Compte-rendu du rapport final
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Compte-rendu du rapport final
Enquête structurelle Enquête structurelle sur la psychothérapie psychologique Offre, utilisation et coûts A. Remarques préliminaires En Suisse, toute personne malade – y compris en cas de troubles psychiques – a droit à une sécurité sociale convenable et au financement de traitements et de soins diversifiés et de haute qualité. Une exigence réalisable en garantissant un accès aux soins psychiques de base. Ceci ne fait pas uniquement sens du point de vue des patient-e-s: les troubles psychiques occasionnent des coûts sociaux élevés. Les estimations à ce sujet s’élèvent pour la Suisse à plus de 11 milliards de francs par an; il faut noter que les coûts indirects (imputables notamment aux absences de travail et aux retraites anticipées) pèsent lourd dans ces estimations.1 Les statistiques de l’Assurance invalidité (AI) 2012 mentionnent par exemple des coûts à hauteur de 9.2 milliards de francs par années, sachant qu’environ 43% des rentiers AI souffrent de troubles psychiques. D’autres recherches montrent également que des soins de base adaptés dans le domaine de la santé psychique sont nécessaires et urgents: Une personne sur deux souffre au cours de sa vie d’un trouble psychique qui devrait être traité2. En Suisse, environ 480'000 personnes par an recourent à un traitement psychiatrique. Le nombre total de personnes ayant besoin d’un traitement psychiatrique pourrait s’élever, dans la population suisse, à plus de 700’000.3 Les troubles psychiques sont largement répandus au sein de la population. Selon des estimations actuelles, en Europe, 27% des adultes âgés de 18 à 65 ans ont souffert durant les 12 derniers mois d’un trouble psychique.4 L’Organisation mondiale de la santé (World Health Organization, 2008) estime qu’en l’an 2020, la dépression viendra au deuxième rang des maladies dans les pays industrialisés, et qu’en 2030 déjà, la dépression sera la première cause de maladie.5 Jusqu’ici, seules des informations incomplètes étaient disponibles sur la psychothérapie psychologique en Suisse, ainsi que sur son utilisation et les coûts engendrés. Les données provenant de l’étude menée par le bureau indépendant d’études de politique du travail et de politique sociale BASS SA fournissent à ce titre un complément important. 1 Rapport de l’Obsan 52 «La santé psychique en Suisse. Monitorage 2012 ». 2 Rapport de l’Obsan 52 «La santé psychique en Suisse. Monitorage 2012 ». 3 Recours et besoin en soins psychiatriques au niveau régional en Suisse, Obsan Dossier 23, 2013 4 „Wie teuer wird es wirklich? Kosten-Nutzen-Analyse für Psychotherapie bei Angst- und affektiven Störungen in Deutschland“; Wunsch et al., 2013 5 „Wie teuer wird es wirklich? Kosten-Nutzen-Analyse für Psychotherapie bei Angst- und affektiven Störungen in Deutschland“; Wunsch et al., 2013 Page 1 de 4 Enquête structurelle Commentaire sur les principaux résultats de l’enquête a) Offre de psychothérapie psychologique Nombre, volume de travail et type d’activité Selon l’enquête, 5’700 psychothérapeutes psychologues travaillent en Suisse, y compris les personnes en cours de formation postgrade en vue de l’obtention du titre de spécialisation. La grande majorité travaille à temps partiel et soit environ 3100 psychothérapeutes psychologues6 en équivalents plein temps, fournissent des prestations purement psychothérapeutiques (directes ou prestations liées à la thérapie en l’absence du patient ou de la patiente). En moyenne, les taux d’occupation oscillent entre 70 et 90%. La majorité des personnes est, de surcroît, engagée dans l’enseignement, la formation postgrade, la recherche, etc. Structure et qualifications Les psychothérapeutes psychologues disposent d’un niveau de formation de qualité élevée. Avant l’entrée en vigueur de la Loi sur les professions de la psychologie (LPsy), ils remplissaient déjà presque sans exception les critères sévères de la loi. Cela signifie qu’ils ont achevé avec succès des études en psychologie et une formation postgrade en psychothérapie de quatre ans. Dans différentes professions de la santé, par exemple chez les psychiatres7, on constate un problème dû à la présence de nombreux professionnels ou de nombreuses professionnelles de langue étrangère s’exprimant peu ou difficilement dans les langues nationales suisses. En ce qui concerne les compétences linguistiques, l’enquête montre que les psychothérapeutes psychologues sont parfaitement qualifié-e-s: 90 à 98% disposent de connaissances d’une langue nationale à un niveau de langue maternelle et connaissent l’environnement ainsi que la culture de leurs patientes et de leurs patients, ce qui est très important pour pouvoir mener une psychothérapie. b) Constats importants relatifs à l’utilisation de la psychothérapie Séances de thérapie, patientes et patients, motifs de traitement Contrairement à certains préjugés selon lesquels les psychothérapeutes psychologues prendraient en charge plutôt des cas «légers», l‘enquête montre que le taux de patients avec des comorbidités est relativement élevés (environ 40%). Il s’agit de patientes et de patients qui souffrent simultanément de deux ou plusieurs troubles psychiques. Les comorbidités augmentent la souffrance des patientes et des patients et compliquent le traitement thérapeutique. Les psychothérapeutes psychologues proposent un large spectre de méthodes psychothérapeutiques. La durée moyenne d’une psychothérapie s’élève à 15 mois et le nombre de séance moyen est de 29. Environ 60% des patient-e-s ont suivi 2 à 20 séances par année; 21% des thérapies se poursuivant quant à elles sur 21 à 40 séances. Seule une toute petite minotrité des patient-e-s, de l’ordre de 4%, a eu recours à plus de 40 consultations par an. Accès à la psychothérapie psychologique Les chiffres de l’enquête permettent de conclure que la prise en charge ne couvre pas les besoins, en particulier ceux des personnes qui souhaitent recourir à une thérapie, mais qui ne sont pas en mesure de la financer. Il existe donc des seuils de nature fi6 Y compris la travail de psychothérapie (direct ou en l’absence du patient ou de la patiente); y compris les psycothérapeutes psychologues en formation pour l’obtention du titre de spécialisation 7 «Nehmen, wen man kriegen kann», article avec des déclarations de D. Bielinski, psychiatre, dans «Zeit» du 23.10.2012 Page 2 de 4 Enquête structurelle nancière, qui mènent dans les faits à une inégalité de traitement des personnes malades. Les soins psychothérapeutiques doivent aussi pouvoir être garantis pour ces patientes et patients. Les personnes souffrant de troubles psychiques ont le même droit à recevoir un traitement que les personnes souffrant de maladies somatiques. c) Coûts actuels de la psychothérapie psychologique, secteur ambulatoire Dans le secteur ambulatoire, les psychothérapeutes psychologues ont fourni en 2012 des prestations se chiffrant au total à 406 mio. CHF. Les assurances sociales et les pouvoirs publics ont pris en charge environ 70% des coûts du secteur ambulatoire. Un peu moins de 30% des coûts, soit 117 millions de francs, ont été payés par les patients eux-mêmes (financement privé) ou remboursés par les assurances complémentaires. Les estimations disponibles jusqu’ici se basaient sur un montant bien plus élevé 8. d) Nouvelle règlementation de la psychothérapie psychologique Pourquoi une nouvelle règlementation est-elle nécessaire et que prévoit-elle? Une nouvelle réglementation de la psychothérapie est depuis longtemps nécessaire et attendue. La psychothérapie déléguée a été une solution transitoire tant que les conditions régissant la formation de base et postgrade des psychothérapeutes psychologues n’étaient pas réglées par la loi. Grâce à l’entrée en vigueur de la Loi sur les professions de la psychologie (LPsy), les conditions sont harmonisées au niveau national et fixées à un haut niveau. Il est désormais possible de mettre en œuvre une nouvelle réglementation de la psychothérapie. Les psychothérapeutes psychologues au bénéfice d’une autorisation de pratiquer sont professionnellement et juridiquement habilités et en mesure de traiter de manière autonome des maladies psychiques graves. Ce faisant, il va de soi qu’ils respectent les critères d’efficacité, d’adéquation et d’économicité (EAE) d’une mesure psychothérapeutique. En ce moment, l’OFSP se penche sur la question avec les cercles intéressés. Les associations professionnelles s’engagement en faveur d’une nouvelle règlementation, à savoir d’un modèle de prescription: une psychothérapie, ordonnée sous prescription médicale pour traiter un trouble psychique à caractère de maladie, pourra être menée par un ou une psychothérapeute psychologue sous sa propre responsabilité professionnelles, et les prestations pourront directement être facturées via l’assurance de base. Transfert de coût en cas de nouvelle réglementation La solution visée de la prescription médicale aurait pour effet un transfert des coûts du domaine privé et des assurances complémentaires vers l’assurance de base. Les chiffres de l’enquête concernant les coûts de la psycothérapie effectuée par des psychologues pendant l’année 2012 permettent de formuler les estimations suivantes concernant le transfert des coûts:9 On peut prévoir un transfert de coûts de l’ordre de 131 mio. de francs (intervalle de confiance de 95%: de 105.3 mio. à 156.5 mio. CHF) vers l’assurance obligatoire des soins (AOS). Ceci correspond à un taux d’environ 32% des coûts totaux relevés pour la psychothérapie effectuée par des psychologues en 2012. Le tableau 1 illustre ceci. 8 Office fédéral de la statistique OFS (2013): Coûts et financement du système de santé, Neuchâtel. URL : http://www.bfs.admin.ch/bfs/portal/de/index/themen/14/01/new/nip_detail.html?gnpID=2012-350 [all, état 07.06.2013] 9 Estimation du transfert du coûts vers l’AOS, dans laquelle on suppose que les conditions suivantes sont remplies: Tous les coûts de psychothérapie effectuée par des psychologues pris en charge jusque-là de manière privée sont facturés après le changement de système via l’AOS. Les coûts de la catégorie «Secteur public», excepté ceux en lien avec la justice, sont également facturés via l’AOS après le changement de système. La répartition des coûts dans les assurances sociales (AOS, AC/AM, AI) en vigueur jusque-là n’est pas affectée par un changement de système. Les coûts totaux de la psychothérapie effectuée par des psychologues sont ceux de 2012. - Page 3 de 4 Enquête structurelle Tableau 1: Estimation du transfert des coûts Décompté 2012) Coûts Transfert des coûts nouveau système (estimation) en mio. CHF en % en mio. CHF AOS Tarmed*) 245.5 60% +130.8 AC/AM 3.3 1% +/- 0 AI 23.3 6% +/- 0 Assurances sociales 272.1 67% +130.8 Justice 3.3 1% +/- 0 Aide sociale 0.7 0% -0.7 Aide aux victimes 4.7 1% -4.7 Reste du secteur public 8.5 2% -8.5 Secteur public 17.1 (Confédération/cantons/communes) 4% -13.9 Institutions d’utilité publique 0.7 0% -0.7 Paiements privés + ass. complém. 116.4 29% -116.4 Domaine privé 117.1 29% -117.1 Total 406.3 100% +/- 0 *) Il s’agit des coûts facturés via TARMED seulement au sujet des «Prestations en présence du patient». Remarques Il est probable que le transfert des coûts soit inférieur aux estimations présentées ici. Il est possible qu’un partie des patientes et des patients ayant pris en charge les coûts eux-mêmes en 2012 le fassent également dans le nouveau système (ne souhaitant pas apparaître comme malades ou ne voulant pas que leur psychothérapie soit enregistrée auprès de la caisse-maladie, etc.). En ce qui concerne les coûts actuellement pris en charge par le secteur public, il est probable que seule une partie soit transférée. Le transfert des coûts estimés ici s’élève à 1.3% des coûts de la santé décomptés via TARMED en 2012 dans le secteur ambulatoire qui s’élèvent au total à 9.9 mia. CHF10. En comparaison aux prestations prises en charge par l’AOS en 2011, pour un total d’environ 21.4 mia CHF 11, le transfert estimé ici représente environ 0.6%. Conclusions Les psychothérapeutes psychologues sont des fournisseurs de prestations importants et indispensables dans le système de santé suisse. Sans leurs prestations, les soins de base en matière de santé psychique seraient compromis. Une nouvelle réglementation de la psychothérapie psychologique permet d’améliorer durablement la prise en charge des personnes souffrant de troubles psychiques et a un effet positif sur la réduction des coûts consécutifs aux maladies psychiques et à la santé psychique de manière générale. De plus, elle crée davantage de transparence pour les patientes et les patients, ainsi que pour les assurances en ce qui concerne la responsabilité des cas et la facturation. De plus, elle permet aux psychothérapeutes psychologues de bénéficier de conditions de travail qui correspondent à leur formation, leur activité, leur fonction et leurs compétences. Les résultats de l’étude montrent qu’une nouvelle réglementation aurait pour conséquence une augmentation en termes de volume et de coûts nettement moindre que ce qui avait été estimé jusqu’à présent 1213. Les coûts ne représentent que 0.6% des prestations prises en charges par l’AOS en 2011. 10 SASIS SA Soleure, Département Statistik, Datenpool und Tarifpool, Monatsdaten Februar 2013 11 OFSP, Statistique de l’assurance-maladie obligatoire 2011 12 Office fédéral de la statistique OFS (2013): Coûts et financement du système de santé, Neuchâtel. URL: http://www.bfs.admin.ch/bfs/portal/de/index/themen/14/01/new/nip_detail.html?gnpID=2012-350 [all, état 07.06.2013] 13 Beeler Iris, Sebastian Lorenz und Thomas D. Szucs (2003): «Provision and remuneration of psychotherapeutic services in Switzerland», Sozial- und Präventivmedizin, 48, 88-96 Page 4 de 4