Améliorer durablement la prise en charge psychique

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Améliorer durablement la prise en charge psychique
La psychothérapie psychologique dans l’assurance de base
Admission de la psychothérapie effectuée par les psychologues dans l’assurance de base
Améliorer durablement la prise en charge psychique
Les maladies psychiques sont fréquentes. En Suisse, la prise en charge des patientes et patients par les médecins et les psychothérapeutes psychologues est actuellement insuffisante. Les premiers sont victimes de
problèmes de relève, et les prestations psychothérapeutiques des seconds ne sont remboursées par
l’assurance de base qu’à travers la délégation. Une solution pour résoudre ce problème
d’approvisionnement en soins: l’admission à part entière de la psychothérapie effectuée par les psychologues dans l’assurance de base.
Des études épidémiologiques montrent la fréquence élevée des troubles et maladies psychiques. Le risque de tomber malade psychiquement à un moment donné de sa vie est de 50%.
Ainsi, presque une personne sur deux souffre au
cours de sa vie d’un trouble psychique qui devrait
être traité.1,2 Selon des estimations actuelles, en
Europe, 27% des adultes ont présenté un trouble
psychique durant les 12 derniers mois.
L’Organisation mondiale de la santé (OMS) estime
qu’en 2020, la dépression viendra au deuxième
rang des maladies dans les pays industriels, et
qu’en 2030 déjà, elle occupera la première place.3
Coûts élevés des maladies psychiques
Les coûts estimés des maladies psychiques pour la
société s’élèvent – uniquement pour la Suisse – à
plus de 19 milliards de francs par an, ce qui repré4
sente 3,2% du PIB.
En Suisse, les maladies psychiques sont à l’origine
de l’octroi de plus de 40% des nouvelles rentes de
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l’assurance-invalidité. Presque une personne sur
trois bénéficiant d’une indemnité de chômage, de
prestations de l’assurance-invalidité ou de l’aide
sociale souffre d’un trouble psychique. Le taux de
chômage chez les personnes atteintes dans leur
santé psychique est deux fois plus élevé que le taux
global.
Une prise en charge psychothérapeutique adéquate permettrait de réduire massivement les
coûts directs, mais aussi indirects, des troubles
mars 2014
psychiques tels que les baisses de productivité, les
longues interruptions de travail et le recours aux
prestations sociales.
Problèmes de prise en charge en Suisse
En une année, 480'000 personnes environ recourent à un traitement psychiatrique. Dans la population suisse, le nombre total de personnes nécessitant un traitement psychiatrique doit se situer à
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plus de 700'000. La stigmatisation persistante des
maladies psychiques n’explique pas à elle seule
que les personnes concernées ne se fassent pas
traiter. Une nouvelle étude de l’OCDE souligne
qu’en Suisse «l’accès aux prestations psychiatriques demeure problématique». En moyenne, il
faut sept appels pour obtenir un rendez-vous chez
un ou une psychiatre. L’étude mentionne également que «malgré des moyens énormes en soins
spécialisés de santé mentale, de nombreux patients reçoivent encore des traitements insuffisants, ce qui pose un problème important, en
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Suisse et dans d’autres pays ». Une autre enquête
confirme que l’offre de soins ne couvre pas la demande, en particulier dans la catégorie des personnes qui ont besoin d’une thérapie et souhaiteraient y recourir mais qui ne peuvent la financer
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elles-mêmes.
Pour des raisons de politique de la santé, il est
donc nécessaire et urgent d’améliorer la prise en
charge psychothérapeutique en Suisse.
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La psychothérapie psychologique dans l’assurance de base
Solution: la psychothérapie effectuée par
les psychologues
Comme le Conseil fédéral l’a relevé dans son rapport «Santé 2020», il faut des solutions concrètes
qui permettent le maintien de la santé psychique,
le dépistage aussi précoce que possible et le trai9
tement des troubles psychiques. Une mesure
logique consiste à admettre la psychothérapie
effectuée par les psychologues dans le catalogue
des prestations de l’assurance de base. Le nouveau
rapport de l’OCDE intitulé Santé mentale et emploi:
Suisse la mentionne aussi comme un défi stratégique majeur: «Les importantes ressources disponibles dans le système de soins de santé mentale
devraient être affectées de manière à obtenir de
meilleurs résultats». Les coûts des psychothérapies
effectuées par les psychologues «devraient être
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remboursés par l’assurance-maladie obligatoire».
Situation actuelle des psychothérapeutes
Aujourd’hui, la psychothérapie effectuée par les
psychologues n’est prise en charge par l’assurance
de base qu’à certaines conditions (psychothérapie
déléguée et en cliniques, sous surveillance médicale). Les psychothérapeutes indépendant-e-s ne
sont financés que par les assurances complémentaires ou par les patientes et patients eux-mêmes.
Les psychothérapeutes psychologues sont des
fournisseurs importants et indispensables de prestations psychothérapeutiques et psychosociales en
Suisse. Leur formation de base et postgrade, leurs
qualifications et leurs prestations professionnelles
sont équivalentes à celles des psychiatres – mais
pas leur statut ni leurs droits. En vertu de leurs
compétences équivalentes et en raison de la pénurie de psychiatres qui se profile, les psychothérapeutes psychologues assument aujourd’hui déjà
dans les cliniques psychiatriques un grand nombre
des fonctions (dirigeantes) attribuées traditionnellement aux médecins assistants ou aux médecins
chefs, mais à des conditions la plupart du temps
largement moins bonnes. Dans le domaine de la
psychothérapie déléguée aussi, les conditions de
travail sont souvent insatisfaisantes.
Vers une sécurité dans la prise en charge
Les psychothérapeutes psychologues sont aptes et
disposé-e-s à fournir leur contribution à la prise en
charge des personnes souffrant de troubles psychiques. Un pas important vers la sécurité d’un
approvisionnement durable et de qualité élevée
serait franchi avec l’admission des prestations de
toutes et tous les psychothérapeutes psychologues
dans l’assurance de base.
Le modèle de la prescription médicale
La psychothérapie est une prestation non contestée de l’assurance obligatoire des soins. A de nombreuses
reprises, il a été scientifiquement prouvé que la psychothérapie donne des résultats convaincants. A l’avenir –
comme c’est déjà le cas – l’assurance de base ne remboursera que les prestations efficaces, appropriées et
économiques.
La formation de base et postgrade et les prestations fournies par les psychothérapeutes psychologues justifient
une mise sur pied d’égalité avec les psychiatres. Par souci de réalisme politique, les associations de psychologues et psychothérapeutes visent le «modèle de la prescription» dont les composantes sont décrites cidessous. Il faut une prescription médicale pour que le ou la psychothérapeute psychologue puisse facturer ses
prestations à l’assurance de base.
Cadre de référence
Ne sont pris en charge par l’assurance de base que les troubles psychiques ayant caractère de maladie. Les
prestations doivent être efficaces, appropriées et économiques.
Habilité à prescrire
Une psychothérapie doit être prescrite par un-e médecin.
Contenu de la prescription
Responsabilité
Libre choix
mars 2014
Le contenu de la prescription se base sur les articles 2, 3 et 3b de l’Ordonnance sur les prestations de
l’assurance des soins (OPAS), par analogie à la psychothérapie médicale:
prise en charge de 40 séances diagnostiques et thérapeutiques au maximum
en cas de poursuite de la thérapie après 40 séances, il faut adresser un rapport au médecin-conseil de
l’assureur.
Le ou la psychologue psychothérapeute
pose le diagnostic
effectue la thérapie sous sa propre responsabilité professionnelle (selon la LPsy)
est responsable d’établir les rapports aux caisses-maladie et leur facture directement les prestations.
Le ou la patient-e en possession d’une prescription médicale peut s’adresser au/à la psychothérapeute de
son choix pour autant qu’il/elle soit inscrit-e sur la liste des psychothérapeutes reconnus au niveau fédéral.
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La psychothérapie psychologique dans l’assurance de base
Psychothérapie effectuée par les psychologues:
pourquoi faut-il l’admettre dans l’assurance de base et supprimer
la psychothérapie déléguée?
Amélioration de l’offre de soins
L’accès aux prestations psychothérapeutiques mérite d’être amélioré en Suisse. Les psychothérapeutes psychologues représentent une ressource
disponible, hautement qualifiée qui connaît les
habitudes locales. Aussi, cette ressource peut être
mieux utilisée et intégrée dans le système de santé
afin de répondre aux besoins et à l’importance
croissante des troubles psychiques.
Pénurie de psychiatres et problèmes de
langue
Aux dires des psychiatres eux-mêmes : Dans 10
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ans, il manquera environ 1'000 psychiatres. De
plus, de nombreux professionnels étrangers ou qui
parlent une langue étrangère pratiquent en tant
que psychiatres, ce qui peut engendrer des problèmes de compréhension. En revanche, les psychothérapeutes psychologues ne connaissent pas
de soucis de relève et parlent presque toujours la
langue de la région à un niveau de langue maternelle, ce qui constitue un facteur clé de succès
d’une psychothérapie.
Une SEULE psychothérapie
Il n’existe qu’une seule psychothérapie, étudiée et
pratiquée de la même manière par tous les psychothérapeutes, peu importe qu’elle soit entreprise
par des personnes ayant une formation de base en
psychologie (> psychothérapeutes psychologues)
ou une formation de base en médecine (> psychiatres). Deux groupes professionnels, dont la
formation en psychothérapie est équivalente, proposent les mêmes prestations mais sont actuellement traités de manière inégale quant à leurs conditions de travail. Toutes et tous les psychiatres
facturent leurs prestations psychothérapeutiques à
l’assurance de base, ce qui n’est pas (encore) possible pour les psychothérapeutes psychologues.
Thérapie déléguée, une solution transitoire
En 1994 déjà, au cours des délibérations parlementaires relatives à la loi sur l’assurance-maladie, la
question de la psychothérapie dite «non médicale»
a été débattue et il a été clairement envisagé que
ces prestations fassent partie de l’assurance de
base. Le Tribunal administratif fédéral a explicitement désigné la psychothérapie déléguée comme
«réglementation transitoire», jusqu’à ce que la
formation de base et postgrade des psychothérapeutes non médecins soient régies par voie lé12
gale. La loi étant maintenant en vigueur, la psychothérapie déléguée sous surveillance médicale
n’a plus lieu d’être et elle est remise en question
du point de vue juridique. Il faudrait donc l’abolir.
mars 2014
La Loi sur les professions de la psychologie
(LPSy): la base
er
Avec l’entrée en vigueur de la LPsy au 1 avril
2013, la formation de base et la formation postgrade des psychothérapeutes psychologues ont été
harmonisées à l’échelle nationale et fixées à un
niveau élevé. La nouvelle loi protège le titre de
«psychothérapeute», ce qui garantit que seul-e-s
les spécialistes qualifié-e-s peuvent proposer une
psychothérapie.
La LPsy confère aux psychologues psychothérapeutes les qualifications professionnelles leur permettant d’exercer sous leur propre responsabilité,
ce qui crée la base justifiant leur admission dans
l’assurance de base, sans surveillance médicale, en
tant que fournisseurs de prestations indépendants.
Transparence grâce à la facturation directe
Les prestations des psychothérapeutes psychologues sont aujourd’hui déjà couvertes par
l’assurance de base – mais uniquement si elles sont
fournies sous la surveillance de médecins, dans le
cadre de la psychothérapie déléguée ou au sein
d’une clinique. La prestation figure sur la facture
du médecin délégant et vaut comme prestation
médicale. Il y aurait plus de transparence si les
psychothérapeutes psychologues facturaient directement leurs prestations.
Coûts moins élevés que prévus
Les coûts du transfert des prestations des psychothérapeutes psychologues dans l’assurance de
base sont estimés à 131 millions de francs. De plus,
il faut tabler sur le fait qu’il y aura toujours des
gens qui paieront eux-mêmes leur traitement. Les
coûts correspondent à 1,3% des dépenses de santé
ambulatoires en 2012 et à 0,6% seulement des
prestations payées en 2011 par l’assurance de
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base.
Libre choix du ou de la thérapeute
La condition essentielle d’une psychothérapie
réussie est le lien de confiance qui unit le ou la
psychothérapeute à son ou sa patient-e, autrement dit le libre choix du thérapeute. Actuellement, les patient-e-s qui choisissent des psychothérapeutes psychologues indépendant-e-s doivent
payer leur traitement de leur propre poche, ce qui
peut poser problème. L’admission de la psychothérapie effectuée par les psychologues dans
l’assurance de base faciliterait l’accès à la psychothérapie et permettrait le libre choix du psychothérapeute, en d’autres termes une meilleure prise en
charge des patientes et patients.
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La psychothérapie psychologique dans l’assurance de base
1
Wittchen, H. U. & F. Jacobi (2005) «Size and burden of mental disorders in Europe – a critical review and appraisal of 27
studies», European Neuropsychopharmacology, 15(4): p. 357-376
2
Schuler, D. & L. Burla (2012) «La santé psychique en Suisse, Monitorage 2012, Obsan Rapport 52»; Observatoire Suisse de
la santé, Neuchâtel
3
Wunsch et al. (2013) «Wie teuer wird es wirklich? Kosten-Nutzen-Analyse für Psychotherapie bei Angst- und affektiven
Störungen in Deutschland»
4
«Santé mentale et emploi: Suisse» (2014), Rapport de recherche de l’OCDE, no 12/13
5
Schuler, D. & L. Burla (2012) «La santé psychique en Suisse, Monitorage 2012, Obsan Rapport 52»; Observatoire suisse de
la santé, Neuchâtel, p. 5
6
Rüesch, P., A. Bänziger & S. Juvalta (2013) «Utilisation psychiatrique régionale et besoins en équipements en Suisse. Données, modèles statistiques, choix de résultats – une étude exploratoire, Obsan Dossier 23», Observatoire suisse de la santé,
Neuchâtel
7
«Santé mentale et emploi: Suisse» (2014), Rapport de recherche de l’OCDE, no 12/13: p. 146 et p. 154
8
Stettler P., D. Stocker, L. Gardiol et al. (2013) «Enquête sur les données structurelles de la psychothérapie effectuée par
des psychologues en Suisse en 2012», Bureau d’études de politique du travail et de politique sociale BASS AG, Berne
9
«Santé 2020 – Politique de la santé: les priorités du Conseil fédéral» (2013), Office fédéral de la santé publique (OFSP,
Berne
10
«Santé mentale et emploi: Suisse» (2014), Rapport de recherche de l’OCDE, no 12/13, p. 23 et p. 165
11
Giacometti-Bickel G., K. Landolt, C. Bernath et al. (2013) «In 10 Jahren werden 1000 Psychiaterinnen und Psychiater
fehlen», Bulletin des médecins suisses (94:8)
12
Tribunal administratif fédéral, arrêt du 31 août 2012 (C-7498/2008), paragraphes 7.3.2 à 7.3.5, p. 18/19
13
Stettler P., D. Stocker, L. Gardiol et al. (2013) «Enquête sur les données structurelles de la psychothérapie effectuée par
des psychologues en Suisse en 2012», Bureau d’études de politique du travail et de politique sociale BASS AG, Berne
Fondée en 1987, la Fédération Suisse des Psychologues (FSP), qui regroupe quelque 7000 membres individuels
(dont plus de 3600 psychothérapeutes), est la plus grande association professionnelle de psychologues en
Suisse. Sur le plan social et politique, la FSP représente une force active au service de la santé mentale, du développement personnel et de la capacité de se réaliser de tout un chacun.
mars 2014
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