Atelier clinique juridique Mai 2016 « Panama papers » : explication

Transcription

Atelier clinique juridique Mai 2016 « Panama papers » : explication
Atelier clinique juridique
Mai 2016
« Panama papers » : explication d’un scandale d’évasion fiscale juridiquement orchestrée
la France. Ce système permet d’implanter une société où le
régime fiscal est plus avantageux. Sont également utilisées
des sociétés-écrans, qui ont le même but : il s’agit de
sociétés qui n’existent pas vraiment et qui permettent de
dissimuler les transactions financières d’une autre
société bien réelle.
En avril 2016, un lanceur d’alerte, John
Doe, pseudonyme désignant de
manière courante une personne
lambda, a permis de mettre au grand
jour un nouveau scandale financier. Ce
qu’on retient ? Que nous, citoyens,
nous nous sommes fait flouer une
nouvelle fois alors que les impôts ne
cessent d’être un peu plus écrasant
chaque année et que les
conséquences de la crise financière de
2008 se fait encore sentir sur notre
pouvoir d’achat. Ce qu’on aimerait
comprendre : pourquoi et comment un
tel système de fraude a permis à
certains ressortissants français
d’échapper à l’imposition au sein d’un
pays n’étant plus considéré comme un
paradis fiscal depuis 2012.
→ Pourquoi le Panama ?
Contrairement aux idées reçues, le Panama dispose bel et
bien d’un régime fiscal existant. Tout l’intérêt réside toutefois
dans la souplesse législative qui le régit. Nul besoin de
préciser d’une part que le taux d’imposition est moindre par
rapport aux pays de l’UE. A titre d’exemple, la TVA est de
7% contre 18 à 23% au sein de l’Union européenne. Par
ailleurs, l’impôt sur les sociétés et l’impôt sur les revenus des
personnes physiques permettent des déductions plus
souples que le régime français, en plus d’avoir un taux plus
faible (25% pour les sociétés, contre 33,33% en France).
→ Qu’est-ce qu’un paradis fiscal ?
Le Code général des impôts français évoque à ce propos
« un pays à régime fiscal privilégié ». Pour l’OCDE, aucun
critère ne permet de déterminer précisément ce qu’est un
paradis fiscal mais on peut considérer qu’il s’agit d’un pays
où le régime d’imposition fiscale est inexistant ou
insignifiant par rapport aux autres. La législation de ce
pays tolère les sociétés-écrans à l’activité fictive, ne favorise
pas un régime de transparence avec les autres pays, et ne
sanctionne pas judiciairement le contournement des lois
d’autres Etats.
→ Société offshore, société-écran, activité fictive ?
« Offshore » est un terme anglais dont la traduction littérale
est « en dehors des côtes ». On désigne traditionnellement
les sociétés offshores comme des sociétés non-résidentes.
En effet, elles se caractérisent par le fait qu’elles sont
constituées selon la législation d’un pays, le Panama par
exemple, mais leur activité est exercée dans un autre pays,
Clinique juridique Enfin, le régime fiscal est basé sur le principe de la
territorialité des revenus imposables : seuls vont être
imposés les revenus de source panaméenne, les revenus de
source étrangère, provenant de France par exemple, seront
exonérés d’impôts.
→ Qu’est-ce que la liste noire des paradis fiscaux ?
Quel rapport avec l’affaire ?
Chaque année, l’OCDE établie une liste des paradis fiscaux
non coopératifs, c’est-à-dire qui ne respectent pas les
principes de l’OCDE en matière de transparence et
d’échange effectif de renseignements en matière fiscale. La
France a également dressé une liste des Etats et territoires
non coopératifs (ETNC) en matière fiscale qui permet de
sanctionner les personnes physiques ou morales (sociétés)
ayant recours à un régime d’imposition privilégié à l’étranger.
Cette sanction peut être par exemple une double imposition.
Le Panama est sorti de la liste des ETNC le 1er janvier 2012
après une signature entre les deux Etats d’une convention
fiscale en vue d’éviter la double imposition et de lutter contre
la fraude fiscale, mettant ainsi fin à l’embargo qui pesait sur
le pays. Le président panaméen Ricardo Martinelli avait, à
l’époque, menacé d’écarter certaines entreprises françaises
du projet d’élargissement du canal et du métro Panama city.
Entre une législation fiscale complaisante et une
ouverture
française à la coopération fiscale, l’évasion n’en a
été que plus alléchante.
→ Concrètement, comment ça marche ?
Un chef d’entreprise souhaitant payer moins d’impôt va créer
une société offshore dans un Etat à la fiscalité inexistante ou
insignifiante. Un cabinet, en l’espèce, Mossak Fonseca a été
au cœur de l’affaire, va s’occuper des formalités. Des
« prêtes-noms », c’est-à-dire des actionnaires n’ayant
aucune implication réelle dans la société, vont apparaître
dans les documents officiels mais pas celui du client
bénéficiaire de ce montage financier. L’objectif est souvent
de « jouer sur les failles réglementaires afin de pratiquer
l’évasion fiscale légale », relève le journal Le Monde.
→ Entre légalité et illégalité ?
Le professeur Bruno Dondero de l’université Paris 1
Panthéon-Sorbonne précisait dans un article qu’il peut y
avoir des objectifs licites à créer une société offshore. C’est
par exemple le phénomène du « law shopping », c’est-à-dire
choisir le pays qui propose, par exemple, une forme juridique
de société que l’on ne trouve pas en France. Comme nous
l’avons précisé précédemment, la particularité du Panama
est la souplesse de sa législation, particulièrement le
principe de territorialité de l’imposition fiscale. Bruno
Dondero explique également que l’introduction dans le
schéma d’organisation d’une entreprise ou d’un patrimoine
d’une société étrangère situé à l’étranger rend complexe le
contrôle de l’administration fiscale française sur les flux
financiers circulant entre la structure française, les associés
et la structure basée à l’étranger d’autant plus si le pays
n’est pas coopératif.
publiques et décide si elle engage des poursuites en fonction
des éléments recueillis. Il s’agit ici de ce que l’on appelle le
« verrou de Bercy ».
En principe, c’est au ministère public d’apprécier
l’opportunité des poursuites mais, est réservé un monopole
au ministre du Budget sur les décisions de poursuites
judiciaires en matière de fraude fiscale. Autant dire que si
l’enquête du fisc permet de démasquer les fraudeurs, le
« verrou de Bercy » peut agir comme facteur d’inefficacité,
voire d’impunité en matière de fraude fiscale.
Parallèlement, la réinscription du Panama sur la liste des
ETNC va entraîner la mise en œuvre de mesures de
dissuasion fiscale comme la retenue à la source de 75% sur
les revenus sortant de France à destination du Panama mais
seulement à compter du 1er janvier 2017. Autant dire que
cela laisse une certaine marge de manœuvres pour les
sociétés concernées afin de s’organiser pour éviter ces
répercussions. D’autant plus que la convention fiscale
conclue entre la France et le Panama en vue d’éviter la
double imposition continue de s’appliquer en vertu du
principe de supériorité des traités internationaux sur la
loi française.
→ La transparence fiscale permettra-t-elle de faire
tomber les systèmes d’évasion fiscale ?
Nul ne peut répondre à cette question. Mardi 17 mai, le
Panama s’est engagé à l’échange automatique
d’informations financières avec les autres pays
conformément aux exigences de l’OCDE à partir de 2018.
Plusieurs pays n’ont toujours pas adhéré aux principes de
l’OCDE.
Le Parlement européen, tout comme l’administration fiscale
française, a ouvert une enquête. La Commission
européenne a annoncé qu’elle souhaitait renforcer la lutte
contre les pratiques agressives visant à échapper à l’impôt
et souhaite mettre en place un principe de transparence pour
les multinationales. Un autre projet vise à améliorer les
échanges d’informations entre les administrations fiscales de
tous les Etats de l’Union.
En conclusion dont, tout reste encore à bâtir pour lutter
contre l’exode fiscal.
→ Quelle sanction pour les fraudeurs français ?
Tout n’est qu’une question de probabilité. L’administration
fiscale enquête grâce à des inspecteurs des finances
Amélie Bernard
(Etudiante de licence en droit, 3ème année)
Clinique juridique