Rapport Strateco_Vfinale_19092013 word
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Rapport Strateco_Vfinale_19092013 word
Observations de Strateco suivant l’avis préalable au refus de délivrer le certificat d’autorisation à l’égard du projet d’exploration souterraine à la propriété Matoush Table des matières Chapitre 1 Observations 1. 3 Mise en contexte 3 1.1 Localisation du projet Matoush 3 1.2 Phase d’exploration 3 1.3 L’évaluation environnementale du projet 4 1.4 Chronologie des récents événements 5 2. Nature des préoccupations 6 3. L’acceptabilité sociale 9 3.1 Qu’est-ce que l’acceptabilité sociale? 9 3.2 Qu’est-ce qu’une « acceptabilité sociale suffisante »? 10 4. Démarche de consultation et d’information entreprise par Strateco 11 5. Conclusion 12 Document de support 15 Chapitre 2 Méthodologie 16 2.1 Périmètre des recherches documentaires 16 2.2 Démarche méthodologique 16 2.2.1 Recherche jurisprudentielle sur l’acceptabilité sociale 16 2.2.2 Recherche sur les directives gouvernementales, politiques et guides publiés par des instances gouvernementales 16 2.2.3 Révision de publications/guides/bonnes pratiques publiés par des associations sectorielles, groupes de recherches et universités 16 Chapitre 3 Acceptabilité sociale 3.1 17 Définitions de l’acceptabilité sociale 17 3.1.1 Définition légale de l’acceptabilité sociale 17 3.1.2 Définition de l’acceptabilité sociale dans le monde 17 3.1.3 Définition de l’acceptabilité sociale au Canada et au Québec 18 3.1.4 Vers l’acceptabilité sociale d’un projet 20 3.1.5 Mesurer l’acceptabilité sociale 22 3.2 Les principes de l’acceptabilité sociale 23 3.3 Les bonnes pratiques documentées en matière d’acceptabilité sociale 23 3.3.1 Conseil International des Mines et Métaux 24 3.3.2 Société financière internationale ........................................................................................... 25 3.3.3 Conseil patronal de l’environnement du Québec .................................................................... 27 3.3.4 Institut du Nouveau Monde ................................................................................................... 28 3.3.5 Consentement libre, préalable et éclairé ............................................................................... 28 3.4 Conclusion du chapitre .................................................................................................................... 29 Chapitre 4 Strateco : Projet Matoush ............................................................................................................... 30 4.1 Le projet et ses obligations législatives ............................................................................................ 30 4.1.1 Localisation du projet Matoush.............................................................................................. 30 4.1.2 Phase d’exploration .............................................................................................................. 30 4.1.3 L’évaluation environnementale du projet Matoush ................................................................. 31 4.1.4 Processus d’information, de consultation et d’audiences publiques ........................................ 32 4.1.5 Conclusions émises par le COMEX, COFEX-S et la CCSN ..................................................... 33 4.2 La démarche de Strateco auprès de ses parties prenantes .............................................................. 35 4.2.1 Ce que Strateco a fait ........................................................................................................... 35 4.3 Le cas particuliers de la communauté crie de Mistissini .................................................................... 39 4.3.1 Ce que Strateco a fait ........................................................................................................... 39 4.3.2 Ce que Strateco n’a pas été en mesure de faire .................................................................... 45 4.4 Parallèles avec l’exploration pétrolière à Anticosti ............................................................................ 48 4.5 Conclusion du chapitre .................................................................................................................... 48 Chapitre 5 Analyse de l’approche Strateco en matière d’acceptabilité sociale............................................... 49 5.1 Démarche analytique ...................................................................................................................... 49 5.2 Analyse de l’approche avec l’ensemble des parties prenantes.......................................................... 50 5.3 Analyse de l’approche avec la communauté crie de Mistissini .......................................................... 51 5.4 Conclusion du chapitre .................................................................................................................... 55 Chapitre 6 Conclusion ...................................................................................................................................... 56 Annexes .............................................................................................................................................................. 58 1 Introduction Le présent document fait suite aux échanges intervenus entre Ressources Strateco inc. (« Strateco » « Promoteur » ou « nous ») et le Ministre du Développement durable, de l’Environnement, de la Faune et des Parcs (« Ministre » et « MDDEFP ») subséquemment à la transmission de l’avis préalable au refus de délivrer le certificat d’autorisation à l’égard du projet d’exploration souterraine à la propriété Matoush (« Avis »), le 21 juin dernier. D’emblée, il importe de mentionner que la transmission du présent document ne peut être interprétée, en aucun temps, comme une reconnaissance de la part de Strateco à l’effet que la « suffisance d’acceptabilité sociale » constitue un motif pertinent dans la prise de décision du Ministre au terme de l’article 164 de la Loi sur la qualité de l’environnement (« LQE »). En effet, ni les paragraphes b), c), f) et g) de l’article 152 de la LQE, ni la Loi sur le développement durable ne font expressément référence au concept d’acceptabilité sociale1. Ces mêmes dispositions légales ne comportent également aucune référence, expresse ou implicite, au besoin qu’une population concernée par un projet, en l’occurrence les Cris de Mistissini, consente à celui-ci, voire qu’elle fasse part de leur consentement écrit à l’existence d’une telle acceptabilité sociale. De plus, le concept d’acceptabilité sociale n’a pas encore, à ce jour, été analysé et documenté par les tribunaux québécois. En somme, plusieurs questions sont en suspens quant à cette notion qui pourrait d’autant être appelée à évoluer au cours des prochaines années. Ensuite, nous constatons que, malgré nos demandes de précisions des 11 et 17 juillet 2013 et la réponse du MDDEFP l’ayant suivie, datée du 2 août 2013, certaines réponses et informations essentielles demeurent toujours manquantes afin de nous permettre de produire, de manière complète et efficace, nos observations. Plus particulièrement, nous ignorons toujours quels sont les critères d’évaluation de la suffisance d’acceptabilité sociale ayant été utilisés aux fins de la transmission de l’Avis, de même que les faits et les motifs venant soutenir l’affirmation que ce critère ne serait pas rencontré, dans le présent cas. Nous ignorons également si le Ministre considère que seul le consentement de la population crie ou, plutôt, celui du Conseil de bande de Mistissini, permet de démontrer l’existence d’une « acceptabilité sociale suffisante ». En raison de ce qui précède, la transmission des présentes observations ne peut être interprétée, en aucun temps, comme une reconnaissance de notre part à l’effet que nous avons été pleinement informés des motifs et des raisons qui sous-tendent l’Avis du 21 juin dernier. Sous ces réserves, le chapitre qui suit contient les observations de Strateco (chapitre 1), lesquelles sont accompagnées et réfèrent aux autres chapitres du document. Les chapitres contenus à l’appuis des observations couvrent l’approche méthodologique (chapitre 2), le concept d’acceptabilité sociale (chapitre 3), 1 Ces références législatives avaient été mentionnées par le sous-ministre adjoint à l’Expertise hydrique, à l’Analyse et aux Évaluations environnementales dans sa réponse du 2 août 2013. 2 la démarche de consultation et d’information mise en œuvre par Strateco pour le projet Matoush (chapitre 4), l’analyse de la démarche d’information et de consultation mise en œuvre par Strateco au regard des meilleures pratiques publiées en matière d’acceptabilité sociale au Québec (chapitre 5), enfin, une conclusion du rapport (chapitre 6). 3 Chapitre 1 Observations 1. Mise en contexte 1.1 Localisation du projet Matoush Le projet d’exploration souterraine Matoush est situé dans les monts Otish, à environ 275 km au nord de Chibougamau et 210 km au nord-est de Mistissini, dans la Province de Québec. Le projet se trouve dans les terres conventionnées de la Baie-James de catégorie III. Les terres de catégorie III représentent les terres publiques du Québec sur lesquelles les peuples autochtones et non autochtones peuvent chasser et pêcher. Les autochtones détiennent certains droits de récolte sur ce territoire. Les collectivités les plus proches du projet sont respectivement celles de la communauté crie de Mistissini, située à plus de 200 km du site, et Chibougamau, à 275 km du site. Le projet se situe à l’intérieur des limites de propriété de deux lignes de trappe utilisées par des tallymen, soit des familles de lignes de trappe. Les tallymen et leurs familles sont les seuls utilisateurs directs du territoire visé par le projet Matoush. Bien que les autochtones se voient accorder une participation particulière au processus d’évaluation de projets sur les terres de catégorie III, il importe de rappeler que seul le Ministre possède le pouvoir décisionnel relatif aux projets devant y être réalisés. Étant le seul détenteur de ce pouvoir, il ne peut évidemment le déléguer ou l’abdiquer au profit d’un tiers. 1.2 Phase d’exploration La prochaine étape du projet Matoush consiste à réaliser la phase d’exploration avancée. Celle-ci vise à définir, de manière détaillée, les réserves minérales du gisement d'uranium Matoush, permettant ainsi de 4 déterminer la faisabilité d’un projet minier à large échelle. À ce stade-ci, le projet proposé par Strateco est strictement limité à des activités d’exploration avancée d’une durée de quatre ans et n’inclut pas l’exploitation d’une mine ou d’une usine de concentration d’uranium. La faisabilité technique, financière et environnementale du projet minier pourra ultérieurement être déterminée au moyen des informations obtenues au cours des quatre années de la phase d’exploration avancée. Les activités principales proposées par Strateco comprennent l’aménagement d’une rampe d’exploration souterraine, le fonçage de deux galeries d’exploration dans les stériles, le forage de définition de la zone minéralisée et jusqu’à trois excavations dans la zone minéralisée. La roche excavée dans la zone minéralisée demeurera sous terre. Strateco a aussi proposé de construire des installations connexes en surface qui comprennent une centrale électrique, un parc pétrolier, des installations de traitement des eaux usées, des garages, des bureaux et des aires de stockage. L’amélioration du camp temporaire fera aussi partie des activités. Les activités proposées par Strateco sont courantes pour les projets miniers en phase d’exploration. Ces activités d’exploration, qui doivent obligatoirement se faire sous terre, permettront à Strateco d’approfondir les données techniques et environnementales, notamment de confirmer la quantité de minerai se trouvant sous terre, de mesurer le débit et la qualité de l’eau souterraine, d’établir la quantité de radon se trouvant dans le sous-sol, de déterminer les méthodes de minage ainsi que leurs coûts. Enfin, à l’issue de ces travaux d’exploration, Strateco sera en mesure de réaliser l’étude économique et environnementale nécessaire à l’autorisation d’un projet minier à large échelle. 1.3 L’évaluation environnementale du projet La composante uranifère du projet et sa localisation lui confèrent un statut particulier. En vertu des lois applicables, le projet n’a pas été évalué par un seul organisme indépendant, mais bien par deux organismes fédéraux, soit le comité fédéral d’examen Sud (« COFEX-S ») et la Commission canadienne de sûreté nucléaire (« CCSN ») ainsi qu’un organisme provincial, soit le Comité d’examen (« COMEX »). En raison de sa composante uranifère, le projet de Strateco a dû se conformer à une évaluation environnementale et des consultations publiques plus en amont du projet qu’il n’est habituellement requis pour tout autre projet minier (ex. : or, nickel, etc.). Strateco a ainsi dû procéder à l’évaluation des impacts environnementaux du projet Matoush avant même de savoir si la faisabilité du projet était avérée. Cette exigence représente une différence importante avec le processus du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (« BAPE ») dans le cadre duquel les études d’impacts ne sont exigées qu’après avoir complété la phase d’exploration, soit lors de la demande de certificat d’autorisation en vue d’exploiter une mine. Le chapitre 4 du présent rapport présente de façon plus détaillée les obligations législatives ainsi que les procédures particulières associées au projet Matoush. Si la phase d’exploration permet de conclure à la faisabilité du projet minier, Strateco sera assujettie à un deuxième processus d’examen environnemental qui tiendra compte des résultats obtenus lors de la phase d’exploration avancée. Il appert important de rappeler que le processus pour l’obtention de la licence d’exploitation auprès de la CCSN sera à refaire en entier, incluant les études environnementales et les consultations auprès des différentes parties prenantes. En somme, Strateco est, sans contredit, assujettie au processus d’examen le plus rigoureux dans l’industrie minière. 5 1.4 Chronologie des récents événements Ayant complété l’ensemble des étapes relatives à sa demande de certificat d’autorisation, Strateco est dans l’attente de la décision du Ministre depuis le mois d’août 2011, date où le COMEX recommandait l’autorisation du projet d’exploration. Or, le 28 mars 2013, le Ministre annonçait son intention de confier un mandat au BAPE afin d’évaluer les impacts environnementaux et sociaux de l’exploration et de l’exploitation de la filière uranifère au Québec.2 Jusqu’à ce que le BAPE dépose son rapport au Ministre, celui-ci précisait qu’il n’émettrait aucun certificat d’autorisation concernant l’exploration et l’exploitation d’uranium sur l’ensemble du territoire québécois (« moratoire temporaire »). Le Ministre justifiait alors ces décisions par sa volonté d’améliorer « la prévisibilité des paramètres et des interventions, ainsi que la recherche d’acceptabilité sociale ».3 Dans une entrevue radiophonique réalisée le 29 mars 20134, le Ministre précisait que Strateco était visée par ce moratoire temporaire. Enfin, sur la question de l’acceptabilité sociale du projet Matoush, le Ministre s’exprimait, au même moment, de la manière suivante : « M. PHILIPPE MARCOUX (journaliste): Ultimement, Monsieur Blanchet, est-ce que c’est possible que vous donniez votre feu vert, à l’industrie de l’uranium? Parce qu’il y a un des critères que… qui… sur lequel le BAPE va se pencher, c’est celui de l’acceptabilité sociale, celui-là… euh… c’est impossible, là! Dans les régions où il y a de l’uranium, l’opposition, elle est presque unanime, là! M. YVES-FRANÇOIS BLANCHET En fait, c’est peut-être presque le contraire. Dans un premier temps, je ne me donnerais pas le droit de présumer du résultat des travaux du Bureau. Si je confie le mandat au Bureau, c’est parce que je veux qu’eux nous formulent des recommandations, je présume pas de ce que ça va donner. Là où il faut éviter une erreur, c’est de croire que, dans les régions concernées, tout le monde est toujours contre. 2 3 4 QUÉBEC (MDDEFP) (2013). Communiqué de presse : Développement de la filière uranifère, 28 mars. Ibid. BOISJOLY, BÉDARD & ASSOCIÉS (2013). Transcription d’un extrait de l’émission radiophonique de Radio-Canada « C’est bien meilleur le matin » du 29 mars 2013, Sténos-officiels, Québec. 6 Dans la région du projet Matoush, les Jamésiens sont en grande partie favorables à l’exploration et à l’exploitation d’une mine d’uranium. Il y a pas une opposition de l’ensemble de la population, il y a une opposition des Premières Nations, qui est ferme, et il y a les groupes environnementaux, qui… qui s’expriment, aussi, mais il y a pas un… il y a pas une… une opposition systématique, à la… à l’uranium, partout au Québec, c’est pas le… c’est pas le constat qu’on fait présentement. » Toutefois, et de manière inattendue, le Ministre faisait parvenir à Strateco l’Avis, le 21 juin 2013, attestant son intention de refuser la délivrance du certificat d’autorisation recherché au motif d’une « absence d’acceptabilité sociale suffisante ». Quelques semaines plus tard, soit le 2 août 20135, Strateco apprenait que cet Avis du Ministre référait principalement au contenu d’une rencontre intervenue, le 14 novembre 2012, entre la sous-ministre de l’époque, madame Diane Jean et les membres du COMEX. Le promoteur avait été tenu dans l’ignorance de cette rencontre qui semble pourtant avoir joué un rôle important dans la décision de l’administrateur provincial d’émettre l’Avis. 2. Nature des préoccupations Selon la réponse du sous-ministre du 2 août dernier, « le manque d’acceptabilité sociale de la part de la communauté crie, population directement concernée par [le] projet, est manifeste et déterminant. »6 Bien qu’il réfère aux témoignages et mémoires déposés lors des consultations publiques, de même qu’aux résolutions du Conseil de bande concernant un moratoire sur l’uranium, l’Avis ne précise pas, pour autant, la teneur des craintes et des préoccupations de la communauté crie. Strateco sait toutefois que le fondement ainsi que le motif des craintes et des préoccupations exprimées par la communauté crie de Mistissini sont diversifiés et qu’elles ont évolué dans le temps. Depuis le début du projet, Strateco est sensible aux préoccupations de la communauté crie et a tenté d’y répondre sur la base de l’information dont elle disposait notamment grâce à plus de 200 rencontres réalisées ainsi que les mémoires ayant été déposés lors des audiences publiques du COMEX, du COFEX-S et de la CCSN. Tous les mémoires ont été analysés individuellement afin de comprendre le fondement des préoccupations exprimées. De plus, un mécanisme formel sous la forme d’une Entente de communication et d’information (« Entente »), avait été développé et sera présenté de façon plus détaillée dans la section 5 du présent chapitre. Cette entente signée en décembre 2011 par Strateco et le Conseil de bande avait pour objectif principal de répondre, en temps opportun, aux préoccupations de la communauté crie de Mistissini, notamment sur l’uranium ou autres sujets connexes et d’offrir une rétroaction sur ces préoccupations à la communauté crie de Mistissini (Annexe 1). Les craintes et appréhensions évoquées par la communauté crie de Mistissini semblent avoir évolué entre les audiences publiques du COMEX/COFEX-S et celles de la CCSN. 5 QUÉBEC (MDDEFP) (2013). « Demande d’information sur le contenu de l’avis préalable au refus de délivrer le certificat d’autorisation concernant le projet Matoush », Lettre du sous-ministre adjoint à l’Expertise hydrique, à l’Analyse et aux Évaluations environnementales, 2 août, p. 3. 6 Ibid 7 Dans le cadre des consultations du COMEX/COFEX-S en décembre 2010, plusieurs mémoires rédigés par des membres de la communauté crie de Mistissini font état de préoccupations quant à la vulnérabilité du lac Mistassini ainsi que la contamination potentielle des animaux et des poissons. Les préoccupations portent principalement sur des enjeux environnementaux. Les impacts sur la santé humaine découlant de la consommation de viande et de poisson contaminés représentent également une source de préoccupation. Dans son mémoire, le Conseil de bande de la communauté crie de Mistissini prétend que Strateco n’a pas informé convenablement la population de Mistissini des enjeux liés à l’uranium et des risques associés au projet Matoush, notamment sur l’eau et la santé, l’entreprise ayant davantage mis l’accent sur le « band leadership » et les tallymen (familles de trappe). En somme, il est allégué que Strateco n’a pas fourni les efforts nécessaires pour bâtir un niveau acceptable d’acceptabilité sociale au sein de la communauté. Le chapitre 4 du présent rapport présente les démarches d’information et de consultation employées par le promoteur. Lors des audiences publiques de la CCSN en mai 2012, soit 18 mois après celles du COMEX/COFEX-S, le Conseil de bande de Mistissini adoptera une position ferme contre l’exploration et l’exploitation uranifère. L’incompatibilité entre le projet et le mode de vie et la culture de la communauté sont maintenant invoqués sans plus de détail. Les préoccupations environnementales, notamment sur la vulnérabilité du lac Mistassini sont de nouveau évoquées. Dans les verbatim de l’audience de la CCSN tenue le 5 juin 2012, le Chef Shecapio affirme que la communauté crie « fera tout pour empêcher le développement d’uranium sur nos terres traditionnelles7. » (Traduction libre de l’allocution du Chef Shecapio) Rappelons que dans le cas du projet Matoush, les trois organismes indépendants (COMEX, COFEX-S et CCSN) sont d’avis que le projet n’est pas susceptible d’entraîner des effets négatifs sur l’environnement, le milieu social et la santé humaine. Dans les conclusions du rapport du COMEX, qui n’a d’ailleurs jamais été transmis au promoteur, ce dernier l’ayant plutôt obtenu indirectement, il existe une importante distinction entre l’acceptabilité sociale et l’acceptabilité environnementale. L’acceptabilité environnementale du projet Matoush n’étant pas mise en cause. « L’acceptabilité environnementale des impacts biophysiques du projet d’exploration n’est pas mise en cause à cette étape-ci. Pour estimer son acceptabilité sociale, il faut tenir compte des emplois crées, des retombées économiques, de l’ouverture et de l’utilisation du territoire et de ses ressources amenées par le projet, mais aussi de la volonté généralement exprimée par les communautés à accueillir les projets miniers. » (notre soulignement) Cependant, plus d’un an s’est écoulé entre la recommandation du COMEX d’autoriser le projet en août 2011 et la rencontre entre Mme Jean et les membres du COMEX en novembre 2012. À ce moment, sans que le projet ait fait, à notre connaissance, l’objet de travaux additionnels par le COMEX, d’autres raisons sont alors invoquées par monsieur Brian Craik, membre du COMEX, pour expliquer l’absence d’acceptabilité sociale des Cris. Cette fois-ci, l’acceptabilité sociale est confondue avec l’acceptabilité environnementale. « Il indique qu’il s’agit d’un projet d’exploration qui générera peu d’emplois. Il précise que le problème d’acceptabilité sociale des Cris est en fait lié à un enjeu environnemental, soit celui de la vulnérabilité du lac Mistassini. Les Cris ont des difficultés à obtenir de l’information à propos de cet 7 CANADA (CSSN) (2012). Verbatim de l’audience publique du 5 juin 2012. 8 enjeu. Il explique aussi que Ressources Strateco n’a pas conclu d’entente sur les répercussions et avantages (ERA) contrairement aux autres projets de développement sur le territoire. Une telle entente aide généralement à la collaboration avec les Cris. M. Craik fait aussi référence à un problème de sécurité pour la route 167 du fait qu’il n’y ait pas de station d’essence le long de cette route. » (notre soulignement) Ces précisions ont été obtenues par Strateco suite à la transmission en août dernier du compte-rendu de la réunion du 14 novembre 2012. Ces nouvelles informations rendent encore plus confuses les raisons fondamentales expliquant l’absence d’acceptabilité sociale pour les Cris. À cet égard, reprenons chacun des éléments soulevés par M. Craik. Strateco avait tout d’abord déjà choisi d’agir sur l’aspect de la vulnérabilité du lac Mistassini. Strateco s’était en effet engagée, en décembre 2011, dans l’Entente de communication et d’information à accorder un mandat pour la réalisation d’une étude de référence indépendante sur l’écoulement des eaux de surface et souterraines à partir du projet Matoush jusqu’au lac Mistassini. À cet égard, après discussion avec les membres du comité de l’Entente, constitué en proportion égale de représentants de Strateco et de la communauté crie de Mistissini, un expert en écotoxicologie aquatique et biologiste des habitats des poissons avait été contacté pour réaliser l’étude additionnelle sur l’eau souterraine et de surface. Pour éviter tout conflit d’intérêts, le Local Environment Department de la communauté crie de Mistissini était en charge de faciliter le travail de l’expert en l’aidant à organiser ses travaux. Il avait été convenu que l’expertise et les connaissances traditionnelles de la communauté seraient mises à profit lors de la réalisation de l’étude, notamment pour l’identification des sites d’échantillonnage et la collecte d’informations. Il était également prévu que les résultats de l’étude soient communiqués à l’ensemble de la communauté. Cependant, le Local Environment Department, bien qu’ayant accepté sa responsabilité, a déclaré ne plus vouloir collaborer avec l’expert, pour la raison qu’il était payé par Strateco. L’étude n’a donc pas encore été réalisée. Par ailleurs, il est vrai que Strateco n’a pas conclu d’entente sur les répercussions et avantages en date d’aujourd’hui. Strateco n’est pas opposée à la signature d’une telle entente. Il est cependant important de préciser que ce point ne peut été abordé avant que la faisabilité du projet n’ait été démontrée. À cette étape, Strateco ne peut estimer les retombées du projet puisqu’il ignore toujours la quantité de minerai se trouvant sous terre. Ces ententes sont généralement conclues lorsqu’il a été déterminé que le projet pouvait aller de l’avant et que les répercussions et bénéfices pouvaient être quantifiés avec précision. Enfin, les préoccupations au regard de la sécurité de la route 167 n’avaient jamais été communiquées au promoteur avant de lire les propos de Monsieur Craik dans le compte-rendu de la rencontre du 14 novembre 2012 entre la sous-ministre et les membres du COMEX. Quelles sont donc les motifs ou les raisons fondamentales à l’appui de la conclusion du MDDEFP quant à l’absence d’acceptabilité sociale par les Cris? Hormis la vulnérabilité du lac Mistassini ayant été évoquée dans les mémoires déposés par les membres de la communauté crie, la sécurité de la route 167 et les ententes sur les répercussions et avantages du projet n’ont pas été soulevés dans les mémoires ni soulevés dans le rapport du COMEX. Les précisions quant à l’enjeu d’acceptabilité sociale discutées lors de la rencontre du 14 novembre 2012 contribuent à alimenter la confusion du promoteur sur les enjeux réels soustendant l’acceptabilité sociale du projet puisque les points soulevés par Monsieur Craik ont tous été adressés ou étaient en voie de l’être. 9 3. L’acceptabilité sociale 3.1 Qu’est-ce que l’acceptabilité sociale? La notion d’acceptabilité sociale est devenue un enjeu pour tous les grands projets au Québec. Cette notion est utilisée fréquemment, dans la sphère publique et politique, lorsqu’il y a des divergences de points de vue sur un projet. Les projets miniers Uracan et Mine Arnaud à Sept-Îles ainsi que le centre de compostage au Complexe environnemental Saint-Michel à Montréal, pour n’en nommer que quelques-uns, ont tous retenu l’attention des médias en raison de questionnements émis quant à leur acceptabilité sociale. Ceci est également vrai pour certains projets éoliens et ceux impliquant des gaz de schiste. Le projet Matoush ne fait pas exception. Les trois organismes chargés d’évaluer le projet ont émis des réserves quant à l’acceptabilité sociale du projet, cependant, aucun organisme n’a défini ce qu’il entendait par « acceptabilité sociale ». Notre recherche présentée au chapitre 3 nous a permis de constater que l’acceptabilité sociale ne bénéficie pas d’une définition enchâssée et reconnue. À cet égard, nous notons également l’absence de directives gouvernementales, politiques, guides ou autres documents administratifs produits par le MDDEFP concernant ce sujet et représentant le motif invoqué dans l’Avis reçu par le promoteur. L’enjeu d’acceptabilité sociale a même été soulevé lors des récentes audiences publiques pour le projet de Mine Arnaud. Aucune définition n’a cependant été proposée. Le président de la commission d’enquête du BAPE a plutôt retourné la question à l’auditoire en prévision de la deuxième partie des audiences. Pour que l’acceptabilité sociale soit utilisée comme motif de refus pour le projet Matoush, ne doit-elle pas être davantage circonscrite? Dans sa réponse du 2 août 2013, le sous-ministre adjoint propose pour une toute première fois, une définition de l’acceptabilité sociale en citant un guide sur l’acceptabilité sociale développé par l’Institut du Nouveau Monde. « À titre indicatif, l’acceptabilité sociale peut être définie comme étant le résultat d’un processus par lequel les parties concernées construisent ensemble les conditions minimales à mettre en place, pour qu’un projet, programme ou politique s’intègre de façon harmonieuse, et à un moment donné, dans son milieu naturel et humain8 ». S’agit-il de la définition officielle du MDDEFP? Si oui, nous croyons qu’elle mérite d’être mieux délimitée. En l’absence de balises émises par le MDDEFP permettant de circonscrire la notion d’acceptabilité sociale et en nous basant sur notre recherche présentée au chapitre 3, nous comprenons que l’acceptabilité sociale d’un projet est un processus complexe qui implique une myriade de parties prenantes au sein desquelles il peut exister des divergences d’opinions. Il s’agit d’un processus fondamentalement collaboratif sur la base duquel les parties concernées doivent avant tout accepter de travailler ensemble. L’acceptabilité sociale est un processus évolutif qui doit être regardé sur l’ensemble du cycle de vie d’un projet puisque la prise en compte de nouvelles informations peut changer le point de vue des parties prenantes face au projet. Le cas de Minera San Cristóbal, producteur de zinc, de plomb et d’argent situé en Bolivie9, est utilisé 8 9 CARON-MALENFANT, J. et CONRAUD, T. (2009). Guide pratique de l’acceptabilité sociale : pistes de réflexion et d’action, Édition DPRM. MINERA SAN CRISTÒBAL S.A. (2011). Minera San Cristobàl, http://www.minerasancristobal.com. Consulté le 30 juillet 2013. 10 fréquemment dans la littérature pour présenter la nature évolutive de l’acceptabilité sociale d’un projet. Dans le cas de cette minière, la relation qui unit l’entreprise et les deux communautés avoisinantes directement impactées par le projet a été évaluée conjointement, par les communautés avoisinantes et le promoteur, sur une période de 14 ans. Au cours de cette période, soit entre les années 1994 à 2008, la perception des deux communautés à l’égard de la minière n’est pas demeurée statique, elle a plutôt fluctué de façon significative en fonction de bons et de moins bons coups de l’entreprise tout au long des étapes du projet.10 Les périodes caractérisées par une perception fortement négative envers l’entreprise ont été suivies par des périodes de reconsolidation des relations qui ont mené sur une longue période à construire l’acceptabilité sociale. Le chapitre 4 du présent rapport présente le graphique développé par l’entreprise et ses parties prenantes et offre davantage de détails sur le cas de Minera San Cristóbal. Le dynamisme de la relation entre l’entreprise et ses parties prenantes illustrée par le cas de Minara San Cristóbal démontre que l’acceptabilité sociale n’est jamais définitive, ni jamais tout à fait acquise, bien qu’elle soit toujours visée. L’acceptabilité sociale est un long processus où tous doivent chercher ensemble à bonifier le projet sur les volets environnementaux, sociaux et économiques. Ce constat est d’ailleurs confirmé dans la littérature et le rapport de l’Institut du Nouveau Monde auquel réfère le MDDEFP dans sa réponse. « On ne peut mesurer une fois pour toutes l’acceptabilité sociale, car elle est intangible. Elle est volatile. La découverte de nouvelles informations ou connaissances, l’arrivée de nouveaux acteurs, des changements dans le contexte économique, politique, social ou culturel, peuvent influencer l’humeur de la population concernée. C’est pourquoi il est important de la capter et d’agir avec célérité tout au long de la durée de vie d’un projet puisque l’acceptabilité sociale n’est pas définitive. » 11 3.2 Qu’est-ce qu’une « acceptabilité sociale suffisante »? Tel que mentionné précédemment, dans sa définition du 2 août 2013, le sous-ministre adjoint fourni une définition indicative de la définition d’acceptabilité sociale. Cependant, ce dernier ne fournit pas les critères d’évaluation de la « suffisance » de l’acceptabilité sociale et comment ils ont été appliqués au projet Matoush. Le COMEX semble exposer la mesure de cette suffisance en suggérant comme condition une entente écrite à ce sujet. « 1. Acceptabilité Les enjeux liés à un projet minier uranifère sortent de l’ordinaire. Le promoteur devra poursuivre ses démarches visant à informer et rassurer la population et particulièrement celle de la communauté crie de Mistissini, quant à son projet d’exploration minière et aux conséquences d’un éventuel projet d’exploitation du gisement uranifère à l’étude. Le promoteur devra obtenir le consentement des Cris, par l’intermédiaire de la Bande de Mistissini quant à l’acceptabilité sociale du projet, et devra s’engager dans une entente écrite à cet effet avec le Conseil de Bande ou une autre entité désignée par celui-ci. Cette entente devra être transmise pour information à l’Administrateur provincial et au COMEX avant le début des travaux d’excavation de la rampe. » (notre soulignement). ON COMMON GROUND CONSULTANTS INC AND ROBERT BOUTILIER AND ASSOCIATES (2012). The Social License to Operate, http://www.socialicense.com/action.html. Consulté le 30 juillet 2013. 11 INSTITUT DU NOUVEAU MONDE (2013). Étude sommaire sur les processus et les facteurs d’acceptabilité sociale pour le secteur industriel, Montréal, p. 3. 10 11 Cette absence de « consentement » sous la forme d’une « entente écrite » avec la communauté crie de Mistissini est aujourd’hui reprise dans l’Avis tel qu’il appert dans l’extrait suivant. « À notre connaissance, aucune entente entre vous et la communauté crie de Mistissini n’est depuis intervenue quant à l’acceptabilité sociale de votre projet. » Devrions-nous comprendre que le consentement écrit de la communauté crie de Mistissini, ou plutôt celui de son Conseil de bande, ferait en sorte que le projet jouirait d’une acceptabilité sociale suffisante? Le soutien exprimé par une seule partie prenante serait-il jugé suffisant par le MDDEFP et justifierait-il de permettre la réalisation du projet Matoush? Le cas échéant, si les Cris représentent cette partie prenante, ceci ne leur confère-t-il pas un droit de veto sur le projet situé sur des terres de catégorie III? Strateco soutient que le MDDEFP doit mieux définir l’acceptabilité sociale. Strateco souhaite connaître les critères utilisés pour évaluer « l’absence d’acceptabilité sociale suffisante » et comment ces derniers ont été appliqués au projet Matoush pour mener à l’émission de l’Avis. 4. Démarche de consultation et d’information entreprise par Strateco Depuis l’acquisition des titres miniers du projet Matoush, Strateco, consciente de l’importance de la communauté crie de Mistissini, n’a pas ménagé les efforts pour établir une relation fondée sur le dialogue avec la Nation crie de Mistissini et plus particulièrement avec les familles possédant les lignes de trappe, soit les tallymen. Précisons que cette orientation de communication a été prise lors de la première rencontre entre Strateco et le Conseil de bande de Mistissini, en mai 2007, durant laquelle étaient aussi présents des membres de la communauté. À cet effet, depuis février 2008, et ce, à chaque année incluant 2013, des réunions annuelles ont eu lieu avec ces familles. À la suite des audiences publiques du COMEX/COFEX-S, reconnaissant le besoin de renforcer la démarche amorcée auprès de la communauté crie de Mistissini, et non seulement des tallymen, Strateco a collaboré avec le Cree Mineral Exploration Board (CMEB), une organisation reconnue par la communauté afin de partager adéquatement l’information à l’ensemble de la communauté (the « Cree Way »). Par la suite, une Entente de communication et d’information (« l’Entente ») a été signée, le 23 décembre 2011, directement avec le Conseil de bande. Cette entente qui édictait les mécanismes de communication entre les deux parties établissait également les fondements d’une plus grande collaboration et d’une meilleure communication. L’Entente devait permettre d’échanger de l’information afin de répondre aux questionnements et préoccupations de la communauté sur le projet Matoush et sur l’uranium en général, et ce, pour toute la durée de la phase d’exploration avancée. À titre d’exemple, dans le cadre de cette entente, Strateco s’était engagée à : • Veiller à ce que la Communauté reçoive, en temps opportun, tous les renseignements pertinents et utiles pour mieux comprendre les impacts du projet Matoush, y compris les impacts sur la communauté ainsi que sur les territoires de trappes lors de la phase d’exploration souterraine. • Répondre, en temps opportun, aux préoccupations soulevées au cours des réunions publiques et fournir des réponses et une rétroaction sur ces préoccupations à la communauté crie de Mistissini. 12 • Prendre les mesures nécessaires pour accorder un mandat pour la réalisation, dans des délais raisonnables et appropriés, une étude indépendante des eaux souterraines et de surface provenant du projet Matoush en direction du lac Mistassini. • Organiser, à la demande de la Communauté, des réunions d’information sur le projet Matoush, en collaboration avec d’autres organisations, ciblées pour l’association des femmes autochtones, le conseil des anciens, l’association des trappeurs Cris. Pour reprendre la définition de l’acceptabilité sociale mise de l’avant par le MDDEFP, cette entente allant audelà des exigences légales, devait permettre aux deux parties de « [construire] ensemble les conditions minimales à mettre en place, pour [que le] projet […] s’intègre de façon harmonieuse, et à un moment donné, dans son milieu naturel et humain.12 » La mise en œuvre de l’entente devait s’échelonner tout au long de la phase d’exploration avancée du projet prévue sur un horizon de quatre ans. Sans avoir fait l’objet d’aucune discussion, cette entente a été résiliée de façon unilatérale et sans aucun motif par le Conseil de bande dans une lettre envoyée le 22 janvier 2013. Suite à cette résiliation, Strateco a dû mettre en veilleuse des activités qui auraient sans aucun doute permis de poursuivre et d’améliorer la communication d’information pertinente. Le chapitre 4 présente les activités réalisées par le promoteur afin de consulter et d’informer les parties prenantes, et plus particulièrement la communauté crie de Mistissini. Ce même chapitre présente ce que Strateco n’a pas été en mesure de faire. Les procès-verbaux du comité de l’Entente sont disponibles en annexe afin de démontrer que Strateco n’a, en aucun temps, ménagé les efforts pour collaborer avec la communauté crie (Annexe 2). En résumé, le promoteur croit avoir utilisé un processus de consultation et d’information rigoureux et ne pas avoir lésiné sur les efforts pour l’adapter en fonction des besoins exprimés par les Cris. Tel que présenté dans le chapitre 5, Strateco a mis en application plusieurs des bonnes pratiques recommandées pour un projet à l’étape de l’exploration par le Conseil Patronat de l’environnement du Québec (« CPEQ ») dans son Guide de bonnes pratiques afin de favoriser l’acceptabilité sociale des projets ainsi que par l’Institut du Nouveau Monde dans son rapport Étude sommaire sur les processus et les facteurs d’acceptabilité sociale pour le secteur industriel. Ces deux guides sont d’ailleurs cités par le sous-ministre adjoint dans sa lettre du 2 août 2013. Strateco est allée bien au-delà des exigences légales relatives à la consultation des autochtones. 5. Conclusion Nous sommes d’avis que le MDDEFP dispose de tous les éléments nécessaires pour prendre une décision favorable à l’égard du projet Matoush, et ce, dans les plus brefs délais. Strateco est en attente d’une décision de la part du MDDEFP depuis le 2 août 2011, soit la date à laquelle le COMEX a recommandé l’autorisation du projet. Plus de deux années se sont écoulées au cours desquelles l’entreprise a été gardée dans l’ignorance quant à l’intention du Ministre. Cette période a été caractérisée par des pertes d’emplois bien rémunérés (85 mises à pied), mais également par une incertitude marquée quant aux 125 millions de dollars que l’entreprise, par le biais de ses investisseurs, a déjà injecté au Québec. Cette situation ne peut perdurer. 12 CARON-MALEFANT, J. et CONRAUD, T. (2009). Guide pratique de l’acceptabilité sociale : pistes de réflexion et d’action, Édition DPRM. 13 Rappelons que la demande de certificat d’autorisation porte sur un projet d’exploration et non d’exploitation. Il n’est pas raisonnable d’exiger que le promoteur apaise toutes les craintes et réponde à toutes les préoccupations exprimées à cette étape du projet. D’ailleurs le MDDEFP avait accepté que Strateco ne réponde pas à certaines exigences contenues dans la directive parce qu’il avait jugé prématuré de le faire, notamment en ce qui concerne les questions relatives au parc à résidus miniers. La phase d’exploration avancée est essentielle afin d’approfondir les données techniques et ainsi permettre de fournir des réponses plus précises aux préoccupations exprimées. Lors d’un récent voyage à Anticosti, le Ministre Yves-François Blanchet reconnaissait lui-même qu’il fallait attendre la fin de l’exploration avant d’étudier les risques associés à l’exploitation d’un projet. « C’est seulement une fois que les entreprises auront terminé l’exploration sur Anticosti que le gouvernement mandatera le Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE) pour étudier les risques de l’exploitation. Pour le moment, on ignore totalement combien de forages et d’opérations de fracturation seront nécessaires avant de statuer sur la possibilité d’extraire du pétrole.13» Pourquoi le Ministre adopte-t-il une position opposée au regard du projet Matoush en annonçant à Strateco son intention de lui refuser son certificat d’autorisation? De plus, tel que démontré, nous sommes d’avis que l’acceptabilité sociale d’un projet se définie sur une échelle de temps beaucoup plus longue que la photo prise par le MDDEFP à l’appui de son refus. Ainsi, nous soumettons que le Ministre ne peut ignorer la phase à laquelle un projet est rendu lorsqu’il est appelé à statuer sur l’acceptabilité sociale de celui-ci. Dans le cas qui nous occupe, le projet n’est qu’au stade de l’exploration. Partant, certaines informations afférentes au projet peuvent légitimement demeurer manquantes, sans que cela ne soit dû au manque d’intérêt du promoteur, mais simplement au niveau d’avancée du projet. Nous croyons donc qu’il faut faire preuve de prudence avant de juger prématurément celui-ci. De plus, le Ministre doit considérer le caractère intrinsèquement évolutif de l’acceptabilité sociale. À titre d’exemple, pensons ici au fait qu’aujourd’hui les Cris se disent totalement opposés au projet, ayant rompu tout vecteur de communication, alors qu’en décembre 2011, ils concluaient l’Entente de communication et d’information avec Strateco. L’acceptabilité sociale ne se limite pas à un « consentement écrit » par une partie prenante à un moment précis dans le temps. Strateco a appliqué les grands principes d’une démarche d’acceptabilité sociale selon les guides de bonnes pratiques et a excédé les exigences légales à cet égard. Dans l’esprit de l’Entente de communication et d’information qui a été signée entre Strateco et le Conseil de bande, les parties concernées acceptaient de collaborer, de s’écouter et d’échanger leurs points de vue respectifs. Ce qui n’a pas été le cas. Strateco ne peut travailler seule. Les craintes et les préoccupations doivent être objectivées. Le promoteur ne peut intervenir adéquatement sans une communication claire. À cet égard, la communauté crie de Mistissini a choisi, et ce, malgré la volonté de Strateco, de fermer la porte aux discussions en résiliant l’Entente. 13 SHIELDS, A. (2013). « Environnement – Québec se voit comme « partenaire » des pétrolières ». Le Devoir, 23 mai. 14 Enfin, l’acceptabilité sociale d’un projet ne peut se limiter au point de vue d’une seule partie prenante. En l’absence d’une réponse à notre question concernant les critères utilisés pour apprécier « l’absence d’une acceptabilité sociale suffisante », nous comprenons que le Ministre reconnait que sans le « consentement écrit » des Cris, par l’entremise de son Conseil de bande, le projet ne jouira pas d’une acceptabilité sociale suffisante et ne pourra pas se réaliser. Ceci étant, Strateco comprend que le Ministre accorde un droit de veto au Conseil de bande sur des terres de catégorie III. Si tel était le cas, il s’agirait là d’un précédent historique dans le développement de ressources naturelles au Québec. 15 Document de support 16 Ce document de support contient cinq chapitres qui appuient les observations contenues dans le chapitre 1. Les chapitres contenus à ce support couvrent l’approche méthodologique (chapitre 2), le concept d’acceptabilité sociale (chapitre 3), la démarche de consultation et d’information mise en œuvre par Strateco pour le projet Matoush (chapitre 4), l’analyse de la démarche d’information et de consultation mise en œuvre par Strateco au regard des meilleures pratiques publiées en matière d’acceptabilité sociale au Québec (chapitre 5), enfin, la conclusion du rapport (chapitre 6). Chapitre 2 Méthodologie Ce chapitre décrit l’approche méthodologique utilisée pour structurer l’analyse de ce rapport. 2.1 Périmètre des recherches documentaires Les recherches effectuées dans le cadre de la préparation des observations ont été réalisées comme suit : Une recherche générale sur le concept « d’acceptabilité sociale » a été effectuée afin d’établir sa portée et ses balises. Par la suite, une recherche élargie a été réalisée en utilisant les termes « social acceptability », « social acceptance », « licence sociale », « social licence », « consentement libre et éclairé des communautés » et « Free, Prior and Informed Consent ». Ces concepts étant étroitement liés et comportant des similitudes avec celle « d’acceptabilité sociale » ont été jugées pertinents pour extraire des éléments de contenu plus tangibles à appliquer à l’acceptabilité sociale. 2.2 Démarche méthodologique 2.2.1 Recherche jurisprudentielle sur l’acceptabilité sociale Une recherche jurisprudentielle a été conduite sur un large éventail de juridictions, notamment le Canada, les États-Unis, l’Australie, les Philippines ainsi que plusieurs pays d’Amérique latine. Diverses bases de données ont été consultées dont HeinOnLine, Azimut et Google Scholar. Les moteurs de recherche dont Canadian Legal Information Institute (CanLII), la Société québécoise d'information juridique (jugements.qc.ca) et le Centre d’Accès à l’information juridique (CAIJ) ont également été utilisés. L’objectif de cette recherche jurisprudentielle était de relever des décisions précédemment rendues portant sur l’acceptabilité sociale de projets ou des notions connexes dans le secteur des ressources naturelles. 2.2.2 Recherche sur les directives gouvernementales, politiques et guides publiés par des instances gouvernementales Une recherche a été effectuée sur les directives gouvernementales, les politiques ainsi que les guides publiés par des instances gouvernementales au Canada. Les trois paliers de gouvernement ont été ciblés, soit le gouvernement fédéral, les gouvernements provinciaux ainsi que les administrations municipales. Cette recherche avait pour objectif d’établir la portée et les balises du concept d’acceptabilité sociale telle que définie par les trois paliers de gouvernement. 2.2.3 Révision de publications/guides/bonnes pratiques publiés par des associations sectorielles, groupes de recherches et universités En raison de l‘absence de directives gouvernementales, politiques et guides, une recherche élargie sur les publications et guides publiés par des associations sectorielles, groupes de recherches et universités a été 17 réalisée. Certains guides et bonnes pratiques s’appliquent au secteur minier et sont utilisés par les entreprises, notamment les guides et bonnes pratiques préparés par le International Council on Mining and Metals (Conseil International des Mines et Métaux (ICMM)), le International Finance Corporation (Société financière internationale), le Conseil patronal de l’environnement du Québec (CPEQ) et l’Institut du Nouveau Monde (INM). Chapitre 3 Acceptabilité sociale Ce chapitre tente de fournir différents éléments théoriques visant à situer et délimiter le concept d’acceptabilité sociale. L’objectif de ce chapitre n’est pas d’apporter une nouvelle définition à la notion d’acceptabilité sociale mais plutôt d’établir le fondement conceptuel sur lequel s’appuient les observations du promoteur. 3.1 Définitions de l’acceptabilité sociale 3.1.1 Définition légale de l’acceptabilité sociale Il est important de noter que la notion d’acceptabilité sociale ainsi que les notions connexes, telles que licence sociale et consentement libre préalable et éclairé, prennent naissance dans le domaine des sciences sociales et des sciences naturelles. L’expression spécifique « acceptabilité sociale » demeure, selon les recherches effectuées, absente de la législation québécoise. En effet, les paragraphes b), c), f) et g) de l’article 152 de la Loi sur la qualité de l’environnement ainsi que la Loi sur le développement durable ne font pas expressément référence au concept d’acceptabilité sociale. Ces mêmes dispositions légales ne comportent également aucune référence, expresse ou implicite, au besoin qu’une population concernée par un projet, en l’occurrence les Cris de Mistissini, consente à celui-ci, voire qu’elle fasse part de leur consentement écrit à l’existence d’une telle acceptabilité sociale. Enfin, le concept d’acceptabilité sociale n’a pas encore, à ce jour, été analysé et documenté par les tribunaux québécois. En somme, plusieurs questions sont en suspens quant à cette notion qui pourrait d’autant être appelée à évoluer au cours des prochaines années. 3.1.2 Définition de l’acceptabilité sociale dans le monde Le concept d’acceptabilité sociale ne bénéficie pas d’une définition enchâssée et reconnue bien que le terme soit utilisé abondamment dans la littérature ou dans la sphère publique. L’une des définitions les plus fréquemment citée pour expliquer l’origine du concept d’acceptabilité sociale est la suivante : « L’acceptation anticipée d’un risque à court et à long terme qui accompagne, soit un projet, soit une situation14 ». Cette définition, quoique qu’incomplète lorsque regardée seule, confère une notion de gestion des risques à 14 BECK, U. (2001). La société du risque, Paris, Ed. Aubier. 18 l’acceptabilité sociale. Cette définition dépeint l’acceptabilité sociale comme un événement dont l’occurrence est incertaine. La gestion des risques est un facteur essentiel de succès pour tous types d’entreprises. Les risques de nature financière ou opérationnelle sont généralement connus des entreprises. L’acceptabilité sociale, quant à elle, représente un risque important pour une entreprise, puisqu’elle peut avoir une incidence marquée sur la réputation de l’entreprise ou sur la continuité de ses opérations. L’entreprise peut tenter de mitiger le risque inhérent de l’occurrence d’un refus massif de son projet en mettant sur pied une démarche d’acceptabilité sociale, mais, malgré les efforts, le risque pourrait néanmoins se matérialiser à court ou à long terme. Les bonnes relations avec les parties prenantes sont donc perçues comme étant un prérequis en terme de saine gestion des risques. 3.1.3 Définition de l’acceptabilité sociale au Canada et au Québec Il est difficile d’identifier précisément le moment où le concept d’acceptabilité sociale a commencé à être invoqué dans l’espace public et politique au Canada et au Québec. Nous notons l’absence de directives gouvernementales, de politiques ou de guides publiés par le gouvernement fédéral ou les gouvernements provinciaux, incluant le Québec, visant à établir la portée et les balises du concept d’acceptabilité sociale. Le récent Guide sur l’exploration et l’exploitation minières pour les communautés autochtones15 publié en 2013 grâce à un partenariat entre Ressources naturelles Canada, Affaires autochtones et Développement du Nord Canada, l’Association minière du Canada, l’Association canadienne des prospecteurs et entrepreneurs et la Canadian Aboriginal Minerals Association ne fait aucune mention de ce concept. Au Québec, les définitions les plus couramment rapportées pour définir l’acceptabilité sociale sont les suivantes : « Le résultat d’un processus par lequel les parties concernées construisent ensemble les conditions minimales à mettre en place, pour qu’un projet, programme ou politique s’intègre de façon harmonieuse, et à un moment donnée, dans son milieu naturel et humain.16 » « Le résultat d’un processus de construction et des interactions entre les membres d’une communauté. La notion d’acceptabilité sociale n’est pas absolue. Elle est relative au contexte, aux circonstances, aux caractéristiques d’un milieu à un moment donnée, aux conditions socioéconomiques de la communauté impliquée au moment où apparaît un projet, au cadre institutionnel dans lequel les décisions sont prises, aux politiques nationales qui s’appliquent, au cadre de gouvernance du projet, à l’identité du promoteur, à la nature des rapports sociaux et des rapports de force au sein de la communauté et à une foule d’autres facteurs. 17» Sur la base de notre revue de la littérature, des dénominateurs communs semblent exister en ce qui a trait à l’acceptabilité sociale : • La recherche d’acceptabilité sociale ne se limite pas aux exigences légales en lien avec l’information et la consultation auxquelles sont assujetties les entreprises en vertu des lois et des règlements.18 Les entreprises doivent se conformer aux exigences liées à leur permis ou RESSOURCES NATURELLES CANADA et al. (2013). Guide sur l’exploration et l’exploitation minières pour les communautés autochtones, Ottawa. CARON-MALENFANT, J. et CONRAUD, T. (2009). Guide pratique de l’acceptabilité sociale : pistes de réflexion et d’action, Édition DPRM. 17 INSTITUT DU NOUVEAU MONDE (2013). Étude sommaire sur les processus et les facteurs d’acceptabilité sociale pour le secteur industriel, Montréal, p. 3. 18 CONSEIL PATRONAL DE L’ENVIRONNEMENT DU QUÉBEC (2012). Guide de bonnes pratiques afin de favoriser l’acceptabilité sociale des projets, Montréal, p. 3. 15 16 19 licence d’exploration ou d’exploitation. Toutefois, bien que les entreprises œuvrent dans des secteurs réglementés, il est entendu qu’elles doivent s’élever au-delà du cadre législatif et réglementaire afin d’informer, de consulter et d’engager leurs parties prenantes. • En l’absence de directives gouvernementales visant à encadrer le processus d’acceptabilité sociale, la démarche d’acceptabilité sociale est laissée à la discrétion des entreprises. Une entreprise ne peut donc pas se conformer à des exigences particulières, celles-ci n’ayant pas été définies. Les entreprises doivent donc concevoir leur stratégie propre en fonction des besoins associés à leur projet respectif.19 Ceci étant, les entreprises peuvent s’inspirer de plusieurs guides présentant des bonnes pratiques publiées, notamment par des associations sectorielles, des centres de recherche ou universités. Certains guides de bonnes pratiques sont présentés dans la section 3.3. • L’acceptabilité sociale d’un projet est un processus complexe qui implique les intérêts de plusieurs parties prenantes. Chaque promoteur doit composer avec une myriade de parties prenantes dont les communautés locales, les clients, les pouvoirs publics, les financiers, les banques, les fournisseurs, les actionnaires, les médias, etc. Ces parties prenantes peuvent s’intéresser aux aspects économiques, environnementaux ou sociaux d’un projet. Elles ont toutes des préoccupations, des enjeux et des intérêts différents, d’où la complexité de bâtir un processus d’acceptabilité sociale. Il est important pour le promoteur de ne pas se limiter à une catégorie de partie prenante, mais de plutôt prendre en considération l’ensemble de celles-ci. De plus, il importe de ne pas oublier qu’au sein d’un même groupe, tel qu’une communauté, il peut exister des divergences d’opinions. • Les parties concernées doivent travailler « ensemble » à l’élaboration des conditions visant à rendre le projet acceptable et à promouvoir les avantages mutuels. L’importance pour le promoteur de travailler de concert avec les parties prenantes ne peut être négligée puisqu’il s’agit d’un processus fondamentalement collaboratif. L’acceptabilité sociale d’un projet est favorisée lorsque le projet s’intègre harmonieusement dans la communauté grâce à une « co-construction » avec les parties prenantes20. • Il est important de placer l’accent non pas sur le résultat, mais bien sur le processus par lequel les parties concernées travaillent ensemble à l’élaboration des conditions visant à rendre le projet acceptable. Il va sans dire que la démarche empruntée par le promoteur variera en fonction de la phase à laquelle se situe le projet. Au stade de l’exploration, les répercussions sociales, environnementales et économiques ne sont pas encore connues avec précision. En effet, ces dernières se raffinent à partir de plans plus détaillés et de l’évaluation des impacts environnementaux et sociaux avant la phase d’exploitation car plus de données sont alors disponibles. INTERNATIONAL FINANCE CORPORATION (2007). Dialogue avec les Parties Prenantes : Le Manuel des bonnes pratiques pour les entreprises réalisant des affaires sur les marchés en développement, Washington, p. 4. 20 CONSEIL PATRONAL DE L’ENVIRONNEMENT DU QUÉBEC (2012). Guide de bonnes pratiques afin de favoriser l’acceptabilité sociale des projets, Montréal, p. 8. 19 20 • L’acceptabilité sociale est un processus de longue haleine. Plusieurs exemples dans la littérature illustrent ce point, dont le cas de Minera San Cristóbal. Ce cas sera abordé de façon plus détaillée ci-dessous (section 3.1.5). L’acceptabilité sociale de ce projet a été évaluée sur une période de 14 ans démontrant ainsi l’importance de regarder l’acceptabilité sociale sur la durée de vie du projet. 21 L’acceptabilité sociale en soi est une destination, un objectif à atteindre, et le chemin pour s’y rendre peut être long et semé d’embuches. Pour tenter de définir l’acceptabilité sociale et établir ses balises, il est tout aussi important de préciser ce que l’acceptabilité sociale n’est pas. Une certaine forme de consensus existe autour des éléments suivants : • L’acceptabilité sociale n’est pas absolue.22 En effet, chaque projet est un cas d’espèce et est fondamentalement unique en raison du contexte qui lui est propre.23 Le promoteur doit donc construire et déployer un programme d’activités qui lui permettra de consolider les conditions d’acceptabilité sociale propres à son projet et propres au contexte dans lequel il évolue. • L’acceptabilité sociale n’est pas caractérisée par une absence de conflit à propos d’un projet24. Certaines parties prenantes peuvent s’opposer au projet et continueront de s’opposer au projet malgré les efforts déployés par le promoteur. Il est donc faux de penser qu’un projet puisse recueillir une adhésion unanime ou entière de toutes les parties prenantes. Pour ce faire, le promoteur ne peut pas tenir compte uniquement des voix discordantes. Il doit également prendre en considération les supporteurs d’un projet. 3.1.4 Vers l’acceptabilité sociale d’un projet Le cas de l’entreprise minière Minera San Cristóbal est utilisé dans cette section afin de mettre en application certains des éléments théoriques énumérés ci-haut. Il est important de préciser que toutes les informations présentées dans cette section proviennent du domaine public. L’information n’a pas été corroborée par des discussions avec l’entreprise ni avec les communautés impactées par le projet. Minera San Cristóbal est un important producteur de zinc, de plomb et d’argent. Le projet San Cristóbal est situé dans l’altiplano sud de la Bolivie, soit dans le département de Potosi.25 L’acceptabilité sociale du projet a été évaluée sur une période de 14 ans, soit entre les années 1994 à 2008, et ce, conjointement par l’entreprise et les deux parties prenantes concernées par le projet. Le résultat de cette évaluation est présenté dans le graphique ci-dessous, ce dernier a d’ailleurs été validé par les deux communautés.26 ON COMMON GROUND CONSULTANTS INC AND ROBERT BOUTILIER AND ASSOCIATES (2012). Case History – Minera San Cristóbal, http://www.socialicense.com/action.html. Consulté le 30 juillet 2013. INSTITUT DU NOUVEAU MONDE (2013). Étude sommaire sur les processus et les facteurs d’acceptabilité sociale pour le secteur industriel, Montréal, p. 3. 23 LEHMANN, V. et MOTULSKY, B. (2013). Communication et grands projets, les nouveaux défis, Québec, Presses de l’Université du Québec. 24 CONSEIL PATRONAL DE L’ENVIRONNEMENT DU QUÉBEC (2012). Guide de bonnes pratiques afin de favoriser l’acceptabilité sociale des projets, Montréal, p. 6. 25 MINERA SAN CRISTÒBAL S.A. (2011). Minera San Cristòbal, http://www.minerasancristobal.com. Consulté le 30 juillet 2013. 26 ON COMMON GROUND CONSULTANTS INC AND ROBERT BOUTILIER AND ASSOCIATES (2012). The Social License to Operate, http://www.socialicense.com/action.html. Consulté le 30 juillet 2013. 21 22 21 Les projets miniers étant tous très différents les uns des autres, il peut s’avérer réducteur de tirer des conclusions sur la base de l’expérience d’une entreprise opérant dans un contexte économique, politique, social et culturel différent. L’objectif de cette analyse n’est donc pas de juger de la suffisance des actions de Minera San Cristóbal, de l’adéquation de la démarche déployée par l’entreprise auprès de ses parties prenantes ni de son attitude envers les deux communautés. Cependant, certains constats portant exclusivement sur l’évaluation mutuelle de la relation entre l’entreprise et ses parties prenantes sont intéressants à soulever. • La perception des deux communautés à l’égard de la minière n’est pas demeurée statique au cours de la période de 14 ans, elle a plutôt fluctué de façon significative. Loin d’être un long fleuve tranquille, la période de 1994-2008 a été ponctuée de bons et de moins bons coups, qui ont à leur tour solidifié, et érodé la perception des communautés avoisinantes. • Les périodes caractérisées par une perception fortement négative de l’entreprise (2001 et 2005) ont été suivies par des périodes de reconstruction au cours desquelles l’entreprise a tenté de rebâtir sa crédibilité aux yeux de ses parties prenantes. • La perception des deux communautés s’est avérée très différente entre la phase de l’exploration, celle de la construction et de l’exploitation. • Au cours de la période de 14 ans, seules quatre années sont caractérisées par une relation de confiance entre l’entreprise et ses parties prenantes (1998 à 2001). En somme, si un observateur externe ne regardait que les années 2001 et 2005 de façon isolée, sans prendre en considération les 14 années, il pourrait arriver à la fausse conclusion qu’il n’existe pas d’acceptabilité sociale pour le projet. Les relations humaines sont à la base même du processus d’acceptabilité sociale et ces dernières sont reconnues comme étant dynamiques et évolutives. L’acceptabilité sociale représente un processus complexe, qui n’est pas inscrit à une date précise dans le temps, mais qui est plutôt de très longue haleine. C’est pourquoi l’acceptabilité sociale se construit au jour le jour sur l’ensemble du cycle de vie d’un projet. 22 Elle ne peut donc pas être confirmée et acquise à un moment précis. 3.1.5 Mesurer l’acceptabilité sociale Après avoir tenté de jeter les bases de l’acceptabilité sociale en identifiant des éléments centraux et en précisant ce que n’est pas l’acceptabilité sociale, la question de la « suffisance » telle qu’évoquée dans l’Avis du Ministre revêt une importance toute particulière. Comment une entreprise peut-elle juger qu’elle a obtenu une acceptabilité sociale « suffisante » ou, au contraire, qu’elle se trouve en situation « d’absence d’acceptabilité sociale suffisante »? Existe-t-il des critères définissant cette suffisance? Dans son Guide de bonnes pratiques afin de favoriser l’acceptabilité sociale des projets, le CPEQ a tenté, en vain, de répondre à cette question: « Mais à partir de quel moment une entreprise pourra-t-elle conclure à l’acceptabilité sociale d’un projet sachant au départ qu’elle ne pourra jamais recueillir 100% d’adhésion des parties prenantes? La consultation que le CPEQ a menée auprès de diverses parties prenantes n’a pas permis d’obtenir une réponse à cette question fondamentale. Est-ce qu’une acceptabilité sociale suffisante consiste à recueillir 70%, 80% 90% d’appui? Est-ce que l’appui de chaque partie prenante revêt la même valeur probante, la même légitimité? Est-ce que le traitement médiatique a une valeur probante? Ces questions sont de nature qualitative et les variables qui les influencent sont multiples et différentes selon chaque situation. Il est donc impossible de fournir une réponse standard à cette question. 27» Il appert donc difficile de juger de la « suffisance » de l’acceptabilité sociale dont jouit un projet. Du moins, il ne semble pas exister de seuil établi ou reconnu pour en faire la démonstration. L’institut du Nouveau Monde s’est, à son tour, penché sur la question et présente une vision différente : « […] la mesure de l’acceptabilité sociale ne peut se limiter à un sondage ou à un vote, qui ont souvent la caractéristique de polariser les positions (en faveur ou contre un projet) sans possibilité d’exprimer un sentiment d’indécision ou de permettre de contribuer à l’évolution d’un projet. Ces outils ne peuvent remplacer un processus plus élaboré d’acceptabilité sociale et ne permettent pas de tenir compte de portions significatives, sans toutefois être majoritaires, de la population dans un milieu donné. 28» « On ne peut mesurer une fois pour toutes l’acceptabilité sociale, car elle est intangible. Elle est volatile. La découverte de nouvelles informations ou connaissances, l’arrivée de nouveaux acteurs, des changements dans le contexte économique, politique, social ou culturel, peuvent influencer l’humeur de la population concernée. C’est pourquoi il est important de la capter et d’agir avec célérité tout au long de la durée de vie d’un projet puisque l’acceptabilité sociale n’est pas définitive.29 » Le CPEQ et l’INM s’entendent pour dire qu’il est difficile, voire impossible, de mesurer l’acceptabilité sociale en raison de son intangibilité et de sa volatilité. L’INM invoque également la difficulté de mesurer CONSEIL PATRONAL DE L’ENVIRONNEMENT DU QUÉBEC (2012). Guide de bonnes pratiques afin de favoriser l’acceptabilité sociale des projets, Montréal, p. 6. 28 INSTITUT DU NOUVEAU MONDE (2013). Étude sommaire sur les processus et les facteurs d’acceptabilité sociale pour le secteur industriel, Montréal, p. 3. 29 INSTITUT DU NOUVEAU MONDE (2013). Étude sommaire sur les processus et les facteurs d’acceptabilité sociale pour le secteur industriel, Montréal, p. 3. 27 23 l’acceptabilité sociale au moyen d’un sondage ou d’un vote à main levée puisque ces moyens ne permettent généralement pas aux indécis ou aux personnes qui ont une opinion contraire à la position majoritaire de s’exprimer. 3.2 Les principes de l’acceptabilité sociale Une revue de la littérature permet d’extraire certains grands principes généraux qui sous-tendent l’acceptabilité sociale : • Intégrité : le promoteur doit faire preuve de bonne foi dans ses interactions avec les parties prenantes. Puisqu’il s’agit d’une relation bidirectionnelle, les parties prenantes doivent également faire preuve de bonne foi dans leurs échanges avec le promoteur. • Respect : les relations entre le promoteur et les parties prenantes doivent être empreintes de respect mutuel. Bien que des divergences d’opinions puissent exister et que des conflits puissent subvenir, il importe de maintenir le dialogue afin de trouver des solutions acceptables aux parties, et ce, dans le respect de chacun. • Écoute, ouverture et flexibilité : le promoteur doit écouter les parties prenantes et démontrer qu’il prend en considération les commentaires reçus dans l’élaboration du projet. Les parties prenantes doivent, à leur tour, faire preuve d’écoute, d’ouverture et de flexibilité. En effet, dans les phases préliminaires d’un projet, les données demandées ne sont pas forcément disponibles. • Transparence : le promoteur et les parties prenantes doivent partager de l’information sur le projet. Cette information doit également inclure les risques ainsi que les impacts sociaux, environnementaux et économiques en lien avec le projet. Pour ce faire, le promoteur doit concevoir des modes de partage et d’échange d’information avec les parties prenantes. • Collaboration : le promoteur et les parties prenantes doivent travailler ensemble à l’élaboration des conditions visant à rendre le projet acceptable et à promouvoir les avantages mutuels. Une intégration harmonieuse ne peut se réaliser sans la « co-construction » des conditions de succès. • Continuité : la relation entre le promoteur et ses parties prenantes doit être maintenue tout au long du cycle de vie du projet. 3.3 Les bonnes pratiques documentées en matière d’acceptabilité sociale La présente section fait un bref survol des meilleures pratiques en ce qui a trait au processus d’acceptabilité sociale des projets, tels que défini dans des guides et publications développés par des associations sectorielles, organismes, centres de recherche et autres. Les guides et bonnes pratiques préparés par le International Council on Mining and Metals (Conseil International des Mines et Métaux (« ICMM »)) et le International Finance Corporation (Société financière internationale) ont été sélectionnés puisqu’ils sont utilisés par de nombreuses entreprises minières à travers le monde, principalement dans les pays en développement. Les guides préparés par le Conseil patronal de l’environnement du Québec (« CPEQ ») et l’Institut du Nouveau Monde (« INM ») sont, quant à eux, applicables au contexte québécois et constituent deux sources citées par le MDDEFP dans sa réponse à Strateco datée du 2 août 2013. Finalement, le Consentement libre, préalable et éclairé (« CLPE ») est un principe qui a été instauré par l’Organisation internationale du travail pour protéger les droits des peuples 24 autochtones et qui mérite, selon nous, d’être exploré. Il est important de préciser que les bonnes pratiques mises de l’avant se rapportent à des « projets » et non à des « filières » à part entière, telle que la filière uranifère ou éolienne. De plus, comme le projet Matoush se situe aujourd’hui à l’étape de l’exploration avancée, seules les bonnes pratiques en lien avec la phase d’exploration et la phase de faisabilité ont été évaluées. Les bonnes pratiques portant sur les phases subséquentes, telles que la construction, l’exploitation et la fermeture n’ont pas été analysés. 3.3.1 Conseil International des Mines et Métaux Le Conseil International des Mines et Métaux (ICMM) s’est doté d’une double mission, soit de faire valoir les pratiques exemplaires que se sont confiées les membres au sein de l’industrie des mines et des métaux et de contribuer à rehausser les normes de rendement dans l’ensemble de l’industrie. Dans son guide Boîte à Outils de Développement Communautaires publié30 en février 2013, l’ICMM présente un certain nombre de bonnes pratiques que les entreprises minières peuvent mettre en application afin de gérer les relations avec les communautés selon les phases du cycle de leur projet. Le tableau suivant présente les bonnes pratiques : Description Recommandations Phase 1 : Exploration La nature des relations entre l’entreprise et les communautés locales est établie et donne généralement le ton des relations futures. C’est un moment délicat car, au tout début au moins, il existe un décalage inhérent entre les intérêts des communautés qui souhaitent une divulgation complète de l’information et une relation durable, et les intérêts des équipes d’exploration qui sont dans l’incertitude quant à leurs futures activités dans la région et qui partiront s’il n’y a pas de prospections prometteuses à suivre. 30 • Engager un agent chargé des relations avec la communauté, à plein temps ou à mi-temps • Identifier les parties prenantes locales et entamer un dialogue avec elles • Informer la communauté sur le programme d’exploration • Étude documentaire de la communauté locale • Recueillir des données essentielles • Gérer les expectatives grâce à la communication • Établir un processus communautaire conciliatoire de gestion des griefs • Engager et acheter localement • Investir dans des initiatives communautaires afin de neutraliser les impacts et de soutenir des initiatives durables CONSEIL INTERNATIONAL DES MINES ET MÉTAUX (2013). Boîte à outils de Développement Communautaire, Londres, p. 19-20. 25 Phase 2 : Faisabilité Importantes occasions pour l’entreprise d’établir des relations avec les communautés locales afin de mettre au point une bonne compréhension des besoins sociaux, environnementaux et de développement, des priorités, des préoccupations, etc., et de renseigner les communautés sur plusieurs cas possibles de développement de la mine et sur le calendrier. • Engager des experts en matière de données sociales essentielles et d’impact • Engager plus d’agents chargés des relations avec la communauté au fur et à mesure de l’augmentation des activités d’études locales • Augmenter le niveau de mobilisation des parties prenantes • Fournir plus de détails sur les plans du projet et chercher à comprendre les priorités communautaires • Mécanisme conciliatoire • Étude socio-économique de base • Évaluation de l’impact social et des opportunités • S’assurer que les communautés comprennent l’incertitude de l’avenir du projet • Augmentation des investissements l’intensification des activités • Développer les indicateurs de suivi • Élaboration de rapports sur les changements observés et les réactions de la communauté communautaires pour compenser L’ICMM prône l’établissement de relations entre le promoteur et les parties prenantes au tout début du projet, soit en amont de la phase de construction et d’aménagement de la mine. Cependant, il est mentionné dans le guide que lors de la phase d’exploration, il existe un décalage important entre les intérêts des parties prenantes et ceux du promoteur. En effet, il est expliqué que, lors de cette phase, les parties prenantes désirent une divulgation complète de l’information, tels que les risques, les impacts sociaux, économiques et environnementaux, pour n’en nommer que quelques-uns, alors que le promoteur n’est pas encore certain s’il sera à même de se rendre en phase d’exploitation. Plusieurs demandes d’informations ne peuvent être comblées en raison d’un manque d’information de la part du promoteur, ce qui peut créer des frustrations chez les parties prenantes. L’ICMM recommande aux entreprises minières de faire preuve de transparence face aux parties prenantes en expliquant que plusieurs données seront tout d’abord préliminaires et qu’elles se raffineront au cours des phases du cycle minier. 3.3.2 Société financière internationale Le International Finance Corporation ou Société financière internationale (SFI) est membre du Groupe de la Banque mondiale. Il représente la plus importante institution mondiale d’aide au développement pour le secteur privé dans plus de 100 pays en développement.31 Dans son guide Dialogue avec les Parties Prenantes : Le Manuel des bonnes pratiques pour les entreprises réalisant des affaires sur le marché en développement,32 la SFI présente des bonnes pratiques visant à mettre en place un processus de dialogue avec les parties prenantes à chaque étape du projet, soit de la conception du projet jusqu’à la fermeture de ce dernier. Le guide n’est pas destiné exclusivement aux entreprises minières, mais plusieurs références propres à ce secteur d’activité sont utilisés afin d’illustrer les propos. Il est à noter que dans le but d’alléger le texte, puisque le projet Matoush se situe aujourd’hui à la phase d’exploration avancée, les étapes subséquentes portant sur la construction du projet, l’exploitation et 31 32 INTERNATIONAL FINANCE CORPORATION (2013) À propos d’IFC, http://www.ifc.org. Consulté le 12 août 2013. INTERNATIONAL FINANCE CORPORATION (2007). Dialogue avec les Parties Prenantes : Le Manuel des bonnes pratiques pour les entreprises réalisant des affaires sur les marchés en développement, Washington. 26 la rationalisation, le déclassement et le désinvestissement ne sont pas présentées dans le tableau cidessous puisqu’elles ne s’appliquent pas au projet (du moins pour le moment).33 Recommandations Phase 1 : Conception du projet • Reportez-vous aux consultations et aux informations antérieures des parties prenantes • Divulguez et consultez de manière sélective dès les premiers stades • Divulguez des informations sur les alternatives et sur la conception ou sur les options d’emplacements • Si cela est possible, entamez le dialogue avec le gouvernement pendant la planification stratégique • Examinez l’adéquation de toutes les procédures existantes sur les griefs • Examinez les exigences potentielles au plan juridique, réglementaire et des bailleurs de fond à propos du dialogue avec les parties prenantes • Assurez-vous que l’analyse des risques du projet comprend les problèmes avec les parties prenantes • Pour des projets complexes, veuillez considérer la mise en œuvre de la planification d’un forum avec les parties prenantes Phase 2 : Études de faisabilité et planification du projet • Identifiez systématiquement les parties prenantes du projet et leurs intérêts • Étudiez les impératifs réglementaires et financiers de la participation des parties prenantes sur les projets • Impliquez les parties prenantes dans la phase d’établissement de la portée de l’évaluation des études d’impacts • Recherchez les suggestions des parties prenantes sur la manière avec laquelle elles désirent être consultées • Préparez un plan de dialogue avec les parties prenantes qui tient compte des impacts du projet • Fournissez des informations avant les consultations sur les impacts sociaux et environnementaux • Utilisez les bonnes pratiques pendant les réunions ou surpassez les exigences de l’étude d’impact sur les consultations • Utilisez les consultations pour améliorer l’atténuation des effets ainsi que les accords sur les compensations et les avantages Maintenez l’implication pendant les consultations organisées par le gouvernement • Mesurez le niveau du concours apporté par les parties prenantes de votre projet • Considérez les partenariats sur le court terme avant les décisions d’investissement • Facilitez l’accès aux agents de liaison de la communauté • Procédez à une autre visite avant la consultation si cela peut devenir une source de griefs • Faites connaître régulièrement les modifications de l’évolution de la conception du projet aux parties prenantes • Documentez le processus et les résultats de la consultation • Accompagnez vos consultants responsables de l’étude d’impact et gardez le contact dans le processus • Intégrez les informations des parties prenantes au niveau de toutes les fonctions de planification du projet Dans son guide, la SFI recommande de débuter les consultations dès la conception du projet, soit lors de la phase d’exploration, avant la réalisation des études de faisabilité. Selon le guide, la consultation des parties prenantes à ce stade doit cependant demeurer hautement sélective et ciblée.34 Au-delà des avantages, il existe, selon la SFI, des risques à l’établissement d’un dialogue à ce stade du projet puisque l’entreprise n’est pas encore certaine d’investir dans celui-ci. Le dialogue avec les parties prenantes au stade de l’exploration pourrait conduire à des conséquences fortuites. INTERNATIONAL FINANCE CORPORATION (2007). Dialogue avec les Parties Prenantes : Le Manuel des bonnes pratiques pour les entreprises réalisant des affaires sur les marchés en développement, Washington, p. 111-133. 34 INTERNATIONAL FINANCE CORPORATION (2007). Dialogue avec les Parties Prenantes : Le Manuel des bonnes pratiques pour les entreprises réalisant des affaires sur les marchés en développement, Washington, p. 111. 33 27 3.3.3 Conseil patronal de l’environnement du Québec Le Conseil patronal de l’environnement du Québec (CPEQ) a publié un guide intitulé Guide de bonnes pratiques afin de favoriser l’acceptabilité sociale des projets en 2012. Ce guide, quoique non spécifique aux projets miniers, utilise plusieurs projets miniers pour illustrer l’application de la démarche proposée dans le guide. La démarche d’acceptabilité sociale développée par le CPEQ est décomposée en cinq phases qui s’inscrivent tout au long de la durée de vie du projet, soit de la conception initiale jusqu’à la fermeture ou l’après-projet. Les deux premières étapes proposées par le CPEQ sont illustrées dans le tableau cidessous.35 Il est à noter que, puisque le projet Matoush se situe aujourd’hui à la phase d’exploration avancée, les étapes subséquentes portant sur la réalisation du projet, l’exploitation et la fermeture ne sont pas présentées dans le tableau puisqu’elles ne s’appliquent pas au projet (du moins pour le moment). Recommandations Phase 1 : Recherche et consultation préalable • • • • • Déterminer et caractériser les parties prenantes Évaluer l’historique du milieu et l’information pertinente disponible aux parties prenantes Évaluer le contexte économique, environnemental et politique d’implantation Choisir un porte-parole Débuter le dialogue avec la communauté et l’adaptation du projet Phase 2 : Information, évaluation et consultation • • • • • • Évaluer les risques et les impacts que subiront les diverses parties, en collaboration avec des partenaires locaux, régionaux et du milieu académique Informer et consulter la communauté selon des pratiques adaptées au contexte Démontrer de la transparence et de la flexibilité par rapport au processus de consultation Travailler en partenariat avec une tierce partie crédible Démontrer une véritable ouverture à modifier et bonifier le projet, concevoir les modifications en collaboration avec les parties prenantes Planifier la répartition équitable des retombées positives du projet en collaboration avec les parties prenantes Il est recommandé que les projets incluent plusieurs des pratiques exemplaires suggérées dans le tableau afin de faciliter l’intégration harmonieuse du projet. Un projet ne doit toutefois pas nécessairement mettre toutes les pratiques en application. Dans son guide, le CPEQ invoque l’importance pour la direction de l’entreprise de faire preuve de transparence et de collaboration avec les parties prenantes. Il est également important d’accepter que le projet puisse être modifié à travers les échanges avec les parties prenantes et la communication de leurs préoccupations. 35 CONSEIL PATRONAL DE L’ENVIRONNEMENT DU QUÉBEC (2012). Guide de bonnes pratiques afin de favoriser l’acceptabilité sociale des projets, Montréal, p. 6. 28 3.3.4 Institut du Nouveau Monde L’institut du Nouveau Monde (INM) présente sept étapes essentielles qu’une entreprise devrait mettre en place dans le cadre de son processus d’acceptabilité sociale36 : Recommandations 1 Diffuser de l’information claire, synthétisée et vulgarisée sur le projet, la rendre accessible à tous ceux qui pourraient être intéressés et les aviser de la disponibilité de cette information. 2 Inviter toutes les parties prenantes et intéressées à participer à une rencontre d’échange sur le projet. 3 Rencontrer ces personnes dans un cadre ouvert et structuré, pour répondre à leurs questions, et pour recevoir leurs impressions sur le projet, en amont de la prise de décision. 4 Recueillir tous les commentaires de façon méthodique, et documenter – si possible quantitativement – toutes les étapes des échanges. 5 Étudier les recommandations formulées par les participants et y répondre soit par l’affirmative ou en expliquant les raisons pour lesquelles celles-ci n’ont pas été retenues. 6 Faire un suivi des résultats et des décisions prises dans un délai raisonnable auprès de tous les individus et groupes concernés. 7 Maintenir ouvert un canal de communication accessible et réévaluer, si possible, l’acceptabilité du projet pendant et après son implantation. Dans le guide, l’INM précise l’importance au climat dans lequel les échanges ont lieu entre le promoteur et ses parties prenantes. Les échanges doivent s’effectuer dans un climat d’équité entre les parties concernées et sans condescendance.37 3.3.5 Consentement libre, préalable et éclairé Contrairement aux exemples présentés ci-dessus, le Consentement libre, préalable et éclairé (CLPE) n’est pas un guide. Il s’agit plutôt d’un principe qui a été instauré par l’Organisation international du travail en 1989 afin de protéger les droits des peuples autochtones. La Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones à également élargi le principe en 2007. « Au sens large, le CLPE fait référence au droit des peuples autochtones de participer aux décisions qui auront une incidence sur leurs terres et leurs ressources, particulièrement en ce qui a trait à l’exploitation des ressources naturelles. Libre : le consentement est donné en l’absence de coercition, d’intimidation ou de manipulation. Préalable : Le consentement est obtenu avant chaque étape clé de l’élaboration d’un projet. Éclairé : Toutes les parties prenantes échangent des renseignements, ont accès à l’information présentée dans une forme compréhensible, disposent de suffisamment de données et ont les compétences nécessaires pour prendre des décisions éclairées. Consentement : les intéressés ont la liberté d’appuyer ou de refuser un projet qui a une incidence importante sur la culture ou les terres autochtones.38 » INSTITUT DU NOUVEAU MONDE (2013). Étude sommaire sur les processus et les facteurs d’acceptabilité sociale pour le secteur industriel, Montréal, p. 5. INSTITUT DU NOUVEAU MONDE (2013). Étude sommaire sur les processus et les facteurs d’acceptabilité sociale pour le secteur industriel, Montréal, p. 4. 38 CONSEIL PRINCIPAL DE LA FORÊT BORÉALE (2012). Le consentement libre, préalable et éclairé au Canada : résumé des principaux enjeux, des leçons apprises et des études de cas visant à fournir des orientations pratiques aux exploitants des ressources et aux communautés autochtones, p. 4. 36 37 29 La notion « d’acceptabilité sociale » est souvent confondue avec la notion « d’acceptation » ou de « consentement » qui provient du principe de CLPE. L’acceptabilité sociale ne vise pas à faire accepter un projet, mais bien à rendre un projet acceptable en faisant en sorte qu’il puisse répondre aux aspirations du milieu d’insertion. Le CLPE requiert que les parties s’entendent sur un processus de prise de décision et nécessite souvent la négociation d’ententes. Or, l’acceptabilité sociale d’un projet n’implique pas systématiquement une application du CLPE. L’application du principe du CLPE et de la notion de « consentement » des peuples autochtones n’ont pas été reconnus par les tribunaux sur des terres publiques de catégorie III. En effet, sur les terres de catégorie III du territoire conventionné de la BaieJames, seul le Ministre possède le pouvoir décisionnel relatif aux projets à être réalisés. 3.4 Conclusion du chapitre L’acceptabilité sociale est, avant tout, le fruit d’un processus d’information, de consultation et d’échange entre le promoteur et ses parties prenantes. Il s’agit d’un processus de longue haleine, souvent caractérisé par des hauts et des bas et qui doit être regardé sur la durée de vie d’un projet. Tel que démontré par le cas de Minera San Cristóbal, l’absence d’acceptabilité sociale à un moment précis du projet ne devrait pas être perçue comme étant une situation définitive. Le désaccord d’une partie prenante face à un projet à un moment précis ne devrait pas, non plus, signifier la fin d’un projet. Bien que les bonnes pratiques présentées dans les guides identifiés ci-dessus soient toutes différentes les unes des autres, il existe un certain nombre de dénominateurs communs : • Tous les guides mettent l’accent sur l’importance d’entrer en contact avec les parties prenantes suffisamment en amont du projet, soit lors de la phase d’exploration du projet. • Les guides conseillent tous de mettre en place un processus inclusif et ininterrompu entre une entreprise et ses parties prenantes. • Tous les guides traitent de l’importance de prendre en considération les préoccupations des parties prenantes et de démontrer comment les préoccupations sont prises en compte par le promoteur dans la conception du projet. • Tous les guides s’entendent pour dire que les relations avec les communautés affectées et les autres parties prenantes doivent être maintenue activement pendant toute la durée du projet et non seulement au cours de la phase initiale d’exploration et de faisabilité. • Les guides produits par le l’ICMM, la SFI et le CPEQ reconnaissent que l’approche d’information et de consultation des parties prenantes varient selon les phases du cycle du projet minier. 30 Chapitre 4 Strateco : Projet Matoush Le chapitre 4 présente tout d’abord le projet Matoush de Strateco ainsi que les obligations législatives associées à ce projet. Les processus de consultation chapeautés par le COMEX, le COFEX-sud et la CCSN sont brièvement décrits. Par la suite, la démarche d’acceptabilité sociale mise en œuvre pour l’ensemble des parties prenantes par l’entreprise est présentée. La démarche entreprise auprès de la Communauté crie de Mistissini est abordée séparément. Enfin, une réflexion portant sur la différente position adoptée par le Ministre entre la filière uranifère et pétrolière est présentée. 4.1 Le projet et ses obligations législatives 4.1.1 Localisation du projet Matoush Le projet d’exploration souterraine Matoush est situé dans les monts Otish, à environ 275 km au nord de Chibougamau et 210 km au nord-est de la Communauté crie de Mistissini, dans la Province de Québec. Le projet se trouve dans les terres conventionnées de la Baie-James de catégorie III. Les terres de catégorie III représentent les terres publiques du Québec sur lesquelles les peuples autochtones et non autochtones peuvent chasser et pêcher. Les autochtones détiennent certains droits de récolte sur ce territoire, mais ne disposent d’aucun droit de veto quant au développement des terres de cette catégorie. Les collectivités les plus proches du projet sont respectivement celles de Mistissini, située à plus de 200 km du site, et Chibougamau, à 275 km du site. Le projet se situe à l’intérieur des limites de propriété de deux lignes de trappe utilisées par des tallymen, soit des familles de lignes de trappe. Les tallymen et leurs familles sont les seuls utilisateurs directs du territoire visé par le projet Matoush. 4.1.2 Phase d’exploration La prochaine étape du projet Matoush consiste à réaliser la phase d’exploration avancée. Celle-ci vise à définir, de manière détaillée, les réserves minérales du gisement d'uranium Matoush, permettant ainsi de déterminer la faisabilité d’un projet minier à large échelle. À ce stade-ci, le projet proposé par Strateco est strictement limité à des activités d’exploration avancée d’une durée de quatre ans et n’inclut pas l’exploitation d’une mine ou d’une usine de concentration d’uranium. La faisabilité technique, financière et environnementale du projet minier pourra ultérieurement être déterminée au moyen des informations obtenues au cours des quatre années de la phase d’exploration avancée. Les activités principales proposées par Strateco comprennent l’aménagement d’une rampe d’exploration souterraine, le fonçage de deux galeries d’exploration dans les stériles, le forage de définition de la zone minéralisée et jusqu’à trois excavations dans la zone minéralisée. La roche excavée dans la zone minéralisée demeurera sous terre. Strateco a aussi proposé de construire des installations connexes en surface qui comprennent une centrale électrique, un parc pétrolier, des installations de traitement des eaux usées, des garages, des bureaux et des aires de stockage. L’amélioration du camp temporaire fera aussi partie des activités. Les activités proposées par Strateco sont courantes pour les projets miniers en phase d’exploration. Ces activités d’exploration, qui doivent obligatoirement se faire sous terre, permettront à Strateco d’approfondir les données techniques et environnementales, notamment de confirmer la quantité de minerai 31 se trouvant sous terre, de mesurer le débit et la qualité de l’eau souterraine, d’établir la quantité de radon se trouvant dans le sous-sol, de déterminer les méthodes de minage ainsi que leurs coûts. Enfin, à l’issue de ces travaux d’exploration, Strateco sera en mesure de réaliser l’étude économique et environnementale nécessaire à l’autorisation d’un projet minier à large échelle. 4.1.3 L’évaluation environnementale du projet Matoush Le projet d’exploration uranifère Matoush proposé par Strateco se trouve sur le territoire de la Convention de la Baie-James et du Nord québécois (CBJNQ) et fait l’objet d’un examen conformément aux exigences du régime décrit à la LQE et la CBJNQ. Sur les terres de catégorie III, de même qu’au regard du chapitre 2 de la LQE, les communautés autochtones ne bénéficient pas d’un droit de veto relatif aux projets dont les promoteurs souhaitent la réalisation. Le projet d’exploration avancée Matoush a donné lieu à une évaluation environnementale et sociale au niveau fédéral ainsi qu’au niveau provincial. Aux termes de la Loi Canadienne sur l’évaluation environnementale (LCÉE), ce projet est assujetti à une évaluation environnementale fédérale, sous la forme d’une étude approfondie. Le président de l’Agence canadienne d’évaluation environnementale (ACEE), à titre d’administrateur fédéral de la CBJNQ, et le Ministre de l’Environnement du Québec doivent tous deux décider si le projet est en mesure de franchir la prochaine étape. Le régime de protection de l’environnement et du milieu social décrit dans la LQE et la CBJNQ institue une procédure en deux phases distinctes d’évaluation et d’examen des impacts environnementaux et sociaux des projets. Pour les projets dans la région de la Baie-James, la CBJNQ prévoit la création de deux comités d’évaluation et d’examen : le premier, le Comité d’évaluation (COMEV) est un organisme tripartite QuébecCanada-Cris chargé de l’évaluation préliminaire et de l’élaboration des directives pour les projets situés au sud du 55e parallèle; et le deuxième, est le Comité d’examen (COMEX), un organisme bipartite Québec-Cris chargé de l’examen des projets situés au sud du 55e parallèle. Le comité fédéral d’examen (COFEX) est un organisme bipartite (Canada-Cris) prévu dans la CBJNQ afin d’examiner les projets de nature fédérale. Les deux comités indépendants du COMEX et du COFEX-S ont donc reçu le mandat d’examiner les caractéristiques du projet Matoush. Dans le cadre de ce mandat, ils devaient examiner les données fournies dans l’étude d’impact sur l’environnement et réaliser une consultation des communautés, conformément à la directive du COMEV. Ces consultations ont eu lieu en novembre 2010 de façon conjointe, mais indépendante quant aux analyses, conclusions et recommandations qu’elles émettent. Par ailleurs, de par sa composante uranifère, le projet Matoush a dû obtenir de la Commission canadienne de sûreté nucléaire (« CCSN ») la délivrance d’un permis de préparation de l’emplacement et de construction d’une mine d’uranium. Dans le cadre de cette demande, la CCSN a organisé des audiences publiques et une commission indépendante a été formée afin de répondre à deux questions : • Si Strateco était compétente pour exercer les activités que le permis autoriserait; • Si, dans le cadre de ces activités, Strateco prendrait les mesures voulues pour préserver la santé et la sécurité des personnes, protéger l’environnement, maintenir la sécurité nationale et respecter les 32 engagements internationaux que le Canada a assumés.39 4.1.4 Processus d’information, de consultation et d’audiences publiques Au-delà des initiatives d’information et de consultation menées par le promoteur, des processus formels d’information, de consultation et d’audiences publiques indépendantes ont également eu lieu. Le tableau suivant présente les dates des audiences publiques et des consultations tenues par les trois organismes dans le cadre du projet Matoush : Organisme COMEX COFEX-Sud COMEX COFEX-Sud CCSN Format Date Accès Date de dépôt du rapport Sans objet Rencontres d’information 25 mai 2010 à Mistissini 26 mai 2010 à Chibougamau Ouvert à tous Consultations publiques 23 novembre 2010 à Mistissini 25 novembre 2010 à Mistissini Ouvert à tous Audiences publiques 5-6 juin 2012 à Mistissini 7 juin 2012 à Chibougamau Ouvert à tous à venir mai 2011 novembre 2012 Strateco est assujettie à un processus d’examen des plus rigoureux et sans égal dans l’industrie minière. Il existe certaines différences importantes entre les obligations auxquelles est assujettie Strateco et le processus habituel d’une entreprise minière assujetti au processus du BAPE : 39 • Le projet Matoush n’a pas été évalué par un seul organisme public neutre, mais bien par trois organismes, soit le COMEX, le COFEX-S et la CCSN. Ceci démontre la rigueur avec laquelle le projet a été évalué, mais également le nombre d’occasions au cours desquelles les parties prenantes ont pu s’informer et s’exprimer sur le projet Matoush. • L’extraction de l’uranium est unique au Canada en ce sens qu’il s’agit du seul type d’extraction minière qui est assujettie d’un organisme de réglementation fédéral chargé d’en surveiller tous les aspects opérationnels, et ce, en permanence, soit tout au long du cycle de vie d’un projet. Avant qu’une personne ou une entreprise ne soit autorisée à préparer un emplacement, construire, exploiter, déclasser ou abandonner une installation nucléaire, ou à posséder, utiliser, transporter ou stocker des substances nucléaires, elle doit obtenir un permis de la CCSN. À cet égard, tous les projets potentiels sont évalués selon les mêmes critères au Canada. • Puisqu’il s’agit d’un projet d’exploration d’uranium, le promoteur a été requis de produire une étude d’impact sur l’environnement avant même de savoir si l’entreprise ira de l’avant avec le projet Matoush. Il s’agit là d’une importante différence avec le processus du BAPE où les études d’impacts déposées par les promoteurs le sont dans le but d’obtenir un certificat d’autorisation pour exploiter une mine. Une étude d’impact sur l’environnement réalisée si tôt dans le processus ne contient pas le même niveau de détails qu’une étude réalisée afin d’obtenir un certificat d’autorisation pour l’exploitation d’une mine. En effet, à cette étape, il est difficile pour le promoteur d’aborder et de tenter de traiter tous les aspects environnementaux en lien avec le projet alors qu’aucune décision définitive n’a été prise sur l’emplacement de la mine et sur la façon dont elle sera construite et CANADA (CSSN) (2012). Compte-rendu des délibérations, y compris les motifs de décision à l’égard de Ressources Strateco Inc. p. 1. 33 exploitée. La phase d’exploration avancée permettra d’approfondir les données techniques et environnementales en lien avec le projet. • Si la phase d’exploration permet de conclure à la faisabilité du projet minier, Strateco sera assujettie à un deuxième processus d’examen environnemental qui tiendra compte des résultats obtenus lors de la phase d’exploration avancée. Il appert important de rappeler que l’obtention de la licence d’exploitation auprès de la CCSN sera à refaire en entier, incluant les études environnementales et les consultations auprès des différentes parties prenantes. 4.1.5 Conclusions émises par le COMEX, COFEX-S et la CCSN Dans le cas du projet Matoush, les trois organismes indépendants (COMEX, COFEX-S et CCSN) chargés d’évaluer le projet ont recommandé l’autorisation du projet d’exploration avancée souterraine. Les paragraphes suivants présentent les extraits de la conclusion des trois organismes ainsi que les recommandations et conditions portant sur l’acceptabilité sociale. Rapport du COMEX Bien que des copies du rapport du COMEX circulent, précisons que ce rapport n’a jamais été remis officiellement au promoteur, ce dernier l’ayant plutôt obtenu des Cris. D’ailleurs, à notre connaissance, ce rapport n’est pas public. Il est donc impossible de confirmer que cette version est effectivement la version finale du rapport. On y dit toutefois : « Dans ces circonstances, le COMEX considère avec d’importantes réserves le projet à l’étude. Cependant, tenant compte de l’encadrement qui peut être donné à celui-ci, tant au niveau environnemental que social, et considérant qu’avec cet encadrement, les impacts environnementaux du projet sont en définitive tous gérables. Tenant compte également que ce même projet d’exploration constitue une occasion de développer un lien de confiance et de communication sans lequel la possibilité de procéder à une éventuelle exploitation serait menacée, le COMEX recommande que le projet d’exploration minière qui lui est soumis soit autorisé sous réserve des conditions jointes en annexe au présent rapport. » (notre soulignement) Condition 1 du COMEX sur l’acceptabilité sociale : « Les enjeux liés à un projet minier uranifère sortent de l’ordinaire. Le promoteur devra poursuivre ses démarches visant à informer et rassurer la population et particulièrement celle de la communauté crie de Mistissini, quant à son projet d’exploration minière et aux conséquences d’un éventuel projet d’exploitation du gisement uranifère à l’étude. Le promoteur devra obtenir le consentement des Cris, par l’intermédiaire de la Bande de Mistissini quant à l’acceptabilité sociale du projet, et devra s’engager dans une entente écrite à cet effet avec le Conseil de bande ou une autre entité désignée par celui-ci. Cette entente devra être transmise pour information à l’Administrateur provincial et au COMEX avant le début des travaux d’excavation de la rampe. » (notre soulignement) Rapport du COFEX-Sud La conclusion émise par le COFEX-Sud en mai 2011 « Sous réserve du respect de ces conditions par le promoteur, et dans le cas où les conditions d’insertion sociale du projet s’en trouveraient améliorées, le COFEX-S estime que le projet, suite à l’application des mesures et conditions résumées ci-dessous, n’est pas susceptible d’entraîner des 34 effets négatifs importants sur l’environnement et le milieu social ou pouvant porter atteinte au principe de protection du mode de vie de la population crie. Conséquemment, le COFEX-S recommande à l’Administrateur fédéral que le projet, tel que présenté dans l’étude d’impact ainsi que dans les documents complémentaires à l’étude, soit autorisé conditionnellement au respect par le promoteur des avis et conditions énumérés dans le présent document. » (notre soulignement) « Étant donné la nature du projet qui distingue celui-ci des autres types d’activités minières en cours sur le territoire de la CBJNQ, le COFEX-S est d’avis que l’endossement du projet par les communautés locales est un facteur clé et recommande donc que des informations additionnelles, tel que le prévoit l’alinéa 22.6.13 du chapitre 22 de la CBJNQ, soient recueillies et présentées par le promoteur à l’Administrateur fédéral avant de décider d’accorder ou non une autorisation permettant la réalisation des travaux d’exploration avancée au campement Matoush ». Rapport de la CCSN La conclusion émise par la CCSN en octobre 2012 « L’audience a permis à la Commission de mieux comprendre les préoccupations profondes des membres de la Nation crie de Mistissini à I'égard du projet. La Commission a aussi remarqué que l'information sur Ie projet fournie par Strateco et les renseignements scientifiques présentés par Ie personnel de la CCSN n'avaient pas influé sur leur perception du projet. La Commission comprend que la collectivité de la région n'accepte pas entièrement Ie projet. Bien que Ie mandat de la Commission n’inclut pas l’acceptation sociale, elle encourage fortement Strateco a en faire plus et a utiliser tous les moyens dont elle dispose pour renforcer ses relations avec la population locale et augmenter la fréquence de ses échanges avec celle-ci afin d’accroître l’efficacité du programme d'information publique et de fournir aux collectivités touchées de l'information objective et compréhensible. La Commission comprend également que Ie rapport du COMEX qui paraîtra prochainement contiendra une analyse approfondie des aspects sociaux du projet. » (notre soulignement) Il existe un certain nombre de dénominateurs communs entre les rapports des trois organismes : • Les trois organismes sont d’avis que le projet n’est pas susceptible d’entraîner des effets négatifs sur l’environnement, le milieu social et la santé humaine. Ces derniers sont d’avis que les impacts environnementaux du projet sont tous gérables. • Les trois organismes ont exprimé des réserves quant à l’acceptabilité sociale et encouragent Strateco à poursuivre ses efforts, à en faire plus en utilisant tous les moyens à sa disposition afin de renforcer la relation avec la Communauté crie de Mistissini. Les trois organismes étaient donc tous d’avis que l’acceptabilité du projet était possible puisqu’ils recommandaient l’autorisation du projet. Les recommandations à l’égard de l’acceptabilité sociale s’inscrivaient dans la continuité du projet. • Bien que les trois organismes aient émis des réserves quant à l’acceptabilité sociale du projet, aucun n’a défini ce qu’il entendait par « acceptabilité sociale ». Le COMEX est le seul organisme qui suggère d’obtenir le consentement, sous forme d’une entente écrite, quant à l’acceptabilité sociale du projet. 35 4.2 La démarche de Strateco auprès de ses parties prenantes Face aux préoccupations soulevées, il convient d’effectuer un bref historique des démarches du promoteur auprès de ses parties prenantes depuis l’acquisition des titres miniers. Par la suite, certaines démarches spécifiques mises en place pour la communauté crie de Mistissini seront présentées de façon plus détaillée. 4.2.1 Ce que Strateco a fait Depuis l’acquisition, en 2006, des titres miniers du projet Matoush, Strateco, consciente de l’importance de la communauté crie de Mistissini, n’a pas ménagé les efforts pour établir une relation fondée sur le dialogue avec la Nation crie de Mistissini et plus particulièrement avec les familles possédant les lignes de trappe, soit les tallymen, concernées par le projet. En effet, en 2007 et 2008, le dialogue et les communications ont principalement été faits avec les tallymen et les familles dont les lignes de trappe sont situées dans le secteur du projet Matoush et relativement peu avec l’ensemble de la Nation crie de Mistissini. Il importe de préciser que cette orientation de communication a été prise lors de la première rencontre entre Strateco et le Conseil de bande de Mistissini, en mai 2007, durant laquelle étaient aussi présents des membres de la communauté. À cette occasion, les participants avaient insisté sur l’importance pour Strateco de bâtir et de maintenir des relations avec les tallymen, soit les familles dont les lignes de piégeage étaient directement touchées par le projet. À cet effet, depuis février 2008, et ce, à chaque année incluant 2013, des réunions annuelles ont eu lieu avec ces familles. Selon Strateco et tel que démontré par les lettres d’appui au projet, ces rencontres auraient grandement favorisé la compréhension des enjeux liés au projet Matoush et entrainé des échanges essentiels pour établir de bonnes relations. Les communications se sont conséquemment avérées plus sporadiques avec la communauté crie de Mistissini puisque l’accent était mis sur les tallymen et les membres de leur famille, tel qu’entendu lors de la première rencontre avec le Conseil de bande. Par ailleurs, plusieurs autres séances d’information, des ateliers de discussion et des journées portes ouvertes ont aussi été organisés afin de présenter le projet et pouvoir échanger de l’information. Plus de 115 rencontres individuelles ont également été organisées par Strateco à Mistissini et ses environs, avec l’aide des représentants de la communauté, afin de pouvoir mieux comprendre les préoccupations de la population crie. Selon Strateco, les relations avec le Conseil de bande entre les années 2007 et 2010 étaient, somme toute, bonnes. En mai 2010, l’ancien Chef du Conseil de bande avait organisé, de sa propre initiative, la venue de quatre chefs des Premières Nations de la Saskatchewan pour rencontrer la population de Mistissini et parler de leur expérience de vivre à proximité des mines d’uranium. Plus de 100 personnes de Mistissini ont assisté à cette rencontre. À la suite de l’élection d’un nouveau Conseil de bande, en août 2010, les relations qui avaient été amorcées et entretenues ont été à reconstruire puisque de nouvelles personnes siégeaient maintenant sur le Conseil de bande. Trois mois après son élection, le nouveau Conseil de bande a déposé un mémoire lors des audiences publiques du COMEX/COFEX-S en novembre 2010 alléguant, entre autres, « l’absence d’acceptabilité sociale » du projet, l’absence de relations de confiance entre la communauté et le promoteur et l’insuffisance des données présentées dans l’étude d’impact sur l’environnement. Le Conseil de bande a demandé formellement et publiquement au gouvernement de rejeter le projet. 36 Reconnaissant le besoin de renforcer la démarche amorcée auprès de la communauté crie de Mistissini et reconnaissant le besoin de partager l’information à l’ensemble de la communauté et de la bonne façon (the « Cree Way »), Strateco a choisi de collaborer avec le Cree Mineral Exploration Board (« CMEB »), un partenaire reconnu par la communauté. Un contrat d’une durée de deux ans a été signé avec le CMEB en janvier 2011, soit deux mois après les audiences publiques du COMEX/COFEX-S, afin que ce dernier mette en place un plan de communication adapté aux besoins de la communauté. Quelques mois plus tard, soit en décembre 2011, une Entente de communication et d’information (ci-après appelée « Entente ») a été signée directement par le Conseil de bande de la communauté crie de Mistissini. Cette entente, d’une durée de quatre ans, devait permettre d’échanger de l’information afin de répondre aux questionnements et préoccupations sur le projet Matoush et sur l’uranium en général, exprimés par la Nation crie de Mistissini, notamment lors des audiences publiques du COMEX et du COFEX-S. Cette entente a été résiliée de façon unilatérale par le Conseil de bande dans une lettre envoyée le 22 janvier 2013, sans aucun motif. Suite à cette résiliation, Strateco a dû mettre en veilleuse plusieurs des choses qui auraient sans aucun doute permis de poursuivre et d’améliorer la communication d’information pertinente. Une discussion plus approfondie sur l’Entente et la résiliation de cette même Entente par le Conseil de bande est présentée dans la section 4.3. Il importe toutefois de préciser que cette Entente a été signée avant même de savoir qu’une condition à l’égard de l’acceptabilité sociale du projet figurait dans le rapport du COMEX, lequel nous n’avions ni vu, ni reçu. En parallèle avec la démarche entreprise par le promoteur avec la communauté crie de Mistissini, d’autres organismes et acteurs ont joué un rôle significatif dans la diffusion d’information en lien avec le projet. Au cours de la période comprise entre l’automne 2009 et le printemps 2010, les représentants de la Conférence régionale des élus de la Baie‐James (« CRÉBJ »), d’une part, et de la Commission canadienne de sûreté nucléaire (« CCSN »), d’autre part, n’ont pas ménagé leurs efforts afin d’informer la population de Chibougamau‐Chapais ainsi que de Mistissini. Au total, une vingtaine de séances d’information, de visites et de rencontres d’échange ont été organisées entre 2006 et 2013. Ces séances ont eu lieu à différents endroits afin d’encourager la participation d’un nombre maximum de citoyens et de parties prenantes. Des traducteurs ont aussi été embauchés afin que certaines séances puissent se faire en trois langues (français, anglais et cri). Ces séances ont permis à la fois de transmettre des informations sur le projet, de faire intervenir des experts indépendants en lien avec l’uranium ou des intervenants de la communauté de la Saskatchewan (en lien avec les opérations de l’entreprise Cameco), mais aussi de recueillir les commentaires, interrogations et préoccupations de la population. Certaines séances ont même été organisées conjointement afin d’augmenter la crédibilité de la démarche. Le tableau suivant représente une liste non-exhaustive des divers forums mis de l’avant pour la diffusion d’information en lien avec le projet. Les 200 rencontres individuelles tenues par le promoteur et des membres de la communauté crie de Mistissini entre les années 2006 et 2012 ne sont toutefois pas présentées dans le tableau. 37 Organisme Format Date Strateco Rencontre Décembre 2006 Strateco Rencontre et présentation Avril 2007 Strateco Participation aux activités communautaires Juillet 2007 Strateco Rencontre Janvier 2008 Strateco Rencontre annuelle avec les tallymen Rencontre Strateco Présentation générale Décembre 2008 Strateco Rencontres de groupes Décembre 2008 Premières Nations Rencontre Janvier 2009 Strateco Rencontre Février 2009 Strateco Rencontre annuelle avec les tallymen Février 2009 Strateco CRÉBJ CRÉBJ CRÉBJ Comité uranium BaieJames Rencontres d’information à Chapais et Chibougamau Rencontres d’information à Chapais et Chibougamau Février 2008 Avril 2008 Mars 2009 Octobre 2009 Février 2010 CRÉBJ Séance d’information publique à Mistissini Février 2010 Strateco Articles dans le journal Cris The Nation Janvier à mars 2010 Strateco Site Web Mars 2010 Strateco Rencontre Avril 2010 CRÉBJ Mission en Saskatchewan Janvier 2011 Description Rencontre avec le Chef John Longchap et Jimmy Macleod à Montréal. Rencontre et présentation avec le Conseil de bande et le Chef John Longchap à Mistissini. Tournoi de golf organisé par les Cris de Mistissini-La Coupe Longchap à Mistissini. Rencontre avec le Grand Chef du Grand Conseil des Cris et 2e tallyman concernant les limites des lignes de trappe à Boucherville, Québec. Rencontre annuelle avec les tallymen et les représentants des familles des lignes de trappe au site du projet Matoush. Rencontre au siège social de Strateco avec la Famille Coonishish à Boucherville, Québec. Présentation générale adressée à l’ensemble de la communauté crie de Mistissini. Deux journées de rencontres avec des groupes individuels au sein de la communauté crie de Mistissini. Des discussions de groupes ont eu lieu avec les tallymen et leurs familles, ainsi qu’avec un groupe d’Elders. Rencontre avec les Premières Nations dans le contexte d’un souper bénéfice pour Learning Together Conference. Rencontre technique avec le Grand Conseil des Cris à Boucherville, Québec. Réunion annuelle entre Strateco et tallymen. Matthew Coon Come et John S. Matoush au site Matoush. Création d’un comité ayant comme mandat de documenter, de manière objective et rigoureuse, la question de l’uranium et de diffuser cette information dans la région. Rencontres d’information avec des groupes cibles, principalement des élus et Strateco. Participation de la communauté crie de Mistissini. Rencontres d’information avec des groupes cibles, principalement des élus et Strateco. Rencontre organisée avec la collaboration de l’ancien Chef de Mistissini, M. John Longchap. M. Michel R. Rhéaume, physicien nucléaire, et le Dr. Michel Plante, anciennement responsable de la protection des travailleurs à la centrale nucléaire Gentilly‐II. M. Jean LeClair, de la CCSN, a aussi participé à cette rencontre. Six articles pour démystifier l’uranium ont été publiés dans le journal bimensuel Cris The Nation, de janvier à mars 2010. Une nouvelle version du site Web de l’entreprise permettait aux membres des communautés locales de trouver réponses à leurs questions et même de communiquer avec l’équipe de Strateco. Rencontre avec le Cree Trappers Association. La CRÉBJ a participé à une mission en Saskatchewan (à l’invitation du Ministre délégué aux mines) afin de visiter la mine de Rabbit Lake de Cameco, de rencontrer des représentants de la province, de la CCSN, de l’industrie uranifère et des représentants des communautés autochtones. Il est à noter que le Conseil de bande de Mistissini avait été invité, mais a choisi de ne pas participer. 38 Organisme Format Date Strateco Entente avec le Cree Mineral Board Janvier 2011 Strateco Réunion annuelle avec les tallymen et familles Avril 2011 Strateco Entente de communication et d’information 23 déc. 2011 Strateco et la Nation crie de Mistissini Nomination d’un coordonnateur des relations avec le milieu pour Strateco 20 février 2012 Strateco et le Nation crie de Mistissini Nomination d’un agent de liaison 28 février 2012 Strateco Strateco Présentation à l’Assemblée générale spéciale des membres de la Nation crie de Mistissini Rencontre avec les tallymen 28 février 2012 13 mars 2012 Conseil de bande et Strateco Journée porte ouverte à Mistissini 14 mars 2012 Strateco Atelier de discussion à Mistissini 23 mai 2012 Conseil de bande et Strateco Journée porte ouverte à Mistissini 23 mai 2012 Strateco Distribution d’une brochure mi-mai 2012 Strateco Conférence téléphonique 4 juin 2012 Strateco Rencontre annuelle avec les tallymen Février 2013 Description Dans l’espoir de faire en sorte que la communauté crie de Mistissini soit adéquatement informée, Strateco a signé un contrat avec le CMEB afin que l’information soit véhiculée «The Cree Way». Réunion annuelle entre Strateco et les familles cries dont les lignes de trappe se situent près du projet Matoush au Murray’s Lodge à Mistissini. Entente de 4 ans entre Strateco et la Nation crie de Mistissini afin d’échanger de l’information sur les évaluations environnementales entreprises dans la phase d’exploration avancée souterraine et de répondre aux questionnements et préoccupations exprimés par la Nation crie de Mistissini. Tel que prévu dans l’Entente de communication et d’information, M. Allen Matoush a été nommé coordonnateur des relations avec le milieu pour Strateco. M. Allen Matoush, lui‐même tallyman, a travaillé pour le Cree Mineral Board et était familier avec le projet. Tel que prévu dans l’Entente de communication et d’information, la Nation crie de Mistissini a nommé M. Freddie Mianscum comme agent de liaison entre Strateco et la communauté. Présentation par Strateco du projet Matoush ainsi que de l’équipe des relations avec le milieu à la communauté. Le Chef Richard Shecapio a également présenté le contenu de l’Entente de communication et d’information. Rencontre avec les tallymen du secteur du projet Matoush à Mistissini. Une journée porte ouverte a été tenue à Mistissini. Le Conseil de bande avait invité M. Clarence Natomagan, consultant de la Saskatchewan, à participer à la séance d’information publique. M. Natomagan était accompagné d’un Elder et d’un représentant des jeunes, tous deux de la Saskatchewan. Ils ont discuté de leur expérience en rapport avec la mine d’uranium de Saskatchewan. Strateco a tenu des ateliers de discussion avec le chef du Youth Council, la présidente et certains membres de la Native Women’s Association et des membres des Elders de Mistissini. Journée porte ouverte sur le projet Matoush, à laquelle a participé le Dr. Michel Plante, anciennement responsable de la protection des travailleurs à la centrale nucléaire Gentilly‐II. Celui‐ci a donné une conférence sur la radioactivité, l’uranium et la santé. Strateco a distribué une brochure dans les boîtes aux lettres de Mistissini ainsi qu’une brochure de l’Association nucléaire canadienne. Une conférence téléphonique a eu lieu le 4 juin 2012 avec M. Paul Linton du Cree Health Board (« CHB ») afin de répondre à certaines interrogations qui avaient été soulevées par le CHB lors des audiences publiques du COMEX et du COFEX‐S concernant la santé publique. Rencontre annuelle entre Strateco et les tallymen tenue à Chibougamau. En outres les différents moyens énumérés ci-haut, le promoteur a participé et collaboré activement à tous les processus d’audiences publiques et a organisé des rencontres annuelles avec les tallymen. Lors de ces rencontres annuelles, les familles cries dont les lignes de trappe sont à proximité du projet Matoush ont reçu de l’information sur tous les résultats des études environnementales à mesure qu’elles progressaient et ont 39 rencontré des experts afin de répondre à leurs questions. Elles ont participé aux voyages en Saskatchewan ou étaient présentes lors de la visite des Chefs autoctones de Saskatchewan. Depuis, elles se sont prononcées en accord avec la phase d’exploration avancée du projet Matoush. Strateco a répondu aux nombreuses demandes de précision de la part des différents comités qui ont étudié l’étude d’impact sur l’environnement et a réalisé certaines études additionnelles jugées nécessaires par les administrateurs fédéral et provincial, notamment une étude sur les données de référence, sur la localisation de la sortie des effluents, pour n’en nommer que quelques-unes. Strateco a produit un mémoire dans le cadre des audiences publiques de la CCSN dans lequel l’entreprise traite, de façon individuelle, chaque mémoire déposé et répond aux préoccupations soulevées. Dans le cadre du processus d’examen tenu par les diverses agences gouvernementales, dont notamment le COFEX et l’agence canadienne d’évaluation environnementale, il a été jugé que Strateco avait livré adéquatement toutes les informations concernant les différents aspects de ce projet. 4.3 Le cas particuliers de la communauté crie de Mistissini Plusieurs reproches ont été faits à l’égard du manque d’information fournie par l’entreprise à la communauté crie de Mistissini. Dans cette section, nous présentons de façon détaillée les pièces maîtresses de la démarche mise en œuvre par le promoteur, notamment l’entente avec le Cree Mineral Exploration Board ainsi que l’Entente de communication et d’information, qui selon le promoteur, venait renforcer son approche d’engagement et de consultation de la communauté. 4.3.1 Ce que Strateco a fait La Nation crie de Mistissini a exprimé plusieurs préoccupations dans le cadre des audiences publiques du COMEX/COFEX-S et a produit un mémoire après les audiences publiques pour exprimer ses préoccupations, et ce, depuis l’année 2010. Les préoccupations portent sur les bénéfices économiques et sociaux, les impacts perçus sur l’environnement, notamment l’eau ainsi que la santé. À plusieurs reprises, dans le mémoire, il est mentionné que Strateco n’a pas informé convenablement la population de Mistissini des enjeux liés à l’uranium et des risques associés au projet Matoush. Devant ce constat, Strateco a décidé de redoubler les efforts afin de reconstruire la relation avec la communauté et le Conseil de bande nouvellement élu, et pour ce faire, Strateco a jugé bon de revoir son approche entièrement afin de fournir une information adaptée aux besoins exprimés. Entente avec le Cree Mineral Exploration Board (« CMEB ») En janvier 2011, dans l’espoir de faire en sorte que la communauté soit informée adéquatement, et ce, dans la langue crie, Strateco a signé un contrat avec le Cree Mineral Exploration Board (CMEB) afin que la bonne information soit véhiculée, dans la langue crie et « The Cree Way ». Le CMEB offrait une option intéressante puisqu’il s’agissait d’une entité crédible et indépendante. L’objectif étant de permettre à la Nation crie de Mistissini d’être informé des faits et ainsi dissiper la peur et les perceptions erronées quant aux impacts anticipés. Les activités suivantes devaient être réalisées dans le cadre de l’entente avec le CMEB : • Développer un plan de communication pour présenter le projet auprès de la communauté. • Fournir l’information sur le projet Matoush par l’entremise d’un intervenant cri formé sur les aspects techniques du projet Matoush ainsi que sur les enjeux sur la santé (exposition à la radiation, etc.). 40 • Mettre sur pied un centre d’information situé à Mistissini afin de fournir de l’information sur le projet et de répondre aux questions des membres de la communauté. • Retenir les services de conseillers indépendants, y compris des professeurs d’université ayant une forte crédibilité au sein de la Nation crie de Mistissini, des représentants d’organismes environnementaux afin de venir à Mistissini pour exprimer leur point de vue sur le projet d’exploration et de répondre aux questions posées par les participants. • Fournir de l’information complète sur le projet, y compris une modélisation en trois dimensions du projet d’exploration, une présentation des différentes étapes du projet ainsi que sur le programme de surveillance de l’environnement, la production d’un documentaire qui présentera les avantages et les inconvénients d’un projet d’exploration en tenant compte, entres autres, de l’expérience de la Saskatchewan. Dans le cadre de cette entente, le CMEB a imposé une clause de non-ingérence à Strateco dans la mise en place du plan de communication auprès de la communauté crie de Mistissini. Durant la période du contrat, Strateco ne devait pas entrer en contact avec la communauté : « Strateco hereby agrees and consents that the CMEB is solely responsible to implement the Project, being understood that Strateco shall refrain from any type of intervention concerning the implementation of the Project, including among others, provide information directly to the Community of Mistissini ». (notre soulignement) C’est finalement au début du mois de mars 2011 que le président du CMEB a signé une entente de service avec M. Allen Matoush, résidant de Mistissini et tallyman d’une ligne de trappe au nord et adjacente au projet Matoush afin de remplir ledit mandat. Le mandat s’est terminé le 23 décembre 2011. La signature de l’Entente de communication et d’information entre Strateco et la Nation crie de Mistissini en décembre 2011 est donc apparue comme une étape cruciale afin de rapprocher les parties. Entente de communication et d’information Strateco et la Nation crie de Mistissini ont signé, le 23 décembre 2011, malgré l’opposition d’un groupe de militants contre le projet, une Entente de communication et d’information. Cette entente reflétait la volonté des parties engagées à développer et mettre en œuvre une stratégie de communication pour faciliter le dialogue afin que la phase d’exploration avancée et le développement du projet Matoush s’effectuent en étroite collaboration et dans un esprit de partenariat. L’Entente avait été conclue pour une période de quatre ans et était sujette à une révision annuelle. Cette entente devait permettre d’échanger de l’information afin de répondre aux questionnements et préoccupations sur le projet Matoush et sur l’uranium en général, exprimés par la Nation crie de Mistissini, notamment lors des audiences publiques du COMEX et du COFEXS. Les principales clauses de l’Entente sont reprises dans les paragraphes suivants et l’Entente complète est présentée en annexe (Annexe 1). 41 Dans le cadre de cette entente, Strateco devait40 : • Procéder, en temps opportun, avec la collaboration de la communauté crie de Mistissini, au déménagement du bureau de Strateco dans la communauté dans une zone lui permettant de jouir d’une visibilité accrue. • Fournir les fonds nécessaires pour le paiement d’une indemnité convenue à une personne embauchée par la communauté crie de Mistissini afin d’agir comme agent de liaison, sous approbation de Strateco, ce qui a été réalisé. • Faire tout en son possible pour embaucher un intervenant Cris provenant de la communauté crie de Mistissini à titre de coordonnateur des relations avec le milieu, ce qui a été réalisé. • Veiller à ce que la communauté reçoive, en temps opportun, tous les renseignements pertinents et utiles pour mieux comprendre les impacts du projet Matoush, y compris les impacts sur la communauté ainsi que sur les territoires de trappes lors de la phase d’exploration souterraine. • Participer, à la demande de la communauté crie de Mistissini, aux réunions du Conseil de bande de Mistissini ainsi qu’aux réunions publiques qui auront lieu dans la communauté afin de fournir des informations sur le projet Matoush. • Répondre, en temps opportun, aux préoccupations soulevées au cours des réunions publiques et fournir des réponses et une rétroaction sur ces préoccupations à la communauté crie de Mistissini. • Fournir l’étude d’impact environnemental et social ainsi que les documents supplémentaires fournis, soit au COMEX, au COFEX, AACS, CCSN ainsi que la copie des demandes d’approbation, de permis et d’autorisation des autorités ayant juridiction ainsi que tout autre document important soumis à ces autorités à l’égard du projet Matoush. • Prendre les mesures nécessaires pour accorder un mandat pour la réalisation, dans des délais raisonnables et appropriés, d’une étude indépendante des eaux souterraines et de surface provenant du projet Matoush en direction du lac Mistassini. • Payer les frais de déplacements pour les tallymen concernés ainsi qu’un membre de leur famille et les membres du Conseil de bande de Mistissini pour visiter la mine Rabbit Lake de Cameco située en Saskatchewan. • Organiser, à la demande de la communauté, des réunions d’information sur le projet Matoush, en collaboration avec d’autres organisations, ciblées pour l’association des femmes autochtones, le conseil des anciens et l’association des trappeurs Cris. De son côté, la Nation crie de Mistissini devait : 40 • Soutenir et faciliter la relocalisation du bureau de Strateco dans la communauté crie de Mistissini dans un endroit visant à accorder une visibilité accrue à Strateco. • Collaborer, en temps opportun, avec Strateco dans l’identification de candidats Cris pour le poste d’agent de liaison et celui de coordonnateur des relations avec le milieu. Veuillez noter qu’il s’agit d’une traduction libre des clauses de l’Entente de communication et d’information présenté à l’annexe 1. 42 • Soulever, en temps opportun, avec Strateco toute préoccupation qu’elle pourrait avoir à l’égard du projet Matoush, les activités d’exploration avancée d’uranium ainsi que les activités minières en général, de sorte que ces problèmes puissent être résolus par Strateco. • Faciliter la présence de Strateco aux réunions du Conseil de Mistissini, réunions du Grand Conseil des Cris (Eeyou Istchee) et du conseil de l’Administration régionale crie, au besoin, des réunions communautaires dans la communauté crie de Mistissini ainsi que les familles des lignes de trappes. • Informer et inviter Strateco à assister et à participer à toutes les réunions tenues dans la communauté crie de Mistissini au cours de laquelle le projet Matoush sera discuté, à l’exception des réunions tenues à des fins de discussions internes. • Fournir à Strateco toute la documentation fournie par Mistissini au COMEX, COFEX-S, la LCEE ou la CCSN dans le cadre du projet Matoush. Dans l’Entente, Strateco et la Nation crie de Mistissini devaient réaliser conjointement les activités suivantes : • Développer, de façon conjointe, un plan de communication afin de faciliter le dialogue entre Strateco et la communauté crie de Mistissini. • Développer d’autres mécanismes de communication afin de faciliter la diffusion à Mistissini de toute l’information pertinente et utile sur le développement et l’exploration du projet Matoush, les activités d’exploration avancées d’uranium ainsi que les activités minières en général. • Travailler conjointement afin d’assurer une continuation continue avec les membres des familles des lignes de trappes, afin de tenir compte de leurs droits, leurs intérêts et leurs préoccupations, le cas échéant. • Collaborer dans la recherche d’accès au financement par des tiers pour la réalisation d’études par des experts scientifiques indépendants, qui pourraient être nécessaires pour fournir des informations pertinentes et utiles sur le développement et l’exploration du projet Matoush, les activités d’exploration avancées d’uranium ainsi que les activités minières en général. • Travailler conjointement afin que toutes les démarches entreprises par les parties, en vertu de l’accord, soient appliquées de façon mutuellement bénéfiques et à l’intérieur des paramètres des lois applicables. Cette entente se voulait une base solide pour établir les fondements d’une plus grande collaboration et communication. L’entente devait permettre d’échanger de l’information afin de répondre aux questionnements et préoccupations de la Nation crie de Mistissini sur le projet Matoush et sur l’uranium en général, et ce, pour toute la durée de la phase d’exploration avancée. Il s’agissait d’une opportunité pour la communauté crie de Mistissini de travailler en collaboration avec Strateco dans le but de bien identifier les risques et mettre en place les mesures et mécanismes adéquats de mitigation à cet égard. Strateco était consciente que l’entente ne représentait pas une « acceptation » ou un « endossement » du projet par les Cris, mais elle représentait néanmoins un désir de dialoguer et de travailler ensemble, ce qui est à la base de toute démarche d’acceptabilité sociale. Pour reprendre la définition mise de l’avant par le MDDEFP, cette entente qui va au-delà des exigences légales, devait permettre aux deux parties de « [construire] ensemble les conditions minimales à mettre en place, pour [que le] projet […] s’intègre de façon harmonieuse, et à un moment donné, dans son milieu 43 naturel et humain.41» Le résultat de ce processus était prévu pour la fin de la phase d’exploration avancée, soit dans un horizon de quatre ans. Cette entente, toujours en vigueur pour Strateco, a été résiliée par le Conseil de bande dans une lettre envoyée le 22 janvier 2013, sans aucun motif. En raison de cette résiliation, Strateco a dû mettre en veilleuse plusieurs des choses qui auraient sans aucun doute permis de poursuivre et d’améliorer la communication d’information pertinente. Réalisations suite à la signature de l’Entente de communication et d’information Les actions suivantes ont eu lieu entre les mois de janvier et de mai 2012, suite à la signature de l’Entente par les deux parties. 1) Comité de l’Entente (Communication and Information Committee) Tel que convenu dans l’Entente, un comité composé de trois membres sélectionnés par Strateco et trois membres sélectionnés par Mistissini a été formé. Six rencontres ont eu lieu entre janvier 2012 et la mi-mai 2012. Dans les mois précédant les audiences publiques, plusieurs avancées ont été réalisées, dont la nomination d’un coordonnateur des relations avec le milieu ainsi que des séances d’information publiques. Les procès-verbaux des six rencontres sont présentés en annexe puisqu’ils témoignent de la volonté marquée de Strateco de collaborer avec les représentants de la communauté crie de Mistissini (Annexe 2). 2) Nomination d’un coordonnateur des relations avec le milieu Le 20 février 2012, soit moins de deux mois après la signature de l’Entente entre Strateco et Mistissini, monsieur Allen Matoush a été nommé coordonnateur des relations avec le milieu pour Strateco. Sa candidature a été soumise pour approbation au Chef Richard Shecapio et a été acceptée. Monsieur Allen Matoush, lui-même tallyman, a travaillé pour le Cree Mineral Exploration Board et est bien connu des tallymen ainsi que de l’ensemble de la communauté. Son rôle consistait à assurer une présence au sein de la communauté, de représenter Strateco au sein de la communauté et de répondre aux questions au regard du projet. 3) Financement d’un agent de liaison de Mistissini Tel que prévu dans l’Entente, la Nation crie de Mistissini a nommé un agent de liaison, monsieur Freddy Mianscum qui est entré en poste le 2 avril 2012 et dont les honoraires ont été défrayés par Strateco. L’agent de liaison pour le projet Matoush avait comme mandat : “Reporting to the Chief and the Mistissini Band Council and working in close association with all Cree committees involved or with an interest in the Matoush project, the Liaison Officer will provide strong, continuous liaison between the Cree Nation of Mistissini and Strateco. In collaboration with Strateco’s Community Affairs Manager, Daniel Bergeron, he or she will be in charge of organizing the numerous focus group meetings necessary to gather information on the needs and concerns of the Cree Nation of Mistissini in connection with the Matoush project. 41 CARON-MALEFANT, J. et CONRAUD, T. (2009). Guide pratique de l’acceptabilité sociale : pistes de réflexion et d’action, Édition DPRM. 44 The Liaison Officer will be in charge of transmitting regular updates on the project to the Cree Nation of Mistissini. He or she will ensure proper follow-up on specific demands, and provide answers to questions on the project in a timely and efficient manner. The Liaison Officer will coordinate and facilitate all communications between Strateco and the Mistissini Band Council and will report regularly on his or her activities related to all aspects of the project, whether social, environmental, economic, or related to jobs, community or business opportunities. Finally, the Liaison Officer will coordinate contacts between the Cree media and the spokesperson for Strateco, Jean-Pierre Lachance, Executive & Exploration Vice president.” 4) Séances d’information publiques, groupes de discussion et activités de communication Strateco a été invitée par le Chef Richard Shecapio à présenter le projet Matoush ainsi que l’équipe de relation avec le milieu à la communauté lors de l’Assemblée générale spéciale des membres de la Nation crie de Mistissini, le 27 février 2012. Le Chef Richard Shecapio a également présenté le contenu de l’Entente de communication et d’information. Par la suite, une rencontre avec les tallymen du secteur du projet Matoush a été tenue le 13 mars 2012 à Mistissini. Une journée porte ouverte a été tenue à Mistissini le 14 mars 2012. Le Conseil de bande avait invité M. Clarence Natomagan, consultant de la Saskatchewan, à participer à la séance d’information publique. M. Natomagan était accompagné d’un Elder et d’un représentant des jeunes, tous deux de la Saskatchewan. Lors de la rencontre du Comité de l’Entente le 3 avril 2012, il a notamment été question de cette présentation. Lorsque questionné sur les impressions quant à la rencontre, l’un des représentants de la communauté crie de Mistissini siégeant sur le Comité a émis les commentaires suivants : « He says that he was surprised by the number of people that were supporting the project. At the last meeting he attended, there was much more opposition against the development of a uranium project. Moreover, he indicates that there was a good representation of the people and that the turning point of the open house meeting was right after the presentation of Clarence Natomagan. At that moment, more people expressed themselves and more people seemed open to the development of the project”. Cette citation semble démontrer qu’en mars 2012, l’opposition au projet n’était pas systématique au sein de la communauté. Plusieurs membres de la communauté semblaient ouverts à l’idée du projet Matoush et supportaient même le projet. Avant les audiences publiques de la CCSN en juin 2012, il y a eu une rupture des relations. À ce moment, les représentants de la communauté siégeant sur le Comité de l’Entente ont cessé de répondre aux convocations de Strateco alors que cette dernière désirait maintenir la relation et poursuivre les échanges. Lors de la première journée des audiences publiques de la CCSN, le 5 juin 2012 à Mistissini, le Chef de la Nation cri de Mistissini, Richard Shecapio, a demandé un moratoire sur le développement uranifère. En août 2012, le Grand conseil des Cris du Québec s’est rangé derrière la position du Conseil de bande de Mistissini et a demandé un moratoire (un bannissement) permanent sur les mines d’uranium sur les territoires conventionnés. 45 4.3.2 Ce que Strateco n’a pas été en mesure de faire Malgré les efforts déployés de part et d’autre, la relation entre la communauté crie de Mistissini et le promoteur a été laborieuse. Au-delà des éléments identifiés ci-dessus concernant les actions posées par Strateco, le promoteur n’a pas réussi à faire tout ce qu’il désirait dans le cadre de la démarche de consultation et participation avec la communauté crie de Mistissini. Les points suivants présentent certains de ces éléments : Entente avec le Cree Mineral Exploration Board Pendant la durée de l’entente avec le CMEB, soit entre janvier 2011 et décembre 2011, Strateco, à la demande du CMEB, n’a eu aucune relation avec la communauté crie de Mistissini, cette exigence était spécifiée dans le contrat qui liait le promoteur et le CMEB. Ceci pourrait avoir contribué à la perception de l’absence du promoteur au cours de l’année 2011. Il est cependant important de rétablir les faits puisque le promoteur ne pouvait faire autrement durant la durée de l’entente. Un mécanisme parallèle devait être mis en branle par lequel l’information devait être communiquée au sein de la communauté. Visite en Saskatchewan organisée par la CRÉBJ En janvier 2011, le Conseil de bande de Mistissini a été invité à participer à une mission en Saskatchewan par le Ministre délégué aux Mines, avec la CRÉBJ afin de visiter la mine Rabbit Lake de Cameco. Cependant, personne du Conseil de bande de Mistissini n’a été délégué pour y participer. La mine Rabbit Lake est la mine d’uranium la plus importante au Canada. Il existe une cohabitation avec la mine et son entourage. Selon Strateco, les représentants de la CRÉBJ qui ont visité les lieux sont revenus au Québec rassurés. Le promoteur trouve déplorable que la communauté n’ait pas profité de l’occasion pour visiter les lieux. En vertu de l’Entente de communication et d’information, certaines démarches devaient être entreprises par Strateco, par la communauté crie de Mistissini ou conjointement par les deux parties. Visite en Saskatchewan organisée par Strateco Strateco s’est engagée dans l’Entente de communication et d’information à défrayer les coûts d’un voyage en Saskatchewan pour visiter la mine Rabbit Lake de Cameco Corporation à Eagle Point pour des tallymen et des membres de leurs familles ainsi que des membres du Conseil de bande de Mistissini. Le but de ce voyage était de permettre à ces membres de Mistissini de visiter une mine d’uranium et de rencontrer des membres d’une communauté crie de la Saskatchewan afin d’échanger avec eux sur la réalité de vivre à proximité d’une telle mine. Cette visite était importante aux yeux de Strateco afin de rétablir les faits. Selon Strateco, contrairement aux idées qui circulent quant aux effets nocifs de l’exploration et de l’exploitation de l’uranium, l’expérience vécue par les populations autochtones et allochtones à proximité des sites de la Saskatchewan prouve qu’il n’en est rien, et ce, même avec une mine d’uranium à moins de 30 km. Plusieurs efforts ont été déployés par Strateco ainsi que par Cameco qui devait être l’hôte de la délégation. Le voyage, d’abord prévu pour le mois d’avril 2012, a été déplacé au mois de mai afin d’accommoder les membres du Conseil, cependant, ceux-ci n’ont pas répondu aux dernières communications. Strateco a été obligée d’annuler le voyage à la dernière minute. 46 Étude régionale sur l’eau souterraine et de surface Reconnaissant l’importance des préoccupations exprimées par la communauté crie de Mistissini au regard de l’eau, notamment la vulnérabilité du lac Mistassini, Strateco s’était engagée dans l’Entente de communication et d’information à accorder un mandat pour la réalisation d’une étude de référence indépendante sur l’écoulement des eaux de surface et souterraines à partir du projet Matoush jusqu’au lac Mistassini. Après discussion avec les membres du comité de l’Entente, un expert en écotoxicologie aquatique et biologiste des habitats des poissons avait été contacté pour réaliser l’étude additionnelle sur l’eau souterraine et de surface. Pour éviter tout conflit d’intérêts, le Département de l’environnement de Mistissini était en charge de faciliter le travail de l’expert en l’aidant à organiser ses travaux. Il avait été convenu que la contribution de la communauté crie de Mistissini serait mise à profit lors de la réalisation de l’étude, notamment pour l’identification des sites d’échantillonnage et la collecte d’informations. Il était prévu que les résultats de l’étude soient communiqués à l’ensemble de la communauté. Cependant, le Département, bien qu’ayant accepté sa responsabilité, a déclaré ne plus vouloir collaborer avec l’expert, pour la raison qu’il était payé par Strateco. Relocalisation du bureau de Strateco à Mistissini Tel que convenu dans l’Entente de communication et d’information, la Nation crie de Mistissini devait aider Strateco à relocaliser son bureau afin d’améliorer sa visibilité au sein de la communauté. Cependant, après avoir abordé le sujet lors de toutes les rencontres du comité de l’Entente, Strateco n’a reçu aucune proposition valable. Il s’agissait cependant d’un élément important pour assurer sa présence au sein de la communauté, pour répondre aux questions et préoccupations. Strateco a maintenu jusqu’à tout récemment, tant que ses ressources financières le lui permettait, un bureau de contact à Mistissini et un bureau d’affaires à Chibougamau avec en place un directeur des relations avec le milieu. Ce dernier avait pour rôle de répondre aux questions et organiser des rencontres avec les communautés. Rencontres avec les jeunes de Mistissini Conscient de l’importance de parler aux jeunes, le promoteur a tenté d’aller visiter l’école de Mistissini afin de répondre à leurs questions. L’accès a toujours été refusé. Pourtant, la visite de représentants identifiés comme étant « anti-nucléaire » a été permise. D’ailleurs, lors de l’audience publique de la CCSN à Mistissini, Strateco a été victime d’une campagne antinucléaire, d’origine inconnue. La photo d’un enfant sévèrement déformé a été affichée sur la porte d’un dépanneur. L’affiche associait la déformation infantile aux mines d’uranium. Strateco n’a pas eu l’opportunité de rétablir les faits. Bien qu’il soit recommandé de toujours conserver un sens critique quant à l’information véhiculée par un promoteur,42 il devrait en être de même quant à l’information véhiculée par d’autres groupes. Plusieurs affirmations véhiculées à propos du projet ont été considérées comme des faits véridiques et crédibles à Mistissini ce qui a beaucoup nui aux relations avec la communauté. En effet, plusieurs informations véhiculées portaient sur d’anciens sites d’uranium, fermés depuis plusieurs années, plutôt que sur des mines 42 INSTITUT DU NOUVEAU MONDE (2013). Guide d’accompagnement pour se préparer à une audience publique en environnement, Montréal. 47 actuellement en exploitation au Canada, notamment en Saskatchewan et des entreprises au stade de l’exploration. Préparation aux audiences publiques de la CCSN En février 2012, Strateco avait proposé qu’un membre de la CCSN vienne faire une présentation au cours d’une rencontre « porte ouverte » sur le processus de consultation et d’audience publique en préparation des audiences publiques de la CCSN (4 et 5 juin 2012 à Mistissini et 6 juin à Chibougamau). Le Conseil de bande était responsable d’inviter le représentant de la CCSN, mais une erreur dans l’adresse courriel a fait en sorte que le représentant n’a pas reçu le courriel et n’a donc pas participé aux portes ouvertes. Strateco a alors proposé d’organiser un appel téléphonique afin de permettre aux membres du comité de l’Entente de connaitre la structure et la nature exacte des audiences publiques prévues en juin. Aucune suite n’a été donnée à cette proposition. Strateco a continué d’insister pendant le printemps 2012 pour que le représentant de la CCSN vienne faire une présentation, mais le Conseil de bande a jugé qu’il serait préférable que le personnel de la CCSN n’ait pas de contact avec les membres de la communauté avant les audiences publiques. Rencontres du Comité de l’Entente de communication et d’information Il était envisagé que le Comité mette en œuvre des outils de communications additionnels, incluant des sessions d’information, un aide-mémoire pour le projet, des initiatives de partage d’information, des mises à jour régulières du site internet, la participation à divers projet sociaux, communautaires, économiques et culturels avec la Communauté crie de Mistissini. Cependant, les échanges entre Strateco et la communauté se sont arrêtés suite aux audiences publiques de la CCSN : • En juin 2012, une rencontre du comité de l’Entente devait avoir lieu, à la suite des audiences publiques de la CCSN, mais elle n’a jamais eu lieu, aucune explication ayant été donnée par la Nation crie de Mistissini; • Une réunion du comité de l’Entente avait été proposée verbalement par le député-chef de Mistissini le 24 juillet 2012, mais elle n’a jamais eu lieu malgré la volonté de Strateco d’y participer, aucune explication ayant été donnée par la Nation crie de Mistissini; • Un courriel, daté du 7 septembre 2012, a été envoyé aux membres du comité de l’Entente afin de tenir une conférence téléphonique le 11 septembre 2012 pour relancer les travaux du comité et fixer la date d’une prochaine rencontre officielle. Aucun représentant de Mistissini n’y a participé. Il a été discuté au chapitre 3 que le processus d’acceptabilité sociale est un processus fondamentalement collaboratif. Le promoteur et les parties prenantes doivent collaborer à l’identification des conditions devant être mise en place pour qu’un projet puisse s’intégrer harmonieusement dans son milieu. L’Entente de communication et d’information représentait l'assisse permettant conjointement de contribuer à la démarche d'acceptabilité sociale selon la définition qui en est faite aux présentes, démarche à laquelle les Cris ont implicitement choisi de mettre fin. Le promoteur a pourtant tenté de poursuivre la collaboration et les discussions en vain. 48 4.4 Parallèles avec l’exploration pétrolière à Anticosti Lors d’une entrevue portant sur le processus d’exploration pétrolière à Anticosti, le Ministre Blanchet a tenu les propos suivants : « C’est seulement une fois que les entreprises auront terminé l’exploration sur Anticosti que le gouvernement mandatera la Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE) pour étudier les risques de l’exploitation. Pour le moment, on ignore totalement combien de forages et d’opérations de fracturation seront nécessaires avant de statuer sur la possibilité d’extraire du pétrole. 43» « Je ne suis pas là pour dénoncer, condamner ou reprocher. Je suis là pour être un partenaire de prévisibilité pour les entreprises. Les entreprises vont collaborer étroitement avec le ministère. Le ministère va collaborer étroitement avec les entreprises pour qu’on avance ensemble de façon sécuritaire. Le plus grand service qu’on peut rendre aux entreprises est de rassurer la population par rapport à ce qui se passe. Si la population est rassurée, la capacité d’aller de l’avant des entreprises est évidemment plus importante.44 » Le Ministre souhaite « être un partenaire de prévisibilité » pour les entreprises dans la filière pétrolière. Or, en mars 2013, le Ministre Blanchet a annoncé qu’il avait mandaté le BAPE pour évaluer les impacts environnementaux et sociaux de l’exploration et de l’exploitation de l’uranium. Contrairement à la situation à Anticosti, le MDDEFP a choisi de demander au BAPE de se prononcer alors que les travaux d’exploration ne sont pas encore terminés. Pendant les travaux du BAPE, aucun certificat d’autorisation ne sera délivré. Cette annonce a été suivie, le 21 juin 2013, par l’envoi d’un Avis préalable au refus de délivrer un certificat d’autorisation. Le MDDEFP a accordé, en juillet 2013, un contrat à l’Université Laval pour la réalisation d’un document de consultation et de vulgarisation en prévision pour la tenue du BAPE. La notion d’acceptabilité sociale n’est pourtant pas couverte dans les travaux, ces derniers portant presque exclusivement sur le volet environnemental. Depuis ce temps, le Ministre a refusé une rencontre avec le promoteur dans le but de comprendre les motifs qui pourraient mener au refus d’émettre le certificat d’autorisation. Le promoteur a pourtant déjà investit plus de 125 millions de dollars dans le développement d’un projet et il a reçu 22 permis du MDDEFP permettant l’exploration. 4.5 Conclusion du chapitre Avec son projet Matoush, Strateco est, sans contredit, assujettie au processus d’examen le plus rigoureux dans l’industrie minière. Des processus formels visant à fournir de l’information sur le projet et à consulter les parties prenantes ont eu lieu entre les années 2010 et 2012. À cet égard, Strateco a livré toutes les informations concernant les différents aspects de ce projet auquel elle pouvait répondre à ce stade. Les quatre prochaines années d’exploration avancées sont cruciales afin de permettre au promoteur de fournir davantage de précisions techniques et environnementales et d’apaiser les craintes et les préoccupations exprimées relativement au projet. 43 44 SHIELD, A. (2013). « Environnement – Québec se voit comme « partenaire » des pétrolières », Le Devoir, 23 mai. Ibid. 49 Chapitre 5 Analyse de l’approche Strateco en matière d’acceptabilité sociale Dans ce chapitre, sur la base que l’acceptabilité sociale d’un projet ne se mesure pas en fonction du résultat, mais plutôt en fonction du processus utilisé, la démarche d’information et de consultation mise de l’avant par le promoteur est analysée au regard de bonnes pratiques. 5.1 Démarche analytique L’Avis préalable au refus de délivrer un certificat d’autorisation invoque une « absence d’acceptabilité sociale suffisante à l’égard du projet ». Le promoteur croit pourtant avoir utilisé un processus rigoureux et ne pas avoir ménagé les efforts pour favoriser l’acceptabilité sociale de son projet. Nous nous sommes donc prêtés à une analyse comparative du processus mis en œuvre par le promoteur avec les bonnes pratiques proposées ci-dessus pour favoriser l’acceptabilité sociale afin de jeter un regard critique sur les démarches mises de l’avant par le promoteur. L’analyse a été réalisée en deux temps. Dans un premier temps, l’approche qui a été développée pour l’ensemble des parties prenantes est évaluée au regard des étapes des processus généralement observés dans les démarches d’acceptabilité sociale telles, que définies par l’Institut du Nouveau Monde45. Dans un deuxième temps, la démarche entreprise auprès de la communauté crie de Mistassini a été évaluée au regard du guide du Conseil patronal de l’environnement du Québec46. En effet, la communauté crie de Mistissini est une partie prenante prioritaire pour Strateco, et à cet égard, le promoteur a utilisé divers mécanismes afin de développer une relation privilégiée avec cette dernière. Plusieurs reproches ont été exprimés à l’effet que Strateco n’avait pas pris suffisamment de mesures pour informer cette partie prenante. L’analyse vise donc à évaluer ce qu’a fait Strateco au regard des bonnes pratiques développées par le CPEQ, et ce, selon les phases du projet Matoush. Ces guides ont été choisis puisqu’ils proviennent de deux organismes jouissants d’une bonne crédibilité au Québec. Ils ont d’ailleurs été cités par le MDDEFP dans la lettre du 2 août 2013 visant à apporter des précisions aux demandes exprimées par le promoteur. Ils sont également très récents, et donc bénéficient d’un caractère d’actualité. Le projet Matoush étant situé au Québec, les guides publiés par deux organismes québécois sont plus adaptés au contexte de l’entreprise comparativement aux guides de International Council on Mining and Metals (Conseil International des Mines et Métaux (ICMM)) et de International Finance Corporation (Société financière internationale) qui mettent davantage l’emphase sur les pays en voie de développement. 45 INSTITUT DU NOUVEAU MONDE (2013). Étude sommaire sur les processus et les facteurs d’acceptabilité sociale pour le secteur industriel, Montréal, p. 5. 46 CONSEIL PATRONAL DE L’ENVIRONNEMENT DU QUÉBEC (2012). Guide de bonnes pratiques afin de favoriser l’acceptabilité sociale des projets, Montréal, p. 8. 50 5.2 Analyse de l’approche avec l’ensemble des parties prenantes Selon l’INM, un processus d’acceptabilité sociale est composé de sept étapes essentielles.47 Les démarches et initiatives de Strateco depuis 2006 sont reprises ci-dessous en fonction de ces sept étapes afin d’en évaluer la complétude. Il est important de tenir compte du stade dans lequel se situe le projet, soit la phase d’exploration et non la phase de construction ou d’exploitation. De plus, il est important de réitérer qu’en raison des exigences en lien avec la composante uranifère du projet, le promoteur a produit une Étude d’impact environnementale beaucoup plus tôt dans le cycle de vie du projet minier qu’une entreprise aurifère, par exemple, n’aurait été contrainte de le faire. Recommendations Réalisations de Ressources Strateco Diffuser de l’information claire, synthétisée et vulgarisée sur le projet, la rendre accessible à tous ceux qui pourraient être intéressés, et les aviser de la disponibilité de cette information. Consciente que le projet Matoush est le projet le plus avancé d’exploration uranifère au Québec, les parties prenantes ne sont donc pas familières avec ce type de projet. Strateco a produit de nombreux documents (brochures, articles de presse, etc.) afin de diffuser l’information relative au projet Matoush et la filière uranifère au sein de la population et des parties prenantes régionales. Lorsque possible, ces documents ont été traduits en Cris afin de s’assurer d’une diffusion optimale au sein de la communauté crie et jamésienne. Inviter toutes les parties prenantes et intéressées à participer à une rencontre d’échange sur le projet. Une vingtaine de séances d’information, de visites et de rencontres d’échange ont été organisées entre 2006 et 2012, ouvertes à tous les types de parties prenantes. Ces séances ont eu lieu à différents endroits afin d’encourager la participation d’un nombre maximum de citoyens et de parties prenantes. Des traducteurs ont été employés afin que certaines séances puissent se faire en trois langues (français, anglais, cri). Ces séances ont permis à la fois de transmettre des informations sur le projet, de faire intervenir des experts indépendants en lien avec l’uranium ou des intervenants de la communauté de la Saskatchewan, mais aussi de répondre aux commentaires, interrogations et préoccupations de la population. Certaines séances ont été organisées conjointement avec la CRÉBJ et le Conseil de bande de Mistissini. Strateco a réalisé de nombreuses autres activités de communication et d’information. Près de 265 ont été répertoriées entre le 4 décembre 2006 et le 19 juillet 2012. Ces rencontres ont pris plusieurs formes : des rencontres individuelles ou en petit nombre (par exemple avec des familles), des rencontres avec des élus politiques ou représentants d’institutions communautaires ou publiques, des rencontres en groupe, sous forme d’atelier de discussion, de séances d’information, de journées « portes ouvertes » ou des visites du site d’exploration, et enfin des représentations lors d’événements particuliers. Rencontrer ces personnes dans un cadre ouvert et structuré, pour répondre à leurs questions, et pour recevoir leurs impressions sur le projet, en amont de la prise de décision. Plus de 60 % des activités de communication et d’information (163) ont été réalisées de façon individuelle ou en petit groupe, afin de discuter des enjeux du projet et recueillir les préoccupations des membres des communautés. Recueillir tous les commentaires de façon méthodique, et documenter, si possible quantitativement, toutes les étapes des échanges. Près de 50 activités ont été réalisées auprès d’organisations de la région, à la fois jamésiennes et cries. Strateco documente de façon systématique et méthodique toutes les rencontres qui ont eu lieu avec les parties prenantes dans le cadre du projet Matoush. Un registre des rencontres est maintenu par l’entreprise. Lors de rencontres officielles, des procès-verbaux sont également consignés. Pour plusieurs réunions de type « porte ouverte », des services de transcription écrite simultanée ont été utilisés afin de pouvoir effectuer un suivi rigoureux des points qui y ont été soulevés. Finalement, la mise en œuvre des recommandations émises par le COMEX/COFEX-S et la CCSN sont suivies dans un document de gestion de projet par le promoteur. 47 INSTITUT DU NOUVEAU MONDE (2013). Étude sommaire sur les processus et les facteurs d’acceptabilité sociale pour le secteur industriel, Montréal, p. 5. 51 Recommendations Étudier les recommandations formulées par les participants et y répondre soit par l’affirmative ou en expliquant les raisons pour lesquelles celles-ci n’ont pas été retenues. Faire un suivi des résultats et des décisions prises dans un délai raisonnable auprès de tous les individus et groupes concernés. Maintenir ouvert un canal de communication accessible et réévaluer, si possible, l’acceptabilité du projet pendant et après son implantation. Réalisations de Ressources Strateco Strateco a produit un document exhaustif dans lequel il a fourni des réponses : • aux questions du 29 avril 2010 formulées par le COFEX-S; • aux questions du public lors des séances d’information du 25 et du 26 mai 2010; • aux demandes d’information supplémentaire du 19 juillet 2010 par l’Agence canadienne d’évaluation environnementale. De plus, Strateco a réalisé un document de réponse à l’ensemble des mémoires déposé dans le cadre de la CCSN. Le promoteur y traite de façon individuelle chaque mémoire et répond aux préoccupations soulevées. Cela était prévu dans l’Entente d’information et de communication pour la période d’exploration avancée souterraine. Divers moyens ont été utilisés afin de maintenir un canal de communication avec la communauté crie de Mistissini. En analysant l’ensemble des activités de communication et d’information réalisées par Strateco entre 2006 et 2012, il est aisé de comparer la démarche utilisée à celles recommandées par les guides de bonnes pratiques dont celui l’INM. Strateco a respecté les sept étapes recommandées par l’INM afin de réaliser une démarche de consultation, d’information et d’échange avec les parties prenantes efficace. 5.3 Analyse de l’approche avec la communauté crie de Mistissini Selon le Conseil patronal de l’environnement du Québec (CPEQ), la démarche d’acceptabilité sociale se décompose en cinq phases, correspondant aux phases du cycle de vie d’un projet.48 Ces phases sont reprises dans la figure ci-dessous. La démarche d’acceptabilité sociale de Strateco ne concerne pour l’instant que la phase d’exploration souterraine du projet Matoush. Il est important de distinguer cette phase de la phase d’exploitation qui aura lieu le cas échéant, si la faisabilité du projet est avérée. C’est pourquoi, en ce moment, seules les phases 1 et 2, décrites par le CPEQ, s’appliquent au projet Matoush, la phase 2 étant toujours en cours, la décision d’aller de l’avant avec le projet n’ayant pas encore été prise. 48 CONSEIL PATRONAL DE L’ENVIRONNEMENT DU QUÉBEC (2012). Guide de bonnes pratiques afin de favoriser l’acceptabilité sociale des projets, Montréal, p. 8. 52 La phase 1 vise à comprendre le contexte dans lequel le projet s’implantera, en identifiant les parties prenantes et les futures interventions à mettre en place et à initier les échanges d’informations. Le tableau suivant compare la démarche empruntée par Strateco auprès de la communauté crie de Mistissini, une partie prenante prioritaire pour Strateco, à celle recommandée par le CPEQ. Phase 1 : Recherche et consultation préalable Recommendations du CPEQ Réalisations de Ressources Strateco auprès de la communauté crie de Mistissini Déterminer et caractériser les parties prenantes Lors de l’acquisition des titres miniers en 2006, le promoteur s’est informé des parties prenantes vivant à proximité du projet minier. En raison de sa localisation, à environ 275 km au nord de Chibougamau et 210 km au nord-est de la communauté crie de Mistissini, le promoteur a identifié la communauté crie de Mistissini et la Ville de Chibougamau comme étant les deux parties prenantes prioritaires pour le projet. Des parties prenantes régionales, provinciales et autres ont également été identifiées comme pouvant être concernées par le projet. Évaluer l’historique du milieu et l’information pertinente disponible aux parties prenantes Le projet Matoush est un projet d’exploration uranifère. La filière uranifère n’étant pas encore développée au Québec, les parties prenantes, incluant la communauté crie de Mistissini, disposaient donc de peu d’informations, de références et de connaissances pour saisir la portée du projet. Les communautés locales sont toutefois assez familières avec le secteur minier, grâce à plusieurs projets de mines, arrêtés ou en cours, qui ont eu lieu dans la région. Lors de son arrivée dans la région, Strateco s’est renseignée sur les démarches de Stornoway Diamond Corporation et Ressources Cartier (deux autres projets miniers sur territoire Cris) et a pris contact avec les dirigeants de ces projets d’exploration, le premier étant situé au nord du Projet Matoush (diamants) et le second en Abitibi (or). Évaluer le contexte économique, environnemental et politique d’implantation Grâce aux projets miniers qui ont eu lieu dans la région, les membres des communautés locales (cries et jamésiennes) ont pu développer une connaissance en lien avec le secteur minier. Il existait donc une main-d’œuvre qualifiée sur le marché. La communauté crie de Mistissini avait également connu la mine Troilus, une mine d’or, située à 120 kilomètres au nord de Chibougamau. Choisir un porte-parole Le porte-parole de Strateco était Jean-Pierre Lachance, vice-président exécutif et exploration et est la personne responsable des relations avec les communautés depuis 2006. À compter de janvier 2010, Monsieur Lachance était assisté aux bureaux de Chibougamau et Mistissini par des directeurs de relations avec le milieu soit M. Daniel Bergeron, jusqu’au 7 octobre 2011, et M. Stéphane MacKenzie, de la fin de l’année 2011 jusqu’au mois de mai 2013. Monsieur Jonathan Lafontaine, chef géologue agissait aussi à titre de porte-parole de Strateco lors des réunions annuelles avec les tallymen. 53 Phase 1 : Recherche et consultation préalable Recommendations du CPEQ Débuter le dialogue avec la communauté (consultation préalable) et l’adaptation du projet Réalisations de Ressources Strateco auprès de la communauté crie de Mistissini Depuis le début des travaux d’exploration, en 2006, soit lors de la découverte d’une quantité significative de minerai d’uranium, un contact a été établi avec la Nation crie de Mistissini. Lors de la première réunion avec le Conseil de bande de Mistissini et certains membres de la communauté, il a été décidé conjointement de mettre l’emphase sur la communication auprès des tallymen et les familles des lignes de trappes. Ces derniers étaient considérés à titre de parties prenantes les plus directement concernées par le projet Matoush au sein de la communauté crie de Mistissini puisque les familles chassent et pêchent sur le terrain où l’entreprise avait découvert le gisement. Depuis février 2008, et ce, à chaque année jusqu’en 2012, des réunions annuelles ont eu lieu avec les familles des lignes de trappes et les tallymen. Ces rencontres ont permis d’échanger un certain nombre d’informations sur les enjeux liés au projet Matoush et de répondre aux préoccupations au fur et à mesure du développement du projet. À cette étape, Strateco avait compris que les préoccupations étaient liées aux impacts environnementaux sur les poissons, les orignaux, les fruits sauvages, pour n’en nommer que quelques-uns. Une première présentation générale du projet à l’ensemble de la communauté crie de Mistissini a eu lieu en décembre 2008, avec la collaboration de l’ancien Chef de Bande de Mistissini. Cette présentation a été suivie de deux jours de rencontres avec des groupes individuels, incluant les tallymen et les familles, et les Elders. Durant cette rencontre, Strateco a été en mesure de confirmer les principales préoccupations de la population, notamment en ce qui a trait à la faune et la flore et l’eau. La phase 2 correspond à la mise en place des premières démarches d’échanges avec les communautés concernées, dans un souci de transparence. Phase 2 : information, évaluation et consultation Recommendations du CPEQ Évaluer les risques et les impacts que subiront les diverses parties, en collaboration avec des partenaires locaux, régionaux et du milieu académique Réalisations de Ressources Strateco En raison des particularités du projet de par sa composante uranifère (décrites à la section 4.1.3), Strateco a déposé une étude d’impact sur l’environnement en octobre 2009 afin de dresser un portrait des impacts et des risques associés avec la phase d’exploration avancée du projet. Une séance publique d’information a eu lieu à Mistissini en mars 2010 avec la collaboration de l’ancien Chef de bande de Mistissini. Plusieurs experts indépendants, à la fois dans le domaine médical et de l’uranium, ont été mandatés pour réaliser des présentations sur les enjeux du projet. Strateco a participé activement à cette journée d’information en présentant le projet et en répondant aux questions. En mai 2010, Strateco a présenté aux communautés de Chibougamau et Mistissini son étude d’impact sur l’environnement et a recueilli les préoccupations exprimées à l’égard du projet. 54 Phase 2 : information, évaluation et consultation Recommendations du CPEQ Réalisations de Ressources Strateco 1.1.1 1.1.2 Informer et consulter la communauté selon des pratiques adaptées au contexte Divers moyens de communications ont été utilisés ainsi qu’une gamme d’outils afin de joindre la communauté crie. Une première brochure sur l’uranium a été distribuée en 2007 et des articles ont été publiés dans le journal local Cris The Nation. La CRÉBJ (par l’entreprise du comité uranium) a organisé la venue de quatre chefs autochtones de la Saskatchewan afin de partager leur expérience avec la communauté crie de Mistissini. Ces sessions d’information ont été organisées par l’ancien Chef de Mistissini et l’organisation autochtone Learning Together. Strateco a mis en ligne, à la mi-mars 2010, une nouvelle version de son site Web dans le but de permettre aux membres des communautés locales de trouver des réponses à leurs questions et même de communiquer avec l’équipe de Strateco par l’entremise du site. Deux visites du site d’exploration ont été organisées. La première, en septembre 2010, comprenait le Chef de Mistissini, des représentants du Conseil de bande et de la Direction de l’environnement de Mistissini, et un tallyman. La seconde, en novembre 2010, comprenant des tallymen des représentants des familles des lignes de trappe. 1.1.4 Démontrer de la transparence et de la flexibilité par rapport au processus de consultation 1.1.3 Le 20 février 2012, soit moins de deux mois après la signature de l’Entente entre Strateco et Mistissini, M. Allen Matoush a été nommé coordonnateur des relations avec le milieu pour Strateco. Tel que mentionné dans l’Entente, sa candidature a été soumise pour approbation au Chef Richard Shecapio et a été acceptée. Monsieur Allen Matoush, lui-même tallyman, a travaillé pour le Cree Mineral Exploration Board et est bien connu des tallymen ainsi que de l’ensemble de la communauté. 1.1.5 À plusieurs reprises durant le processus de consultation, Strateco a tenté d’expliquer les contraintes auxquelles elle faisait face afin de ne pas créer d’attentes irréalistes chez les parties prenantes interpellées. Strateco a expliqué qu’elle sera en mesure de répondre à l’ensemble des questions en collaboration avec la communauté crie de Mistissini et ses membres, lorsqu’elle aura pris une décision de procéder à la construction d’une mine. Dans la phase d’exploration, alors que l’entreprise prévoit encore quatre ans avant d’obtenir la certitude d’aller de l’avant avec le projet, il est difficile de répondre à l’ensemble des préoccupations qui ont été exprimées. L’Entente de communication et d’information prévoyait un comité pour le suivi et le partage de l’information environnementale. Le promoteur a voulu ainsi faire preuve d’ouverture au regard de sa démarche auprès de la communauté en démontrant clairement les contraintes auxquelles elle était confrontée. Il ne s’agissait pas d’un manque de volonté, mais plutôt de la réalité du projet minier en phase d’exploration n’ayant pas encore réalisé d’étude de faisabilité. 1.1.6 Travailler en partenariat avec une tierce partie crédible 1.1.7 Le promoteur a travaillé pour une période de 11 mois en 2011 avec une tierce partie crédible, soit le Cree Mineral Exploration Board, afin de vulgariser et de rendre disponible l’information pertinente concernant l’entreprise, le type de projet proposé, et ce, de façon adaptée à la communauté (« The Cree Way »). 1.1.8 Démontrer une véritable ouverture à modifier et bonifier le projet, concevoir les modifications 1.1.9 L’Entente de communication et d’information, d’une durée de quatre ans, se voulait une base solide pour établir les fondements d’une plus grande collaboration et communication. Cette entente devait permettre d’échanger de l’information afin de répondre aux questionnements et préoccupations de la Nation crie de Mistissini sur le projet Matoush et sur l’uranium en général, et ce, pour toute la durée de la phase d’exploration avancée. Il s’agissait d’une opportunité pour la communauté crie de Mistissini de travailler en collaboration avec Strateco dans le but de bien identifier les risques et mettre en place les 55 Phase 2 : information, évaluation et consultation Recommendations du CPEQ en collaboration avec les parties prenantes 1.1.10 Planifier la répartition équitable des retombées positives du projet en collaboration avec les parties prenantes Réalisations de Ressources Strateco mesures et mécanismes adéquats de mitigation à cet égard. Reconnaissant l’importance des préoccupations exprimées relativement à l’eau par la communauté crie de Mistissini, Strateco s’est engagée dans l’Entente sur l’information et les communications à accorder un mandat pour la réalisation d’une étude de référence indépendante sur l’écoulement des eaux de surface et souterraines à partir du projet Matoush jusqu’au lac Mistassini. Un expert en écotoxicologie aquatique et biologiste des habitats des poissons avait été contacté pour réaliser l’étude additionnelle sur l’eau souterraine et de surface. Ce dernier devait travailler en collaboration avec le Local Environmental Department de la communauté crie de Mistissini, notamment pour l’identification des sites d’échantillonnage et la collecte d’informations. Il était prévu que les résultats de l’étude soient communiqués à l’ensemble de la communauté. Ce projet se voulait une opportunité de travailler en partenariat afin de créer une valeur ajoutée pour l’entreprise et pour le milieu. Ce point n’a pas encore été abordé. Une entente sur les répercussions et avantages (ERA) n’a pas été abordée à cette étape puisque la faisabilité du projet n’a pas encore été démontrée. À la lumière des démarches entreprises pour informer et échanger avec la communauté crie de Mistissini, Strateco a mis en application, sans avoir à le faire selon les dispositions législatives en vigueur, plusieurs des bonnes pratiques énoncées ultérieurement par le CPEQ dans le cadre d’un projet à l’étape de l’exploration. Strateco a fait des efforts afin d’évaluer, de caractériser le contexte et les parties prenantes impliquées, s’est associée à des représentants crédibles de la communauté afin de mettre en place des démarches d’information et de communication selon les pratiques culturelles cries, a échangé l’information avec la transparence nécessaire et en faisant preuve d’ouverture et de flexibilité afin d’adapter sa démarche en fonction des préoccupations qui lui ont été soulevées. 5.4 Conclusion du chapitre Le promoteur croit avoir utilisé un processus de consultation et d’information rigoureux et ne pas avoir ménagé les efforts pour l’adapter en fonction des besoins exprimés par les Cris. Strateco a mis en application plusieurs des bonnes pratiques recommandées pour un projet à l’étape de l’exploration par le Conseil patronal de l’environnement du Québec49 et par l’Institut du Nouveau Monde50.Ces deux guides sont d’ailleurs cités par le sous-ministre adjoint dans sa lettre du 2 août 2013. Strateco est allée bien au-delà des exigences légales de consultation des autochtones. 49 CONSEIL PATRONAL DE L’ENVIRONNEMENT DU QUÉBEC (2012). Guide de bonnes pratiques afin de favoriser l’acceptabilité sociale des projets, Montréal, p. 8. 50 INSTITUT DU NOUVEAU MONDE (2013). Étude sommaire sur les processus et les facteurs d’acceptabilité sociale pour le secteur industriel, Montréal, p. 5. 56 Chapitre 6 Conclusion Nous sommes d’avis que le MDDEFP dispose de tous les éléments nécessaires pour prendre une décision favorable à l’égard du projet Matoush, et ce, dans les plus brefs délais. Strateco est en attente d’une décision de la part du MDDEFP depuis le 2 août 2011, soit la date à laquelle le COMEX a recommandé l’autorisation du projet. Plus de deux années se sont écoulées au cours desquelles l’entreprise a été gardée dans l’ignorance quant à l’intention du Ministre. Cette période a été caractérisée par des pertes d’emplois bien rémunérés (85 mises à pied), mais également par une incertitude marquée quant aux 125 millions de dollars que l’entreprise, par le biais de ses investisseurs, a déjà injecté au Québec. Cette situation ne peut perdurer. Rappelons que la demande de certificat d’autorisation porte sur un projet d’exploration et non d’exploitation. Il n’est pas raisonnable d’exiger que le promoteur apaise toutes les craintes et réponde à toutes les préoccupations exprimées à cette étape du projet. D’ailleurs le MDDEFP avait accepté que Strateco ne réponde pas à certaines exigences contenues dans la directive parce qu’il avait jugé prématuré de le faire, notamment en ce qui concerne les questions relatives au parc à résidus miniers. La phase d’exploration avancée est essentielle afin d’approfondir les données techniques et ainsi permettre de fournir des réponses plus précises aux préoccupations exprimées. Lors d’un récent voyage à Anticosti, le Ministre Yves-François Blanchet reconnaissait lui-même qu’il fallait attendre la fin de l’exploration avant d’étudier les risques associés à l’exploitation d’un projet. « C’est seulement une fois que les entreprises auront terminé l’exploration sur Anticosti que le gouvernement mandatera le Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE) pour étudier les risques de l’exploitation. Pour le moment, on ignore totalement combien de forages et d’opérations de fracturation seront nécessaires avant de statuer sur la possibilité d’extraire du pétrole.51» Pourquoi le Ministre adopte-t-il une position opposée au regard du projet Matoush en annonçant à Strateco son intention de lui refuser son certificat d’autorisation? De plus, tel que démontré, nous sommes d’avis que l’acceptabilité sociale d’un projet se définie sur une échelle de temps beaucoup plus longue que la photo prise par le MDDEFP à l’appui de son refus. Ainsi, nous soumettons que le Ministre ne peut ignorer la phase à laquelle un projet est rendu lorsqu’il est appelé à statuer sur l’acceptabilité sociale de celui-ci. Dans le cas qui nous occupe, le projet n’est qu’au stade de l’exploration. Partant, certaines informations afférentes au projet peuvent légitimement demeurer manquantes, sans que cela ne soit dû au manque d’intérêt du promoteur, mais simplement au niveau d’avancée du projet. Nous croyons donc qu’il faut faire preuve de prudence avant de juger prématurément celui-ci. De plus, le Ministre doit considérer le caractère intrinsèquement évolutif de l’acceptabilité sociale. À titre d’exemple, pensons ici au fait qu’aujourd’hui les Cris se disent totalement opposés au projet, ayant rompu tout vecteur de communication, alors qu’en décembre 2011, ils concluaient l’Entente de communication et d’information avec Strateco. 51 SHIELDS, A. (2013). « Environnement – Québec se voit comme « partenaire » des pétrolières ». Le Devoir, 23 mai. 57 L’acceptabilité sociale ne se limite pas à un « consentement écrit » par une partie prenante à un moment précis dans le temps. Strateco a appliqué les grands principes d’une démarche d’acceptabilité sociale selon les guides de bonnes pratiques et a excédé les exigences légales à cet égard. Dans l’esprit de l’Entente de communication et d’information qui a été signée entre Strateco et le Conseil de bande, les parties concernées acceptaient de collaborer, de s’écouter et d’échanger leurs points de vue respectifs. Ce qui n’a pas été le cas. Strateco ne peut travailler seule. Les craintes et les préoccupations doivent être objectivées. Le promoteur ne peut intervenir adéquatement sans une communication claire. À cet égard, la communauté crie de Mistissini a choisi, et ce, malgré la volonté de Strateco, de fermer la porte aux discussions en résiliant l’Entente. Enfin, l’acceptabilité sociale d’un projet ne peut se limiter au point de vue d’une seule partie prenante. En l’absence d’une réponse à notre question concernant les critères utilisés pour apprécier « l’absence d’une acceptabilité sociale suffisante », nous comprenons que le Ministre reconnait que sans le « consentement écrit » des Cris, par l’entremise de son Conseil de bande, le projet ne jouira pas d’une acceptabilité sociale suffisante et ne pourra pas se réaliser. Ceci étant, Strateco comprend que le Ministre accorde un droit de veto au Conseil de bande sur des terres de catégorie III. Si tel était le cas, il s’agirait là d’un précédent historique dans le développement de ressources naturelles au Québec. 58 Annexes Annexe 1 – Entente de communication et d’information sous pli confidentiel Annexe 2 – Procès-verbaux des six rencontres du comité de l’Entente sous pli confidentiel