2-Chromatographie

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2-Chromatographie
LA CHROMATOGRAPHIE
- Basée sur l’utilisation d’une phase mobile, qui contient le mélange de substances à
fractionner, et une phase stationnaire, au travers de laquelle les substances sont
séparées.
- les interactions des différentes substances avec la phase stationnaire
ralentissent plus ou moins leur migration au travers de cette phase selon
les propriétés respectives de chaque substance
- les propriétés communément utilisées pour effectuer le fractionnement sont:
- les interactions ioniques (Chromatographie par échange d’ions)
ions
- la taille (Chromatographie par gel-filtration)
filtration
- la spécificité (Chromatographie d’affinité)
A. Chromatographie par échange d’ions
- dans un processus d’échange d’ions, les ions liés électrostatiquement à un support
insoluble sont remplacés de manière réversible par des ions en solution:
R+ A- + B-
R+ B- + A-
- R+ A- est un échangeur d’anions, sous la forme A- un échangeur de cations porte des groupes chargés négativement et lierait des
cations de manière réversible
-
les protéines portent à la fois des charges positives et négatives et peuvent lier à
la fois un échangeur d’anions ou de cations
-
l’affinité avec laquelle une protéine se lie à un échangeur d’ions dépend:
1) du pH de la solution, puisque la charge nette des protéines varie selon le pH
2) de la nature et des concentrations des autres ions en solution, qui vont aussi
compétitionner pour les sites de liaison de l’échangeur d’ions
- ces deux principes peuvent être utilisés pour purifier une protéine donnée parmi un
mélange de molécules biologiques.
A.1 Matrices
- les échangeurs utilisés en chromatographie des protéines dépendent de deux
caractéristiques importantes:
- La nature de leur matrice.
- Le type de groupement fonctionnel utilisé pour favoriser l’attachement
de la protéine
- les matrices utilisées en chromatographie sont des polymères insolubles préparés
sous formes de billes, appelées familièrement résines
- les polymères le plus souvent utilisés sont des polysaccharides comme le cellulose
ou des dérivés du cellulose, de l’agarose ou autres polymères
- ces polymères sont suffisamment poreux afin de permettre la pénétration d’une
protéine et le réseau des pores génère une surface beaucoup plus large que la
surface de l’extérieur de la bille (Figure 1)
Figure 1
Illustration de l’échelle des particules absorbantes
et protéines dans une colonne typique de
chromatographie. Agrandissement 106 de droite à
gauche et montrant des interactions entre des
protéines et une chaîne de polysaccharides
chargés positivement.
A.2 Groupements fonctionnels.
- les échangeurs d’ions exploitent la présence d’une charge nette sur la protéine à
un pH donné qui leur permettent d’interagir par attraction électrostatique
- il y a deux classes d’échangeurs :
- les échangeurs anioniques qui portent une charge positive
- les échangeurs cationiques qui possèdent une charge négative
- chaque classe d’échangeurs se divise en groupe dit « échangeur fort » qui reste
pleinement chargé entre pH ~ 3 et ~ 10 et « échangeur faible » qui est chargé
dans une gamme de pH plus restreint.
Les groupements chimiques greffés sur les matrices sont:
QAE - amine quaternaire - (N+ pKa ~ 9.5) Æ échangeur anionique fort.
sulfonates Æ échangeur cationique fort.
DEAE - amine tertiaire - partiellement chargé à partir de pH 7 à 8 Æ
échangeur anionique faible.
CM - carboxyméthyle - pleinement chargé à partir de pH 4.5 Æ échangeur
cationique faible.
Représentation schématique d’échangeurs d’ions dérivés de la cellulose
Figure 2
A.3 Principe d’opération.
- les protéines se lient aux échangeurs par des forces électrostatiques entre la
surface de la protéine et les groupements chargés sur l’échangeur
- Cependant, les charges de l’échangeur sont contrebalancées par des contre-ions
(ions métalliques, des ions de sel, ou des ions du tampon).
-Une protéine doit alors déplacer les contre-ions pour s’attacher
-En général, la protéine possède une charge nette de même signe que les
contre-ions à déplacer – d’où le terme « échangeur d’ions ».
- En solution, la protéine est également neutralisée par des contre-ions
- donc la protéine doit posséder une plus grande affinité pour l’échangeur que
pour les contre-ions qu’elle doit déplacer
- ceci dépend des groupements chargés et de l’échangeur utilisé (fort ou
faible).
- lorsqu’on purifie une protéine donnée, le pH et la concentration saline de la solution
dans laquelle la protéine est dissoute sont choisis de sorte que cette protéine se
trouve immobilisée sur l’échangeur d’ion
- une fois la solution de protéines est appliqué sur le haut de la colonne contenant
l’échangeur, la colonne est lavée avec une solution tampon
- les différentes protéines se lieront à l’échangeur d’ions avec des affinités
différentes
• les protéines ayant une affinité relativement faible pour l’échangeur
d’ions migreront plus rapidement dans la colonne que celles qui lient
l’échangeur avec une plus forte affinité
• plus l’affinité de liaison d’une protéine pour l’échangeur est forte,
plus la migration sera retardée
- pour permettre l’élution des protéines fortement liées, le tampon de lavage doit
être remplacé par un tampon d’élution de concentration saline supérieure ou de
pH différent
- donc, la concentration saline et le pH du tampon sont des facteurs importants
pour la liaison de notre protéine d’intérêt à l’échangeur d’ions ET son élution.
- Élution
-
les protéines liées à l’échangeur d’ions peuvent être éluées par un tampon de
concentration saline supérieure au tampon de lavage => procédé d’élution
fractionnée (Figure 4)
- les gradients de sels sont le moyen le plus souvent utilisés afin d’éluer les
protéines adsorbées sur l’échangeur => procédé d’élution par gradient
- l’utilisation d’un gradient linéaire, où la concentration saline de la solution
d’élution varie de façon linéaire avec le volume qui passe dans la colonne,
permet de libérer, les unes après les autres, les différentes protéines liées
à l’échangeur d’ions
- normalement le KCl ou le NaCl sont utilisés pour former des gradients;
les gradients sont fabriqués en mélangeant deux solutions de sels de
concentrations différentes
- le sel déplace directement la protéine; les ions occupent les sites chargés
devenus disponibles et bloquent le rattachement de la protéine
- une fois la protéine détachée de la matrice, les sites libérés sur la matrice
sont réoccupés par les contre-ions
Séparation de plusieurs protéines par chromatographie d’échange d’ions par
élution fractionnée
Figure 4
B. Chromatographie par gel-filtration ou tamis moléculaire
- dans cette technique de chromatographie, les molécules sont séparées selon leur
taille et leur forme
- les principes de cette méthode sont assez simples:
1) la phase stationnaire (résine) consiste en un réseau de polymères réticulé
possédant des pores, fabriqué sous forme de billes
2) les pores dans les billes du gel sont suffisamment grands afin de permettre la
pénétration complète des petites molécules, mais ils ne laissent pas pénétrer
toutes les protéines à partir d’une certaine taille => la limite d’exclusion
3) les protéines qui ne pénètrent pas dans les pores traversent la colonne plus
rapidement que les protéines retenues dans les pores des billes
- l’inaccessibilité aux protéines à partir d’une certaine taille est due au fait que
certains pores sont trop étroits pour laisser passer des protéines,
- les matrices utilisées sont faites de polymères insolubles à base de polysaccharides
comme le dextrane (Sephadex) ou l’agarose (Sépharose), ou de polyacrylamide (BioGel), préparées sous la forme de billes réticulées (poreuses)
- la figure représente une coupe bidimensionnelle d’une bille réticulée
Molécule de
protéines
Surface
de la
bille
- dans des conditions optimales, tous les pores
sont accessibles aux protéines, mais pas n’importe
quelle taille de protéines peuvent y accéder
-
l’accessibilité d’un pore pour une
peut donc varier entre 0 et 100%
macromolécule
- la porosité des gels dépendra:
• de la masse moléculaire du polymère
• du nombre de liaisons croisées qui se forment
entre les molécules du polymère (pontages)
- les meilleures billes de gel ont des tailles de pore qui excluent 90% des
macromolécules qui possèdent 5 à 6 fois la taille des macromolécules retenues dans
le volume interstitiel des billes –> la limite d’exclusion
- les limites d’exclusion varieront de 0.8 à 800 kDa pour le Sephadex, et jusqu’à
40 000 kDa pour le Sepharose
écoulement
de la phase
mobile
(tampon)
Principe de filtration sur gel afin
de séparer des protéines de tailles
différentes sur une colonne. Les
protéines de grandes tailles sont
exclues de la plupart de pores, et
par conséquent se déplacent avec
le front du tampon.
Figure 5
Représentation schématique de la chromatographie par gel-filtration
Figure 6
- les protéines dont la masse moléculaire est inférieure à la limite d’exclusion
des billes seront éluées de la colonne selon leur masses moléculaires:
les plus grosses étant éluées en premier
- Le volume d’élution d’une protéine dans une colonne de gel-filtration (Ve) peut
être déterminé quantitativement => c’est le volume de solvant nécessaire pour
éluer la protéine après son dépôt sur la colonne
En utilisant l’équation:
où
Vt = Vx + Vo
Vx = le volume occupé par les billes
Vo = le volume mort (volume de solvant qui entoure les billes, ~35% de Vt)
Vt = le volume total de la colonne
il est possible de mesurer le volume d’élution relatif (Ve/Vo) d’une protéine
• Cette mesure permet d’estimer la masse moléculaire d’une protéine
- il existe une relation linéaire entre le volume d’élution relatif d’une protéine
et le logarithme de sa masse moléculaire (Figure 7)
- à partir du graphe à la Figure 7, il est possible d’estimer la masse
d’une protéine inconnue en connaissant son volume d’élution relatif
Volume
d’élution
relatif
en
fonction du logarithme de la
masse moléculaire de protéines
éluées d’une colonne de dextran
réticulée. Les barres en orange
correspondent à l’élution des
glycoprotéines
(protéines
auxquelles sont liés des groupes
oligosaccharidiques).
Figure 7
B.1 La dialyse: une forme de filtration moléculaire
- la dialyse permet de séparer les molécules selon leurs tailles grâce à l’utilisation
de membranes semi-perméables qui présentent des pores de taille inférieure
aux protéines
- ces pores permettent aux petites molécules, comme les sels et les métabolites,
de diffuser au travers de la membrane, mais empêchent la diffusion de plus
grosses molécules
- les membranes utilisées sont à base de cellophane (cellulose)
- Cette technique est fréquemment utilisée pour éliminer les sels présents dans
un échantillon de protéine obtenu après précipitation (salting out) ou après
élution avec un tampon riche en sels d’une colonne de chromatographie par
échange d’ions
- la solution de protéines et de sels est mise à l’intérieur d’un sac à dialyse,
puis immergée dans un large volume de tampon. Après plusieurs heures,
les solutions se retrouveront à l’équilibre grâce à la diffusion des sels de
l’intérieur du sac vers le tampon de dialyse (Figure 8)
Séparation de petites et de grandes molécules par dialyse
au début de la
dialyse
à l’équilibre
Figure 8
C. Chromatographie d’affinité
- dans cette technique, un ligand, qui lie spécifiquement la protéine d’intérêt, est
fixé de manière covalente à une matrice poreuse et inerte
- quand un solution contenant un mélange de protéines traverse la colonne,
la protéine d’intérêt se liera au ligand immobilisé, alors que les autres protéines
ne s’y lieront pas et sortiront de la colonne (Figure 9)
- on peut alors récupérer la protéine désirée sous une forme très pure en modifiant
les conditions d’élution pour faire en sorte que la protéine se détache du ligand
•soit en ajoutant un excès de ligand libre dans la colonne ( celui-ci entre en
compétition pour la liaison de la protéine) ou en changeant le pH, la force
ionique et/ou la température
- cette approche possède le grand avantage d’exploiter les propriétés biochimiques
uniques de la protéine d’intérêt, au lieu d’utiliser des propriétés physico-chimiques
qui sont aussi partagées par d’autres protéines
- possède aussi l’avantage de pouvoir purifier la protéine d’intérêt à un très
haut degré de pureté en une seule étape
Séparation de macromolécules
par chromatographie d’affinité
Figure 9
C.1
L’interaction protéine-ligand
- la liaison d’une protéine P à un ligand L peut être représenté par cette équation:
P + L
Kd
P-L
où le Kd représente la constante de dissociation (une mesure de l’affinité protéineligand)
- quand le ligand est couplé à une matrice M, l’équation devient:
Kd’
P + L-M
P-L-M
- la liaison du ligand sur la matrice ne doit pas interférer dans l’interaction
protéine-ligand
-> le Kd’ devrait varier entre 10-4 M et 10-10 M
- la quantité de protéine retenue sur la colonne (P-L-M) dépendra:
- du Kd’ (l’interaction est trop faible si la valeur >10-4 M)
- de la concentration de protéine dans l’extrait
- du degré de liaison du ligand à la matrice (concentration de L-M)
Types de ligands couramment utilisés
Ligand
NAD,
5’-AMP
2',5'-ADP
Glutathione
Chitin
Amylose
Bleu B
Bleu F3G-A
Rouge HE-3B
Vert A
Arginine
Benzamidine
Calmodulin
Gélatine
Héparine
Lectines, concanavaline A
Anticorps
Protéine A
Protéine G
Poly U
Spécificité
NADP Dehydrogénases
enzymes NAD-dépendantes
enzymes NADP+-dépendantes
Glutathione-S-transferase (protéines de fusion)
Chitin binding protein (protéines de fusion)
Maltose binding protein (protéines de fusion)
Kinases, déhydrogénases
enzymes NAD+-dépendantes
enzymes NADP+-dépendantes
protéines CoA, HSA, déhydrogénases
Fibronectin, prothrombin
protéases à Serine
Kinases
Fibronectin
Lipoprotéines, protéines liant l’ADN et l’ARN
protéines glycosylées
(IgG) Antigènes (protéines, etc)
fragments Fc des anticorps
Anticorps
protéines liant l’ARN
C.2 Liaison d’un ligand à une matrice
- la matrice utilisée pour la chromatographie d’affinité doit être:
- chimiquement inerte
- avoir une grande porosité
- présenter de nombreux groupes fonctionnels capables de
former des liens covalents avec les ligands
• l’agarose est le polymère le plus fréquemment utilisé
- la liaison par lien de covalence du ligand sur la matrice d’agarose se fait
en deux temps:
1) réaction de l’agarose avec du bromure de cyanogène,
qui produit un intermédiaire "activé" et stable
2) le ligand réagit avec l’agarose activé pour donner un produit
lié par covalence (Figure 10)
- cependant, plusieurs protéines sont incapables de se lier à leur ligand couplé
au bromure de cyanogène à cause d’interférence stérique avec la matrice d’agarose
- pour éviter ce problème, un bras "espaceur" souple est
ajouté entre la matrice et le ligand (Figure 11)
Synthèse de l’agarose activée
par le bromure de cyanogène
L’agarose activée réagit avec
une amine primaire pour
former un lien covalent entre
un ligand (RNH2) et la
matrice
Figure 10
La protéine ne peut pas lier le ligand
lorsque ce dernier est couplé
directement à la matrice d’agarose
L
N
H
C
O
N
H
L
a) Sepharose NH (CH2)6 NH2
L’ajout d’un bras espaceur de 6
atomes de carbones permet à la
protéine d’avoir accès au ligand
Plusieurs matrices, disponibles
commercialement, possèdent des
groupes réactifs, comme l’époxy
(d) séparées de la matrice par un
bras espaceur
b) Sepharose NH (CH2)5 COOH
O
c) Sepharose NH (CH2)5 CO O N
O
d) Sepharose O CH2 CH CH2 O (CH2)4 O CH2 CH CH2
OH
O
Figure 11
Détection des protéines lors de l’élution d’une colonne chromatographique
- lorsqu’on purifie une ou des protéines par chromatographie, il faut une méthode
qui permette de la ou les détecter quantitativement et spécifiquement dans les
différentes fractions de l’éluat
- les méthodes utilisées sont:
• absorption des protéines dans l’UV avec un spectrophotomètre
- les protéines absorbent la lumière autour de 280nm
- méthode non spécifique
• essai colorimétrique (essai de Bradford)
- contient un produit qui, en réagissant avec les protéines, donne une
couleur mauve à la solution -> l’intensité de la couleur est
proportionnelle à la concentration de protéine en solution
- méthode non spécifique
• essai enzymatique
- pratique si la protéine à purifier est une enzyme
• détection de la protéine sur gel SDS-PAGE (avec un colorant)
- permet de déterminer le degré de pureté de la protéine
• détection de la protéine avec un anticorps (essai ELISA ou immunoblot)
- très spécifique

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