Perméabilité entre les formations dans le domaine du travail social
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Perméabilité entre les formations dans le domaine du travail social
Domaine Travail social Perméabilité entre les formations dans le domaine du travail social Réunis à Louvain-La-Neuve en 2009 pour faire le bilan des dix premières années du processus de Bologne, les ministres européen-ne-s de la quarantaine de pays engagés ont salué la réussite de la plus grande réforme entreprise dans le paysage des hautes écoles sur notre continent et ils ont fixé les priorités pour la deuxième décennie. Parmi ces priorités figure en bonne place l’apprentissage tout au long de la vie, un objectif qui oblige à concevoir des systèmes de formation ouverts, garantissant des passages entre les différents niveaux de qualification et tendant à atténuer l’étanchéité entre les formations de base et les formations continues. Cette perméabilité entre les formations concerne bien sûr aussi le domaine du travail social. Il est donc apparu utile d’établir une sorte de panorama de la situation existante. C’est le but du présent document élaboré par Véréna Keller et Philippe Beuret, responsables de la filière Bachelor à la Haute école de travail social et de la santé – EESP à Lausanne, et par Joseph Coquoz, responsable du domaine Travail social de la HES-SO. Contexte et problématique Depuis les années 1990, les formations dans le champ du travail social ont été profondément restructurées en Suisse1 à l’occasion de leur insertion dans le système fédéral de formation professionnelle à trois niveaux. Ces transformations suscitent de nombreuses interrogations, tant pour les personnes souhaitant se former que pour les employeurs et les formateurs et formatrices. Les différents niveaux de formation, avec leurs conditions d’accès, et les différentes filières menant à la pratique de travail social ne sont pas toujours faciles à identifier2. Les passages d’un niveau de formation à un autre ou d’une filière de formation à une autre (anciennement appelés passerelles) sont certes prévus, mais ils sont hétérogènes et parfois difficiles à saisir. En outre, il est possible que certains passages souhaités par divers acteurs fassent actuellement défaut. Enfin, les niveaux de formation et les liens entre diplômes et cahiers des charges sur le marché de l’emploi sont disparates, et divergent selon les champs professionnels, ce qui n’aide pas à comprendre le paysage actuel des formations et de leurs débouchés dans le domaine du travail social. Voici quelques problèmes de politique de formation régulièrement évoqués : Dans de nombreux champs professionnels, et en particulier dans certains services sociaux, on trouve une proportion importante de titulaires d’un diplôme universitaire hors travail social (sciences humaines et sociales par exemple) engagés soit par choix des institutions soit par pénurie de travailleuses et de travailleurs sociaux diplômé-e-s ou encore faute de débouchés pour les diplômé-e-s universitaires. Se pose la question des formations dont ces personnes auraient besoin, pour leur permettre d’acquérir les compétences qui leur font défaut en travail social tout en prenant en compte celles acquises à l’université. Le diplôme de Bachelor en travail social avec ses trois orientations – qui a remplacé dès la volée 2006 la systématique précédente de trois diplômes distincts (diplômes ESTS en animation socioculturelle, éducation spécialisée ou service social délivrés jusqu’aux volées 2001 ; diplômes HES délivrés pour les volées 2002 à 2005) – est encore en phase de 1 2 Coquoz, Joseph (2006). Les Hautes écoles de travail social en Suisse. Actualité sociale, AvenirSocial, 5, p. 14 ; Coquoz, Joseph (2009). La formation bachelor en travail soical de la HES-SO prépare-t-elle des praticiens ? Actualité sociale, AvenirSocial, 20, pp. 16-18. Voir par exemple : AvenirSocial (2011). L’emploi et la formation dans le champ du travail social en Suisse. Berne : AvenirSocial. 1 lancement. Les premiers diplômée-e-s Bachelor étant sorti-e-s en 2009-2010, les avantages de cette formation ne sont pas encore pleinement connus dans les institutions. Certain-e-s employeurs-euses comme certain-e-s diplômé-e-s souhaiteraient qu’il soit possible de suivre une seconde orientation en vue d’acquérir des compétences complémentaires. Mais l’obtention d’un même diplôme dans une seconde orientation n’étant pas possible, se pose la question d’offrir la possibilité d’acquérir en formation continue les compétences exigées dans une seconde orientation. Le CFC d’assistant socio-éducatif peut être également considéré en phase de lancement puisque les premières personnes certifiées sont apparues sur le marché de l’emploi en 2008. Les deux voies possibles - voie généraliste ou voie spécifique à chacun des trois champs professionnels (petite enfance, handicap, personnes âgées) - sont proposées en Suisse romande. Des études récentes3 ont montré que l’insertion professionnelle de ces certifié-e-s n’est pas aisée et se heurte encore à des problèmes de définition de cahiers des charges et de différenciation avec les diplômé-e-s de niveau tertiaire. Se pose la question à leur sujet de la durée de leur carrière professionnelle et de leurs perspectives ainsi que de la différenciation de celles-ci selon la voie de formation suivie. Les personnes titulaires d’une maturité spécialisée dans le domaine social sont d’une certaine manière considérée comme disposant d’un titre très proche de la maturité professionnelle puisqu’elles ont un accès direct au Bachelor HES en travail social, sous réserve d’une réussite aux épreuves de régulation. Se pose alors la question de leur accessibilité directe au marché de l’emploi. Faut-il prévoir des passerelles entre les écoles de culture générale et les écoles formant les ASE ? Faut-il plutôt rapprocher ces deux modèles (école de culture générale et école professionnelle) comme cela a été tenté dans certains cantons ? De manière générale, l’évolution des connaissances, des prestations, des modes de collaboration et des exigences de qualité place les services et les institutions devant la nécessité de disposer de personnel très qualifié et spécialisé. Or la mobilité professionnelle, qu’elle soit géographique (internationale ou régionale) ou sectorielle (changement de champ professionnel, de fonction ou de niveau de poste), et les fréquentes réorganisations institutionnelles, exigent que les formations soient pertinentes aujourd’hui tout en étant orientées sur l’innovation et le futur. Ces réalités militent à la fois pour un bon niveau de formation de base, plutôt généraliste et développant des compétences transférables d’un champ à un autre, et pour un accès facilité (durée, coût, etc.) à une variété de formations continues. L’équilibre entre formations de base suffisamment larges pour faciliter le maintien des diplômé-e-s dans le domaine du travail social, et formations spécialisées pour répondre aux spécificités des différents champs professionnels du domaine constitue un enjeu majeur dans ce contexte. Se pose alors la question des stratégies, à moyen et long terme, de professionnalisation et de spécialisation du travail social comme corps professionnel et comme champ, vis-à-vis des autres corps professionnels qui occupent parfois les mêmes terrains. Ce texte n’a pas pour intention de proposer des réponses à ces problèmes. Son ambition est simplement de clarifier les conditions de passage entre les différents niveaux de formation dans le champ du travail social, ainsi qu’entre les formations de base et les formations postgrades. Il est indispensable toutefois de garder à l’esprit de telles questions ouvertes quand on tente d’esquisser un système de formation cohérent. Perriard, V., Castelli Dransart D.A., Zbinden Sapin, V. (2009). Identité professionnelle et enjeux de la nouvelle profession d’assistant socio-éducatif (ASE), Actualité sociale, AvenirSocial, 22, pp. 4-5. Perriard, V., Castelli Dransart D.A. (2012), Développement de la nouvelle profession d’assistant socio-éducatif, Actualité sociale, AvenirSocial, 41, pp. 3-5. 3 2 Systématique des formations dans le champ du travail social AvenirSocial a publié en 2011 un tableau, reproduit ci-dessous, qui présente les diverses formations relevant du domaine du travail social dans le système suisse de formation. Il fait apparaître les diverses voies de formation secondaire et les débouchés qu’elles offrent pour une poursuite des études au niveau tertiaire. Deux titres de niveau secondaire permettent de travailler dans certains secteurs du domaine social. Au niveau tertiaire, deux voies existent : la voie des formations professionnelles supérieures (dite tertiaire B), et la voie des hautes écoles (dite tertiaire A), laquelle se subdivise entre hautes écoles supérieures (HES) et hautes écoles universitaires (HEU). Tableau 1 : Systématique fédérale de la formation professionnelle appliquée au champ du travail social Avenirsocial (2011). L’emploi et la formation dans le champ du travail social en Suisse. Etat des lieux et perspectives. Berne : AvenirSocial, p.2. La systématique fédérale et les organes responsables de l’enseignement supérieur prévoient des passages entre les différents niveaux de formation, qui sont développés cidessous. Conditions de passage Les conditions générales de passage du niveau secondaire au niveau tertiaire de la formation professionnelle sont définies par la législation fédérale, respectivement par la Loi sur la formation professionnelle et la Loi sur les HES avec leurs diverses ordonnances. Si un titre de maturité est exigé pour accéder aux hautes écoles, le niveau de certificat du secondaire II est suffisant pour accéder aux écoles supérieures. Les hautes écoles de travail social de Suisse ont mis en place depuis 2003 une démarche d’admission sur dossier (ASD SASSA) qui permet aux personnes ne disposant pas d’un titre de maturité d’accéder aux études de Bachelor. Ces personnes doivent avoir cependant plus de 25 3 ans, avoir suivi au moins trois ans de formation après la scolarité obligatoire et être au bénéfice de cinq ans d’expérience professionnelle ou de vie significative. Les conditions de passage du niveau tertiaire B au niveau tertiaire A ainsi qu’entre les différents types de hautes écoles sont fixées dans des dispositions définies par les Conférences nationales de recteurs des hautes écoles concernées. Celles, inverses, du niveau tertiaire A au niveau tertiaire B ne sont pas encore à ce jour fixées au niveau national. Les règles et exigences peuvent ainsi différer selon les cantons ou les écoles concernées. Dans les passages entre filières tertiaires du même domaine ou ayant des orientations disciplinaires correspondantes, des équivalences sont généralement accordées, ce qui permet d’alléger le parcours d’études. La Convention entre la CRUS, la KFH et la COHEP (Conférence des recteurs des universités suisses, Conférence des recteurs des HES suisses, Conférence des recteurs des Hautes écoles pédagogiques suisses) du 5 novembre 2007 (modifiée le 1 février 2010) et son annexe4 établissent les principes au niveau national sur lesquelles doivent s’appuyer les hautes écoles pour prendre leurs décisions d’accorder ou non des équivalences à des diplômé-e-s d’un type de haute école désirant poursuivre ses études dans une haute école d’un autre type. Au niveau de la Suisse romande, un Protocole d’accord entre la CUSO (Conférence universitaire de Suisse occidentale) et la HES-SO du 17 avril 2007 avec son avenant du 1 janvier 20125 règle de manière plus fine encore les conditions d’accès des étudiant-e-s entre la HES-SO et les universités de Suisse romande, y compris l’EPFL. Les conditions de passage des diplômé-e-s de niveau ES à une filière HES sont définies dans une Best Practice de la KFH du 16 mai 20066. La SASSA (Conférence suisse des hautes écoles de travail social) a décidé en mai 2007, sur la base des propositions d’un groupe de travail d’accorder d’emblée un maximum de 60 ECTS aux titulaires d’un diplôme d’une école supérieure du domaine social. Le domaine Travail social de la HES-SO a institué une Commission Equivalences qui statue sur tous les dossiers de candidat-e-s au Bachelor qui sont titulaires d’un diplôme de niveau tertiaire et qui demandent de pouvoir bénéficier d’équivalences pour raccourcir la durée de leurs études. La reconnaissance de l’expérience peut également alléger le parcours d’études. Appelée généralement Validation des acquis de l’expérience (VAE), la démarche existe au sein de plusieurs niveaux de formation. Elle est régie par le Secrétariat d’Etat à la formation, à la recherche et à l’innovation (SEFRI) pour les formations relevant de la Loi sur la formation professionnelle7, et par les hautes écoles pour les formations de niveau tertiaire A. La Suisse romande est pionnière en matière de validation des acquis de l’expérience, quel que soit le niveau de formation. Le seul centre de VAE en Suisse pour l’accès aux hautes écoles a été institué conjointement par l’Université de Genève et la HES-SO8. Il permet à des professionnel-le-s confirmé-e-s, qui désirent reprendre des études tertiaires et qui ont réussi la procédure d’admission, d’obtenir des crédits ECTS sur la base de leur expérience, ce qui permet d’alléger le parcours d’études. Des candidats disposant d’un diplôme tertiaire et d’une longue expérience professionnelle peuvent obtenir jusqu’à 120 crédits ECTS d’équivalence. Les diplômes étrangers en TS peuvent être reconnus en Suisse. L’autorité compétente pour statuer à leur sujet est le Secrétariat d’Etat à la formation, à la recherche et à l’innovation (SEFRI)9. La reconnaissance émise spécifie le titre helvétique, et par conséquent le niveau, auquel le diplôme étranger correspond. Selon ce dernier, la reconnaissance peut être 4 5 6 http://www.kfh.ch/index.cfm?nav=16&dkfh_id=4& http://www.cuso.ch/institution/conventions-reglements/ http://webftp.hes-so.ch/common/getFile.asp?ID=640&MID=516&AID=6&SID=992375245 http://www.sbfi.admin.ch/berufsbildung/01505/index.html?lang=fr http://www.hes-so.ch/fr/validation-acquis-experience-182.html 9 http://www.sbfi.admin.ch/themen/01105/01106/index.html?lang=fr 7 8 4 accompagnée d’une exigence de formation complémentaire, qui est assurée, en Suisse romande, par la Haute école de travail social et de la santé – EESP à Lausanne pour le niveau tertiaire10. Le tableau 2 identifie et décrit les conditions de passage (et donc d’admission) entre les différents niveaux de formation de base du travail social, et entre ces formations et les formations postgrades. Ne sont pris en considération ici que les titres obtenus dans le champ du travail social. Ainsi par exemple, une maturité professionnelle autre que santé-social obéit à des conditions d’accès particulières au Bachelor HES en travail social, qui ne sont pas spécifiées dans le tableau. HES-SO, mars 2013 10 http://www.eesp.ch/formation-continue/ 5 Tableau 2 : Les conditions de passage entre niveaux de formation dans le champ du travail social (formations de base et postgrades) Le tableau se lit en ligne. La première case correspond au titre déjà acquis (titre préalable) et les suivantes indiquent les conditions pour obtenir un titre supplémentaire (titre visé en tête des colonnes). Une case vide indique que le passage n’est pas prévu, pas possible ou n’a guère de sens (un BA-TS n’a pas intérêt à entrer en CFC ASE). Le tableau fait état des conditions formelles en termes de titres exigés, et ne tient pas compte d’éventuelles autres conditions (expérience, moyenne des notes, etc.) Exemple de lecture : le titre de CFC ASE permet l’accès direct à la maturité professionnelle santé-social, l’accès à la formation ES en 3600 heures moyennant un test d’aptitude ainsi que l’accès direct à un examen fédéral professionnel. Titre déjà acquis CFC ASE Attest. Féd. AFP Accès en 2e année CFC CFC ASE Maturité professionnelle santé-social Maturité spécialisée option social ou travail social Maturité gymnasiale Matu prof. santésocial Diplôme ES Exa féd. prof. : brevet et diplôme Accès direct Test d’aptitudes. Accès à la formation en 3600 heures Test d’aptitudes Accès direct Accès direct Test d’aptitudes (régulation) Test d’aptitudes Accès direct Test d’aptitudes (régulation) Test d’aptitudes Accès direct Expérience de travail et test d’aptitudes (régulation) 60 crédits min. d’équiv. reconn. Test d’aptitudes (régulation) Diplôme ES (ES, EDE, MSP) Exa féd. prof. : brevet et diplôme BA HES-TS Accès direct MA HES-TS Accès direct BA ou MA HEU Accès direct 11 BA HES-TS Accès direct MA HESTS MA HEU Formations postgrades HEU Accès direct Accès direct Complément s peuvent être exigés Complément s peuvent être exigés Complém ents peuvent être exigés La passerelle consiste dans une formation préparatoire de culture générale : http://www.prep.ch/?gclid=CNj2ooW61LUCFQVc3godeAsAuA 6 Formations postgrades HES-TS Passere lle Dubs11 Accès direct 120 crédits max. d’équiv. reconnus BA HEU Admission sur dossier Admission sur dossier Accès direct Accès direct Complément s peuvent être exigés Accès direct Accès direct Accès direct