Allumons la bacchante
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Allumons la bacchante
Alphonse ALLAIS ALLUMONS LA BACCHANTE ALLUMONS LA BACCHANTE Le riche amateur contempla longuement le tableau. C’était un beau tableau fraîchement peint, qui représentait une bacchante nue à demirenversée. On reconnaissait que c’était une bacchante à la grappe de raisin qu’elle mordillait à belles dents. Et puis des pampres s’enroulaient dans ses cheveux, comme dans les cheveux de toute bacchante qui se respecte ou même qui ne se respecte pas. Le riche amateur était content, mais content sans l’être. Anxieux, le jeune peintre attendait la décision du riche amateur. — Mon Dieu, oui, disait ce dernier, c’est très bien… C’est même pas mal du tout… La tête est jolie… la poitrine aussi… C’est bien peint… La grappe de raisin me fait venir l’eau à la bouche, mais… mais votre bacchante n’a pas l’air assez… comment dirais-je donc ?… assez bacchante. — Vous auriez voulu une femme saoule, quoi ! repartit timidement l’artiste. — Saoule, non pas ! mais… comment dirais-je donc ?… allumée. Le peintre ne répondit rien, mais il se gratta la tête. Pour une fois, le riche amateur avait raison. La bacchante était jolie au possible, mais un peu raisonnable, pour une bacchante. — Allons, mon jeune ami, conclut le capitaliste, passez encore quelques heures là-dessus. Je reviendrai demain matin. D’ici là, tâchez de… comment dirais-je donc ?… — … d’allumer la bacchante ! — C’est cela même. Et disparut le capitaliste. — Allumons la bacchante, se dit courageusement le jeune peintre, allumons la bacchante ! Le modèle qui lui avait posé ce personnage était une splendide gaillarde de dix-huit ans, certainement titulaire de la plus belle poitrine de Paris et de la grande banlieue. Je crois bien que si vous connaissiez ce modèle-là, vous n’en voudriez plus jamais d’autre. Et la tête valait la poitrine, et tout le reste du corps valait la poitrine et la tête. Ainsi !… Mais, malheureusement, un peu froide. Un jour qu’elle posait chez Gustave Boulanger, ce maître lui dit, avec une nuance d’impatience : — Mais allume-toi donc, nom d’un chien !… C’est à croire que tu es un modèle de la régie. (Boutade assez déplacée, entre nous, dans la bouche d’un membre de l’Institut.) Notre jeune artiste se rendit en toute hâte chez son modèle. La jeune personne dormait encore. 2 Il la fit se lever, s’habiller, le tout avec une discrétion professionnelle, et l’emmena chez lui. Il avait son idée. Ils déjeunèrent ensemble, chez lui. Les nourritures les plus pimentées couvraient la table, et le champagne coula avec la même surabondance que si c’eût été l’eau du ciel. Et, après déjeuner, je vous prie de croire que, pour une bacchante allumée, c’était une bacchante allumée. Et le jeune peintre aussi était allumé. Elle reprit la pose. — Nom d’un chien ! cria-t-il, ça y est ! Je te crois que ça y était. Elle s’était renversée un peu trop. Les joues flambaient d’un joyeux carmin. Une roseur infiniment délicate nuançait — oh ! si doucement — l’ivoire impeccable de sa gorge de reine. Les yeux s’étaient presque fermés, mais à travers les grands cils on voyait l’éclat rieur de son petit regard gris. Et dans l’unique pourpre de la bouche entrouverte luisait la nacre humide, attirante, de ses belles quenottes. Le lendemain, quand le riche amateur revint, il trouva l’atelier fermé. Il monta à l’appartement et frappa des toc toc innombrables. — Ma bacchante ! clamait-il, ma bacchante ! À la fin, une voix partit du fond de l’alcôve, la propre voix de la bacchante, et la voix répondit : — Pas encore finie. 3 Guy de MAUPASSANT En famille Le petit fût … z e t ! u e o t c n É o c a r e l s u o v On Lu par Pierre-Alain OLIVIER Prosper MÉRIMÉE La partie de trictrac Federigo Lu par Laurent MAGNIN Guy de MAUPASSANT Le parapluie La ficelle La parure La dot Lu par Pierre-Alain OLIVIER Octave MIRBEAU La bague Mon jardinier La vache tachetée Un administrateur En viager En traitement Lu par Gaëlle MAIRET Alphonse DAUDET La défense de Tarascon Le cabecilla Le sous-préfet aux champs Le Bon Dieu de Chemillé Lu par François COSTAGLIOLA Émile ZOLA La Fête à Coqueville Lu par François COSTAGLIOLA o i d u a s s e Des livre r t u a es l e m m o pas c Catalogue complet, extraits à écouter et textes des œuvres à télécharger sur notre site internet www.grinalbert.fr Émile ZOLA Les Repoussoirs Celle qui m’aime Les Disparitions mystérieuses Lu par Bernard PETIT