Le cerveau de votre ado n`est pas fini
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Le cerveau de votre ado n`est pas fini
Grandir Migros Magazine 20, 15 mai 2006 69 «Mieux vaut faire travailler sa matière grise.» Le cerveau de votre ado n’est pas fini P our fillettes et garçonnets, «tout se joue avant 6 ans»? Faux. Autre affirmation: à 18 ans, le droit de vote est accordé, on a donc un cerveau d’adulte, parfaitement mature, dans un corps qui a quasi atteint sa taille définitive? Tout aussi faux. Grâce à l’imagerie cérébrale, les chercheurs estiment aujourd’hui que le cerveau des jeunes gens et des jeunes filles n’est pas «terminé» avant l’âge de 25 ans – et encore ce point mérite-t-il d’être discuté (lire encadré). Certes, dès l’âge de 6 ans, la taille de l’organe cérébral ne varie plus guère (elle atteint 95% de la taille adulte). Mais la matière grise, la matière «pensante» de l’enfant, elle, continue à établir, de façon exponentielle, d’innombrables connexions, des ramifications, à «s’épaissir» pour atteindre un pic de croissance vers 11 ans pour les filles et 12 ans pour les garçons. A cet âge-là, semble-t-il, il y a même surproduction de cellules cérébrales! C’est l’époque de la vie où le petit d’homme est le plus riche de potentialités, de virtualités, de compétences. Son cerveau est comme un buisson foisonnant. Après quoi? Eh bien, trop, c’est trop. Toutes les cellules cérébrales ne pourront survivre. Un grand nombre sera éli- PHOT O GETTY IMAGES A 18 ans comme à 12 ans, l’organe cérébral se modifie encore considérablement. A l’adolescence, tout reste ouvert... Selon la thèse de Jay Giedd, les connexions cérébrales utilisées vont prospérer alors que le potentiel non utilisé sera perdu. Les heures passées sur le canapé peuvent faire des dégâts! miné. Selon quels critères? Schématiquement dit, il y aura élagage, en fonction des intérêts que l’adolescent va développer ou ne pas développer. C’est du moins la thèse du neurologue américain Jay Giedd, qui a conduit sur le sujet une étude dont il livre les conclusions (en anglais) sur le site www.pbs.org. «La règle qui prévaut, c’est celle du «use it or lose it». Ou bien on se sert des cellules et des connexions que la nature met à notre disposi- 70 Grandir Migros Magazine 20, 15 mai 2006 P HOT O P HOT ONICA /P RI S MA tion, ou bien on ne s’en nous serions au top de sert pas, et alors patanos capacités vers 11 tras! un joli stock de ou 12 ans.» cellules passe par pertes Reste un problème, et profits. voire un désastre touA 18 ans comme à jours possible: quand, 12 ans, le cerveau se au lieu d’activer au sein de son organe cérébral modifie donc encore considérablement. A les qualités dont il est mesure que l’ado gagne virtuellement doué, en maturité, son cerl’ado laisse le terrain en veau développe des affriche et préfère fainéanter. La thèse de finités, des centres d’intérêt, selon le principe Giedd – «Les cellules que si l’on veut faire les et connexions qui sont choses bien, on ne peut utilisées vont survivre pas tout faire à la fois. et prospérer, les autres Vulgairement dit, on vont disparaître» – de«cherche sa voie», on vient alors redoutable. fait des choix, et le cerCar triste, horriveau, dont on sait aussi fiante conséquence: un l’étonnante plasticité, ado qui ne s’intéresse à malin comme il est, se rien ne fera guère frucmodule sur ces choix. Il tifier son capital neurose spécialise, pourraitnal… Ou, pour dire les on dire. choses différemment: Le cerveau des ados a besoin de stimulations intellecQue se passe-t-il un ado que ses neuroalors? Les cellules et tuelles pour se développer. nes poussent à rester connexions mises à vautré devant la télé décontribution subsistent et de- Voilà pourquoi, à 20 ans, on veloppera de grandes aptitudes viennent même plus rapides, peut être brillant en français et pour cette compétence-là, sa plus performantes pour former nul en maths. La réflexion ne vie durant… Mais quoi nos propres «autoroutes» de se creuse et ne s’approfondit d’autre? l’information cérébrale que dans les domaines où on la Moralité: à l’âge adolesD’autres, auxquelles on n’a pas conduit; c’est là, sur le plan cent, il n’est pas inutile de faire recours, se mettent en veilleu- qualitatif, qu’elle va faire ses travailler ses neurones si l’on se, s’affaiblissent, finissent en preuves. Comme le dit Jay ne veut pas finir comme une chemins de traverse, s’effacent, Giedd: «Le mieux n’est pas vache qui regarde passer les disparaissent éventuellement. forcément le plus gros, sinon trains. Jean-François Duval Vos réponses à notre question du 2 mai: «Qu’est-ce que l’arrivée de votre premier enfant a changé?» J’ai cessé mon activité lucrative pour m’occuper pleinement de mon premier bébé et de ses deux frères par la suite. Janique, Aproz Mon salaire s’est arrêté le jour de l’accouchement. Avec mon mari, on n’avait pas un sou mais on s’aimait et on a déplacé des montagnes. Natacha, Pensier Un vrai bonheur pour moi, trop de changements pour mon mari, il m’a quittée et demande le divorce. Anita, Farvagny Nous nous sommes laissé enfermer dans des rôles. Karine, Genève Mon premier enfant a amélioré le goût de ma vie! Mes nuits rythmées par ses cris; mes horaires, mes buts ont changé. Que du bonheur! Chantal, Sierre Retrouvez les messages envoyés sur: www.migrosmagazine.ch Donnez-nous votre avis! Que faites-vous pour stimuler les compétences de votre ado? Paroles d’expert Le professeur de neurosciences Pierre Magistretti (Lausanne) est coauteur avec le psychanalyste François Ansermet de «A chacun son cerveau» (Odile Jacob, 2004). Le cerveau des ados est-il définitivement «fini» à l’âge de 25 ans? Pas de conclusion hâtive! Pour Pierre Magistretti, «on sait que, tout au long de l’existence, il y a une production de neurones en permanence» (voir notre entretien Dixit SMS dans «Migros Magazine» nº 18 du 3 mai 2005). Notre cerveau n’est-il pas constamment modulé par l’expérience? Oui. De nouveaux neurones sont produits chez l’adulte. On sait également que les dizaines de milliers de connexions établies entre eux par chacun de nos cent milliards de neurones se modifient elles aussi constamment. Bien sûr, les «grandes autoroutes» du cerveau, c’est-à-dire les connexions qui vont d’un hémisphère à l’autre, ne sont pas modifiées. En revanche, au niveau des microstructures, il existe un grand dynamisme, des changements de forme, de structure… A 80 ans comme à 20, notre cerveau reste donc doué d’une étonnante plasticité neuronale? Bien sûr. A moins que le vieillissement ne s’accompagne d’une pathologie, le nombre de neurones diminue très peu. A partir d’un certain âge, il faut toutefois muscler sa matière grise! Relever les défis de la nouveauté. Car la plasticité du cerveau est liée à l’activité mentale. Envoyez votre SMS au no 920 (Fr. 0.90/SMS) ou un courrier électronique à [email protected] (160 signes maximum), en commençant votre message par MMF, puis en indiquant votre prénom et votre lieu de domicile. Exemple: «MMF Julie Echallens Je pense que le seul moyen...» Délai: dimanche 21 mai. A gagner: les cinq messages retenus gagnent un bon d’achat d’une valeur de 20 francs.