Guide de poche sur l`accès et la répartition des avantages et la
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Guide de poche sur l`accès et la répartition des avantages et la
Guide de poche sur l’accès et la répartition des avantages et la bioprospection Table des matières Introduction 8 Définitions 11 Convention sur la diversité biologique (CDB) 18 Biodiversité, bioprospection et accès et répartition des avantages 30 Idées (fausses) au sujet de la bioprospection et de l’accès et de la répartition des avantages 33 Propriété intellectuelle, accès et répartition des avantages et bioprospection 41 Comment obtenir un consentement préalable en connaissance de cause (PIC) 45 Signification de l’expression selon des conditions convenues d’un commun accord 46 Elaboration d’un accord sur le transfert de matériel 47 Avantages monétaires et autres 50 Eléments qui pourraient figurer dans une réglementation nationale de l’accès et du partage des avantages 52 Liens entre l’accès et la partage des avantages et le développement 53 Etudes de cas sur la bioprospection à l’aide des principes régissant l’accès et le partage des avantages Balakrishna, 2005 56 Etudes de cas concernant la bioprospection non fondée sur les principes de l’accès et du partage des avantages 59 Références 63 Références supplémentaires importantes 64 Notes 65 Avant-propos La question de savoir ce qui est nécessaire pour atteindre le troisième objectif de la Convention sur la Diversité biologique (CDB), à savoir l’accès aux ressources génétiques et la répartition des avantages, a été longuement débattue. Cette question, ainsi que les questions connexes telles que le savoir traditionnel et la propriété intellectuelle font l’objet de débat tant dans le cadre de la CDB que dans celui d’autres instances telles que le Comité intergouvernemental de la propriété intellectuelle relative aux ressources génétiques, au savoir traditionnel et au folklore de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI). Toutefois, la CDB continue d’être la principale instance intéressée dont les débats ont principalement été couronnés par l’adoption des lignes directrices de Bonn qui énoncent une série de mesures librement consenties à l’intention tant des « pays fournisseurs » que des « pays utilisateurs », propres à assurer la réalisation de l’objectif de la CDB en ce qui concerne l’accès et la répartition des avantages. Le Sommet mondial pour le développement durable a habilité la CDB à négocier et à adopter un régime international concernant la répartition des avantages. Les Parties à la Convention ont entrepris d’élaborer ce régime dès 2002. Il a été décidé, lors de la huitième Conférence des Parties à la CDB tenue à Curitiba, que les négociations portant sur le régime devraient avoir pris fin d’ici à 2010. Bien que la négociation du régime international ait progressé et que la date limite de 2010 se rapproche rapidement, plusieurs parties prenantes ne sont pas familiarisées avec les débats internationaux portant sur la répartition des avantages. Parfois c’est la compréhension du principe de la facilitation de l’accès, ce que vise la CDB, qui est entendu comme réglementation de l’accès. Il ressort de l’expérience de plusieurs pays qu’une mauvaise compréhension des principes régissant la répartition des avantages aboutit à l’élaboration de politiques inefficaces. Les débats portant sur la répartition peuvent s’avérer difficiles; il importe, étant donné les incidences sociales, environnementales et éthiques de tout régime portant sur la répartition des avantages, que toutes les parties prenantes, et en particulier les communautés locales des pays fournisseurs, comprennent les questions de fond et la terminologie utilisée au cours des débats. Le présent guide de poche cherche donc à résumer, simplement et de manière concise, toutes les questions touchant la répartition des avantages et la bioprospection et propose un glossaire des termes utilisés. On compte que le guide sera mis à profit par les parties prenantes au niveau local ainsi que par leurs représentants à la Convention, pour qui les débats sont nouveaux, en tant qu’introduction rapide à la question et référence en la matière. L’Institut d’études avancées de l’Université des Nations Unies (UNU-IEA) a été créé en 1996 en tant que centre de recherche et de formation de l’Université des Nations Unies pour entreprendre des études et fournir une formation supérieure aux questions qui se font jour revêtant une importance stratégique pour l’Organisation des Nations Unies et ses Etats Membres. L’élaboration de ce guide de poche s’inscrit dans le cadre du programme de l’Institut en matière de biodiplomatie. Au titre de ce programme, des documents d’information objectifs ont été conçus aux fins des négociations internationales et de contribution aux travaux du Groupe de travail spécial à composition non limitée. Plusieurs tables rondes consacrées à l’accès et à la répartition des avantages ont également été convoquées auxquelles ont pris part diverses parties prenantes et des décideurs. J’espère que le guide constituera une première contribution à la compréhension des questions débattues et qu’il favorisera les négociations à venir portant sur le régime au niveau international en permettant une claire compréhension des enjeux au niveau national. A. H. Zakri Directeur, UNU-IEA Introduction Durant des millénaires l’humanité a utilisé et échangé librement des ressources biologiques et génétiques partout dans le monde aux fins d’amélioration de ses conditions d’existence. Nous ne sommes plus aujourd’hui dans la même situation car sont apparues des questions telles que celles de la privatisation des ressources et des connaissances au moyen d’instruments tels que les droits de propriété intellectuelle et les brevets. La Convention des Nations Unies sur la diversité biologique (CDB), qui est entrée en vigueur le 29 décembre 1993, pose des principes clairs sur la question de l’accès aux ressources biologiques et génétiques et la répartition équitable des avantages résultant de leur exploitation. Les dispositions de la Convention sur l’accès et la répartition des avantages sont sous-tendues par le principe du consentement préalable en connaissance de cause de ceux qui disposent de ces ressources en ce qui concerne l’accès ainsi que l’utilisation des ressources que régit une série de conditions convenues d’un commun accord. Partout dans le monde les pays conçoivent et mettent en œuvre une série de mesures sur l’accès et la répartition des avantages. Toutefois, il est nécessaire que davantage d’intéressés participent à ces opérations lorsque différentes parties prenantes – communautés et administrations locales, chercheurs et spécialistes du développement, secteur privé, juristes et décideurs – peuvent y prendre part en connaissance de cause. Les débats concernant l’accès et la répartition des avantages, qui sont un nouveau domaine revêtant une importance critique en raison de ses incidences éthiques, sociales, environnementales et économiques, pour la population d’un pays donné, imposent souvent qu’il faille comprendre clairement en quoi consiste la valeur ajoutée aux ressources disponibles, négocier les dispositions concernant l’accès et la répartition des avantages avec ceux qui utilisent les ressources et faire en sorte que les communautés locales en retirent des avantages pour pouvoir poursuivre les activités de conservation. C’est en ayant cela présent à l’esprit qu’a été conçu ce « Guide de poche » afin que les parties prenantes disposent d’un outil simple et de consultation aisée, lorsqu’elles ne sont pas particulièrement au fait des débats techniques engagés au niveau mondial, pour pouvoir comprendre les questions soulevées par la bioprospection et l’accès et la répartition des avantages. On a délibérément usé d’un langage simple et l’on s’est efforcé de donner une vue d’ensemble aux questions concernant l’accès et la répartition des avantages en tenant compte des différents niveaux et des différentes étapes. 10 Définitions (principalement tirées de la CDB, 1994) Accès L’accès aux ressources génétiques s’entend de l’obtention d’échantillons de matériel biologique et/ou génétique provenant de régions soumises à une juridiction nationale aux fins de recherches sur la conservation et d’applications commerciales et industrielles. Répartition des avantages Répartition des avantages s’entend du partage équitable, dans des conditions convenues d’un commun accord, des avantages procédant de l’utilisation du matériel biologique et/ou génétique avec le fournisseur du matériel. Bioprospection La bioprospection ou la prospection s’entend de la collecte, de la recherche et de l’utilisation du matériel biologique et/ou génétique aux fins d’application des connaissances en découlant à des fins scientifiques et/ou commerciales. La bioprospection suppose la recherche de ressources génétiques et biochimiques économiquement intéressantes dans la nature. 11 Diversité biologique S’entend de la variabilité des organismes vivants de toute origine, y compris, entre autres, les écosystèmes terrestres, marins et autres écosystèmes aquatiques. La diversité comprend la variabilité au sein des espèces (diversité génétique), et entre espèces (diversité des espèces) ainsi que celle des écosystèmes (diversité des écosystèmes). Ressources biologiques Les ressources biologiques comprennent les ressources génétiques, les organismes ou éléments de ceux-ci, les populations, ou tout autre élément biotique des écosystèmes ayant une utilisation ou une valeur effective ou potentielle pour l’humanité. Biotechnologie Biotechnologie s’entend de toute application technologique qui utilise des systèmes biologiques, des organismes vivants ou des dérivés de ceux-ci, pour réaliser ou modifier des produits ou des procédés à usage spécifique. 12 Biopiratage Le biopiratage est l’appropriation de ressources biologiques sans que les propriétaires de ces ressources ou la population locale ou le gouvernement du pays considéré aient donné leur consentement préalable en connaissance de cause. Pays d’origine S’entend du pays d’origine des ressources génétiques et/ou du matériel biologique. Le pays d’origine peut-être le premier ou le deuxième lieu d’origine du matériel. Pays fournisseur de ressources génétiques S’entend de tout pays qui fournit des ressources génétiques récoltées auprès de sources in situ, y compris les populations d’espèces sauvages ou domestiques, ou prélevées auprès de sources ex situ, qu’elles soient ou non originaires de ce pays. Utilisation commerciale Toute utilisation de la biodiversité et/ou des ressources génétiques, de leurs produits ou de leurs dérivés pour un gain monétaire qui suppose leur vente sur le marché. 13 Espèce domestiquée ou cultivée S’entend d’une espèce dont le processus d’évolution a été influencé par l’homme pour répondre à ses besoins. Ecosystème L’écosystème est un complexe dynamique formé de plantes, d’animaux, de champignons et de communautés de microorganismes et de leur environnement non vivant qui, par leur interaction, forment une unité fonctionnelle; des organismes vivant dans un environnement donné, tels qu’une forêt tropicale, un récif corallien ou un lac et la partie physique de l’environnement qui empiète sur ses complexes. Conservation ex situ S’entend de la conservation des éléments constitutifs de la diversité biologique en dehors de leur milieu naturel. Matériel génétique S’entend de tout matériel d’origine végétale, animale, microbienne ou autre, contenant des unités fonctionnelles de l’hérédité. 14 Ressources génétiques On entend par ressources génétiques le matériel génétique de la diversité biologique ayant une valeur effective ou potentielle. Conditions in situ S’entend des conditions caractérisées par l’existence de ressources génétiques au sein d’écosystèmes et d’habitats naturels et, dans le cas des espèces domestiquées ou cultivées, dans le milieu où se sont développés leurs caractères distinctifs. Conservation in situ S’entend de la conservation des écosystèmes et des habitats naturels et du maintien et de la reconstitution de populations viables d’espèces dans leur milieu naturel et, dans le cas des espèces domestiquées ou cultivées, dans le milieu où se sont développés leurs caractères distinctifs. Accord sur le transfert de matériel Ensemble de procédures administratives convenues par le fournisseur et l’utilisateur de 15 ressources génétiques portant sur la façon dont le matériel obtenu pourrait être utilisé ainsi que sur la question du respect des principes régissant la répartition des avantages. Conditions convenues d’un commun accord Ensemble de clauses et de conditions convenues entre le fournisseur et l’utilisateur des ressources génétiques à des fins de prospection. Brevets Un brevet consiste en l’attribution à un inventeur d’un monopole temporaire pour une période limitée durant laquelle celui-ci peut exploiter l’invention à l’abri de toute concurrence directe. En soi, le brevet n’octroie rien. Il n’accorde que le moyen juridique grâce auquel l’inventeur peut interdire à toute autre partie l’utilisation de l’invention. Habituellement le brevet est propre à un pays donné. Consentement préalable en connaissance de cause Série de procédures administratives permettant de déterminer s’il convient d’accorder l’accès aux ressources génétiques dans des conditions définies. 16 Redevances Une redevance consiste simplement en un versement d’une somme à l’inventeur qui détient le brevet d’un produit ou procédé particulier. Une redevance est due lorsque quelqu’un utilise le produit ou procédé breveté. Savoir traditionnel Le savoir traditionnel s’entend des connaissances, innovations et pratiques des communautés locales et autochtones en matière de conservation et d’utilisation durable de la diversité biologique. Transfert vers des tierces parties Il s’agit du transfert de matériels, connaissances et/ou produits résultant de l’accès vers une partie autre que l’utilisateur désigné dans le consentement préalable en connaissance de cause ou par les dispositions convenues d’un commun accord. 17 Convention sur la diversité biologique (CDB) La Convention sur la diversité biologique (CDB) est l’un des accords internationaux le plus complet signé par 190 pays qui a pour objet la conservation de la diversité biologique de la planète, l’utilisation durable de cette diversité et le partage équitable des avantages résultant de cette exploitation. A l’article 15, on indique comment les pays pourraient faciliter l’accès aux ressources biologiques et il y est recommandé aux pays de prendre des mesures législatives, administratives ou autres pour faciliter l’accès aux ressources sur la base du consentement préalable en connaissance de cause et dans des conditions convenues d’un commun accord. L’instrument encourage également le fournisseur de ressources à conclure un accord avec les utilisateurs desdites ressources aux fins de leur transfert, accord qui définit les conditions dans lesquelles les ressources biologiques feront l’objet d’une mise en valeur et d’une utilisation plus poussée. Les principes régissant les avantages résultant de l’utilisation des ressources constituent le fondement de tout accord concernant la 18 répartition des avantages. Il appartient aux pays de dire qui a le droit de fournir l’accès aux ressources et de définir les conditions de cet accès et de la répartition des avantages. Les parties prenantes pourraient être les Etats tout comme les communautés et leurs représentants. Les dispositions concernant l’accès et la répartition des avantages qu’énonce la CDB font encore l’objet de débats passionnés, car l’accès aux ressources génétiques et leur utilisation n’ont jamais été visés par des instruments juridiques et/ou administratifs. L’expérience des pays en la matière ne permet pas de trancher, ce qui rend parfois les débats sur la question de l’accès et de la répartition des avantages très compliqués. Toutefois, avant même que la CDB n’entre en vigueur, des mesures et des accords s’y rapportant étaient déjà entrés en vigueur. Les clauses et conditions régissant l’accès aux ressources génétiques et la répartition des avantages font l’objet de l’article 15 de la CDB. Au début de 1993, les pays Parties à la CDB ont entrepris d’élaborer une série de principes ayant reçu l’agrément de la communauté internationale sur l’accès et la répartition des avantages qui ont abouti à l’adoption des Lignes directrices de Bonn en 2002 au cours la sixième 19 Conférence des Parties à la CDB. Les Lignes directrices devraient aider les pays et d’autres parties prenantes compétentes à concevoir et mettre en œuvre des stratégies en matière d’accès et de répartition des avantages. Lignes directrices de Bonn sur l’accès aux ressources génétiques et le partage juste et équitable des avantages résultant de leur utilisation Les Lignes directrices ont été conçues comme un outil librement consenti, d’utilisation aisée, pratique dans sa mise en œuvre, souple et transparent de façon à pouvoir répondre à l’évolution future des débats sur l’accès et la répartition des avantages. Elles recensent les étapes de la démarche régissant l’accès et la répartition des avantages, les obligations des utilisateurs des ressources, les prescriptions sur lesquelles reposent les conditions convenues d’un commun accord et elles définissent le rôle et les responsabilités des fournisseurs et des utilisateurs des ressources génétiques, outre le fait quelles soulignent l’importance de l’élaboration de mécanisme administratifs, juridiques et réglementaires au niveau national. Les Lignes directrices portent 20 sur toutes les ressources génétiques ainsi que sur le savoir traditionnel, les innovations et pratiques connexes visées par la CDB et les avantages résultant de la commercialisation et d’autres formes d’utilisation de ces ressources, à l’exception des ressources génétiques humaines. En se fondant sur les Lignes directrices de Bonn, plusieurs pays ont élaboré des dispositions nationales en matière d’accès et de répartition des avantages. A l’heure actuelle, le caractère facultatif des Lignes directrices est étudié plus avant pour pouvoir élaborer les éléments définissant l’accès et les répartitions des avantages au moyen d’un régime international s’y rapportant. Etat d’avancement des débats sur l’accès et la répartition des avantages Il ressort d’une étude récente réalisée par l’UICN dans 42 pays que 10 pays seulement se sont dotés d’une législation ou d’une politique nationale sur l’accès et la répartition des avantages, que 24 autres ont entrepris de le faire tandis que 8 autres encore n’ont pris aucune initiative pour aboutir à l’élaboration de cadres régissant l’accès et la répartition des avantages. L’étude 21 a conclu que nombre de pays s’efforçaient de concevoir des législations et politiques nationales en la matière. Au nombre des raisons communes ayant empêché les pays de concevoir des politiques efficaces figurent le manque de connaissances spécialisées et la faiblesse des structures gouvernementales ainsi que le manque d’appui politique. L’étude indiquait également que dans les domaines scientifiques, de la bioprospection et de la biotechnologie, de la propriété intellectuelle et de l’élaboration d’accords (de contrats) de commercialisation, les connaissances étaient fragmentaires et que les mécanismes de collecte, d’échange et de diffusion des informations étaient en nombre insuffisant. Certains pays tels que les Philippines, l’Afrique du Sud, le Costa Rica, le Brésil et le Pérou, qui font partie du groupe Like-Minded Megadiverse Countries (LMMC), ont consacré beaucoup de temps et de ressources à l’élaboration de régimes régissant l’accès et la répartition des avantages. Leur expérience donne un important aperçu des mesures qui sont nécessaires pour concevoir un régime efficace en matière d’accès et de répartition des avantages. Bien qu’ils aient 22 conçu différentes stratégies pour créer de la valeur et assurer l’équité, tous ces pays affichent une ferme volonté de développer leurs moyens. Les pays qui ne créent pas un environnement de nature à favoriser l’essor de ces types de compétences ne seront pas en mesure de négocier des accords justes en matière de bioprospection quelle que soit la teneur des régimes internationaux. Ils ne seront pas non plus à même de concevoir de nouvelles utilisations de la biodiversité ni de tirer parti de la révolution biotechnologique. En outre, il sera essentiel que les pays se dotent des moyens nécessaires et qu’ils aient acquis une expérience concrète des enjeux pour pouvoir distinguer les obstacles véritables des obstacles « imaginaires » au cours des débats sur l’accès et la répartition des avantages. Aujourd’hui, près de 80 % de la population mondiale recourt à des médicaments conçus à partir de plantes médicinales traditionnelles aux fins de soins de santé primaire. Pour se soigner, les 20 % restant de la population mondiale s’en remettent également aux produits végétaux 23 Valeur ajoutée à la biodiversité – Bioprospection On estime qu’environ 25 % des médicaments prescrits aux Etats-Unis contiennent des extraits végétaux ou des principes actifs provenant de plantes. Sur un total de 520 nouveaux médicaments dont la mise sur marché a été approuvée entre 1983 et 1994, 30étaient de nouveaux produits naturels et 127 des produits naturels chimiquement modifiés. Parmi les médicaments à base de végétaux les plus connus abondamment utilisés aujourd’hui (GBI & IITA, 2000) figurent la Quinine, médicament antipaludéen extrait de l’écorce de Chincona; la morphine, analgésique à base d’opium provenant du suc d’un pavot; la digoxine, utilisée pour les troubles cardiaques extraite de Digitalis purpurea; la réserpine, médicament hypotenseur extrait de Rauwolfia serpentina, traditionnellement utilisé contre les piqûres de serpents et autres infections; l’éphédrine, médicament contre l’asthme extrait d’Ephradra sinica; et la tubocurarine, décontractant extrait des plantes Chondrodendron et Curarea, qui sont utilisées en Amazonie pour confectionner le poison dont on a enduit les flèches. 24 Les microorganismes sont également très importants pour la préparation de médicaments comme les antibiotiques extraits de moisissures telles que Penicillum; les immunosuppresseurs tels que la cyclosporine et la rapamycine qui sont extraites de Streptomyces; les réducteurs des taux de cholestérol tels que la mevastatine et la lovastatine, qui sont extraites de Penicillum; les vermifuges et les antiparasitaires tels que l’ivermectine, qui sont extraits de la streptomicine; et un nouveau médicament possible contre le diabète extrait d’un champignon de la forêt pluviale congolaise. Plusieurs des principaux agents cancéreux sont d’origine naturelle. Plus de 60 % des médicaments anticancéreux sur le marché sont en partie des produits naturels. : la vinblastine et la vincristine ont été isolées à partir de la pervenche de Madagascar, Catharanthus roseus; l’étoposide et le téniposide sont des dérivés semi-synthétiques de l’épipodophyllotoxine qui est un produit naturel; le taxol provenait initialement de l’écorce de Taxus brevifolia espèce du Nord-Ouest des Etats-Unis. Pendant encore longtemps, les produits naturels continueront d’être un important élément constitutif des médicaments mis au point. 25 Les étapes de la prospection Nouvelle collecte Expérimentation poussée et élaboration du produit. Dépôt de brevet. Commercialisation. 26 (Source : Hall. 2003) Premier essai. BIOTECHNOLOGIE = RECHERCHE, DEVELOPPEMENT ET COMMERCIALISATION Purification par triage. DEVELOPPEMENT ET COMMERCIALISATION Collecte de matériel biologique. RECHERCHE DE LA BIODIVERSITE = NON COMMERCIALE Recherche de la documentationet/ou consultation avec les propriétaires et utilisateurs locaux des ressources. BIOPROSPECTION = STADE DE LA RECHERCHE Ci-après figurent les étapes de la bioprospection: Coût total : 500 000 000 de dollars actuellement Etapes et coûts de la bioprospection Produit Enregistrement Essais cliniques Essais précliniques Essais de toxicité Dépôt de brevet Elucidation Essais biologiques Extraction Histoire naturelle/savoir traditionnel GPS et Taxonomie Exemple vert Durée totale : 10 à 15 ans habituellement (Hall, 2003) 27 Malgré les grands succès déjà enregistrés par la chimie des produits naturels et l’élaboration des médicaments, nous avons à peine commencé à exploiter le potentiel de notre diversité moléculaire. D’après les estimations, 5 % à 15 % à peine des 250 000 espèces de plantes terrestres supérieures existant aujourd’hui ont été étudiées du point de vue chimique et pharmacologique d’une manière systématique. En ce qui concerne les insectes, les organismes marins et les microbes étudiés, le pourcentage est encore plus faible. Dans le cas des microbes, on estime que 95 à 99 % des espèces existantes ne sont même pas connues actuellement et encore moins étudiées (GBI&IITA, 2000). On s’intéresse actuellement beaucoup à l’étude des habitats extrêmes où l’on recherche des enzymes utiles provenant de microbes, y compris acidophiles (dans les sources d’eaux chaudes sulfureuses et acides), basophiles (dans les lacs alcalins), halophiles (dans les lacs salés), thermophiles (dans les cheminées des profondeurs marines) et psychrophiles (dans les eaux extrêmement froides). Il est possible lorsque l’on cherche de nouveaux médicaments de compléter les produits naturels par des procédés synthétiques. Ainsi, 28 la biosynthèse combinatoire donne la possibilité de créer de nouvelles molécules capables d’accroître la bioactivité connue des produits naturels, et probablement de produire une bioactivité entièrement nouvelle au moyen de la manipulation des mécanismes de biosynthèse. La synthèse de produits naturels, en agissant sur la synthèse et la modification des médicaments provenant de sources naturelles, difficiles à isoler en quantité suffisante, peut parfois améliorer les principes actifs essentiels des produits naturels. 29 Biodiversité, bioprospection et accès et répartition des avantages Comme indiqué précédemment, l’une des raisons pour lesquelles la CDB ne comporte pas des dispositions relatives à l’accès et à la répartition des avantages tient au fait que l’utilisation des ressources biologiques et génétiques doit être viable et que de nouvelles utilisations des ressources existantes doivent être trouvées. Entreprendre des activités de recherchedéveloppement pour valoriser la biodiversité est le premier pas vers la mise au point de produits utiles à partir de ressources naturelles. Cette activité constitue ainsi le fondement des débats de nature à produire des avantages pour l’humanité outre la répartition des avantages avec ceux qui fournissent le matériel et le savoir traditionnel connexe pour son utilisation. En d’autres termes, la bioprospection est le lien privilégié entre la possession de la ressource, son utilisation et la production d’avantages à répartir entre les communautés et les parties prenantes. 30 Intérêt de la définition d’un régime régissant l’accès et la répartition des avantages Définir un régime en matière d’accès et de répartition des avantages pourrait être utile à plus d’un titre. Cela pourrait consister à développer les initiatives en matière de conservation en ciblant l’accès, en préconisant une utilisation viable, en reconnaissant les droits de propriété et en produisant des revenus pour financer de tels efforts. La réglementation de l’accès et de la répartition des avantages peut également contribuer à la collaboration entre la population détenant les ressources génétiques et ceux qui peuvent valoriser davantage ces ressources en les rendant plus utiles et en assurant des gains économiques. Une réglementation nationale en la matière peut favoriser la constitution de meilleurs partenariats entre les secteurs public et privé, entre les communautés et les chercheurs et entre les décideurs et les ONG. Les réglementations nationales peuvent aussi favoriser une plus grande sensibilisation aux ressources, le développement des moyens permettant de les utiliser et créer un environnement propice 31 à un développement rural mieux conçu et à une meilleure mise en œuvre des programmes d’atténuation de la pauvreté sans compromettre les intérêts commerciaux en jeu. En bref, la réglementation peut favoriser les rentrées de fonds, et les gains en nature à moyen terme, et à long terme les uns et les autres. Une réglementation nationale en matière d’accès et de répartition des avantages peut aussi aider les pays à mieux s’acquitter de leurs obligations au titre d’autres instruments internationaux tels que les règlements de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). 32 Idées (fausses) au sujet de la bioprospection et de l’accès et de la répartition des avantages On se fait plusieurs idées (fausses) au sujet de l’accès et de la répartition des avantages. Au nombre des plus communes figurent les suivantes : Tout élément de la biodiversité et toutes les ressources génétiques auxquels on a accès peuvent se transformer en profits monétaires énormes. Cela n’est pas vrai, car si c’était le cas la pauvreté aurait été éradiquée des régions de la planète richement dotées en biodiversité. La valeur de la biodiversité et des ressources génétiques peut être soit une valeur d’usage directe soit une valeur d’usage indirecte sous la forme de services (amélioration des bassins versants, préservation de la qualité des sols, utilité des pollinisateurs, etc.). Il est donc inexact de dire que tout élément de la biodiversité a une valeur monétaire. Cependant, plusieurs de ces éléments nous permettent de 33 transformer les ressources en produits. Pour que cela soit possible, il faut y consacrer beaucoup de temps, de ressources, d’énergie et d’argent. C’est pourquoi il n’est pas encore possible d’exploiter toutes les possibilités offertes par la biodiversité et les ressources génétiques. L’accès garantit une rémunération Cela n’est pas exact. Plusieurs dispositions et mesures intermédiaires doivent être prises par l’utilisateur ou l’utilisatrice de la biodiversité dès l’instant où il/elle a accès à la ressource jusqu’au moment où un produit peut être conçu et mis sur le marché puis engendrer un profit. Donner accès aux ressources ne garantit pas ipso facto l’élaboration d’un produit ni un profit. 5 à 15 % seulement des 250 000 plantes terrestres supérieures ont été systématiquement étudiées des points de vue chimique et pharmacologique. Le montant des sommes qu’il faut investir entre le moment où la plante est recueillie et le moment où le produit est mis sur le marché est estimé à près de 500 millions de dollars et la durée de l’opération peut atteindre 10 à 15 ans. 34 Les avantages sont les montants des sommes que l’on peut s’assurer Il n’en est rien. Les avantages peuvent être à la fois monétaire et non monétaire. Il devrait toujours appartenir à la communauté donnant accès aux ressources de décider des avantages dont elle doit bénéficier lesquels seront fondés sur l’évaluation de ses besoins. Il ressort de la plupart des expériences réussies en matière de bioprospection et de répartition des avantages que ceux-ci consistent en revenus monétaires et en activités propices au développement de la communauté. Il convient également de noter que les fournisseurs de ressources auront d’autant plus de chances de tirer le meilleur parti possible d’un accord que celui-ci définira soigneusement le type d’avantages, leur importance et le moment où les communautés en bénéficieront. Il convient de concevoir des réglementations en matière d’accès et de répartition des avantages qui limitent l’accès aux ressources génétiques C’est là malheureusement une conception que partagent plusieurs intéressés. Les dispositions de la CDB en matière d’accès et de répartition des avantages ont à l’évidence pour objet de 35 faciliter l’accès aux ressources génétiques afin qu’elles puissent être utilisées au mieux. En conséquence, les réglementations concernant l’accès et la répartition des avantages ne devraient pas à restreindre l’accès mais au contraire le faciliter. Il faut bien comprendre qu’on ne peut obtenir des avantages que lorsque les ressources sont utilisées. Lorsque l’accès est interdit ou trop restreint, on dissuade les intéressés d’utiliser les ressources et l’on rend les mesures de préservation inefficaces. Il convient toutefois de noter que l’accès doit être fondé sur une série de principes et des conditions garantissant autant d’avantages au fournisseur qu’à l’utilisateur des ressources. L’adoption de régimes réglementant l’accès et la répartition des avantages peut empêcher le détournement ou l’utilisation non autorisée des ressources génétiques Cela est vrai dans une certaine mesure. Les réglementations, si elles sont appliquées efficacement, peuvent empêcher le détournement ou l’utilisation non autorisée des ressources génétiques. Toutefois, le seul fait de mettre en place un cadre régissant l’accès et la répartition des avantages ne garantit nullement 36 que les ressources ne seront ni détournées ni utilisées de manière non autorisée. Les réglementations devraient permettre de mieux comprendre les questions, de développer les moyens des diverses parties prenantes, y compris les communautés, et d’intégrer les éléments juridiques et réglementaires au processus national de prise de décision. Si cela peut être assuré alors la réglementation de l’accès et de la répartition des avantages peut favoriser l’application des principes régissant la conservation, l’utilisation écologiquement viable et le partage des avantages. Adopter des réglementations en matière d’accès et de répartition des avantages assure la rentrée de milliers, voire de millions de dollars Comme dans le cas de la bioprospection, c’est une erreur de croire qu’une réglementation nationale efficace de l’accès et de la répartition des avantages garantira à la communauté et aux pays fournissant les ressources des rentrées d’argent. La réglementation facilitera simplement la bioprospection ou l’utilisation de la biodiversité et favorisera un partage équitable des avantages résultant de son utilisation si elle est appuyée par des politiques et règlements 37 appropriés, des investissements dans le domaine de la recherche-développement et une évaluation correcte de l’offre et de la demande potentielle. Se doter d’une réglementation de l’accès et de la répartition des avantages renforce la souveraineté d’un pays sur ses ressources génétiques C’est ce que pensent les pays et certaines parties prenantes. Cela est vrai en partie dans la mesure où la réglementation de l’accès et de la répartition des avantages définit un cadre dans lequel la population peut utiliser la biodiversité de son pays. Les organismes et particuliers étrangers doivent s’accorder sur certains principes en matière d’accès et de répartition des avantages afin de pouvoir utiliser les ressources génétiques auxquelles ils ont accès. Le consentement préalable en connaissance de cause et des conditions convenues d’un commun accord garantissent des rentrées d’argent aux communautés Ce n’est pas le cas. Comme indiqué précédemment, le seul fait de fournir un accès ne garantit aucune rentrée monétaire ni revenu. Même après le dépôt d’un brevet pour 38 un produit ou un procédé résultant de l’accès, l’utilisateur de la ressource peut ne trouver aucun marché pour le produit ou le procédé ou bien des conditions qui ne facilitent ni leur vente ni leur commercialisation. Il n’y aura répartition des avantages que si le produit ou le procédé est rentable sur le plan commercial. La réglementation de l’accès et de la répartition des avantages garantie l’avancement des droits des communautés ainsi que leur participation à la conservation Ce n’est pas nécessairement le cas. Il en est ainsi si le régime est conçu de façon à favoriser l’autonomisation et la participation de la communauté et si on met l’accent sur les avantages dont celle-ci peut bénéficier. Les réglementations nationales relatives aux droits souverains sur la biodiversité et les ressources génétiques devraient aussi appuyer les dispositions et éléments du régime concernant l’accès et la répartition des avantages. Les communautés ne peuvent participer efficacement aux mesures en matière d’accès et de répartition des avantages ni en tirer parti si leur autonomie, leur prise de conscience et leurs moyens ne sont pas développés. 39 Les débats sur la bioprospection et l’accès et la répartition des avantages restreignent la liberté des chercheurs et des scientifiques qui ne peuvent plus mener à bien leurs activités comme auparavant. Là encore, il s’agit de la plainte généralement formulée dans plusieurs pays au sujet des régimes régissant l’accès et la répartition des avantages. Cela pourrait être vrai dans une certaine mesure car les initiatives aux niveaux national et local qui n’avaient jamais été réglementées/facilitées seront désormais entreprises dans un cadre réglementaire et selon un plan directeur qui oriente les recherches et la collaboration de façon à engager davantage la responsabilité des intervenants et à mieux répondre aux intérêts nationaux. La recherche-développement au niveau local ne sera jamais compromise si les parties prenantes comprennent en quoi la réglementation de l’accès et de la répartition des avantages facilite la tâche. Une réglementation nationale efficace en la matière ne facilitera la collaboration et la coopération qu’au sein des pays et entre pays. 40 Propriété intellectuelle, accès et répartition des avantages et bioprospection Certains des succès enregistrés en matière de bioprospection peuvent être attribués au fait que les communautés et populations autochtones disposaient d’informations sur l’utilisation de la plante et de l’animal considéré. Grâce à ces connaissances, on a plus de chances de mettre au point un médicament ou un composé purifié tout en réduisant le plus possible le temps et les ressources nécessaires pour recenser leurs utilisations particulières. Bien souvent, ces connaissances ne sont pas appréciées à leur juste valeur lorsqu’une activité de prospection a réussi, ce qui rend plus difficile les débats sur l’accès et la répartition des avantages. Les débats sur les droits de propriété intellectuelle sont actuellement axés sur les modalités de protection du savoir des communautés quant à l’utilité des plantes et des animaux. En outre, ces droits doivent garantir que le savoir implicite ou traditionnel est reconnu et apprécié à sa juste valeur. 41 Des débats sont en cours dans le cadre de la CDB et des Aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC) pour garantir que toute application, pour laquelle l’on cherche à obtenir une protection des droits de propriété intellectuelle sous la forme d’un brevet par exemple, entraîne la divulgation de l’origine du matériel utilisé et du savoir connexe. Bien que dans une certaine mesure on s’accorde sur ce point dans le cadre de la CDB, la question n’a toujours pas été tranchée dans le cadre des ADPIC en ce qui concerne la divulgation de l’origine du matériel et du savoir. Il y a également des idées préconçues sur la démarche à suivre pour obtenir que les ressources génétiques bénéficient de la protection accordée par les droits de propriété intellectuelle. On pense souvent qu’il faut déposer un brevet pour bénéficier d’un tel droit. Ce n’est là qu’une possibilité parmi d’autres. Les personnes engagées dans la prospection peuvent choisir d’autres formes de protection de la propriété intellectuelle qui consisteraient par exemple à demander une licence, que l’origine géographique soit indiquée, que le secret commercial soit respecté, qu’une marque soit déposée, que la variété végétale soit protégée, etc. 42 Droits souverains sur les ressources génétiques La constitution d’un pays ainsi que d’autres dispositions juridiques définissent les droits de propriété/la souveraineté en matière de ressources génétiques et de biodiversité. Bien que dans la CDB soit réaffirmée la souveraineté des pays sur la biodiversité de leur territoire, il pourrait y avoir d’autres formes de propriété telles que celles de l’Etat, de particuliers, de communautés ou un type de propriété combinant ces différentes formes de propriété. Avant de s’atteler à la question de l’accès et de la répartition des avantages, il importe de savoir qui est le propriétaire des ressources. Les droits et obligations des différents propriétaires doivent être définis clairement lorsque l’on élabore des dispositions en matière d’accès et de répartition des avantages. Toutefois, d’une façon générale, les principes régissant l’accès et la répartition des avantages doivent être évalués à l’aune du développement communautaire et de l’autonomisation des populations locales. 43 Principales parties prenantes en matière d’accès et de répartition des avantages et de bioprospection Les principaux intéressés prenant part aux débats sur l’accès et la répartition des avantages et la bioprospection sont les communautés locales et autochtones et leurs représentants, les ONG locales, des scientifiques et des chercheurs, les autorités provinciales, des juristes et des conseils, des décideurs, le secteur privé et les sociétés multinationales. Le rôle, la responsabilité et la connaissance des questions varient en fonction de chacune des parties prenantes. Elles ne prendront pas toutes également part aux différentes étapes de la bioprospection et de la mise en œuvre des dispositions régissant l’accès et la répartition des avantages. En conséquence, ils participent à des degrés divers, et à différents moments, ce qui rend nécessaire de leur part une plus grande prise de conscience de la teneur des débats portant sur l’accès et la répartition des avantages. 44 Comment obtenir un consentement préalable en connaissance de cause (PIC) C’est auprès des propriétaires des ressources qu’il convient d’obtenir le consentement préalable en connaissance de cause (PIC). Comme indiqué précédemment, il faut bientôt comprendre ce qu’est la propriété. Bien que les procédures diffèrent d’un pays à l’autre, d’une façon générale, le consentement doit être recherché lorsque l’utilisateur de la ressource dépose une demande d’accès. Tout débat sur le consentement doit avoir pris fin avant que soit accordé l’accès et que l’accord sur le transfert du matériel ait été finalisé. Dans certains pays tels que le Costa Rica, les procédures en matière de consentement préalable en connaissance de cause peuvent être engagées aux niveaux national mais aussi local. En donnant leur accord en connaissance de cause, les propriétaires des ressources génétiques conviennent de les fournir dans des conditions et selon des modalités bien définies. 45 Signification de l’expression selon des conditions convenues d’un commun accord Une fois l’accès accordé, l’étape suivante consiste à convenir de l’ensemble de modalités et conditions régissant l’accès. Les activités/ mesures que supposent la prospection et la nature des avantages doivent être définies au moyen de conditions convenues d’un commun accord. Comme dans le cas du consentement préalable en connaissance de cause, ces conditions, dont certaines sont intangibles et d’autres non, doivent être négociées entre les propriétaires des ressources et leurs utilisateurs. D’une façon générale, ces conditions sont définies dans l’accord de transfert du matériel. 46 Elaboration d’un accord sur le transfert de matériel Les Lignes directrices de Bonn élaborées au titre de la CDB définissent les éléments des accords sur le transfert de matériel comme suit: Dispositions liminaires • • • Préambule Statut juridique du fournisseur et de l’utilisateur des ressources génétiques Mandat du fournisseur et, le cas échéant, de l’utilisateur Dispositions relatives à l’accès et au partage des avantages Définitions • • • Description des ressources visées par l’accord Utilisations autorisées, y compris les utilisations éventuelles de ressources génétiques et de leurs produits ou dérivés aux termes de l’accord (recherche, reproduction, commercialisation, etc.) Déclaration aux fins d’information et d’autorisation de changement d’utilisation 47 • • • • par rapport à l’utilisation initialement envisagée au moment de l’accès Déclaration concernant les dispositions relatives aux droits de propriété intellectuelle et aux conditions connexes Clauses des accords de partage des avantages, y compris les engagements aux fins de partage des avantages monétaires et non monétaires Dispositions relatives au transfert vers des tierces parties et conditions s’y rapportant Responsabilités en matière d’impact sur l’environnement Dispositions juridiques • • • • • • • • • 48 Obligations d’observer les dispositions de l’accord sur le transfert de matériel Durée de l’accord Notification de dénonciation de l’accord Clauses qui pourraient être utiles après la dénonciation de l’accord Applicabilité des clauses Indication des circonstances restreignant la responsabilité de chacune des parties Dispositions relatives au règlement des conflits Attribution des droits de transfert Attribution, transfert ou refus du droit • • • de revendiquer des droits de propriété intellectuelle ou des droits de propriété sur les ressources génétiques obtenues grâce à l’accord sur le transfert de matériel Choix du droit Clauses de confidentialité Garantie 49 Avantages monétaires et autres Aux termes des Lignes directrices de Bonn, les avantages monétaires et non monétaires pourraient être les suivants: Avantages monétaires • • • • • • • • • • Droit d’accès/redevance par échantillon recueilli ou acquis Paiements anticipés Paiements au coup par coup Versements de redevances Droit de licence d’exploitation en cas de commercialisation Droit spécial (fonds en dépôt, etc.) Salaires et autres rémunérations convenus d’un commun accord Financement des recherches Coentreprises Propriété indivise des droits de propriété intellectuelle connexes Les avantages non monétaires pourraient être les suivants : • • 50 Le partage des résultats de la recherchedéveloppement La collaboration et la coopération dans le domaine de la recherche-développement La participation à la mise au point de produits • La collaboration et la coopération dans le domaine de l’éducation et de la formation • L’accès aux installations ex situ de ressources génétiques et aux bases de données • Le transfert de connaissances et d’informations à des conditions de faveur • Des activités de renforcement des capacités • Une formation spécialisée et ciblée • L’accès à des informations scientifiques à des conditions préférentielles • Des contributions aux plans de développement et activités économiques au niveau local • Une reconnaissance sociale • La propriété indivise des droits de propriété intellectuelle • 51 Eléments qui pourraient figurer dans une réglementation nationale de l’accès et du partage des avantages • • • • • • • • • • • • • 52 Principes et objectif Dispositions à intégrer à la planification nationale Conditions et définitions Statut juridique des ressources Portée du régime réglementaire Dispositions administratives de la réglementation Procédures à suivre pour l’élaboration et la mise en œuvre de la réglementation Informations financières Consentement préalable en connaissance de cause Conditions convenues d’un commun accord Dispositions relatives au respect Responsabilité et indemnisation Application Liens entre l’accès et le partage des avantages et le développement Régime international Au cours du Sommet mondial sur le développement durable, qui a eu lieu en 2002, les pays ont décidé d’élaborer un régime international sur l’accès et le partage des avantages au titre de la CDB. Depuis lors, les pays examinent les questions soulevées par l’élaboration d’un régime et notamment sa portée, son statut, ses éléments constitutifs et ses principes opérationnels. D’une façon générale, l’on s’accorde sur le fait que le régime sera élaboré à partir des expériences des pays sur la bioprospection et le partage des avantages et que les Lignes directrices de Bonn serviront de cadre pour examiner plus avant les éléments constitutifs du régime. Lors de la huitième réunion de la Conférence des Parties à la CDB, en 2006, les Parties ont décidé que les négociations devant aboutir à l’élaboration d’un régime international auraient pris fin d’ici à 2010. 53 Développement durable L’un des principes fondamentaux ayant abouti à l’élaboration d’accords multilatéraux surl’environnement a été la nécessité de conjuguer la conservation et le développement. Les principes régissant l’accès et le partage des avantages reposant sur l’équité sont considérés comme des moyens qui permettraient de parvenir au développement durable dans la mesure où ces principes traduisent la nécessité d’utiliser les ressources de manière écologiquement viable ainsi que la nécessité de partager les avantages découlant de cette utilisation. Ainsi, la CDB, d’une façon générale, et les dispositions relatives à l’accès et au partage des avantages, en particulier, sont considérés comme les principaux moyens permettant de parvenir au développement durable. Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) Les Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD), au nombre de huit, ont été adoptés par les pays du monde entier pour que d’ici à 2015 l’on soit parvenu au développement durable. Les objectifs prévoient une série de cibles et d’indicateurs devant permettre aux pays 54 d’apprécier les progrès qu’ils font sur la voie de la réalisation des objectifs, l’année 1999 étant prise pour l’année de référence. Les Objectifs 7 et 8 présentent un intérêt tout particulier en ce qui concerne les débats sur la CDB dans la mesure où ils ont trait à la viabilité de l’environnement et à la constitution d’un partenariat mondial, respectivement. Il importe donc au plus haut point que les parties prenantes relient les mesures prises au niveau national en matière d’accès et de partage des avantages à la réalisation des OMD d’ici à 2015. A ce jour, il s’agit de l’un des accords les plus souvent mentionnés et les mieux évalués en ce qui concerne la bioprospection et l’accès et le partage des avantages. 55 Etudes de cas sur la bioprospection à l’aide des principes régissant l’accès et le partage des avantages Balakrishna, 2005 Accord Inbio-Merck Avant même que la CDB ait été conçue et adoptée, cette initiative avait déjà débuté. Par cet accord, le Ministère de l’environnement et de l’énergie du Costa Rica a décidé, avec l’Institut national de la biodiversité (InBio) de s’atteler aux questions de l’accès et du partage des avantages et de la bioprospection en percevant en retour 10 % de toutes les sommes consacrées à la bioprospection et 50 % du montant des redevances perçues par l’Institut national de la biodiversité. L’Institut accorde l’accès à la biodiversité du pays dans des conditions convenues d’un commun accord avec les prospecteurs, en percevant une redevance d’environ 264 000 dollars par an en moyenne depuis 1991. L’Institut a également conclu un accord avec Merck & Co., qui autorise l’accès à la 56 biodiversité du Costa Rica moyennant un prix net et une redevance d’un certain montant pour les produits conçus par la société. Les avantages ont fait l’objet de discussions entre la société et l’Institut InBio et le Ministère de l’environnement et de l’énergie et sont à la fois en espèces et en nature comme par exemple la formation de taxonomistes. Le cas Arogyapacha Cette initiative est également antérieure aux principes régissant l’accès et le partage des bénéfices énoncés par la CDB. Au titre d’un partenariat unique des scientifiques de l’Institut de recherche des jardins botaniques tropicaux (TBGRI) a accordé à une société locale l’autorisation de concevoir et vendre des produits à partir de Trichopus zeylanicus, qui est une plante aux propriétés énergisantes. Par cet accord, l’Institut a reconnu que le savoir traditionnel de la communauté locale (la tribu Kani) revêtait une importance critique pour que la prospection soit possible et a convenu de partager les droits afférents à l’autorisation et les redevances avec la tribu. Bien que l’initiative se soit heurtée à certaines difficultés bureaucratiques, celles-ci sont aujourd’hui 57 résolues et la reconduction de l’autorisation à l’issue de la période initiale de sept ans a abouti à une augmentation des recettes de l’Institut et de la communauté. Le cas Aguarunas Au Pérou, la communauté Aguarunas a négocié une autorisation portant sur le savoir avec la société Searle par laquelle la communauté remettra des plantes médicinales et le savoir connexe concernant son utilisation à la société en échange de quoi elle percevra un droit sur l’autorisation d’utiliser ce savoir. Ce droit, qui sera versé indépendamment de l’utilisation de la plante ou du savoir, constitue un tournant en matière de redevance. Cette autorisation n’accorde aucun droit exclusif à la société Searle dans la mesure où les Aguarunas se réservent le droit d’utiliser, de partager, de vendre et de transférer les plantes à leur guise. En conséquence, la propriété juridique du matériel n’est pas un préalable à la jouissance d’un avantage par les communautés. 58 Etudes de cas concernant la bioprospection non fondée sur les principes de l’accès et du partage des avantages Le cas Enola Bean Au début des années 90, un chercheur de la société Prod-Ners Inc. (Etats-Unis d’Amérique) a cueilli des échantillons de haricots jaunes du Mexique qu’il a plantés dans sa propriété aux Etats-Unis. Après avoir pratiqué l’autopollinisation et la sélection des haricots durant plusieurs générations, la société ProdNers a déposé un brevet pour la mise au point d’une nouvelle variété de haricots jaunes. Par la suite, il a été demandé que cette variété soit considérée comme une variété végétale protégée par un brevet conférant un monopole exclusif sur la culture ou l’importation du haricot jaune aux Etats-Unis. Le Centre international d’agriculture tropicale (CIAT) et le Gouvernement mexicain ainsi que plusieurs ONG ont déposé une plainte contre l’octroi du brevet aux Etats-Unis demandant que ce brevet soit abrogé en 2000. L’affaire n’a toujours pas été réglée car le service d’octroi 59 des brevets des Etats-Unis doit se prononcer au sujet du réexamen de la plainte visant le dépôt du brevet par Prod-Ners Inc. C’est là un cas classique d’accès et d’utilisation de matériel sans consentement préalable en connaissance de cause et en violation des droits souverains d’un pays sur la collecte des ressources génétiques. Le cas du cactus Hoodia Les San, tribu d’Afrique du Sud et du Zimbabwe, utilisaient le cactus Hoodia, qui pousse dans les régions semi-désertiques d’Afrique du Sud, du Botswana, de la Namibie et de l’Angola. Cette plante est un coupe-faim naturel. Des scientifiques du Conseil sud-africain pour la recherche scientifique et industrielle ont procédé à des expérimentations sur le cactus, dont ils ont isolé une molécule ayant des propriétés anorexigène qu’ils ont brevetée. En 1997, le Conseil a vendu le brevet à la société pharmaceutique Phytopharm qui a revendu ses droits sur la molécule à la société Pfizer pour 21 millions de dollars en 1998. Ayant été informés de ces transactions une fois l’acquisition des droits sur la molécule réalisée par Pfizer, les San, épaulés par un juriste et une ONG, ont menacé d’intenter une action contre 60 le Conseil qui ne les avait pas informés de l’issue des recherches. La société Phytopharm a prétendu que le Conseil leur avait fait croire à l’extinction de l’ethnie San et qu’en conséquence il n’y avait pas lieu d’obtenir un consentement préalable en connaissance de cause sur le savoir traditionnel de cette population au cours des transactions. Le Conseil est alors parvenu à un accord avec les San qui a consisté à leur offrir 6 % de ses profits ainsi que des emplois, entre autres. Toutefois, en 2003, Pfizer a mis un terme aux recherches sur la molécule si bien que le Conseil est incapable de trouver un partenaire qui pourrait fabriquer un produit commercialisable. Il s’agit là d’un cas où l’Etat n’a pas jugé nécessaire d’obtenir un consentement préalable en connaissance de cause ni de conclure un contrat précisant des conditions convenues d’un commun accord avec la population locale pour pouvoir utiliser son savoir traditionnel. Le cas de Maca Le Maca est un aliment traditionnel des Andes et une plante médicinale cultivée par les Quechua depuis des milliers d’années. Elle accroît la fertilité et l’énergie. En 2001, la société 61 En 2002, une coalition de communautés andines a demandé à la société Pure World Botanicals de renoncer au brevet. Elle a fait valoir que le matériel d’origine avait été collecté dans les Andes en contravention des dispositions de la CDB et de la décision 391 concernant un régime commun d’accès aux ressources génétiques qui est une législation en vigueur dans la région pour protéger les ressources génétiques et le savoir traditionnel. En outre, les communautés ont fait valoir que le brevet ne comporte aucune innovation contrairement aux affirmations de la société dans la mesure où les communautés ont utilisé le Maca durant des millénaires aux mêmes fins que celles mentionnées dans la demande de brevet. Le différend n’a toujours pas été réglé ni devant un tribunal ni par un accord. Il y a de toute évidence détournement de l’utilisation des ressources génétiques ou utilisation non autorisée de ces ressources car le savoir traditionnel qui leur est associé n’est toujours pas reconnu et l’accès n’a pas été autorisé de sorte que la législation régionale ainsi que les principes énoncés par la CDB n’ont pas été respectés. 62 Références Balakrishna Pisupati (2005). Bioprospecting and Access and Benefit Sharing, programme régional de l’UICN sur la biodiversité, Asie. Convention sur la diversité biologique (1994). Secrétariat de la CDB, Genève. Hall Kristy 2003. Document d’information, Université d’Auckland (Australie). Institut mondial de la biodiversité et Institut international d’agriculture tropicale (2000), stage de formation sur la biodiversité, la biotechnologie et le droit. Ibadan (Nigéria). Manuel de formation. 63 Références supplémentaires importantes Convention sur la diversité biologique (2002). Lignes directrices de Bonn sur l’accès aux ressources génétiques et le partage juste et équitable des avantages résultant de leur utilisation. Secrétariat de la CDB, Montréal. Burton Ong (Ed.) (2004). Intellectual Property and biological resources. Marshall Cavendish Academic, Singapour. Graham Butfield (2000). Intellectual Property Rights, Trade and Biodiversity. Earthscan Publications Ltd, Royaume-Uni. Christophe Bellmann, Graham Dutfield et Ricardo Melendez-Ortiz (2003). Trading in knowledge : Development perspectives on TRIPS, Trade and Sustainability. Earthscan Publications Ltd, Royaume-Uni. 64 Notes 65