recherche et sauvetage en mer

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recherche et sauvetage en mer
RECHERCHE ET SAUVETAGE EN MER
Une des missions des Flottilles de Patrouille Maritime (PATMAR) de l’Aéronautique Navale est la
recherche et le sauvetage en mer (Search and Rescue ou SAR).
Je dédie le récit que j’ai vécu « LE NAUFRAGE DU MAORI » à mon équipage Xray India de la
Flottille 24F, plus particulièrement au copilote Christian Gourdon, décédé en 1997.
Je remercie Nicolas Prioux (fils d’un disparu du Maori) pour son site Internet « Le Drame du
Maori ». L’étude précise et très complète de ce drame, m’a permis de raviver des souvenirs vieux
de plus de 35 ans.
CF(H) Dominique Brultey
Commandant d’Aéronef FSSFA le 09/11/1971
LE NAUFRAGE DU MAORI
Le 09 Novembre 1971 à 04h17 GMT des stations radio Irlandaises captaient des messages de
détresse laconiques émis par le « MAORI ». Quelques minutes plus tard, le cargo des Messageries
Maritimes disparaît à jamais dans les eaux froides du Golfe de Gascogne.
Un seul des trente-neuf hommes de son équipage sera retrouvé vivant.
Le Maori au point « K », 45°N et 16° W.
Photo prise à bord de la frégate météo France 1, 12 heures avant le naufrage
Photo collection : Nicolas Prioux
Les appels de détresse émis par le Maori, dont l’indicatif d’appel était FNDF, ont été captés par les
stations irlandaises Valentia Radio et Malin Head Radio, respectivement distantes de 350 et 610
miles du lieu du naufrage. Ces messages brouillés par des parasites atmosphériques ont été entendus
très faiblement (1 sur 5), faisant croire aux opérateurs irlandais que les émissions provenaient d’une
embarcation de sauvetage. La durée de la communication graphique établie entre le navire et les
stations radio côtières sera très brève. A 04h17 GMT, Valentia Radio entend faiblement les signaux
d’alarme automatique sur 500 kHz, suivi du message « SOS F ». L’opérateur réagit immédiatement
en demandant à la station émettrice de donner son identité. Une minute plus tard, Malin Head Radio
transmet à Valentia Radio un message qu’il vient de capter « FNDF PSN 46:5 N 12 W ».
A 04h19 GMT, Valentia radio reçoit le message « SOS FNDF 46.5 12 W NEED IMMEDIATE
ASSISTANCE » auquel il est immédiatement accusé réception. L’absence de message en
provenance du Maori après 04h20 GMT incite à penser que les antennes se sont alors trouvées hors
d’usage en raison de la gîte du navire, près de 50 degrés selon le témoignage de l’unique survivant,
ou que l’officier radio s’est décidé à abandonner son poste après avoir obtenu la confirmation de la
réception de ses deux appels de détresse.
A 04h30 GMT, la station radio du Conquet était alertée par Valentia radio de la teneur du dernier
message reçu du Maori. Cette information allait être immédiatement transmise au CROSSA d’Etel
qui se chargea d’informer l’officier de permanence à la Préfecture Maritime de Brest. Continuant de
diffuser régulièrement le message de détresse, la station radio du Conquet recevra en une heure les
accusés de réception ainsi que les positions de 17 navires. Aucun ne se trouvait malheureusement à
proximité immédiate du lieu du naufrage, le plus proche d’entre eux, le bananier allemand
Vegesack, annonça pouvoir arriver sur zone vers 11h30 GMT.
La mise en alerte de la base aéronavale de Lann-Bihoué à 05h12 GMT allait permettre le décollage
du premier avion dans un délai maximum de deux heures. Ce délai d’alerte de nuit (il est d’une
heure de jour) correspond au temps nécessaire pour la mise en route de l’appareil, le réveil de
l’équipage, la mise en fonction des services au sol (services opération, pompiers, équipes de
sécurité, etc.). Il permet également de compléter l’approvisionnement en carburant du plein d’alerte
(12 tonnes au lieu des 16,8 tonnes max) de l’avion stationné lorsque des missions de longues durées
sont envisagées. Cet impératif résulte des déformations dont souffrirait la structure de l’avion si un
plein complet était maintenu au-delà de 24 heures. Outre une usure prématurée de l’appareil, le
maintien d’un plein complet interdirait les missions courtes, le train d’atterrissage de l’avion ne
pouvant supporter un retour avec une telle charge.
Le Breguet-Atlantic FSSFA (indicatif spécifique SAR) décolle à 06h48 GMT sur son plein
d’alerte, le délai nécessaire au départ de l’appareil sera écourté d’une demi-heure. Il est tout à fait
probable que c’est ce qui a permis de sauver Jean Yves Duclaud. Une panne dans le dégivrage des
hélices obligea le pilote à effectuer le transit de 400 miles à basse altitude, dépensant ainsi plus de
carburant que prévu, et réduisant le temps de patrouille sur zone. L’avion est arrivé au point indiqué
(46,5N 12W) à 08h30 GMT, quatre heures après le naufrage, environ une heure trente après le
début de l’aube. La météo est défavorable et la mer démontée (vent du NE à 50/60 nœuds, bonne
visibilité, ciel de traine, mer 5/6 avec creux de 5 à 6mètres). N’ayant pas trouvé trace du Maori, il
établit au radar une situation en surface, avec reconnaissance visuelle du bateau le plus proche, le
Vegesack, puis il commence alors une recherche visuelle en carré croissant avec dix kilomètres
d’intervalle entre chaque branche. Au cours de la huitième branche de recherche, à 09h53 GMT et à
22 miles de la position signalée, il découvrait une large tache de mazout, de nombreux corps (13),
puis par la suite, deux survivants auxquels il larguait un canot pneumatique auto gonflable
(container chaine SAR en soute) avant de dérouter et guider le cargo Vegesack conformément aux
Conventions Internationales de déroutement et de guidage visuel (le contact radio avec le Vegesack
n’a jamais pu être établi sur aucune fréquence).
Ces survivants observés à 11h08 GMT ne devaient pas être revus, le canot de sauvetage lancé par
l’avion sera d’ailleurs retrouvé vide par la frégate Duquesne quelques jours plus tard. A 11h15
GMT, un autre survivant, agrippé à une planche, était découvert. La deuxième et dernière chaine
SAR est larguée. Réunissant ses dernières forces, il parvint à se hisser dans le canot tombé à une
centaine de mètres de lui. Lorsque le Vegesack atteignit sa position, il sauta à la mer et réussit à
atteindre l’une des échelles de corde disposées le long du bord en profitant d’une lame plus haute
que les autres. A 12h10 GMT, c’est à dire près de huit heures après avoir été réveillé par la gîte
soudaine prise par le Maori, le Lieutenant Jean-Yves Duclaud était enfin hors de danger.
Chaine SAR: canot largué sur J-Y Duclaud
Le Vegesack
Au cours de cette patrouille, l’avion avait observé non seulement la zone du naufrage, mais encore
un secteur jusqu’à 25 miles sous le vent, couvrant ainsi une position de dérive supérieure à celle
estimée. Il a ainsi pu dresser immédiatement un état précis et complet des épaves provenant du
Maori, une embarcation de sauvetage retournée fut notamment observée. En ce qui concerne le
radeau de sauvetage de 25 places situé à bâbord sur la passerelle supérieure dont le largage fut
effectué par l’un des officiers, il ne devait jamais être retrouvé. Il est d’ailleurs peu vraisemblable
qu’il ait réellement pu être utilisé car le filin de retenue servant également à son déclenchement
n’était pas assez long pour atteindre le niveau de l’eau à tribord. Sans doute se gonfla-t-il par la
suite puisqu’il fut aperçu par Jean Yves Duclaud, la possibilité que des naufragés y aient pris place
motiva d’ailleurs la prolongation des recherches. Malgré leur ampleur, les moyens de sauvetage mis
en œuvre ne permettront malheureusement pas de découvrir d'autres rescapés, seuls cinq corps sans
vie seront retrouvés. Les opérations de secours seront suspendues le 13 novembre à midi après que
l'on ait perdu tout espoir.
Situation sur zone établie par l'Atlantic le 9/11/1971
Pendant les 5 jours et 4 nuits (du mardi matin au samedi midi) de recherche, les Flottilles 24F
(BR1050 Atlantic) et 25F (P2V7 Neptune) de Lann Bihoué ont effectué plus de 120 heures de vol.
L’équipage Xray India a fait une deuxième mission sur zone le jeudi 11.
LA SUITE
J’ai quitté l’Aéronavale et la Patmar en janvier 1975 pour une carrière civile de Pilote de Ligne. Je
n’avais eu aucune nouvelle de Jean-Yves Duclaud. Différents bruits de « coursives » l’ont donné
mort dans un accident de la route quelques années après le naufrage, d’autres ont fait état d’une
longue hospitalisation en établissement psychiatrique.
En 1996, je suis contacté par le Directeur des Opérations de la Société TRAVOCEAN. Cette société
est spécialisée dans la pose et l’ensouillage de câbles sous-marins. Elle se sert d’un navire de
forage, le Deepsea Worker, ce qui lui permet de faire également des « sauvetages de cargaisons »
dans les épaves des eaux internationales .La plus prestigieuse opération du Deepsea Worker est la
récupération de 17 tonnes de Riyals Saoudiens en argent, au large de la Côte d’Oman, par 2600m de
fond en 1994. Cette cargaison provenait d’un Liberty Ship, le SS John Barry, torpillé le 28 Aout
1944 par l’U-Boat allemand U859. La Société TRAVOCEAN s’intéressait à la cargaison du Maori
(7000 tonnes de nickel). Les recherches ont été négatives.
En 2003, je découvre sur Internet le site de Nicolas Prioux retraçant avec précision le Drame du
Maori. J’y apprends beaucoup de choses que j’ignorais, en particulier l’avant et après naufrage. Je
prends contact par mail avec l’auteur du site et nous nous rencontrons en 2004 chez lui à Paramé
Saint Malo. Il connait Jean-Yves Duclaud et tous deux pensaient que j’avais disparu avec mon
équipage dans un accident d’Atlantic à Djibouti ou aux Comores !
Les éléments du puzzle sont maintenant réunis pour se retrouver autrement qu’il y a plus de 36ans !
Avril 2008
EPILOGUE
Fin mai 2011, l'ARDHAN (Association pour la Recherche de Documentation sur l'Aéronautique
Navale) recherche le Commandant d'Aéronef qui a sauvé le seul survivant du Maori et me
communique les coordonnées de Jean-Yves Duclaud qui souhaite rencontrer son "sauveteur". Avec
internet, je retrouve presque tout mon équipage Xray-India et le 21/10/2011, nous nous retrouvons
(presque tous), 40 ans après, à Lann-Bihoué lors de la Journée du Pingouin organisé par l'AAAN
(Association des Anciens de l'Aéronavale) Sud Bretagne. Nous en avons profité pour visiter les
superbes "Salles des Traditions" de Lann-Bihoué et le sous-marin "Flore" à Lorient.
Base Aéronavale de Lann Bihoué
le 21 octobre 2011
de gauche à droite:
Le "Capitaine d'Armes", Dominique
Brultey, Jean-Yves Duclaud et le
Capitaine de Vaisseau Lucas,
Commandant la Base de Lann Bihoué