SAINT-VINCENT-SUR-JABRON Saint-Vincent, des origines à l

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SAINT-VINCENT-SUR-JABRON Saint-Vincent, des origines à l
Les villages : Saint-Vincent-sur-Jabron
SAINT-VINCENT-SUR-JABRON
Saint-Vincent, des origines à l’arrivée des Fauris
L’église et le village sont placés sous la protection de saint
Vincent, diacre et martyr. Mais qui était ce saint que l’Église
honore le 22 janvier et qui a donné son nom au village ?
La vie des saints nous rapporte que Vincent naquit à Saragosse à la fin du iiie siècle. Son éducation toute chrétienne
le destinait à la prêtrise. Il n’était encore que diacre lorsqu’il
fut victime de la persécution de Dioclétien en l’an 304. Écartelé, lacéré, mis
sur un gril, il avait 22 ans lorsqu’il subit le martyre, dit-on, des mains même
du gouverneur de la province d’Espagne. L’Église l’honore comme l’un de ses
plus illustres martyrs.
Le village actuel s’étire le long de la route, descendu sans ordre du vieux village
dont quelques ruines apparentes le surplombent encore. Ici, pas d’église pour
structurer cet alignement imprécis. Elle est restée là-haut, isolée, mais heureusement sauvée de la ruine que d’aucuns souhaitaient, car son entretien était
devenu une charge trop lourde pour une communauté qui s’appauvrissait
alors d’année en année. Ici, pas de volonté communautaire, comme à Noyers,
d’organiser la descente vers la vallée. Les habitants ont construit un à un leur
maison sur la parcelle de terrain qu’ils possédaient « en bas », ou sur le lopin
étroit qu’un voisin consentait à leur céder, sur le coteau (la Ribière) ou entre le
canal d’arrosage et la route, mais toujours à côté de celle-ci.
Un petit noyau ancien existe cependant : le bourg Reynaud, quelques dizaines
de mètres de long, borné par deux porches que fermaient des portes, plus sans
doute pour pouvoir y mettre à l’abri les troupeaux que dans un but de protection
pour les habitants. L’ancien hôtel Jourdan fait partie de ce petit ensemble. Vous
y trouverez quelques dates gravées dans la pierre des portes : 1709-1715. Mais
il est certainement plus ancien. Nous en reparlerons.
Le vieux village de Saint-Vincent vers 1830. Carte postale, début du xixe siècle
longtemps sur le terrain montrent qu’il y avait une construction, habitation ou
bergerie, dans tous les quartiers de Saint-Vincent encore habités récemment,
pourvu qu’il y ait un point d’eau à proximité : Aubard, les Aumayes, les Turquettes (Couaïs), Clacouais par exemple. Deux maisons plus importantes, que
l’on peut qualifier de villa, occupaient les meilleurs emplacements. Elles se
faisaient face de part et d’autre du Jabron, à Frémézon et Verduigne. Signe de
leur opulence relative, leurs sols étaient pavés de mosaïque à décor noir et blanc,
et elles étaient construites sur des caves.
Ne les cherchez plus. Elles ont eu le malheur de se situer sur des terres encore
exploitées et tout a été détruit par les travaux agricoles.
Premières apparitions de Saint-Vincent dans les textes
Comme c’est le cas dans toute la vallée, les témoignages de la présence humaine
se rencontrent à Saint-Vincent dès le néolithique. Ici comme ailleurs, c’est la
période romaine qui a laissé le plus de traces, encore bien visibles il y a tout
au moins quelques années de cela. Les reconnaissances que j’y ai menées voici
Un lieu-dit appelé Saint-Vincent figure dans une charte de l’abbaye de SaintVictor de Marseille datée de l’année 1031. Il est peu probable qu’il s’agisse de
notre Saint-Vincent, car la donation porte essentiellement sur des terres situées
aux environs de Forcalquier.
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Chroniques de Haute Provence – 376
Chemins, ponts, péages
Les ponts
En 1425, l’hôpital Sainte-Magdeleine, proche du pont du Jabron, étant en
ruine, l’évêque permit que « les pierres provenant de sa démolition fussent
employées à réparer le pont du Jabron ».
Les ponts qui permettent de traverser le Jabron et ses affluents remontent pour
les plus anciens au Moyen Âge, si ce n’est à l’époque romaine. Leur édification
ne s’est pas toujours faite sans de nombreuses difficultés dont nous trouvons
trace dans les délibérations des conseils communaux.
Le pont du Jabron
Lorsque l’on descend la vallée, 500 mètres avant d’arriver à la RN 85, une petite
route à droite permet de traverser le Jabron sur un pont qui mérite qu’on s’arrête
quelques instants pour aller le voir. Il présente un intérêt historique et il est situé
dans un endroit très agréable.
La voie Domitienne, cette grande voie romaine qui reliait l’Espagne à l’Italie
et dont la construction a commencé en l’année 118 avant notre ère, longeait la
rive droite de la Durance en aval de Sisteron. Tous les cours d’eau de quelque
importance étaient franchis par des ponts, les Romains tenant à ce qu’elle reste
praticable en tout temps. L’endroit où se situe ce pont bénéficie de conditions
très favorables. En effet, c’est, avant le confluent du Jabron et de la Durance,
le dernier point où le Jabron coule entre deux parois resserrées et rocheuses,
permettant d’établir facilement des culées reposant sur des socles solides et
rapprochés. Les divers auteurs qui ont étudié le tracé de la voie Domitienne
sont unanimes pour situer là son point de passage16.
En 1562, durant les guerres de religion, Sommerive, marchant sur Sisteron, dut
s’arrêter à Château-Arnoux, car « il lui fallut rétablir les ponts et les chemins
qu’il trouva détruits ou embarrassés ». Le pont du Jabron était sans doute du
nombre. Sommairement remis en état, il fut le lieu de la violente bataille dite
« du Jabron », qui opposa catholiques et protestants lors du second siège de
Sisteron en 1567, ce qui ne dut pas lui faire beaucoup de bien. Vers 1620, les
États de Provence refusèrent de le réparer18. Il ne fut reconstruit qu’en 1666,
date que nous donne Laplane qui précise qu’il remplaçait un pont en bois.
Lorsque la route de Provence fut ouverte en 1776, elle passait toujours sur ce
pont (Laplane). C’est le pont que nous voyons encore aujourd’hui. Il n’a été
interdit à la circulation que depuis peu.
Il ne reste sans doute rien du pont romain. Cependant, descendez dans le lit du
Jabron s’il n’y a pas trop d’eau, ce qui est le cas la moitié de l’année. Allez voir
de près le bajoyer* de la rive gauche : il repose sur des blocs de grand appareil à
bossages dont il serait intéressant de déterminer l’ancienneté.
Ce passage a depuis toujours été utilisé. Laplane nous fournit dans son Histoire
de Sisteron17 quelques indications sur son état à diverses époques. Il mentionne
en 1244 un pontem Aquae Brunae, vel vulgariter Aquabrunis, ce qui nous dit-il,
représente une singulière étymologie du mot Jabron – mais c’est aussi celle de
Mistral ! À cette date, le pont romain était toujours probablement en usage.
Pont du Jabron
16. Voir en particulier : Philippe Auran, Guy Barruol et Jacqueline Ursch, D’une rive à l’autre.
Les ponts de Haute-Provence de l’Antiquité à nos jours, Mane, Les Alpes de lumière, 2006.
17. Édouard de Laplane, Histoire de Sisteron tirée de ses archives, Digne, Guichard, 1843.
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18. AD Bdr C 12.
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