Vinci joue à cache-cache avec l`université Paris-7

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Vinci joue à cache-cache avec l`université Paris-7
Directeur de la publication : Edwy Plenel
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Dans ce subtil édifice, la structure en cascade permet
de bien isoler les responsabilités des uns et des autres.
Ainsi Sogam et ADIM, promoteurs et principaux
opérateurs du chantier, ne sont pourtant pas reliés
à Paris-7 par le contrat de PPP. Ils ne sont reliés
au maître d'ouvrage Udicité que par un contrat de
promotion immobilière (CPI), qui leur confère le
pouvoir de conclure les contrats, recevoir les travaux,
liquider les marchés... soit accomplir tous les actes de
la réalisation du programme. Dans cette répartition des
rôles, le promoteur apparaît donc tout-puissant, car il
est à la fois investi de tous les pouvoirs de décision sur
le chantier tout en n'étant qu'indirectement redevable
à son client. Or, nous avons vu dans le précédent
volet que les universitaires de Paris-7 paraissaient bien
démunis face aux exigences juridiques et financières
du groupement. Ce rapport de force inégal permet aux
différentes filiales de Vinci présentes sur le chantier
de construire à leur guise, sans toujours respecter le
programme initital (voir ici le premier volet de cette
enquête).
Vinci joue à cache-cache avec l'université
Paris-7
Par Jade Lindgaard
Article publié le vendredi 9 décembre 2011
Ce pourrait être un jeu, et il s'appellerait «Vinci joue
à cache-cache». Dans l'énorme contrat de partenariat
public-privé (PPP) de 273 millions d'euros sur trente
ans qui lie la multinationale de la construction
à l'université Diderot (Paris-7), la société est la
fois omniprésente... et invisible. Elle n'est en fait
apparue sous son nom propre qu'au moment de
la signature initiale : dans son communiqué de
presse de victoire, et lors de la cérémonie de
conclusion du deal, paraphé par Xavier Huilliard en
personne, PDG du groupe. Ensuite, les cinq lettres
disparaissent derrière l'intitulé de ses filiales : Sogam
et ADIM, les promoteurs du projet, Sicra (Société
industrielle de construction rapide) et GTM bâtiment,
ses constructeurs.
« Coquille vide »
Quel est le rôle exact d'Udicité dans ce contrat de PPP ?
Ce que l'on sait, c'est que son nom a déjà changé en
cours de route. Unicité, son premier intitulé, et celui
sous lequel il a signé avec Paris-7, insuffisamment
vérifié par ses fondateurs, était déjà pris par une
société d'architecture de Bois-le-Roi. Une lettre a
donc été changée pour finalement devenir Udicité.
Une saisie ordonnée par la justice, dans le cadre du
conflit qui oppose le groupement à l'architecte d'un de
ses bâtiments (voir notre première enquête), a révélé
quelques suprises.
En réalité, le géant du BTP n'a même pas signé le
PPP avec l'université : c'est Udicité, un groupement
constitué pour le projet qui est le partenaire de
la faculté. Première surprise quand on observe la
composition du capital d'Udicité, Vinci n'en détient
qu'une petite minorité, seulement 15% (10% pour
GTM et 5% pour Sicra). Le reste revient aux
banques associées au projet, Barclays (40%) et Caisses
d'épargne-Natixis (40%), à travers leur fonds commun
de placement spécialisé dans les PPP, le Fideppp ;
ainsi qu'à GDF-Suez (5%).
Le 27 juin dernier, un huissier se rend au siège
d'Udicité, et constate que le groupement ne possède
même pas de locaux propres. Il est «hébergé»
par Cofely, filiale de GDF-Suez spécialisée dans
l'efficacité énergétique. Sur place, le directeur
de projets de Cofely, Joël Taillardas, reconnaît
réceptionner les documents adressés à Udicité, mais
apporte une précision inattendue : Udicité « est une
coquille vide » qui « n'a aucun employé, ni bureau ».
Qu'une structure ad hoc de ce type n'emploie pas de
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salariés par elle-même n'est pas forcément étonnant.
Elle résulte avant toute chose d'un montage financier
constitué dans le but du PPP. De là à parler de
« coquille vide »... L'image est brutale. Surtout que le
cadre de Cofely poursuit son étonnant témoignage :
le temps du PPP, la société Udicité « a été domiciliée
dans les présents locaux car Vinci doit se retirer dans
cinq ans de l'affaire ».
Vinci Constructions, qui souhaite garder l'anonymat,
confirme que « oui, Vinci va se retirer de la société de
projet au bout de quelques années » mais qu'il ne faut
en tirer aucune conclusion : « GTM et Sicra vont céder
leurs parts à d'autres, c'est un problème de holding et
d'immobilisation financière. » Mais « leur engagement
dans les travaux n'ont rien à voir avec leur présence
ou non dans le groupement ».
Pourquoi alors Joël Taillardas, salarié de Cofely,
précise-t-il à l'huissier de justice qu'il remet
directement les documents qu'il reçoit au nom
d'Udicité « au groupe Vinci, la plupart du temps à
son président directement » ? Joint par Mediapart, il
dément cette fois, et affirme ne rendre des comptes
qu'à Xavier Duplantier, le président d'Udicité. Qui
est en rapport avec qui ? Qui tient les rênes de ce
monumental contrat de près de 300 millions d'euros ?
Difficile, voire impossible, de le savoir. La chaîne de
commandement du partenaire de l'université Paris-7
paraît bien opaque.
L'UMP et les PPP
Ce qui est clairement établi en revanche, ce sont les
liens entre les financeurs du projet et l'UMP. Lors
de la signature du PPP en 2009, le directeur général
adjoint de Fideppp, actionnaire à 40% d'Udicité, est
Nicolas Boudeville. Remercié par Xavier Huillard, le
PDG de Vinci, dans son discours lors de la cérémonie
de célébration du “deal”, en juillet 2009, cet avocat
de formation spécialisé en droit de l'environnement est
militant UMP de Neuilly-sur-Seine. Ancien conseiller
municipal du parti de la majorité présidentielle, il
a présidé Neuilly 2014, association qui se décrit
comme un « incubateur de projets citoyens » mais
que certains voient comme une tête de pont vers une
candidature de Jean Sarkozy à la mairie de la ville en
2014. C'est lui qui a remis le prix du PPP à Valérie
Pécresse. Les photos commémoratives de l'événement
ornent toujours sa page Facebook. En 2004, Nicolas
Le géant de la construction envisage-t-il de partir au
bout de cinq ans d'un contrat qui porte sur trente ?
Pourtant, le jour de l'annonce du contrat, Valérie
Pécresse, alors ministre de l'enseignement supérieur et
de la recherche, avait affirmé qu'« avec le partenariat
public-privé, non seulement on construit, mais on
garde la responsabilité de l'entretien pendant vingtcinq ans. Donc on est sûr que c'est une construction
durable ». Cette durabilité est-elle garantie si le
maître d'ouvrage, responsable de la promotion et de la
construction, quitte le projet au bout de cinq ans ?
Contacté par Mediapart, Joël Taillardas ne confirme
pas ses propos. Ni ne les infirme. Dans un premier
temps, il explique qu'il ne se souvient pas avoir parlé
à l'huissier le jour de la saisie, qui a pourtant tout
consigné sur un procès-verbal en bonne et due forme.
Puis la mémoire lui revient finalement. Mais il se
contente de renvoyer la balle à Xavier Duplantier, le
président d'Udicité. Contacté par Mediapart, celui-ci
n'a pas donné suite à notre appel. Mais un ancien de
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2008. Au vu des dérives remarquées sur le projet
de l'hôpital sud-francilien qui n'a toujours pas
pu ouvrir ses portes au public presque un an
après la fin de sa construction, et maintenant le
chantier de Paris-7 qui fait supporter à l'université
signataire les risques financiers du contrat, à quand une
sérieuse évaluation des politiques et programmes des
PPP ? Près de 500 contrats de partenariat ont été
signés en France depuis 2004. Ils tombent quasiment
systématiquement dans l'escarcelle des trois géants
hexagonaux de la construction: Bouygues, Eiffage et
Vinci.
Sarkozy a préfacé son livre consacré à Evaluer les
politiques et les programmes publics », au Editions de
la Performance.
La promotion des PPP fut l'un des premiers actes de
la présidence Sarkozy, comme la loi sur l'université,
annoncée dès octobre 2007. Elle fut votée en juillet
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