Le système fédéral belge
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Le système fédéral belge
1 LE SYSTEME FEDERAL DE LA BELGIQUE I. LES CARACTERISTIQUES GENERALES DU SYSTEME FEDERAL BELGE Déjà depuis le fin de la seconde guerre mondiale, la transformation de l’Etat unitaire était à l’ordre du jour. Le système fédéral actuel est le résultat d’un processus qui s’est réalisé en plusieurs étapes surtout depuis 1970. Les caractéristiques générales du système fédéral belge peuvent être résumées comme suit. a) Le fédéralisme belge est centrifuge. Le fédéralisme s’est construit au départ d’un Etat unitaire auquel des compétences sont retirées et transférées à des entités créées et remaniées lors des révisions successives de la Constitution: les communautés et les régions. Ces entités fédérées tirent donc leur existence, leur structure et leurs compétences de la Constitution belge. La relation entre l’Etat et les entités fédérées n’est pas de subordination mais d’égalité: l’Etat n’exerce pas de contrôle sur les actes juridiques des communautés et des régions. Dans les limites de leurs compétences, les communautés et les régions sont autonomes et indépendantes tant à l’égard de l’Etat fédéral qu’entre elles. L’autonomie des communautés et des régions est également organique: elles disposent d’un parlement dont les membres sont élus directement et d’un gouvernement, distincts du pouvoir (législatif comme exécutif) de l’Etat fédéral. b) Le fédéralisme belge est original Le processus de réforme institutionnelle en Belgique a été mis en œuvre sans réelle référence aux expériences fédérales étrangères, ni modèle théorique préalablement identifié. Conçue comme une réponse à des situations répétées de crise, la réforme de l’Etat est profondément marquée par une logique de compromis. Selon l’article 1er de la Constitution, “la Belgique est un Etat fédéral qui se compose des communautés et des régions.” L’organisation, le fonctionnement et les compétences de l’Etat fédéral et des entités fédérées ont été déterminés non seulement par la Constitution, mais aussi par des lois fédérales à majorité spéciale prises en vertu de celle-ci. Aux termes de l’article 2 de la Constitution, la Belgique comprend trois communautés: la Communauté flamande, la Communauté française et la Communauté germanophone. La “communautarisation” répondait à une demande de reconnaissance et de développement véritable d’une langue et d’une culture propre Aux termes de l’article 3 de la Constitution, la Belgique comprend aussi trois régions: la Région wallonne, la Région flamande et le Région bruxelloise. La ‘régionalisation’ voulait rencontrer les souhaits d’autonomie dans des matières socio-économiques. Territorialement, les Régions ne correspondent pas aux trois Communautés, mais elles se chevauchent partiellement. Les Communautés et les Régions se distinguent essentiellement par leurs compétences matérielles différentes (infra). 2 Selon l’article 4 de la Constitution, la Belgique comprend quatre régions linguistiques: la région de langue française, la région de langue néerlandaise, la région bilingue de BruxellesCapitale et la région de langue allemande. Les régions linguistiques ne sont pas des collectivités politiques. Elles sont le résultat d’une division géographique du territoire et déterminent la compétence territoriale des communautés et des régions. La création des entités fédérées est le résultat d’un processus progressif. Les trois Régions et les trois Communautés ont été créées par le Constituant en 1970. Toutefois, la Communauté germanophone eut, entre 1973 et 1983, un statut mineur; les Régions wallonne et flamande furent organisées en 1980; les institutions régionales bruxelloises furent mises en place en 1989. Pour conclure, il faut admettre que les institutions belges sont complexes. Malgré cette structure complexe avec des communautés et des régions, la Belgique pratique en réalité un fédéralisme bipolaire. Le jeu des relations politiques s’établit pour l’essentiel sur la base de deux grands ensembles: les néerlandophones au nord et les francophones au sud. Au niveau des structures fédérales, on retrouve des garanties d’équilibre nécessaire entre ces deux grandes composantes, par exemple, en ce qui concerne le pouvoir législatif, le pouvoir exécutif et les juridictions supérieures. II. LE SYSTEME DE REPARTITION DES COMPETENCES a) La méthode : l’attribution de compétences aux entités fédérées Les communautés et les régions disposent de compétences énumérées. Le Constituant belge ou le législateur spécial désignent des matières qu’ils attribuent aux communautés et aux régions. Ces attributions sont assorties de réserves de compétence plus ou moins importantes en faveur de l’Etat fédéral. La marge de manœuvre des entités fédérées varie donc considérablement en fonction des matières. L’Etat est également titulaire de la compétence résiduelle, c’est-à-dire des compétences qui ne sont pas attribuées aux Communautés ou aux Régions. L’attribution du résidu de compétences à un niveau de pouvoir déterminé assure l’exhaustivité de la répartition des compétences. L’extension constante des matières dans lesquelles il peut être légiféré ne permet pas, en effet, d’énumérer de façon exhaustive les compétences qui appartiennent à l’Etat central et aux entités fédérées. L’attribution des compétences aux communautés et aux régions est le résultat d’un processus en plusieurs étapes pendant lequel ces compétences sont progressivement élargies. Dans les matières qui leur sont attribuées, les entités fédérées disposent d’une véritable autonomie; elles exercent le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif par leurs organes propres. Contrairement à l’Etat fédéral qui est compétent pour toute la Belgique, les Communautés et les Régions n’interviennent que pour une partie du territoire. Elles exercent leurs compétences par des décrets ou des ordonnances, qui ont la même valeur juridique que les lois de l’Etat fédéral. Le système de répartition des compétences repose sur un principe d’exclusivité. Chaque matière ne relève de la compétence que d’un seul législateur et cela non seulement sur le plan matériel, mais également sur le plan territorial. Dans quelques domaines exceptionnels l’Etat fédéral et les entités fédérées ont des compétences parallèles: par exemple, en ce qui concerne les relations internationales et la recherche scientifique. En principe, l’autonomie permet à chaque région ou communauté d’exercer sa compétence sans concertation avec les autres institutions ou avec l’Etat fédéral. Cependant, dans certains 3 cas, la loi spéciale prévoit des mécanismes de coopération obligatoire, préalablement à l’exercice de certaines compétences. L’Etat et les entités fédérées peuvent aussi conclure des “accords de coopération”, notamment sur la création et la gestion conjointe de services et d’institutions communs, sur l’exercice conjoint de compétences propres ou sur le développement d’initiatives en commun. Dans l’exercice de leurs compétences, l’Etat et les communautés et régions sont obligés de respecter “la loyauté fédérale” inscrite dans la Constitution (article 143). Selon ce principe, qui est emprunté du droit public allemand (Bundestreue), l’autorité fédérale et les entités fédérées doivent tenir compte de leurs intérêts réciproques dans l’exercice de leurs compétences. Chaque législateur doit veiller à ne pas rendre impossible ou exagérément difficile la mise en œuvre par un autre législateur de ses compétences. Afin de prévenir et de régler d’éventuels différends, le Constituant a mis sur pied deux institutions. Composée de douze juges, la Cour constitutionnelle de Belgique est une juridiction compétente pour apprécier si les normes ayant force de loi sont conformes à certaines règles de la Constitution belge ainsi qu’aux règles de répartition des compétences entre l’État fédéral, les Communautés et les Régions. Le Comité de concertation est un organe composé des représentants des 6 gouvernements fédéral et fédérés belges qui a pour tâche de prévenir ou de régler les conflits entre ces entités fédérales et fédérées. b) Les compétences matérielles des Communautés et des Régions. Les compétences des Communautés sont énumérées partiellement dans la Constitution et partiellement dans la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles (pour la Communauté flamande et la Communauté française) et dans la loi du 31 décembre 1983 de réformes institutionnelles pour la Communauté germanophone. En résumant, les Communautés sont compétentes pour: - Les matières culturelles: par exemple, les beaux-arts, le patrimoine culturel, les musées, la radio et la télévision, le tourisme, etc. - L’enseignement - L’emploi des langues - Les matières “personnalisables”: par exemple, une partie de la politique de la santé, la politique familiale, la politique des personnes handicapées, etc. Les compétences des Régions sont essentiellement énumérées dans la loi du 8 août 1980 de réformes institutionnelles (pour la Région flamande et la Région wallonne) et dans la loi spéciale du 12 janvier 1989 pour la Région de Bruxelles-Capitale. Voici les désignations générales de leurs compétences: - L’aménagement du territoire et l’urbanisme - L’environnement et la politique de l’eau - La rénovation et la conservation de la nature - Le logement - La politique agricole et la pêche maritime - L’économie - La politique de l’énergie 4 - Les pouvoirs subordonnés La politique de l’emploi Les travaux publics et le transport. Il est important de souligner qu’il y a souvent, au sein de ces grands rubriques de compétences attribuées aux régions et aux communautés, des réserves de compétence plus ou moins importantes au profit de l’Etat. Ainsi, par exemple en matière économique, la loi spéciale prévoit que les régions exercent leurs compétences dans le respect du cadre normatif général de l’union économique et de l’union monétaire, tel qu’il est établi par ou en vertu de la loi et par ou en vertu des traités internationaux. Les compétences des communautés souffrent également de nombreuses exceptions. Ainsi par exemple, les communautés sont compétentes pour la politique de la santé, mais la sécurité sociale demeure de compétence fédérale. A côté des compétences énumérées ci-dessus, une série de compétences “accessoires” sont expressément confiées aux régions et aux communautés par diverses dispositions de la loi spéciale. Ces compétences accessoires ou « instrumentales » facilitent un exercice efficace par ces institutions de leurs compétences matérielles. Il s’agit de compétences en matière pénale, en matière d’infrastructure, de biens, d’expropriation, de création d’organismes publics et de fonction publique. Enfin, les communautés et les régions disposent également de « pouvoirs implicites ». L’article 10 de la loi spéciale du 8 août 1980 prévoit que les décrets des entités fédérées peuvent porter des dispositions relatives à des matières pour lesquelles les parlements ne sont pas compétents, dans la mesure où ces dispositions sont nécessaires à l’exercice de leurs compétences et ne rendent pas exagérément difficile les compétences d’un autre niveaux de pouvoirs. Cet article vise à permettre aux communautés et aux régions de mener une politique complète et cohérente dans leurs matières en empiétant, le cas échéant, sur les compétences de l’Etat fédéral. La mise en œuvre de cette faculté est contrôlée par la Cour constitutionnelle. Composée de douze juges, la Cour constitutionnelle de Belgique est une juridiction compétente pour apprécier si les normes ayant force de loi sont conformes à certaines règles de la Constitution belge ainsi qu’aux règles de répartition des compétences entre l’État fédéral, les Communautés et les Régions. Le Comité de concertation est un organe composé des représentants des 6 gouvernements fédéral et fédérés belges qui a pour tâche de prévenir ou de régler les conflits entre ces entités fédérales et fédérées. c) Les compétences de l’Etat fédéral Au niveau fédéral, les autorités législatives et exécutives prennent en charge un ensemble d’intérêts qui restent communs à l’ensemble des Belges: l’essentiel des compétences fiscales, la défense, la sécurité du territoire, une part des relations internationales, la sécurité sociale, l’union économique et monétaire, le droit du travail, etc. Les institutions de justice sont également organisées de manière fédérale pour l’essentiel. Puisque le législateur fédéral dispose de la compétence résiduelle, l’énumération des ses compétences ne peut pas être exhaustive.