Présentation « Ab irato, sous l`empire de la colère »
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Présentation « Ab irato, sous l`empire de la colère »
Présentation « Ab irato, sous l’empire de la colère » Quelques articles de presse sur "Bleu le ciel" et "La vie nue" Premières impressions sur le film « Ab irato » Distribution en cours « Ab irato, sous l’empire de la colère » S’intéresser en même temps au paysage et au corps de l’acteur. Filmer un paysage comme un visage revient à filmer une pensée. Vouloir filmer la pensée revient à filmer ce qui l’entoure. Ce rapport sensible est alors comparable à une syntaxe qui ordonne puis génère le « geste cinématographique ». « Ab irato » ne pouvait être guidé que par une main. Ni corps, ni machine mais outil. La main seule choisit. La main, lien direct et immédiat avec notre monde sensible, permet cette hésitation, une décision sans retour, un improbable mouvement soumis à ce qui « plaît ou ne plaît pas », un désir de contemplation, une lucidité contractuelle entre le corps et la pensée. La caméra ne pouvait être que légère et « sans attache ». Et son autonomie le gage d’une liberté. Le mouvement serait intrinsèquement lié à l’idée d’un geste qui ne serait plus technique mais mental. La narration ne serait plus devant mais ailleurs. De cette improbabilité naît une multiplication de points de vue. Son tracé dans l’espace traduit l’approche sensible d’une situation. Une difficulté de lecture provocante mais constructive puisque le regard « invente » au fur et à mesure ce qu’il voit. Mais ce qui en image devient improbable, le devient également dans la narration. Le film est aujourd’hui terminé… Il est ce que j’espérais qu’il soit. On ne peut prétendre analyser un poème, une peinture ou une musique en faisant passer le sens au premier plan. C’est toujours par le biais de la forme et de son ressenti qu’il nous est permis de saisir l’analyse. « Ab irato », le film, propose cette approche. Chacun à sa manière se doit de moduler l’intensité d’un mouvement, comme le musicien et son instrument, pour confondre sa vision à celle d’une partition. Le spectateur, chargé de l’interprétation, relie les éléments, comble les espaces de liberté. « Ab irato » n’a pas besoin de copier la réalité des faits pour saisir les parcelles d’une vérité. Il fait coexister sans questions, une pensée et le sens d'une histoire avec un visage. Il crée une abstraction humaine comparable à celle d'un paysage. Et si l'icône fût une légitime recherche de l'incarnation, ce « geste cinématographique » peut lui aussi revendiquer une approche visuelle de l'invisible, pas seulement divine mais tout simplement humaine. Le film s'offre à nos sens sans contreparties. Il exige seulement un regard. S’il aborde frontalement le sujet du pouvoir et ce qu’il génère, la quête de l’immanence jalonne également le récit. Les personnages sont la révélation d’une humanité en peine, d’une mise en abîme et le gouffre insatiable de la lutte des classes. Il pourrait ne rester rien d’autre que la victoire d’un déterminisme social et l’idée presque saugrenue d’un naturalisme tragique. Mais le vent, dans le film, survole aussi d’autres territoires. Le cinéma perd trop souvent sa capacité à proposer une forme émotionnelle du discours philosophique, politique et social. Dans ce cas, le travail du cinéaste consiste à introduire les concepts dans le domaine du sensible et de les traduire en image pour les amener dans le champ de la conscience. D. BOCCAROSSA BLEU LE CIEL De par son titre étrange et poétique, Bleu le ciel évoque quelque chose de cette transparence impalpable qui plane ici-bas, sur cette terre où les hommes de toutes races et de toutes conditions se rejoignent parfois grâce au lent apprentissage de l'amour. Tout l'art du film est dans cet entre-deux, dans le balancement entre ciel et terre, entre l'un et l'autre. C'est pourquoi le film traite d'un sujet des plus réalistes: la condition des exilés en France. Il dépeint la dureté des conditions de vie des hommes déracinés, leur solitude, leur mutisme et leur méfiance à l'égard de tous. L'exil du dehors est sans surcharge réaliste. Chacun peut y trouver sa part d'ombre et de lumière. Ici, le cinéma est un art unique qui associe le bas et le haut et équivaut à une expérience religieuse sans être authentifiée par un acte de foi. Une expérience humaine, presque mystique, où la géographie des visages et des paysages et leur contemplation atteignent la beauté des peintures du quattrocento. ( ciné libre - Maureen Loiret ) La sortie en salle de Bleu le ciel est l'occasion de faire la connaissance d'un cinéaste que l'intransigeance du travail maintient loin des faveurs du grand public (....) Bleu le ciel tente de reconstituer une expérience sensible à partir du point de vue de son héros. Rien n'est neutre, ni laissé au hasard dans la mise en scène qui se rapproche, par le biais d'un univers poétisé, de son sujet (....) une narration fragmentée balançant entre présent et passé, des dialogues raréfiés et des décors épurés. On apprécie les moyens détournés, notamment les interventions calculées de la parole et de la musique qu'utilise le cinéaste pour éviter une dramatisation facilement pathétique. ( Cinéma en salles - E. François ) Surprenant, décalé et foncièrement passionnant, Bleu le ciel plonge au coeur de l'immigration sans passer par la porte de la cité qui brûle ou utiliser la narration pleine de pathos. C'est au contraire la trajectoire individuelle d'un homme qui en rencontre un autre, la gêne mutuelle occasionnée et la naissance - douloureuse et pudique - de la parole qui en résulte qui intéresse au plus haut point le cinéaste. Kérim, exilé, exploité mais finalement libre d'aimer, est tout simplement un être humain, un individu qui s'incarne face à la caméra (......) d'où une profusion de visages et un sens aigu de l'épure tant dans la dramaturgie que dans la direction des acteurs. Envoûtant et céleste. ( Repérages - T. Roudaut ) (....) l'immigré kurde se remémore en silence les étapes de son chemin de croix. Tout cela est simplement montré, avec une pudeur remarquable qui préfère l'art du moindre effet à la scène trop voyante (…). ( Obs cinéma - G. L.) LA VIE NUE Après Stabat Mater son premier long métrage toujours inédit et Bleu le ciel, le cinéaste poursuit avec La vie nue une oeuvre radicale qui nous bouleverse par sa beauté austère et sa vibrante intelligence de l'insondable dans l'humain. La vie nue est une expérience de cinéma, une expérience sensorielle autant qu'intellectuelle, une expérience de vie. ( l'Ecran - Armand Badéyan ) (...) Que doit-on entendre dans le titre de ce troisième long métrage ? La vie "mise à nu", comme le souligne une longue, belle, éprouvante séquence de toilette mortuaire du cadavre de Lazare ou encore la "vie fragile" comme le démontre d'autres scènes où le passage de vie à trépas est d'une troublante facilité? Cette vie nue, c'est surtout l'infime couche vitale que tous peuvent gratter, ôter pour qu'advienne la fin, la disparition. (...) Le travail du cinéaste témoigne et affirme une croyance sans failles dans la vérité du cinéma et dans le pouvoir du visage comme matière cinématographique. ( Libération A. de Baeque ) A l'image, une route de campagne plate et déserte devant laquelle la caméra glisse étrangement. Le cadre bouge, se décale approximativement et trouve à tâtons, sur le bas-côté, un homme assis, seul et silencieux. Cette présence insoupçonnée, intégrée furtivement dans le plan, y laisse pourtant une trace indélébile: l'homme n'est pas visuellement au centre de cette scène d'ouverture, mais sa présence modifie notre regard sur le cours de l'image. Il est là, à côté; tel pourrait être le résumé de La vie nue dont l'interrogation permanente est de savoir ce que signifie d'être en vie et d'être à l'image. Cet à côté ponctue le film et intervient comme une proposition de vie parallèle. Puisant sa force dans un parti pris d'extrême dénuement, le cinéaste dresse une réalité aussi concrète physiquement que dépourvue de sens. Ainsi, ce qui se dérobe à l'image n'en devient que plus fort (....) La vie nue propose une véritable recherche sur le sens d'une vie et une expérience de cinéma déroutante. ( les Inrockuptibles - Olivier Père - Amélie Dubois ) La force de La vie nue vient de ce que le cinéaste ne cherche jamais à convertir. Le film n'hésite pas à s'exposer au doute et retire de cette épreuve une poésie abrupte. La prise de risque est aussi formelle. En témoigne une série de choix radicaux. Ainsi, le rythme imposé par un découpage minimaliste exige du spectateur une attention toujours renouvelée. La lumière est d'une intensité égale à chaque plan, l'image est dépourvue de contrastes. Un mur de couleur, utilisé comme fond spectaculaire pour un gros plan de visage: voilà le seul artifice que s'autorise le cinéaste. (.....) La mort brutale de Lazare mène à une extraordinaire scène de toilette mortuaire, un long plan séquence où le dépouillement délibéré de la mise en scène et le minimalisme des dialogues prennent tout leur sens. C'est à ce moment précis, lorsque le cinéaste regarde la mort en face et qu'il entre dans le tombeau avec Lazare, que le film prend une ampleur métaphysique. ( Le Monde - Florence Colombani ) AB IRATO Sous l’empire de la colère Ab irato est une cinématographique oeuvre dépouillé exigeante, et d’une radicale, grande dont beauté le langage formelle, est indissociable du sujet qu'il porte comme un frère agonisant. Une histoire de regarder et voir. (…) La caméra de Boccarossa dessille notre regard de spectateurs avec une lenteur pleine dont la densité infiltre une violence sourde dans chaque plan, exponentielle jusqu’à l’insoutenable. Le monde qu’il perçoit évolue ici dans un espace à la fois unique et illimité : la terre et le ciel. Du premier plan jusqu'au terme du film, la caméra passe de l'un à l'autre, obstinée, inlassable. Cette apparente indécision pourrait être au mouvement d'appareil ce que la rature et le repentir sont à l'écriture. Mais il semble qu'elle soit née d'un besoin de scrutation exhaustive, d'une pensée qui nous emmène à trouver avec elle le sujet, l’au-delà des choses. (…) Le bleu changeant de la nuée, l’herbe qui dit le vent, la ligne de partage du ciel et de la terre, lisière du visible et du senti, tout - matière, volume, vie - introduit subrepticement une figure humaine débarrassée de toute psychologie (…)L'homme y est bourreau ou victime, ou les deux à la fois, insignifiant, pantin gesticulant, courant sur une ineffable crête d'horizon derrière laquelle il finit, minuscule, par disparaître. L'argent, valeur absolue, produit des riches et des exclus, meut les uns par et pour le privilège, les autres à cause du manque et de l'injustice. La police, à bout de souffle, s’embourbe. Va le monde au pire, à la barbarie, au spectacle de laquelle le scénario nous mène inéluctablement et dont la trame simple et implacable se constitue comme un puzzle. Privé de raison et de tout sentiment honorable, déshumanisé, ce monde-là est déjà le chaos. (…) Dans le corps tendu du film, les longues oscillations de la caméra d’une part et, en contrepoint, la progression des protagonistes dans l’espace et dans l’histoire, de l’autre, raréfient littéralement l’air et créent un climat de violence rentrée inouï. L’accomplissement du pire. On sort de là défait. ( Alain Umhauer, écrivain ) J'ai collaboré au scénario, sur les toutes dernières versions du script, et je suis extrêmement reconnaissant à D.Boccarossa de m'avoir embarqué dans l'aventure, bluffé par son exigence, sa radicalité et la singularité de son travail (…) Ab irato, avec sa lenteur hypnotique, ses brusques sursauts, son image flottante, la rareté des dialogues et l'extrême dénuement de son récit, est à mes yeux un peu plus qu'un film. J'y ai vu, comme rarement au cinéma, quelque chose de l'ordre du happening ; on ne fait pas seulement y assister, il faut s'y mettre, chercher avec la caméra ce qui fuit, ce qui manque ou ce qui surgit, on devient partie prenante de ce qui se déroule, comme obligé d'y participer, on construit en même temps qu'on voit apparaître, on ne sait pas toujours ce qu'on en pense, il faut accepter de ne plus savoir. C'est une expérience qui remet en cause ou en tout cas bouleverse profondément nos habitudes de spectateur. Comme si l'on accompagnait la naissance d'un regard. S'attarder de cette manière sur un paysage ou un visage, c'est laisser la matière apparaître progressivement, sans jamais la livrer ni la donner pour acquise, ce sont des lignes qui se construisent, puis se dérobent, qui se cherchent sans arrêt, comme cet œil qui filme et semble vouloir se poser quelque part et qui n'y arrive pas (…) De sorte que la perception des évènements, le sens d'une image, les pulsions des personnages sont continuellement mis en suspens, nous échappent puis reviennent nous hanter comme des leitmotivs dans une symphonie ou des touches de couleur récurrentes dans un tableau (…) J'ai eu l'impression de regarder différemment les paysages, d'être amené à considérer autrement aussi bien la géographie que les hommes, leurs corps, leurs démarches, percevoir plus immédiatement et plus violemment la beauté des arbres, des ciels, et jusqu'aux carrosseries des voitures qui sous le regard du cinéaste deviennent subitement organiques. Boccarossa me propose de participer à l'écriture de son prochain film. J'espère pouvoir lui apporter, sans toucher à cette radicalité qui lui est propre la précision et le souci d’une construction narrative nécessaire à l’accomplissement d’un prochain tournage. ( Antoine Lacomblez – écrivain et scénariste)