE1 2AN, ROYAUME-UNI Tél : +44 2[SIC] 74 05 03 38 www.pen-international.org La liberté d’expression au Canada | 2 Octobre 2015 Synthèse De manière générale, le Canada est considéré comme faisant partie des pays où les libertés individuelles sont le mieux protégées au monde. Ce pays, qui fait état d’une longue histoire de défense et de promotion des droits de l’Homme1, dispose d’une impressionnante boîte à outils – constitutionnels, législatifs, institutionnels – consacrés à la protection des droits de la personne. En 1982, la Charte canadienne des droits et libertés a inscrit dans la constitution nationale les libertés politiques et civiles, dont le droit à s’exprimer librement, la liberté de la presse, la liberté de réunion pacifique et la liberté d’association. L’ordre judiciaire canadien est, en principe, réputé être indépendant, professionnel, équilibré et ouvert aux questions touchant à la liberté d’expression. La Constitution canadienne permet au juge d’abroger tout texte de loi qui irait en contredire les dispositions, y inclus les droits et les libertés garantis par la Charte. Les droits et les libertés sont également protégés par la législation relative aux droits de la personne appliquée aux échelles fédérale, provinciale et territoriale, législation qui a vu la création de la Commission canadienne des droits de la personne et la mise en place de tribunaux des droits de la personne, qui ont, l’une comme les autres, vocation à enquêter sur les plaintes pour discrimination. Les différents échelons de gouvernement ont en outre créé des postes de médiateurs, fonctionnaires chargés d’enquêter sur les plaintes concernant les services gouvernementaux et de promouvoir l’accès à ces services. À l’échelle internationale, le Canada est partie à un certain nombre de conventions internationales des droits de l’Homme, qu’il transpose sur son territoire sous forme de textes de lois et règlements, politiques publiques et programmes, applicables et mis en œuvre à tous les échelons de son administration publique. Bien que le Canada dispose d’un cadre légal et institutionnel robuste en matière de protection des droits de l’Homme, il semblerait qu’à certains égards, la liberté d’expression soit bel et bien mise à mal. La présente note d’information se propose de faire un rapide état des lieux de la liberté d’expression au Canada, articulé comme suit : 1. Voix critiques du gouvernement 2. La liberté de réunion pacifique et la réponse apportée par le gouvernement aux manifestations pacifiques 3. L’accès à l’information 4. La loi antiterroriste, les mesures de sécurité et de surveillance 5. La diffamation, la protection des sources confidentielles, la propriété des médias, le blasphème et les propos haineux 6. Les droits linguistiques La présente note d’information entend attirer l’attention des lecteurs sur la lente érosion, ces dernières années, du droit à s’exprimer librement au Canada – processus qui, bien que graduel, est en passe de déstabiliser les fondements mêmes de la société canadienne et de rendre les citoyens canadiens toujours plus circonspects quant à l’exercice de leur droit à s’exprimer librement. Cependant, cette évolution, certes alarmante, n’a rien d’irréversible, si tant est que soient prises les mesures correctrices appropriées – en termes de politiques publiques, de lois et de priorités de financements. PEN International, Koops Mill, 162-164 Abbey Street, London, SE1 2AN, ROYAUME-UNI Tél : +44 (0)20 74 05 03 38 www.pen-international.org Octobre 2015 La liberté d’expression au Canada | 3 La présente note d’information, préparée par PEN International à l’intention des délégués et autres parties intéressées en vue du 81e Congrès annuel de PEN International, qui se déroulera à Québec, au Canada, du 13 au 16 octobre prochains, se propose de faire un rapide état des lieux de la liberté d’expression au Canada. Nous invitons les lecteurs qui souhaiteraient en savoir davantage sur des questions liées aux droits de la personne autres que la seule question de la liberté d’expression au Canada, à se reporter aux Observations finales du Comité des droits de l’Homme des Nations Unies sur le sixième rapport périodique du Canada (Juillet 2015). La présente note d’information a été produite grâce à l’appui des recherches effectuées par le centre PEN canadien et le centre PEN du Québec. PEN International, Koops Mill, 162-164 Abbey Street, London, SE1 2AN, ROYAUME-UNI Tél : +44 (0)20 74 05 03 38 www.pen-international.org La liberté d’expression au Canada | 4 Octobre 2015 SOMMAIRE Synthèse 2 Introduction 5 1. Voix critiques du gouvernement 6 1.1 Le contrôle des organismes de bienfaisance 6 1.2 Le bâillonnement du secteur public 7 2. La liberté de réunion pacifique et la réponse apportée par le gouvernement aux manifestations pacifiques 8 3. L’accès à l’information 8 4. La loi antiterroriste, les mesures de sécurité et de surveillance 10 4.1 La loi antiterroriste 10 4.2 La surveillance 11 5. La diffamation, la protection des sources confidentielles, la propriété des médias, le blasphème et les propos haineux 12 5.1 La diffamation 12 5.2 La protection des sources confidentielles 13 5.3 La propriété des médias 13 5.4 Le blasphème 14 5.5 Les lois anti-haine 14 6. Les droits linguistiques 15 6.1 Les droits des minorités linguistiques 15 6.2 15 Les droits linguistiques des populations indigènes PEN International, Koops Mill, 162-164 Abbey Street, London, SE1 2AN, ROYAUME-UNI Tél : +44 (0)20 74 05 03 38 www.pen-international.org La liberté d’expression au Canada | 5 Octobre 2015 7. Conclusion 16 Introduction De manière générale, le Canada est considéré comme faisant partie des pays où les libertés individuelles sont le mieux protégées au monde. Ce pays, qui fait état d’une longue histoire de défense et de promotion des droits de l’Homme,2 dispose d’une impressionnante boîte à outils – constitutionnels, législatifs, institutionnels – consacrés à la protection des droits de la personne. En 1982, la Charte canadienne des droits et libertés a inscrit dans la constitution nationale les libertés politiques et civiles, dont le droit à s’exprimer librement, la liberté de la presse, la liberté de réunion pacifique et la liberté d’association. L’ordre judiciaire canadien est, en principe, réputé être indépendant, professionnel, équilibré et ouvert aux questions touchant à la liberté d’expression. La Constitution canadienne permet au juge d’abroger tout texte de loi qui irait en contredire les dispositions, y inclus les droits et les libertés garanties par la Charte. Les droits et les libertés sont également protégés par la législation relative aux droits de la personne appliquée aux échelles fédérale, provinciale et territoriale, législation qui a vu la création de la Commission canadienne des droits de la personne et la mise en place de tribunaux des droits de la personne, qui ont, l’une comme les autres, vocation à enquêter sur les plaintes pour discrimination. Les différents échelons de gouvernement ont en outre créé des postes de médiateurs, fonctionnaires chargés d’enquêter sur les plaintes concernant les services gouvernementaux et de promouvoir l’accès à ces services. À l’échelle internationale, le Canada est partie à un certain nombre de conventions internationales des droits de l’Homme, qu’il transpose sur son territoire sous forme de textes de lois et règlements, politiques publiques et programmes, applicables et mis en œuvre à tous les échelons de son administration publique. Bien que le Canada dispose d’un cadre légal et institutionnel robuste en matière de protection des droits de l’Homme, il semblerait qu’à certains égards, la liberté d’expression soit bel et bien mise à mal. La présente note d’information se propose de faire un rapide état des lieux de la liberté d’expression au Canada, articulé comme suit : 7. Voix critiques du gouvernement 8. La liberté de réunion pacifique et la réponse apportée par le gouvernement aux manifestations pacifiques 9. L’accès à l’information 10. La loi antiterroriste, les mesures de sécurité et de surveillance 11. La diffamation, la protection des sources confidentielles, la propriété des médias, le blasphème et les propos haineux 12. Les droits linguistiques PEN International, Koops Mill, 162-164 Abbey Street, London, SE1 2AN, ROYAUME-UNI Tél : +44 (0)20 74 05 03 38 www.pen-international.org La liberté d’expression au Canada | 6 Octobre 2015 1. Voix critiques du gouvernement En principe, le citoyen canadien peut critiquer son gouvernement en toute liberté, à l’échelon local comme à l’échelon fédéral. Toutefois, depuis 2006, le gouvernement fédéral a pris certaines mesures qui mettent à mal cette liberté, et il devient difficile, pour la société civile autant que pour les employés du secteur public, de critiquer et/ou de mettre en cause publiquement l’action du gouvernement, en termes de loi comme de politique publique. Ce qui ne laisse pas d’avoir des retombées graves sur le discours public au Canada. 1.1 Le contrôle des organismes de bienfaisance Depuis 2012, le gouvernement fédéral canadien a chargé l’Agence du revenu du Canada (ARC) d’une mission de contrôle, assortie d’un budget de 13 millions CAD, visant à vérifier que les organismes de bienfaisance n’affectent pas plus de 10 % de leurs moyens à des « activités politiques ».3 Dans son sens le plus large, la définition actuelle d’« activités politiques » va jusqu’à inclure les critiques de la politique gouvernementale ou d’un candidat politique.4 Dans le cadre de cette mission, l’ARC a contrôlé 60 organismes de bienfaisance à des fins de repérage d’activités politiques. Les organismes de bienfaisance enregistrés aux fins de la protection de l’environnement (dont plusieurs n’avaient pas caché leur désapprobation de la montée en charge du raffinage et du transport, par pipelines, des sables bitumeux) ont formé la cible de la première vague de contrôles, bientôt suivis par les organisations à but non lucratif concernées par les questions de justice sociale et les droits de l’Homme dans le monde, dont le centre PEN canadien. L’ARC s’est refusée à fournir des informations d’une quelconque utilité sur les critères dont elle s’était servie pour sélectionner ces 60 organismes de bienfaisance sur les quelque 100 000 organismes de bienfaisance actifs au Canada. Allié à une définition vague d’« activités politiques », qui donne lieu à moult interprétations aisément erronées, ce comportement de l’ARC a eu pour effet de nourrir l’incertitude quant aux vrais raisons de ces contrôles – serait-il qu’ils aient pour objectif de faire taire la critique ? – et de faire courir une inquiétude (chill) dans les rangs du secteur bénévole et associatif.5 Bon nombre d’organismes de bienfaisance ont opté pour la voie de la prudence, décidant de s’impliquer désormais avec parcimonie dans des activités qu’il serait facile de taxer de « politiques » et, partant, d’éviter de courir le risque de faire l’objet d’un contrôle et de se voir retirer un statut qui leur permet de délivrer des reçus fiscaux à leurs donateurs. Aucun des 60 organismes contrôlés depuis 2012 à des fins d’activités politiques ne s’est vu retirer son statut d’organisme de bienfaisance, mais la perspective d’un contrôle chronophage et coûteux en moyens – sans oublier le retrait éventuel du statut – a, à elle seule, un effet dissuasif.6 L’ARC a néanmoins pris des mesures visant à favoriser la transparence : ainsi, la Mise à jour sur le Programme des organismes de bienfaisance, parue pour la première fois en 2013, propose des statistiques annuelles sur les contrôles à visée politique, des informations sur la manière dont les organismes de bienfaisance peuvent se retrouver impliqués dans des activités politiques, et rapporte les conclusions des contrôles. L’ARC a également mis en ligne une série de webinaires et un outil d’évaluation des activités politiques pour aider les organismes de bienfaisance à déterminer s’ils se livrent à des activités considérées comme « politiques ». Cette initiative est à saluer : toutefois, tant que l’ARC n’aura pas indiqué clairement quels sont les critères sur lesquels elle décide de contrôler tel ou tel organisme de bienfaisance, ni affiné sa définition d’« activités politiques », le secteur associatif et bénévole se gardera bien, dans son ensemble, de critiquer les politiques gouvernementales. PEN International, Koops Mill, 162-164 Abbey Street, London, SE1 2AN, ROYAUME-UNI Tél : +44 (0)20 74 05 03 38 www.pen-international.org La liberté d’expression au Canada | 7 Octobre 2015 En juillet 2015, le Conseil [anciennement « commission »] des droits de l’Homme des Nations Unies, qui est chargé de veiller au respect du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, a publié ses observations finales sur le sixième rapport canadien, indiquant qu’il s’inquiétait de la paralysie de l’action sociale d’une frange importante de la société civile. Il a recommandé que l’état canadien prenne des mesures pour garantir que les limites imposées aux actions de plaidoyer n’aillent pas inutilement restreindre l’action des organisations de la société civile à statut d’organisme de bienfaisance qui s’attachent à défendre les droits de l’Homme. 1.2 Le bâillonnement du secteur public Au Canada, les codes de conduite et les politiques de communication dont relèvent les fonctionnaires fédéraux deviennent chaque jour plus restrictifs. Les détracteurs de cette tendance arguent d’une stratégie délibérée visant à empêcher la publication d’informations qui iraient à l’encontre de la politique gouvernementale.7 La politique de communication adoptée par le gouvernement fédéral en 2006 prescrit la manière et les circonstances dans lesquelles un fonctionnaire peut communiquer avec les médias, et les différentes autorisations requises préalablement à une telle communication. Cette politique n’a pas manqué de produire tous ses effets : ainsi, en 2010, un chercheur du Ministère des ressources naturelles canadiennes – Ressources Naturelles Canada – a été obligé de demander le feu vert du cabinet de son ministre de tutelle avant de répondre aux questions d’un journaliste concernant ses travaux de recherche sur des inondations survenues dans le Nord du Canada il y a plus de 13 000 ans. Sa demande lui a été accordée … mais avec un tel retard que le journaliste avait depuis longtemps dépassé la date limite pour rendre son article.8 Dans un certain nombre de cas, la lenteur observée par l’administration dès lors qu’il s’agit de répondre à des demandes d’approbation a forcé les journalistes à se tourner vers des chercheurs et scientifiques non canadiens pour être sûrs de pouvoir rendre à temps leurs papiers sur les développements scientifiques et environnementaux au Canada.9 Des documents fuités par le Ministère de l’environnement canadien – Environnement Canada – ont montré que la couverture médiatique des questions liées aux changements climatiques avait diminué de 80 % depuis la mise en œuvre de cette politique.10 Une enquête menée en 2013 par l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada auprès de scientifiques canadiens travaillant pour le gouvernement fédéral a révélé que 90 % d’entre eux ne pouvaient s’exprimer librement dans les médias, et que 86 % pensaient qu’ils feraient l’objet de représailles de la part de leur employeur s’ils disaient ce qu’ils pensaient réellement d’une politique dont ils jugeaient qu’elle allait à l’encontre des intérêts des Canadiens.11 Le gouvernement fédéral n’a eu de cesse de nier qu’il interférait avec les droits des scientifiques travaillant dans la fonction publique.12 Dans le même temps, le Code de conduite des bibliothèques et archives Canada (BAC), adopté en 2013, précise que seuls les « porte-parole autorisés » sont habilités à répondre à des demandes d’information sur la position des BAC en matière de politique publique. Que les employés doivent demander l’autorisation de leur hiérarchie avant de se lancer dans de quelconques activités « à haut risque », à savoir enseigner dans des collèges d’enseignement supérieur ou des universités, ou encore assister et intervenir à des conférences.13 Ces politiques publiques sapent la transparence, font barrage à l’accès à l’information scientifique, et rendent la tâche difficile à tout citoyen canadien qui souhaiterait déterminer par lui-même l’impact de telle ou telle décision politique. PEN International, Koops Mill, 162-164 Abbey Street, London, SE1 2AN, ROYAUME-UNI Tél : +44 (0)20 74 05 03 38 www.pen-international.org La liberté d’expression au Canada | 8 Octobre 2015 2. La liberté de réunion pacifique et la réponse apportée par le gouvernement aux manifestations pacifiques Bien que l’alinéa b) de l’article 2 de la Charte canadienne des droits et libertés garantisse la liberté de réunion pacifique, plusieurs incidents tendent à indiquer que la protection conférée dans les textes au droit de manifester publiquement se fissure. Au cours du sommet du G20 de 2010, à Toronto (province de l’Ontario), les forces de police ont usé de force déraisonnable pour contenir la foule des manifestants (« kettling » en anglais) et l’empêcher de manifester à sa guise dans les rues du quartier des affaires, ont utilisé des balles en caoutchouc, et procédé à l’arrestation de dizaines de manifestants hors tout mécanisme de supervision de la part des organismes gouvernementaux concernés. Cinq ans plus tard, en dépit des nombreux récits, tous crédibles, faisant état de violences policières, un seul officier de police a été mis en cause.14 La même année, les forces de police de Montréal ont utilisé des gaz lacrymogènes, usé de force excessive et procédé à l’arrestation de dizaines de manifestants pour mettre un terme à une manifestation d’étudiants.15 Plusieurs groupes de manifestants autochtones et des groupes de défense de l’environnement ont également rapporté avoir été la cible de démonstrations de force excessive par la police.16 En juillet 2015, le Comité des droits de l’Homme des Nations Unies a fait état de son inquiétude quant à l’usage de force excessive par les forces de l’ordre dans le cadre de manifestations organisées aux échelles fédérale et provinciale, et tout particulièrement lors des manifestations contre le pillage des terres autochtones, des manifestations au sommet du G20 en 2010, et des manifestations étudiantes dans la province du Québec en 2012. Il s’est également inquiété de ce que les plaintes déposées contre la police n’avaient pas toujours fait l’objet d’une enquête, et que les condamnations étaient, au pire, indulgentes. Il a recommandé que le Canada renforce ses efforts pour garantir que les allégations de mauvais traitements et de force excessive formulées contre la police fassent sans attendre l’objet d’enquêtes impartiales, supervisées par des organes de supervision indépendants et robustes disposant de moyens adéquats, et que les auteurs de ces agissements allégués soient poursuivis et sanctionnés de manière appropriée.17 Le gouvernement fédéral a par ailleurs pris des mesures visant à conserver des fichiers sur les personnes qui participent à des manifestations : en 2014, le Centre des opérations du gouvernement (COG) – organe chargé de coordonner la réponse fédérale en cas d’urgence portant atteinte à la sécurité nationale – a demandé à ce que l’ensemble des ministères de l’échelon fédéral dresse la liste complète de « toutes les manifestations dont [ils] sav*aient+ qu’elles [allaient] avoir lieu dans [leur] zone géographique ou qui pourraient relever de [leurs] compétences. »18 Selon les experts du renseignement, cette surveillance généralisée des Canadiens constitue une infraction à la Charte des droits et libertés. Le contrôle sans pitié des manifestations pacifiques laisse à penser que le gouvernement estime qu’elles mettent en danger la sécurité publique. 3. L’accès à l’information PEN International, Koops Mill, 162-164 Abbey Street, London, SE1 2AN, ROYAUME-UNI Tél : +44 (0)20 74 05 03 38 www.pen-international.org Octobre 2015 La liberté d’expression au Canada | 9 Bien que qualifiée de révolutionnaire en matière de transparence lorsqu’elle a été adoptée, en 1982, la Loi canadienne sur l’accès à l’information (LAI) n’a été que rarement – et modestement – modifiée depuis, et ce en dépit de la numérisation croissante des données, de l’avènement de l’Internet et des appels à révision de deux commissaires canadiens de l’accès à l’information et de la protection de la vie privée. Résultat : le Canada est aujourd’hui en retard sur un certain nombre de normes internationales relatives à l’accès à l’information.19 L’outil d’évaluation des systèmes nationaux d’accès à l’information, Right to Information Rating, place le Canada à la 59e place au classement des 102 pays qui disposent de lois de ce type, classement qui repose sur le droit d’accès, le champ d’application, les procédures de demande, les exceptions et les refus, les recours, les sanctions et les protections.20 Le cadre canadien d’accès à l’information s’avère insuffisant à plusieurs égards. Premièrement, la Cour suprême du Canada admet, certes, un droit constitutionnel à l’information, mais uniquement lorsque l’accès « s’avère être une condition préalable nécessaire à une expression intelligible, qu’il n’empiète pas sur des privilèges protégés, et qu’il est compatible avec la fonction de l’institution concernée. »21 Ce qui ne répond pas à des normes internationales qui reconnaissent un droit à part entière à l’information, sujet à un nombre d’exceptions très limité. Deuxièmement, les exceptions prévues par la Loi sur l’accès à l’information sont trop larges, et limitent le champ des informations que les pouvoirs publics sont tenus de divulguer. Cette divulgation obligatoire est en outre soumise à diverses restrictions prévues dans d’autres textes.22 Contrairement aux meilleures pratiques internationales, seules certaines exceptions peuvent être ignorées dès lors que les informations à divulguer sont jugées servir l’intérêt général. La Commissaire à l’information, Suzanne LEGAULT, relevait que pour les années 2013 et 2014, seuls 21 % des demandes d’information avaient donné lieu à la communication des informations demandées, contre 40 % en 1999 et 2000.23 Troisièmement, la loi LAI est trop laxiste quant à la prolongation du délai de traitement des demandes d’information – 30 jours – qui n’est soumise à aucune limite dans le temps. La 8e édition annuelle de l’Enquête nationale sur l’accès à l’information menée par l’initiative Journaux Canadiens, indique qu’en moyenne, en 2013, les instances gouvernementales de l’échelon fédéral mettaient 52 jours à traiter les demandes d’information, et pour 59 % d’entre elles, plus de 30 jours. Et la liste ne fait que s’allonger : le champ d’application de la loi LAI est excessivement limité, les cabinets ministériels, le système législatif et le système judiciaire y échappant.24 Ce texte donne toute discrétion aux pouvoirs publics de facturer des frais excessifs aux personnes qui demandent à avoir accès à des documents, ceci pour couvrir – supposément – les frais administratifs. Ces questions de [non-]réactivité et de [non-] responsabilité sont exacerbées par le fait que le bureau de la Commissaire à l’information du Canada ne dispose pas de pouvoirs d’injonction – là encore contrairement aux meilleures pratiques internationales – et doit se contenter de faire des recommandations. Il n’a pas non plus compétence à entreprendre des actions de promotion et de familiarisation au droit à l’information, laissant les Canadiens particulièrement démunis quant à cette liberté fondamentale.25 PEN International, Koops Mill, 162-164 Abbey Street, London, SE1 2AN, ROYAUME-UNI Tél : +44 (0)20 74 05 03 38 www.pen-international.org La liberté d’expression au Canada | 10 Octobre 2015 4. La loi antiterroriste, les mesures de sécurité et de surveillance Divers programmes de surveillance tentaculaires et une loi antiterroriste à la formulation vague ont également contribué à l’érosion du droit à s’exprimer librement au Canada. 4.1 La loi antiterroriste Le projet de loi C-51, adopté en mai 2015 et entré en vigueur le mois suivant sous l’appellation « Loi antiterroriste 2015 », a introduit dans la législation canadienne des changements radicaux comme on n’en avait plus vus depuis 2001. Et dont certains réduisent sans concession le droit à s’exprimer librement. En premier lieu, cette nouvelle loi pénalise le fait de « préconiser » ou de « fomenter » la perpétration d’actes terroristes, ce qui a pour effet de pénaliser des propos qui pourraient très bien n’avoir aucun lien avec des actes de violence : aussi, quiconque peut être reconnu coupable, indépendamment de la commission, ou non, de tels actes, et indépendamment de ce que le locuteur entend effectivement qu’un acte terroriste soit commis. Les détracteurs de ce texte en soulignent le flou artistique en matière de formulation – voir notamment l’expression « infractions de terrorisme en général » – qui laisse aux forces de l’ordre et du maintien de la sécurité nationale une trop grande marge de manœuvre, et arrive à paralyser la liberté d’expression. En deuxième lieu, cette loi antiterroriste permet au Service canadien du renseignement de sécurité de prendre toutes mesures qu’il juge utile pour réduire les menaces « pour la sécurité du Canada », et entre autres les menaces pour la stabilité économique et financière du pays ou les infrastructures critiques. Ce pouvoir de réduction des menaces pourrait voir les autorités interférer dans des manifestations pacifiques, y compris dans les manifestations des groupes de défense de l’environnement qui protestent contre les pipelines et dans celles des groupes indépendantistes québécois, pour n’en citer que quelques-uns. Certains critiques soulignent la disproportion entre, d’une part, l’absence totale d’obligations de reddition de compte, et, d’autre part, des pouvoirs et sanctions étendus dont les populations et militants autochtones ont déjà eu à pâtir lors d’affrontements avec les forces de l’ordre à l’occasion de manifestations contre l’exploitation outrancière des ressources naturelles du pays.26 En troisième et dernier lieu, ce texte crée de nouveaux pouvoirs de police, dits de saisie et d’élimination de « propagande terroriste », cette dernière étant définie comme « tout écrit, signe, représentation visible ou enregistrement sonore qui préconise ou fomente la perpétration d’actes de terrorisme en général. » Étant donné la généralité de l’expression « infractions de terrorisme en général », cette définition couvre de facto toutes sortes de matériels et contenus, en ligne comme hors ligne. Dès qu’un juge estime qu’un matériel ou contenu constitue une propagande terroriste, les forces de l’ordre peuvent actionner ces nouveaux pouvoirs et exiger d’administrateurs informatiques, directement, qu’ils éliminent ce matériel ou contenu en ligne.27 Enfin, les dispositions de ce texte qui confèrent aux agents des services frontaliers un pouvoir de saisie de « propagande terroriste », ont d’ores et déjà donné lieu à de vives inquiétudes.28 Ce projet de loi a été très fortement controversé, et a fait l’objet de plusieurs pétitions et rallies avant d’être néanmoins adopté, en mai 2015. À peine la loi était-elle entrée en vigueur, en juin 2015, que l’Association PEN International, Koops Mill, 162-164 Abbey Street, London, SE1 2AN, ROYAUME-UNI Tél : +44 (0)20 74 05 03 38 www.pen-international.org La liberté d’expression au Canada | 11 Octobre 2015 canadienne des libertés civiles et les Journalistes canadiens pour la liberté d’expression décidaient d’en contester la constitutionnalité devant les tribunaux, faisant valoir que certaines dispositions constituaient une violation de la Charte canadienne des droits et libertés, notamment l’article créant une nouvelle infraction criminelle d’encouragement à perpétrer un attentat terroriste. 4.2 La surveillance En 2013, Le Rapporteur spécial des Nations Unies sur la promotion et la protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression écrivait que « [l+’ingérence indue dans la vie privée *pouvait+ limiter à la fois directement et indirectement le libre développement et l'échange d’idées. »29 La surveillance au Canada est devenue monnaie courante, de récentes révélations indiquant que les Canadiens et ressortissants d’autres pays étaient la cible d’un certain nombre de programmes de surveillance qui relèvent à peine d’un quelconque mécanisme de supervision ou de transparence. Le Centre de la sécurité des télécommunications (CST) canadien rend compte au bureau du commissaire du CST uniquement, et n’est sinon contrôlé ni par l’ordre juridictionnel, ni par une quelconque commission parlementaire, et encore moins par le pouvoir judiciaire. Cette absence de supervision a permis au CST d’extraire des communications passées dans le pays un nombre incalculable de métadonnées aux fins de les partager avec d’autres états, et de surveiller les téléchargements de millions d’internautes dans le monde entier. Depuis le mois de septembre 2001, le CST surveille les communications des Canadiens dans le but d’identifier des menaces potentielles pour la sécurité.30 Le programme gouvernemental de surveillance des métadonnées, censé à l’origine se cantonner aux communications étrangères, permet en fait au CST de recueillir et d’analyser les métadonnées de toutes les conversations et activités en ligne de la population canadienne. Même s’il n’est pas autorisé à intercepter ces communications, le CST génère des données qui contiennent des informations personnelles suffisantes pour permettre aux services de police canadiens d’en user à loisir, surtout si l’on considère que le CST n’a de comptes à rendre à aucune instance de justice. Il est toutefois autorisé à intercepter toute communication qui présente un lien avec l’étranger.31 Ce programme a été reconduit par arrêté ministériel en 2011, et ce en dépit des vives inquiétudes exprimées en 2008 par le commissaire du CST de l’époque, qui déclarait : « Les caractéristiques des technologies de la communication contemporaines signifient que l’interception de communications par le CST risquera dans le même temps de le voir suivre des communications d’ordre privé entre citoyens canadiens. » Cette absence de supervision a également permis aux forces de l’ordre de transmettre des demandes d‘informations directement aux fournisseurs de services Internet (ISP) sans mandat.32 En 2014, la commissaire à la protection de la vie privée, Chantal BERNIER, a révélé que les ISP avaient communiqué une quantité considérable de données au gouvernement fédéral, ISP qu’elle priait instamment d’être plus transparents sur cette transmission de données.33 Au mois de juin de la même année, la Cour suprême du Canada a interdit aux ISP de transmettre sans mandat aux forces de l’ordre les données à caractère personnel de leurs clients.34 La Cour a rappelé l’importance du droit à la vie privée, et l’obligation pour la police d’obtenir un mandat, excepté dans des circonstances exceptionnelles.35 En 2014, les documents fuités par le lanceur d’alerte américain, Edward SNOWDEN, ont révélé que le CST utilisait les informations recueillies auprès des services en ligne gratuits des aéroports canadiens pour tracer les appareils sans fil des passagers pendant plusieurs jours après qu’ils avaient eu quitté le terminal.36 Ces documents ont également confirmé l’existence de l’accord de partage d’informations passé entre le CST et l’Agence du renseignement des États-Unis (National Security Agency – NSA), permettant aux deux agences de PEN International, Koops Mill, 162-164 Abbey Street, London, SE1 2AN, ROYAUME-UNI Tél : +44 (0)20 74 05 03 38 www.pen-international.org La liberté d’expression au Canada | 12 Octobre 2015 contourner les dispositions du droit qui interdisent à un pays d’espionner ses propres ressortissants, chacune espionnant pour le compte de l’autre sur le territoire non accessible.37 Plus récemment, en janvier 2015, ces mêmes documents ont révélé que le CST contrôlait le téléchargement et la mise en ligne de contenu par des millions d’internautes dans le monde entier. Connue sous le nom de « LÉVITATION », cette opération permettait d’analyser jusqu’à 15 millions de fichiers téléchargés par jour.38 Le CST peut trouver une adresse IP particulière à l’aide d’outils fournis par le service de renseignement et de sécurité britannique (Government Communications Headquarters –GCHQ), suivre à la trace l’activité en ligne des utilisateurs du site, voire même relier l’adresse IP à un profil Facebook ou Google particulier. Sur les 15 millions de fichiers recueillis chaque jour, environ 350 sont considérés « intéressants ».39 En janvier 2014, le président des États-Unis, Barack OBAMA, a annoncé, dans une allocution publique largement diffusée dans les médias, qu’à la suite des révélations d’Edward SNOWDEN, la NSA allait être réformée en profondeur. Le gouvernement canadien quant à lui n’a fait montre d’aucune velléité de rendre le CST plus transparent et plus responsable. Bien pire, il continue d’insister que le CST ne cible pas les citoyens canadiens, ce que d’ailleurs lui interdit la loi. En fait, le projet de loi C-51 confère au CST des pouvoirs considérablement élargis, et lui permet d’accéder aux informations recueillies par d’autres agences et organismes gouvernementaux, y inclus l’Agence du revenu du Canada et le Ministère de la Santé, Santé Canada. 5. La diffamation, la protection des sources confidentielles, la propriété des médias, le blasphème et les propos haineux 5.1 La diffamation En 2012, le Comité des droits de l’Homme des Nations Unies a jugé que la pénalisation de la diffamation violait l’article 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.40 Au Canada, même si les accusations de diffamation sont rares et que les plaintes pour diffamation sont presque toutes portées devant les juridictions civiles, la diffamation est toujours une infraction pénale, passible d’une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à cinq ans. Comme dans nombre de pays, les lois en matière de diffamation civile permettent aux riches et aux puissants d’engager des poursuites « stratégiques » contre la mobilisation publique (dites « Strategic Lawsuits Against Public Participation » – SLAPP), sorte de plaintes frivoles déposées pour faire taire la critique. Un texte « antiSLAPP » en cours d’élaboration est actuellement en deuxième lecture devant le parlement de la province de l’Ontario, le Québec étant la seule province à avoir d’ores et déjà adopté une loi dans ce sens. Dans les autres provinces canadiennes, la crainte d’un « procès stratégique » a un effet dissuasif certain sur la liberté d’expression, les coûts de procédure pouvant être exorbitants. Ce qui paralyse littéralement toute critique légitime du monde des entreprises et du business sur la quasi-totalité du territoire canadien. PEN International, Koops Mill, 162-164 Abbey Street, London, SE1 2AN, ROYAUME-UNI Tél : +44 (0)20 74 05 03 38 www.pen-international.org La liberté d’expression au Canada | 13 Octobre 2015 Jusqu’en 2009, les moyens de défense dans les affaires de diffamation étaient au nombre de quatre : vérité ou justification, privilège absolu, privilège qualifié, commentaire loyal.41 Puis, dans un arrêt historique, la Cour suprême du Canada (CSC) a créé un cinquième moyen de défense : celui de « journalisme responsable ».42 Ce moyen de défense – invoquant la communication responsable d’informations dans l’intérêt public (ou général) – permet aux journalistes de parler haut et fort de questions d’intérêt public, aussi longtemps qu’ils procèdent à des vérifications raisonnables quant à des éléments potentiellement diffamatoires. Contrairement aux autres moyens de défense à la diffamation, la communication responsable concernant les questions d’intérêt public reconnaît l’importance du journalisme dans l’intérêt général et permet à un journaliste de rendre compte d’allégations – même si elles s’avèrent, à terme, ne pas être fondées – dès lors qu’elles visent une actualité urgente, grave et importante pour le débat public, que le journaliste a fait appel à des sources fiables, et qu’il a déployé des efforts suffisants pour faire un rapport équilibré qui tienne compte des différents points de vue.43 5.2 La protection des sources confidentielles Actuellement, la norme de confidentialité accordée aux journalistes par le droit canadien n’est pas suffisamment élevée pour leur garantir le respect de la confidentialité de leurs sources. S’agissant des questions d’intérêt public notamment, les sources confidentielles jouent un rôle clé en cela qu’elles permettent aux journalistes de disposer d’informations auxquelles ils n’auraient sinon pas accès.44 Le droit en la matière repose plus sur l’interprétation qu’en font les juges que sur ses dispositions et, partant, les affaires sont tranchées au cas par cas. En 2010, la Cour suprême du Canada a statué que les journalistes ne jouissaient pas d’un droit constitutionnel à la protection de leurs sources, pas plus qu’ils ne bénéficiaient d’une protection qui leur reviendrait de plein droit au regard de leur profession. La Cour suprême a préféré se tourner vers un critère en quatre volets pour déterminer le privilège des sources : 1) les communications doivent avoir été transmises confidentiellement avec l’assurance que l’identité de la source ne serait pas divulguée ; 2) le caractère confidentiel doit être essentiel aux rapports dans le cadre desquels la communication est transmise ; 3) les rapports doivent être des rapports qui, dans l’intérêt public, devraient être « entretenus assidûment » ; et 4) si toutes ces exigences sont remplies, le tribunal doit déterminer si, dans l’affaire qui lui est soumise, l’intérêt public que l’on sert en respectant la confidentialité de la source l’emporte sur l’intérêt public à la découverte de la vérité45. Par conséquent les journalistes ne peuvent se voir donner l’assurance absolue que l’identité de leurs sources sera tenue confidentielle.46 5.3 La propriété des médias Au Canada, cinq grandes sociétés se partagent la propriété des médias : Bell Canada, Shaw, Rogers, Quebecor Media et Telus. Cette maigre diversité a pour effet de réduire grandement l’accès du public à la multitude de points de vue et de perspectives sur des questions qui intéressent le débat public. En juin 2006, une étude commandée par le Sénat sur les médias d’information canadiens a fait ressortir qu’une telle concentration de propriété, axée sur la réduction des coûts et la centralisation, nuisait à la diversité des nouvelles et analyses offertes aux Canadiens.47 Les mesures de réduction des coûts prises à la suite des diverses opérations de fusion-acquisition dans ce secteur ont vu la fermeture de nombreux bureaux de presse, tant aux échelles provinciale, nationale qu’internationale.48 Résultat : la couverture médiatique des évènements reste générale et n’a pas de lien avec le contexte local, ce qui n’incite pas le public à s’impliquer dans des questions importantes. Les agences de presse ont quant à elles fermé leurs bureaux étrangers. Le rapport présenté au comité sénatorial rend compte d’un PEN International, Koops Mill, 162-164 Abbey Street, London, SE1 2AN, ROYAUME-UNI Tél : +44 (0)20 74 05 03 38 www.pen-international.org La liberté d’expression au Canada | 14 Octobre 2015 argument selon lequel le fait de maintenir des journalistes canadiens sur le terrain *à l’étranger+ « garantit que le gouvernement et ses agences n'agissent pas à l'étranger dans un unanimisme que les contribuables ne toléreraient jamais chez eux », et évite l’absence de prise de responsabilité qui affecte la qualité du débat public aujourd’hui.49 La concentration des médias canadiens s’accompagne d’un autre corollaire : la centralisation des groupes de médias canadiens dans les grandes métropoles. Selon les arguments présentés au comité sénatorial, cette centralisation nuit à la diversité des sources d’information et ignore les besoins en information, divers et variés, de nombreux citoyens canadiens.50 5.4 Le blasphème Au Canada, le libelle blasphématoire demeure un délit, passible d’une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à deux ans.51 Le code criminel canadien dispose, au 3e alinéa de son article 296, que « Nul ne peut être déclaré coupable d’une infraction visée au présent article pour avoir exprimé de bonne foi et dans un langage convenable, ou cherché à établir par des arguments employés de bonne foi et communiqués dans un langage convenable, une opinion sur un sujet religieux ». Personne n’a été poursuivi au titre de cet article depuis 193652, et cette disposition, de facto, est tombée en désuétude. Les critiques s’accordent à dire toutefois qu’il serait bon de la supprimer du code criminel afin de mettre un terme à l’hypocrisie dont fait preuve le Canada lorsqu’il s’en va critiquer des pays qui invoquent leurs dispositions sur le blasphème ou l’apostasie pour faire taire la dissidence. 5.5 Les lois anti-haine Le Canada a, en droit international, une obligation de légiférer contre les propos haineux qui « constitue[nt] une incitation à la discrimination, à l'hostilité ou à la violence [et sont] interdit[s] par la loi. »53 Les lois anti-haine adoptées par le Canada intègrent des provisions du code criminel et de la législation relative aux droits de la personne à l’échelle provinciale. Les appels à la haine font rarement l’objet de poursuites en raison de ce que la charge de la preuve est très lourde, et que les moyens de défense admissibles sont relativement importants.54 Cependant, les dispositions liées à la fois aux droits de l’Homme et aux appels à la haine admettent un nombre de moyens de défense moindre, ce qui rend la tâche plus difficile aux accusés qui espèrent s’en tirer à bon compte. Selon un certain nombre de commentateurs, ceci fait des dispositions concernant les appels à la haine de la Loi relative aux droits de la personne un instrument de censure peu efficace.55 En 2009, le Tribunal canadien des droits de la personne a jugé que l’article 13 de la Loi canadienne sur les droits de la personne – qui estimait que le fait de recourir à des télécommunications « pour aborder ou faire aborder des questions susceptibles d’exposer à la haine ou au mépris des personnes » était un acte discriminatoire –, violait la Charte des droits et libertés. Une modification apportée à ce texte en 1998 a permis à la Commission des droits de l’Homme canadienne d’imposer des peines d’amende atteignant 10 000 CAD, et d’accorder des dommages et intérêts atteignant 20 000 CAD. Le Tribunal a estimé que l’article était inconstitutionnel au motif que les sanctions pécuniaires rendaient nulle et non avenue l’intention de cette loi.56 En juin 2014, bien que la Cour d’appel fédérale ait jugé, quelques mois auparavant, qu’il ne portait pas atteinte à la liberté d’expression, le gouvernement fédéral a abrogé l’article 13.57 Ce qui lui a attiré les foudres des avocats spécialisés dans les questions des droits de l’Homme et de l’Association du barreau canadien, pour qui cette PEN International, Koops Mill, 162-164 Abbey Street, London, SE1 2AN, ROYAUME-UNI Tél : +44 (0)20 74 05 03 38 www.pen-international.org La liberté d’expression au Canada | 15 Octobre 2015 abrogation ne manquera pas de voir la prolifération de propos haineux sur l’Internet.58 Bien qu’une telle abrogation annonce une évolution dans le sens de la fin du recours quasi-systématique aux dispositions antiappels à la haine à des fins de censure, la latitude d’interprétation dont jouit le juge et la législation provinciale relative aux droits de la personne permettent toujours d’imposer des peines anti-haine pour étouffer les voix controversées. 6. Les droits linguistiques 6.1 Les droits des minorités linguistiques À l’échelle fédérale, la protection des droits des minorités de langues officielles est inscrite dans la Constitution, dans la Charte canadienne des droits et libertés, et les différentes dispositions adoptées par les provinces au titre de la Loi concernant le statut et l’usage des langues officielles du Canada. Ces droits concernent les citoyens canadiens « dont la première langue apprise et encore comprise est celle de la minorité francophone ou anglophone de la province où ils résident ».59 L’article 16 de la Charte stipule que le français et l’anglais sont les deux langues officielles du Canada, et qu’elles ont un statut et des droits et privilèges égaux. Les droits à l’éducation dans la langue maternelle conférés par l’article 23 jouent également un rôle clé dans la protection des droits des minorités de langues officielles. Ces dispositions de la Charte, elle-même incorporée dans la Loi constitutionnelle de 1982, assurent à tous les citoyens canadiens, sur l’ensemble du territoire du Canada, une protection élémentaire, indépendamment de ce que prévoient les différents textes provinciaux ; toutefois, la restriction de ces droits est tolérée par les dispositions de l’article 1 de la Charte, et « *…+ par une règle de droit, dans des limites qui soient raisonnables *…+ ». Les provinces sont loisibles d’adopter des textes visant à promouvoir l’une ou l’autre de ces deux langues, comme l’a fait le Québec en adoptant une Charte de la langue française60, dont les détracteurs, tout en reconnaissant la volonté de protéger un patrimoine culturel unique, font valoir qu’elle nuit aux droits des langues minoritaires. 6.2 Les droits linguistiques des populations indigènes Les langues indigènes sont en déclin au Canada, et nombre d’entre elles sont considérées être menacées.61 Selon l’enquête nationale auprès des ménages de 2011, seuls 17 % des personnes interrogées se considérant comme autochtones étaient capables de conduire une conversation dans leur langue d’origine, soit 4 % de moins qu’en 2006.62 Le Canada n’a adopté aucune disposition – dans sa Constitution, sa Charte ou autre instrument fédéral – concernant les droits linguistiques des populations indigènes, et les langues indigènes ne sont pas reconnues comme étant des « langues fondatrices ». Les mesures destinées à préserver les langues indigènes sont très localisées, et c’est aux communautés parlant ces langues qu’il incombe de concevoir et mettre en œuvre ces mesures, le plus souvent sans financements adéquats. PEN International, Koops Mill, 162-164 Abbey Street, London, SE1 2AN, ROYAUME-UNI Tél : +44 (0)20 74 05 03 38 www.pen-international.org La liberté d’expression au Canada | 16 Octobre 2015 Bien qu’il n’existe aucun texte conférant aux organisations indigènes le droit d’éduquer les enfants dans leur langue, le gouvernement fédéral a toutefois accordé une certaine autonomie à cet égard aux écoles situées dans les réserves. Ce qui, cependant, est loin de créer un droit linguistique opposable pour les communautés indigènes, et ne permet pas non plus aux enfants indigènes qui ne vivent pas dans une réserve d’avoir accès à un enseignement dans leur langue, et, partant, ne constitue pas une obligation pour le gouvernement fédéral de financer un enseignement en langues indigènes. 63 En 1998, le gouvernement fédéral a mis en place une Initiative des langues autochtones, programme destiné à enrayer le déclin des langues indigènes au Canada. Cette initiative finance les projets communautaires qui soutiennent la « préservation et la revitalisation des langues autochtones », mais uniquement à l’échelle d’une communauté.64 Depuis 2012, le gouvernement canadien a réduit cette enveloppe de 60 millions CAD, ce qui rend la tâche ardue pour les organisations et les communautés autochtones qui tentent de préserver leur culture et leur patrimoine.65 En outre, depuis 2010, le ministère Affaires autochtones et développement du Nord Canada n’a pas tenu sa promesse d’octroyer 1 milliard CAD aux besoins en couverture sociale de ces communautés.66 Il va sans dire que ces coupes sombres dans les budgets alloués impactent fortement sur l’éducation, les services de sécurité sociale et l’infrastructure des communautés autochtones. 7. Conclusion Le droit à liberté d’expression au Canada est protégé par nombre de dispositions constitutionnelles, législatives et institutionnelles, et cimenté par des années de jurisprudence et de débat public. Un certain nombre d’avancées cruciales ont été faites en matière de libre expression, y inclus l’abrogation de la disposition relative aux propos haineux de la Loi canadienne sur les droits de la personne et l’admissibilité d’un nouveau moyen de défense dans les affaires de diffamation, dit « de journalisme responsable ». De manière générale toutefois, le Canada assiste depuis plusieurs années à l’érosion du droit à s’exprimer librement – processus qui, bien que graduel, est en passe de déstabiliser les fondements mêmes de la société canadienne et de rendre les citoyens canadiens toujours plus circonspects quant à l’exercice de leur droit à s’exprimer librement. Cependant, cette évolution, certes alarmante, n’a rien d’irréversible : les politiques publiques, les lois et les priorités de financements exposées dans la présente note d’information peuvent être corrigées. Le pays dispose d’un système judiciaire robuste et indépendant, et le souvenir d’un Canada plus jeune, plus libre, plus fougueux, est encore suffisamment vif dans les mémoires pour servir de modèle et conduire le changement. Il fut un temps où les pays qui peinent à mettre en place des institutions véritablement démocratiques louchaient avec envie vers le Canada : est-il trop tard pour que le pays se reprenne et serve, à nouveau, et de nouveau, d’exemple au monde ? PEN International, Koops Mill, 162-164 Abbey Street, London, SE1 2AN, ROYAUME-UNI Tél : +44 (0)20 74 05 03 38 www.pen-international.org Octobre 2015 La liberté d’expression au Canada | 17 1 Freedom House. (2015). Freedom in the World: Canada. Publié (en anglais) sur https://freedomhouse.org/report/freedomworld/2015/canada#.VeYgZdNVhBd 2 Freedom House. (2015). Freedom in the World: Canada. Publié (en anglais) sur https://freedomhouse.org/report/freedomworld/2015/canada#.VeYgZdNVhBd 3 Agence du revenu du Canada, « Les organismes de bienfaisance et les activités politiques » (Budget 2012). http://www.cra-arc.gc.ca/chrtsgvng/chrts/cmmnctn/pltcl-ctvts/pltclctvts-dts-fra.html 4 Ibid. 5 Elizabeth RENZETTIi. “Silence of the Charities”, Article paru dans The Globe and Mail (Toronto), lundi 20 avril 2015. http://www.theglobeandmail.com/globe-debate/silence-of-the-charities/article24025714/ 6 Sukanya PILLAI, Brenda McPHAIL. “Canadian Civil LIberties Association: Report to the UN Human Rights Committee” [Rapport parallèle de l’Association canadienne des libertés civiles au Comité des droits de l’Homme des Nations Unies] (en anglais), Juin 2015. https://ccla.org/cclanewsite/wpcontent/uploads/2015/07/CCLA-UN-Report.pdf , 22. 7 Voices-Voix. « Démantèlement de la démocratie : étouffer le débat et la dissidence au Canada », 2015, http://voicesvoix.ca/fr/document/demantelement-de-la-democratie-etouffer-le-debat-et-la-dissidence-au-canada, p.20 8 Althea MANASAN. “FAQ: The Issues Around Muzzling Government Scientists”, CBC News, 20 mai 2015, http://www.cbc.ca/news/technology/faq-theissues-around-muzzling-government-scientists-1.3079537. 9 Tom SPEARS. “Canadian Bureaucracy and a Joint Study with NASA” (en anglais), Ottawa Citizen, 15 avril 2012. http://www.ottawacitizen.com/technology/Canadian+bureaucracy+joint+study+with+NASA/6493201/story.html. 10 Voices-Voix. « Démantèlement de la démocratie : étouffer le débat et la dissidence au Canada », 2015, http://voicesvoix.ca/fr/document/demantelement-de-la-democratie-etouffer-le-debat-et-la-dissidence-au-canada, p.33 11 Institut professionnel de la fonction publique du Canada. (en anglais) “The Big Chill, Silencing Public Interest Science, A Survey” (2013) http://www.pipsc.ca/portal/page/portal/website/issues/science/bigchill. 12 Althea MANASAN. “FAQ: The Issues Around Muzzling Government Scientists” (en anglais), CBC News, 20 mai 2015, http://www.cbc.ca/news/technology/faq-the-issues-around-muzzling-government-scientists-1.3079537. 13 Bibliothèques et archives Canada – Code de Conduite : valeurs et éthique, 21 mai 2015, http://www.bac-lac.gc.ca/fra/a-notre-sujet/Pages/codeconduite-valeures-ethiques.aspx 14 Alysha HASHAM. “No Jail for Toronto Police Officer Convicted of G20 Assault”, article paru dans The Star (Toronto) (en anglais), 29 janvier 2015, http://www.thestar.com/news/crime/2015/01/29/no-jail-for-toronto-police-officer-convicted-of-g20-assault.html. 15 Association canadienne des libertés civiles. “Take Back the Streets” (en anglais uniquement), octobre 2013, https://ccla.org/cclanewsite/wpcontent/uploads/2015/02/Take-Back-the-Streets-Full-Report-English.pdf, 16. 16 Sukanya PILLAI, Brenda McPHAIL. “Canadian Civil LIberties Association: Report to the UN Human Rights Committee”, [Rapport parallèle de l Association canadienne des libertés civiles au Comité des droits de l’Homme des Nations Unies] (en anglais), juin 2015. https://ccla.org/cclanewsite/wpcontent/uploads/2015/07/CCLA-UN-Report.pdf. 17 Comité des droits de l’Homme des Nations Unies. « Observations finales concernant le sixième rapport périodique du Canada », juillet 2015. http://daccess-dds-ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/G15/179/99/PDF/G1517999.pdf?OpenElement 18 Association canadienne des libertés civiles. “Take Back the Streets” (en anglais uniquement), octobre 2013, https://ccla.org/cclanewsite/wpcontent/uploads/2015/02/Take-Back-the-Streets-Full-Report-English.pdf, 22. 19 Centre for Law and Democracy, Canadian Journalists for Free Expression, Lawyers’ Rights Watch Canada, BC Freedom of Information and Privacy Association, PEN Canada. Rapport parallèle au 16e examen périodique universel de la situation de la liberté d’expression au Canada (en anglais) (2012), page 5 20 Notation mondiale des systèmes d’accès { l’information - Right to Information Rating (en anglais). http://www.rtirating.org/view_country?country_name=Canada. PEN International, Koops Mill, 162-164 Abbey Street, London, SE1 2AN, ROYAUME-UNI Tél : +44 (0)20 74 05 03 38 www.pen-international.org La liberté d’expression au Canada | 18 Octobre 2015 21 Centre for Law and Democracy, Canadian Journalists for Free Expression, Lawyers’ Rights Watch Canada, BC Freedom of Information and Privacy Association, PEN Canada. Rapport parallèle au 16e examen périodique universel de la situation de la liberté d’expression au Canada (en anglais) (2012), page 5 22 Ministère de la Justice. « Renforcer la Loi sur l’accès { l’information », 7 janvier 2015. http://www.justice.gc.ca/fra/pr-rp/sjc-csj/aiprp-atip/lai-atia/p5.html 23 Voices-Voix. « Démantèlement de la démocratie : étouffer le débat et la dissidence au Canada », 2015, http://voicesvoix.ca/fr/document/demantelement-de-la-democratie-etouffer-le-debat-et-la-dissidence-au-canada, p.34 24 Toby MENDEL. “The Human Right Canadians are Way Behind On”, (en anglais), 14 octobre 2012, http://www.huffingtonpost.ca/toby-mendel/accessto-information-canada_b_1964197.html. 25 Ibid. 26 Kent ROACH, Craig FORCESE. “Bill C-51 Moves us One Step Closer to the End of Privacy”, article paru dans The Star (Toronto) (en anglais), 17 février 2015. http://www.thestar.com/opinion/commentary/2015/02/17/bill-c-51-moves-us-one-step-closer-to-the-end-of-privacy.html. 27 Voices-Voix. « Projet de loi C-51 : Loi antiterroriste 2015 » (en anglais uniquement), 5 mars 2015. http://voices-voix.ca/en/facts/profile/bill-c-51-antiterrorism-act-2015 28 Steven CHASE. “Anti-Terror Bill Would Widen Powers for Canadian Border Guards”, The Globe and Mail (Toronto) (en anglais), 23 février 2015. http://www.theglobeandmail.com/news/politics/anti-terror-bill-would-widen-powers-for-canadian-border-guards/article23170072/ 29 Frank La RUE. « Rapport du Rapporteur spécial des Nations Unies sur la promotion et la protection du droit { la liberté d’opinion et d’expression » (en anglais, espagnol, arabe, chinois et russe), 17 avril 2013 http://www.ohchr.org/Documents/HRBodies/HRCouncil/RegularSession/Session23/A.HRC.23.40_EN.pdf, page 7. 30 Conseil international du Canada – Open Canada. « Canadian Surveillance 101 » (en anglais), 19 août 2013 http://opencanada.org/features/the-thinktank/comments/canadian-surveillance-101/ 31 CBC News. “CSE: What do we know about Canada's eavesdropping agency?” (en anglais), CBC News, 14 juin 2013. http://www.cbc.ca/news/canada/csewhat-do-we-know-about-canada-s-eavesdropping-agency-1.1400396. 32 Christopher PARSONS. “Responding to the Crisis in Canadian Telecommunications” (en anglais), 1er mai 2014. https://citizenlab.org/2014/05/responding-crisis-canadian-telecommunications. 33 CBC News Canada, “Telecoms refuse to release information on private data given to feds” (en anglais), 29 avril 2014. http://www.cbc.ca/news/politics/telecoms-refuse-to-release-information-on-private-data-given-to-feds-1.2626286. 34 CBC News. “Internet Users’ Privacy Upheld by Canada’s Top Court”, CBC News (en anglais), 13 juin 2014. http://www.cbc.ca/news/technology/internetusers-privacy-upheld-by-canada-s-top-court-1.2673823. 35 Michael GEIST. “Supreme Court Delivers Huge Victory for Internet Privacy & Blows Away Government Plans for Reform” (en anglais), 13 juin 2014, http://www.michaelgeist.ca/2014/06/scc-spencer-decision/. 36 Greg WESTON, Glen GREENWALD, Ryan GALLAGHER. “ CSEC Used Airport Wi-fi to Track Canadian Travellers: Edward Snowden Documents” (en anglais), CBS News, 30 janvier 2014. http://www.cbc.ca/news/politics/csec-used-airport-wi-fi-to-track-canadian-travellers-edward-snowden-documents1.2517881. 37 Ibid. 38 Ryan GALLAGHER, Glen GREENWALD. “Canada Casts Global Surveillance Dragnet over File Downloads” (en anglais), 28 janvier 2015. https://firstlook.org/theintercept/2015/01/28/canada-cse-levitation-mass-surveillance/. 39 Ibid. 40 Frank La RUE. « Rapport du Rapporteur spécial des Nations Unies sur la promotion et la protection du droit { la liberté d’opinion et d’expression » (en anglais, espagnol, arabe, chinois et russe), 17 avril 2013. http://www.ohchr.org/Documents/HRBodies/HRCouncil/RegularSession/Session23/A.HRC.23.40_EN.pdf, 15. 41 Association du barreau canadien, Division de Colombie britannique. “ Defamation: Libel and Slander” (en anglais), janvier 2014. http://www.cbabc.org/For-the-Public/Dial-A-Law/Scripts/Your-Rights/240. PEN International, Koops Mill, 162-164 Abbey Street, London, SE1 2AN, ROYAUME-UNI Tél : +44 (0)20 74 05 03 38 www.pen-international.org Octobre 2015 La liberté d’expression au Canada | 19 42 Arrêt de la Cour suprême du Canada dans l’affaire GRANT c. TORSTAR CORP. [2009] 3 RCS 640, para 98. https://scc-csc.lexum.com/scc-csc/scccsc/fr/item/7837/index.do 43 Association du barreau canadien, Division de Colombie britannique. “ Defamation: Libel and Slander” (en anglais), janvier 2014. http://www.cbabc.org/For-the-Public/Dial-A-Law/Scripts/Your-Rights/240. 44 Kathy ENGLISH. “Why Journalists Need Confidential Sources”, Article paru dans The Star (Toronto) (en anglais), 18 juillet 2014. http://www.thestar.com/opinion/public_editor/2014/07/18/why_journalists_need_confidential_sources_public_editor.html 45 Adam BADARI. “R. v. National Post (2010): Do Journalists Have a Right to Protect Sources?” (en anglais), 18 mai 2010. http://ualawccsprod.srv.ualberta.ca/ccs/index.php/constitutional-issues/the-charter/fundamental-freedoms-section-2/678-r-v-national-post-2010-dojournalists-have-a-right-to-protect-sources 46 National Post, Matthew FRASER et Andrew McINTOSH c. Sa Majesté la Reine [2010] 1 SCR 477 (version bilingue anglais-français) http://www.canlii.org/en/ca/scc/doc/2010/2010scc16/2010scc16.pdf. 47 Comité sénatorial permanent des transports et des communications. « Rapport final sur les médias d’information canadiens », juin 2006. http://www.parl.gc.ca/Content/SEN/Committee/391/TRAN/rep/repfinjun06vol1-f.htm 48 Ibid. 49 Ibid. 50 Ibid. 51 Code criminel canadien, 23 juillet 2015, article 296, http://laws-lois.justice.gc.ca/fra/lois/c-46/page-161.html 52 Joyce ARTHUR. “Time to Repeal Canada’s Blasphemy Law” (en anglais) sur Rabble, 6 mars 2015. http://rabble.ca/columnists/2015/03/time-to-repealcanadas-blasphemy-law. 53 Pacte international relative aux droits civiques et politiques, article 20(2), 23 mars 1976. http://www.ohchr.org/fr/professionalinterest/pages/ccpr.aspx 54 Index on Censorship. “Hate Speech Laws in Canada: Two Steps Forward, One Step Back” (en anglais), 18 juillet 2013. https://www.indexoncensorship.org/2013/07/guest-post-hate-speech-laws-in-canada-one-step-back-two-steps-forward/. 55 Ibid. 56 Joseph BREAN. “Hate Speech Law Unconstitutional: Rights Tribunal”, (en anglais) 2 septembre 2009 http://www.nationalpost.com/news/Hate+speech+unconstitutional+rights+tribunal/1954734/story.html. 57 Joseph BREAN. “Court Finds Internet Hate Speech Law Section 13 to be Constitutionally Valid, Doesn’t Violate Freedom of Expression” (en anglais), 2 février 2014. http://news.nationalpost.com/news/canada/court-finds-internet-hate-speech-law-section-13-to-be-constitutionally-valid-doesnt-violatefreedom-of-expression. 58 Ibid. 59 Charte canadienne des droits et libertés. « Article 23 – Droit { l’instruction dans la langue de minorité », 1982. http://www.pch.gc.ca/fra/1356640308088/1356640399461 60 Université d’Ottawa. « La nature du bilinguisme canadien: les droits individuels et les droits collectifs », https://salic.uottawa.ca/?q=bi_canadien 61 « Indigènes » est un terme global qui couvre les communautés des Premières Nations, les autochtones, et les Inuits. Le débat est loin d’être terminé entre ceux qui préconisent l’emploi du terme « indigène » et ceux dont la faveur va au terme « autochtone ». De manière générale, ces communautés préfèrent le terme « indigène » . 62 Stéphane LANGLOIS. « Les peoples autochtones et la langue », Statistique Canada, 14 janvier 2014. http://www12.statcan.gc.ca/nhs-enm/2011/assa/99-011-x/99-011-x2011003_1-fra.cfm 63 David LEITCH. “Canada’s Native Languages: The Right of First Nations to Educate their Children in their Own Languages”, Constitutional Forum Constitutionnel. Vol. 15, no. 3, 2006. http://www.cba.org/CBA/niagara2010/PDF/4.4%20Leitch%20Paper.pdf (en anglais) 64 Patrimoine canadien. « Initiatives des langues autochtones – Programme des autochtones », 23 janvier 2015. http://www.pch.gc.ca/fra/1267285112203/1388770448005 PEN International, Koops Mill, 162-164 Abbey Street, London, SE1 2AN, ROYAUME-UNI Tél : +44 (0)20 74 05 03 38 www.pen-international.org Octobre 2015 La liberté d’expression au Canada | 20 65 Jorge BARRERA. “Aboriginal Organizations hit with $60 Million in Cuts” (en anglais), 13 janvier 2015. http://aptn.ca/news/2015/01/13/aboriginalorganizations-hit-60-million-worth-cuts-inuit-faced-steepest-reduction-afn-analysis/ 66 Dean BEEBY. “Aboriginal Affairs spending shortfall amounts to $1B, internal document says” (en anglais), CBC News, 5 juin 2015. http://www.cbc.ca/news/politics/aboriginal-affairs-spending-shortfall-amounts-to-1b-internal-document-says-1.3100937 PEN International, Koops Mill, 162-164 Abbey Street, London, SE1 2AN, ROYAUME-UNI Tél : +44 (0)20 74 05 03 38 www.pen-international.org