Jeudi 10 novembre Quatuor Ludwig | François

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Jeudi 10 novembre Quatuor Ludwig | François
Jeudi 10 novembre
Quatuor Ludwig | François-René Duchâble | Alain Carré
Dans le cadre du cycle La mélancolie
Du 8 au 13 novembre
Vous avez la possibilité de consulter les notes de programme en ligne, 2 jours avant chaque concert,
à l’adresse suivante : www.citedelamusique.fr
Quatuor Ludwig | François-René Duchâble | Alain Carré | Jeudi 10 novembre
Roch-Olivier Maistre,
Président du Conseil d’administration
Laurent Bayle,
Directeur général
Cycle La mélancolie
« Soleil noir » de Nerval, « bile noire» d’Hippocrate, « oiseau d’ébène » d’Edgar Poe, la ténébreuse mélancolie
enveloppe celui qu’elle atteint « d’un jour noir plus triste que les nuits » (Baudelaire). Si l’Église médiévale la
condamna, Aristote et Kant l’associèrent au génie et à la création. Considérée comme un remède à la mélancolie,
la musique en est en même temps la voix.
Carl Philipp Emanuel Bach, dans son trio Sanguineus & Melancholicus (ca 1751), se situe dans la perspective
de la théorie humorale. Préigurant La Malinconia de Beethoven, sa partition est fondée sur deux caractères,
Melancholicus, Allegretto en do mineur, et Sanguineus, Presto en mi bémol majeur, qui, selon l’auteur,
« se disputent […] jusqu’à la in du deuxième mouvement », où « le Mélancolique cède ».
Longtemps après la disqualiication scientiique de la théorie des humeurs, cette dernière a conservé la
puissance des écrits fondateurs : c’est cette place que Pascal Dusapin lui assigne dans sa Melancholia (1991),
« opératorio » qui donne à ces textes anciens un caractère sacral.
La mélancolie retrouve tout son prix dans la seconde moitié du XVIIIe siècle. Des mythes et des dieux, venus du Nord,
tendent à remplacer la mythologie gréco-latine. Ossian, légendaire barde et guerrier irlandais du IIIe siècle, est célébré
dans toute l’Europe comme le nouvel Homère et mis en musique par Schubert.
Carl Philipp Emanuel Bach cultive une écriture introspective, lieu du Phantasieren, l’improvisation au clavier. Dans les
décennies suivantes, cette instabilité, marquant également le début de la Sonate « La Tempête » de Beethoven, incarnera
l’inquiétude du héros romantique. Ainsi, celui-ci proclame, dans La Belle Meunière de Schubert, que le cœur de sa bienaimée lui appartient (Mein!, n° 11) : mais l’expression de son triomphe est afaiblie par d’incessantes modulations.
À l’opposé de cette agitation, la pétriication du discours exprime un autre aspect de la mélancolie romantique ;
ainsi en est-il dans le dernier lied de La Belle Meunière ou dans le thème du mouvement lent du quatuor La Jeune
Fille et la Mort, emprunté au lied éponyme. Ainsi gelé, le lux musical exprime le caractère illusoire des élans
humains, comme le font les vanités dans la peinture.
Proche parente de la mélancolie, la nostalgie, à l’origine le mal du pays, est un trait dominant du romantisme allemand.
Le Quintette op. 34 de Brahms, dans ses tournures populaires et ses archaïsmes, est imprégné de la nostalgie du Vaterland,
une terre à la fois originelle et idéale. L’homme habité par la nostalgie, comme les voyageurs des tableaux de Caspar
David Friedrich, est livré à la solitude, que dépeint le lied de Schubert Der Wanderer ; cette quête, qui est aussi celle de soi,
aboutit au sentiment d’échec et de malédiction : « Là où tu n’es pas est le bonheur », conclut le lied. À ce « nulle part » fera
écho le « nevermore » scandé par le corbeau d’Edgar Poe.
À la in de Requiem Canticles, Stravinski fait sonner un carillon, écho de la Russie de sa jeunesse. Si la mélancolie inspire
dans cette œuvre au musicien, alors très âgé, une sorte d’inventaire de ses souvenirs et de ses diférents styles, elle
pousse aussi certains compositeurs, dans son expression exacerbée, le mal de vivre, à explorer de nouveaux territoires.
Ainsi, dans la Vallée d’Obermann de Liszt, la soufrance imprime à l’œuvre sa forme et son langage.
Anne Rousselin
Du MARDI 8 Au DIMANCHE 13 NOVEMBRE
MARDI 8 NOVEMBRE – 20H
SALLE PLEYEL
Franz Schubert
La Belle Meunière
Matthias Goerne, baryton
Christophe Eschenbach, piano
MERCREDI 9 NOVEMBRE – 15H
JEUDI 10 NOVEMBRE – 10H ET 14H30
SPECTACLE JEUNE PUBLIC
JEUDI 10 NOVEMBRE – 20H
SAMEDI 12 NOVEMBRE – 20H
Franz Schubert
Quatuor à cordes n° 14 « La Jeune Fille et
la Mort »
Edgar Allan Poe
Le Corbeau
Johannes Brahms
Quintette pour piano et cordes op. 34
Jan Ladislav Dussek
La Mort de Marie-Antoinette
Ludwig van Beethoven
Sonate n° 17 « La Tempête »
Louis-Joseph-Ferdinand Hérold
Sonate en ut mineur « L’Amante disperato »
Franz Schubert
Wanderer-Fantasie
Quatuor Ludwig
François-René Duchâble, piano
Alain Carré, récitant
Alexei Lubimov, fac-similé du piano Érard
1802, piano Brodmann 1814 (collection
Musée de la musique)
Merci Facteur !
De et par Richard Graille
Poèmes Jules Mougin (1912-2010)
Mise en scène et décor Hubert Jégat
MERCREDI 9 NOVEMBRE – 20H
Hèctor Parra
Caressant l’horizon (commande de Mécénat
Musical Société Générale, création)
Maurizio Kagel
In der Matratzengruft
VENDREDI 11 NOVEMBRE – 20H
SAMEDI 12 NOVEMBRE – 20H
Le Sanguin et le Mélancolique
Carl Philipp Emanuel Bach
L’Adieu à mon clavier Silbermann Wq 66
Fantaisie sur la mort de Socrate
Sonate Wq 124
Trio Wq 93
Trio sonate Wq 145
Fantaisie sur le monologue d’Hamlet Wq 63 / 6
Sonate « Sanguineus et Melancholicus »
Igor Stravinski
Requiem Canticles
John Cage
Seventy Four
Pascal Dusapin
La Melancholia
SWR Sinfonieorchester Baden-Baden
und Freiburg
SWR Vokalensemble Stuttgart
Ensemble intercontemporain
Stradivaria / Ensemble baroque de Nantes Ilan Volkov, direction
Emilio Pomarico, direction
Helena Rasker, contralto
Daniel Cuiller, violon, alto
Markus Brutscher, ténor
Rudolf Rosen, baryton
Anne Chevallerau, violon
Petra Hofmann, soprano
Jacques-Antoine Bresch, lûte
Ce concert est précédé d’un avant-concert à 19h. Emmanuel Jacques, violoncelle
Tim Mead, contre-ténor
Alexander Yudenkov, ténor
Jocelyne Cuiller, clavicorde, clavecin
Jean-Henry Hemsch 1761 (collection Musée
de la musique)
Peter Harvey, baryton
DIMANCHE 13 NOVEMBRE – DE 14H30
À 17H
CONCERT-PROMENADE
SAMEDI 12 NOVEMBRE – 15H
Mélancolie
Franz Schubert
Impromptu D 899 / 1
Sonate pour piano D 894
Sonate pour piano D 960
Andreas Staier, fac-similé de piano
Conrad Graf 1826
JEUDI 10 NOVEMBRE – 20H
Salle des concerts
Franz Schubert
Quatuor à cordes n° 14 « La Jeune Fille et la Mort »
entracte
Edgar Allan Poe
Le Corbeau
Johannes Brahms
Quintette pour piano et cordes op. 34
Quatuor Ludwig
Jean-Philippe Audoli, violon
Elenid Owen, violon
Padrig Fauré, alto
Anne Copéry, violoncelle
François-René Duchâble, piano
Alain Carré, récitant
Fin du concert vers 22h10.
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Franz Schubert (1797-1828)
Quatuor à cordes n° 14 en ré mineur op. posth. (D. 810) « Der Tod und das Mädchen » [La Jeune Fille et la Mort]
Allegro
Andante con moto
Scherzo. Allegro molto
Presto
Composition : mars 1824, retouché en 1826.
Création privée : le 1er février 1826 chez le chanteur Joseph Barth, puis, quelques jours plus tard, chez Franz Lachner,
par le Quatuor Schuppanzigh ; le quatuor ne connut pas de large exécution publique du vivant de Schubert,
ni d’édition avant 1832 (par Czerny).
Durée : environ 40 minutes.
Le plus célèbre chef-d’œuvre de Schubert dans le domaine du quatuor n’a reçu qu’un accueil assez
froid de la part du public de son temps ; à coup sûr, sa puissance émotionnelle, ses hardiesses
concentrées ne pouvaient que déranger l’époque Biedermeier. L’ouvrage n’a été édité qu’en 1832,
par Czerny, après la mort du compositeur, malgré les eforts de celui-ci pour une publication. En
1817, quand il avait vingt ans, Schubert avait écrit un bref lied intitulé Der Tod und das Mädchen (La
Jeune Fille et la Mort), où le spectre rassure sa victime sur quelques mesures traînantes. Ce thème est
repris et varié dans le deuxième mouvement de ce quatuor, d’où son surnom ; les deux œuvres sont
communément placées sous l’égide d’un sévère ré mineur, tonalité de la mort chez le compositeur.
Tout ce quatuor est traversé par le sentiment obsédant et pressant de la in, sous la plume
d’un Schubert encore jeune, mais qui se sait désormais malade et condamné. Les magniiques
véhémences de l’ouvrage nous rappellent que ce garçon timide, maladroit et toujours en échec par
rapport au monde portait en lui une force expressive d’une inquiétante pertinence.
La forme sonate du premier mouvement, très riche, au tempo haletant et presque sans
répit, est remplie de tiraillements psychologiques. Dès leur exposé, les thèmes subissent des
développements ; leurs modulations aussitôt les déforment et les plient sous une pression
intérieure. Le « personnage principal » de ce mouvement est l’appel du début, ce triolet violent,
jeté comme un cri. Après l’ascension mi-conquérante, mi désespérée du premier thème sur cette
cellule, le deuxième thème s’eforce à la détente, sur un autre motif, pointé, que sous-tendent les
vaguelettes de l’alto : bercement plus rêvé qu’authentique. Ce deuxième thème est présenté, ce
qui est tout à fait inhabituel, sous deux couleurs tonales, d’abord en fa majeur, puis en la majeur,
avec à chaque fois une aspiration au calme, une éclaircie qui reste condamnée à l’éphémère : les
assauts des igures d’accompagnement agressives, la nervosité des doubles croches, les unissons
orageux lui refusent l’apaisement. Après que l’exposition se soit conclue sur le ton singulier et
fatidique de la mineur, le développement, qui entremêle les motifs initiaux du premier et du
deuxième thème, ne fait qu’accentuer les déchirements. une substantielle coda épuise l’appel
initial du morceau : malgré une escalade de modulations incroyables, où ce triolet sursaute entre
délire et réalité, il échoue dans la résignation.
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Et voici, avec ce cœur de l’ouvrage qu’est le deuxième mouvement, ce thème uniforme et grisâtre
où s’exprime la voix de la mort. Partagé en deux reprises, il psalmodie un rythme funèbre appelé
dactyle : une longue et deux brèves. Il n’est pas impossible que Schubert se souvienne de la
Symphonie n° 7 de Beethoven ; mais ici, on ne saurait situer exactement la mélodie, tant elle se
cache entre les harmonies ambiguës des quatre instruments. Peu dessiné, peu caractérisé, comme
le mystère de nos ins dernières, ce thème est surtout une grille d’accords, que le compositeur
respectera au long des cinq variations.
Les deux premières variations se ressemblent : l’une met en valeur le premier violon, l’autre le
violoncelle, en leur coniant un chant émouvant qu’entoure une trépidation délicatement fuyante.
On y sent la fugacité de l’instant, la morsure de sa saveur unique, qu’emporte un vent d’automne.
La troisième variation, dramatique, galope sur un rythme de dactyle ramassé, arrogant par ses
sforzandos marqués à tous les temps. Le traitement des cordes est très sonore et orchestral, au
détriment du thème dont la ligne disparaît sous le choc ; la deuxième reprise lance des accords
en coups de fouet, puis soudain s’éloigne pianissimo en une rumeur de fanfare ou de chasse.
La quatrième variation, majeure, est une vision idyllique, placée dans l’innocence des tessitures
aiguës, comme des voix blanches ; le contre-chant ornemental du premier violon, discrètement
imitatif d’un oiseau, volète au-dessus du thème. La cinquième variation, qui retourne au mode
mineur, reprend l’intériorité initiale dans un esprit presque religieux ; douleur et mysticisme s’y
harmonisent comme dans les paysages de Caspar David Friedrich qui servent si souvent à illustrer
les disques de Schubert. Le thème, qui coule aux instruments intermédiaires, est mis en lumière
par la frise de notes battues aux instruments extrêmes ; dans la deuxième reprise, ce battement
s’empare fortissimo, en une dernière crise, des trois parties supérieures, et écrase le thème qui
part s’efondrer dans le grave du violoncelle. Mais peu à peu, la grêle de doubles croches s’espace,
en valeurs de plus en plus lentes ; en guise de coda, le thème est récité en majeur, conclusion
rassérénée qui promet peut-être un au-delà plus heureux.
Le troisième mouvement conserve la structure d’un scherzo, mais il en mérite peu la signiication
de badinage ou de plaisanterie, tant son énergie a quelque chose de forcé, avec ses phrases plus
lancées que dansantes, ses élans heurtés, ses silences suspensifs en in de séquences. un rythme
obsédant mène ce discours où tous les instruments jouent en bloc et semblent s’insurger contre
des murs invisibles. En revanche, le trio central apporte une réelle détente sur le mode majeur ;
deux thèmes, liés et luides, permettent au premier violon de picoter des notes légères.
Le inale est une forme sonate dont la plupart des éléments recouvrent une large extension : long
premier thème, long deuxième thème, longue section conclusive, transition furtive en guise de
développement, puis réexposition dramatisée : ces frontières importeront peu à l’auditeur, tant
elles sont franchies à bride abattue. une cellule de tarentelle iévreuse traverse pour ainsi dire
toute la pièce, mi-dynamique, mi-démoniaque selon ses tonalités sages ou folles, ses unissons
noirs ou ses motifs dispersés, son étofe pseudo-populaire, crissante ou encore fantomatique. un
deuxième thème, homophone et très airmé, s’impose comme une sorte de choral ; mais il est en
ré mineur, comme le premier. Bientôt ce deuxième thème, étiré entre le premier et le deuxième
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violon tel un il arachnéen, cite l’appel du petit garçon dans Le Roi des Aulnes : « Siehst Vater du… »
(Ne vois-tu pas, Père, ce spectre là-bas… ?). Car ce sont bien les terreurs de ce lied qui reviennent,
dans la réexposition, véritable cœur d’efroi de ce mouvement, avec ce galop qui s’engoufre
comme un coulis d’air froid. La coda est expédiée prestissimo, dans un délire de vélocité. Cette
page, qui n’est ni tout à fait une danse macabre, ni une véritable course à l’abîme, frôle les deux,
avec une maestria déterminée.
Isabelle Werck
Johannes Brahms (1833-1897)
Quintette pour piano et cordes en fa mineur op. 34
Allegro non troppo
Andante, un poco adagio
Scherzo. Allegro
Finale. Poco sostenuto – Allegro non troppo
Composition : 1861-1864.
Dédicace : au duc Georges II de Saxe-Meiningen.
Création : le 24 mars 1868 à Paris, salle Erard avec Louise Japha (piano).
Durée : environ 42 minutes.
Œuvre protéiforme, ce Quintette fut d’abord rédigé pour cordes seules dès 1861. En septembre 1862,
Brahms le signale sous cette forme (avec deux violoncelles) à l’attention du compositeur Albert
Dietrich, puis il consulte ses deux experts, Joseph Joachim et Clara (Schumann), qui lui écrit : « Je ne
sais comment te dire la grande joie que ton Quintette à cordes m’a donnée », tandis que le violoniste
se montre plus réservé : « C’est d’une écriture complexe et je crains que, sans une interprétation
vigoureuse, ce quintette ne sonne pas avec clarté ». une séance privée en 1863 conirme son jugement.
Brahms transcrit alors l’œuvre pour deux pianos et en donne la première audition à Vienne le
17 avril 1864, avec Carl Tausig : accueil sans enthousiasme. L’année suivante, exécution à Baden,
devant la princesse Anna de Hesse, dédicataire de l’œuvre. C’est alors que l’intuition de Clara lui fait
deviner le point faible : « C’est une œuvre si pleine d’idées qu’elle demande tout l’orchestre. Je t’en prie,
revois-la encore ». Son ami et critique Hermann Levi lui suggère l’équilibre piano/quatuor à cordes.
Le compositeur suit ce dernier avis et achève cette ultime « réorchestration » durant l’été 1864. La
création eut lieu le 24 mars 1868, à Paris, salle Erard, avec Louise Japha au piano. Hermann Levi écrit
alors au compositeur : « Le Quintette est beau au-delà de ce que l’on peut dire… Il ne contient pas une
note qui puisse faire soupçonner qu’il s’agit d’un arrangement… D’une œuvre monotone pour deux
pianos, vous avez fait une chose d’une grande beauté, un chef-d’œuvre de la musique de chambre ».
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La forme de l’Allegro non troppo est d’ordonnance classique, presque régulière. La beauté
mélodique du premier thème, grave et solennel, la légèreté du second, en ut dièse, la variété des
développements successifs captivent immédiatement, l’attention étant entretenue par l’à-propos
des modulations. La richesse d’invention est exceptionnelle.
L’Andante, un poco adagio est rêverie souplement rythmée, empreinte de poésie et peut-être une
des inspirations les plus heureuses de Brahms. Deux motifs la parcourent : l’un en la bémol, l’autre
en mi majeur, rendant la construction aussi claire que celle de l’Allegro liminaire. L’originalité
tient à leur beauté expressive, à la « plastique » même de la trame polyphonique jouant sur la
dynamique et les timbres conjoints puis opposés clavier/cordes.
Le début du Scherzo s’articule en trois parties : la première use de rythmes syncopés, la deuxième
change brusquement de métrique, passant de 6/8 à 2/4, la troisième est une fanfare festive.
Leur développement est fait de présentations variées, d’adjonctions de dessins nouveaux,
d’étonnantes modulations renouvelant et renforçant un propos qui prend alors toute sa
puissance, haletante, presque dramatique ; même la jubilation inale est marquée d’une certaine
âpreté, la coda semblant, dans son accord ultime, entretenir une dualité par l’ambivalence
de sa tonalité (tonique d’ut majeur ou dominante de fa ?). Le trio impose brusquement une
ligne mélodique au calme bienfaisant par la simplicité de son rythme et sa brièveté, avant la
réexposition du scherzo.
Le inale est introduit par un poco sostenuto qui s’enchaîne à l’allegro non troppo dont le thème de
marche, solidement rythmé, est suivi d’une deuxième idée traitée d’abord avec lyrisme en notes
égales, puis animée par des triolets dans le ton de dominante (ut mineur). Cet imposant inale
semble n’apporter aucune idée nouvelle du fait de sa forme en variations alors que sa logique de
développement, intégrant une tentative réussie de synthèse entre un plan de sonate, le rondo et
la variation, conduit, dans son ultime stade de « continuité » (durchkomponiert), à l’atonalité.
Pierre-Émile Barbier
9
François-René Duchâble
ont donné naissance à 40 créations :
(Wigmore Hall), New York (Merkin
Vagabond dans l’âme, le pianiste
Rimbaud, Voleur de feu, Histoire de
Hall), Taipei (Théâtre National),
François-René Duchâble, encouragé
ma vie (Hector Berlioz), Le Roman
Shanghai (Théâtre National), Tokyo,
en 1973 par Arthur Rubinstein à se
de Venise (Sand, Musset, Chopin),
Nouméa ou Marrakech. Au cours
lancer dans une carrière de soliste,
L’Apocalypse selon saint Jean, La Nuit
de l’année 2011, le Quatuor Ludwig
s’est délivré des parcours obligés.
obscure, Voyage dans la Lune, Les Lettres donne une soixantaine de concerts
Trente années de concerts dans les
de mon moulin d’Alphonse Daudet,
dans toute la France, notamment
temples de la musique lui ont valu
Paroles et Musique de Jacques Prévert,
à l’Opéra-Comique, au Collège des
la reconnaissance du public, celle de
Ego Hugo, Mes correspondances de
Bernardins et à la Cité de la musique.
prestigieux chefs d’orchestre – Herbert Chopin, Liszt à la lettre… sur autant de Engagé dans la création de son
von Karajan, Philippe Herreweghe,
musiques, de Johann Sebastian Bach
temps, le Quatuor Ludwig crée de
Wolfgang Sawallisch, Evgueni
à Maurice Ravel en passant par les
nombreuses œuvres contemporaines
Svetlanov, Marek Janowski, Michel
grands compositeurs romantiques.
de Thierry Escaich, Philippe Hersant
Plasson, Charles Dutoit, Jean-Claude
ou Michael Lévinas. Depuis quelques
Casadesus, Alain Lombard, John
Quatuor Ludwig
années, le Quatuor Ludwig a en
Eliot Gardiner… – et de nombreuses
Le Quatuor Ludwig a été fondé il y
outre produit des spectacles alliant
distinctions, notamment pour ses
a 25 ans par Anne Copéry et Padrig
texte et musique en compagnie de
enregistrements des Études de Chopin, Fauré. Il a été primé à de nombreux
comédiens comme Marie-Christine
des Études d’exécution transcendante
concours internationaux (Fondation
Barrault, Michel Bouquet ou Didier
de Liszt, des sonates de Beethoven,
Menuhin, Portsmouth, Concours
Sandre. Les musiciens ont enregistré
des concertos de Ravel, ainsi que
Arthur-Honegger). En 1988, il est
une abondante discographie,
pour le DVD consacré aux cinq
en résidence à l’université Yale
primée à de nombreuses reprises.
concertos de Beethoven, primé aux
avant de devenir, en 1991, quatuor
Au début de l’année 2011, le
Victoires de la Musique Classique
en résidence au Conservatoire de
Quatuor Ludwig enregistre un
en 2004. Aujourd’hui, il considère
Paris (CNSMDP) pour une durée de
nouveau disque consacré à Schubert
plus que jamais la musique comme
trois ans. Le Quatuor Ludwig reçoit
et Chostakovitch. Sa sortie est
un plaisir à partager. Le choix de
dans les années 1990 les conseils du
prévue en novembre 2011.
ses partenaires, son goût irrésistible
chef d’orchestre Sergiu Celibidache,
Jean-Philippe Audoli joue sur un violon
pour le plein air et son penchant
et travaille auprès des quatuors
italien de Pietro Giovanni Montegazzia
pour l’insolite l’amènent à jouer dans
Berg, Tokyo, Amadeus, LaSalle et
fait à Milan en 1785. Elenid Owen
des lieux souvent inattendus où la
Kolish. Ils décident de se consacrer
joue un violon Giovanni Grancino de
musique s’intègre à l’environnement
exclusivement au répertoire riche,
Milan de 1703. Padrig Fauré a choisi
d’un glacier, d’une grotte, d’un lac ou
exigeant et profondément humain
un alto Jean-Baptiste Vuillaume fait à
d’une place de village. Pour combler
du quatuor à cordes, de Haydn et
Paris en 1854 et un archet de Henri fait
son imaginaire, il aime s’entourer de
Schubert à Chostakovitch ou Ligeti,
dans les mêmes ateliers (deux pièces
la magie des feux d’artiice (de Jean-
s’employant à se forger un son, ce
de collection de lutherie purement
Éric Ougier), savourer sur scène la
son que seul le travail et le temps
française). Anne Copéry joue un
complicité d’acrobates, de jongleurs
promettent. Invité à donner des
violoncelle de Charles-François Gand
ou de sportifs d’un jour, désireux
concerts dans le monde entier, le
dit « Gand père », datant de 1824.
d’ofrir au public un spectacle de
Quatuor Ludwig se produit à Paris
musique plutôt qu’un concert. C’est
(Théâtre des Champs-Élysées,
ainsi qu’il forme un duo avec le
Opéra-Comique, Cité de la musique,
comédien Alain Carré. Ensemble, ils
Collège des Bernardins), Londres
10
Alain Carré
dans la Lune, L’Eau d’ici vaut bien
Comédien-metteur en scène, Alain
l’au-delà, voyages musicaux où il
Carré réalise un parcours ambitieux :
dialogue avec le pianiste. À deux,
prouver que l’art de dire est aussi
ils imaginent les Concerts Épistolaires
un art de scène. Homme de déis, il
sur Berlioz, Chopin-Musset, Bach-
a relevé ceux de mettre en scène et
Satie, Hugo et Juliette, Le Roman de
d’interpréter La Chanson de Roland,
Venise, Rimbaud voleur de feu, Nerval,
Le Testament de François Villon,
Char, Pétrarque, La Fontaine, André
l’œuvre intégrale d’Arthur Rimbaud,
Velter… Il a enseigné aux acteurs
Lettres à un jeune poète de Rainer
professionnels durant quinze ans à
Maria Rilke, les chansons de Jacques
Bruxelles, Mons et Liège, six ans au
Brel, Journal d’un génie de Salvador
Conservatoire Populaire de Musique
Dalí, Ainsi parlait Zarathoustra de
de Genève, et est actuellement
Nietzsche, Les Fleurs du Mal de Charles professeur d’interprétation théâtrale
Baudelaire… Au théâtre, il met en
au Théâtre Les Salons de Genève,
scène Les Combustibles d’Amélie
dont il reprend la direction artistique.
Nothomb et La Nuit de Valognes
Il a participé à de nombreux
d’Éric-Emmanuel Schmitt, Le Cid de
disques et enregistrements,
Pierre Corneille, Ubu roi d’Alfred Jarry,
notamment pour France Culture.
La Maladie de la mort de Marguerite
Duras, Les Caprices de Marianne
d’Alfred de Musset, En absence de
Joseph Vebret, Dom Juan de Molière.
La musique le fascine. Il l’intègre
dans la plupart de ses spectacles. Ses
rencontres avec Jean-Claude Malgoire
et Gabriel Garrido le conduisent à la
mise en scène d’opéras, qu’il aborde
avec passion. Il met en scène Béatrice
et Bénédict de Berlioz, L’Homme de
la Mancha de Brel/Cervantès, Don
Quichotte et La Patience de Socrate de
Telemann, le Balet comique de la Royne
de Beaujoyeulx, les Cantates « du café »
et « des Paysans » de Johann Sebastian
Bach, Les Noces de Figaro et Bastien
et Bastienne de Mozart… En 2009, il
est le récitant de la création française
d’Axion Esti de Míkis Theodorákis avec
l’Orchestre de la Suisse Romande.
Avec François-René Duchâble, il a
monté une trentaine de spectacles
inattendus : L’Oiseau prophète, Voyage
11
Et aussi…
SAMEDI 26 NOVEMBRE, 20H
SAMEDI 10 DÉCEMBRE, 20H
> MÉDIATHÈQUE
Johannes Brahms
Double Concerto pour violon et
violoncelle
Franz Schubert
Symphonie n° 9 « La Grande »
Ultimes Ballades
En écho à ce concert, nous vous
proposons…
Chamber Orchestra of Europe
Semyon Bychkov, direction
Renaud Capuçon, violon
Gautier Capuçon, violoncelle
VENDREDI 9 DÉCEMBRE, 20H
Scènes de folie
Gaetano Donizetti
Lucia di Lammermoor : Air de la folie de
Lucia
Giuseppe Verdi
Ouverture de La Force du destin
Vincenzo Bellini
I Puritani : Air de la folie d’Elvira
La Sonnambula : Air de La Somnambule
Robert Schumann
Symphonie n° 4
Fredrik Pacius
Ouverture de La chasse du Roi Charles
Robert Schumann
La Malédiction du chanteur op. 139
Max Bruch
Ouverture de Die Loreley op. 16
Robert Schumann
Le Page et la Fille du roi op. 140
Orchestre de l’Opéra de Rouen
- Haute-Normandie
Accentus
Laurence Equilbey, direction
Christiane Libor, soprano
Maria-Riccarda Wesseling, alto
Marcel Reijans, ténor
Benedict Nelson, baryton
Johannes Mannov, basse
> SALLE PLEyEL
> Sur le site Internet http://
mediatheque.cite-musique.fr
… d’écouter un extrait dans les
« Concerts » :
Quintette pour piano et cordes op. 34
de Johannes Brahms par le Quatuor
Prazak et Alain Planès (piano)
enregistré à la Cité de la musique en
novembre 2005
(Les concerts sont accessibles dans leur
intégralité à la Médiathèque de la Cité de
la musique.)
… de regarder dans les « Dossiers
pédagogiques » :
L’invention du sentiment : aux sources du
Romantisme dans les « Expositions du
Musée » • Le Romantisme, Franz Schubert
et Johannes Brahms dans les « Repères
musicologiques »
MARDI 14 FÉVRIER, 20H
> MUSÉE
DU 18 OCTOBRE AU 15 JANVIER
Exposition Paul Klee Polyphonies
Ludwig van Beethoven
Sonate n° 24 « À Thérèse »
Sonate n° 25 « Alla tedesca »
Sonate n° 26 « Les Adieux »
Sonate n° 27
Karlheinz Stockhausen
Klavierstück
Maurizio Pollini, piano
Pierre Boulez, direction
Christian Tetzlaf, violon
… d’écouter avec la partition :
Quatuor à cordes n° 14 « La Jeune Fille
et la Mort » de Franz Schubert par le
Quatuor Alban Berg
… de lire :
Le style instrumental de Schubert :
sources, analyse, évolution de Xavier
Hascher
… de regarder :
Le Quatuor n° 14 de Schubert par
le Quatuor Alban Berg, Bruno
Monsaingeon (réalisation)
> COLLÈGE
> ÉDITIONS
LE MERCREDI, DU 11 JANVIER
AU 20 JUIN
DE 15H30 À 17H30
L’Invention du sentiment
Collectif • 288 pages • 2002 • 50 €
(avec CD)
Écouter la musique classique
Cycles de 20 séances
Éditeur : Hugues de Saint Simon | Rédacteur en chef : Pascal Huynh | Rédactrice : Gaëlle Plasseraud | Graphiste : Elza Gibus | Stagiaires : Christophe Candoni, Carolina Guevara de la Reza.
Imprimeur La Galiote-Prenant | Imprimeur FRANCE REPRO | Licences no 1014849, 1013248, 1013252
> À la médiathèque
La Chambre Philharmonique
Emmanuel Krivine, direction
Olga Peretyatko, soprano

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