L`Enceinte primitive de la colonie Romaine d`Arles

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L`Enceinte primitive de la colonie Romaine d`Arles
L’Enceinte primitive de la colonie Romaine d’Arles
Etat de la question
Colonie de vétérans de la VIe Légion installée par César en 46 avant J.-C. sur une butte
rocheuse en bordure du Rhône au point où commence le delta, Arles semble avoir reçu très
tôt, pour des raisons peut-être plus honorifiques que militaires, une enceinte relativement
réduite englobant le sommet de la colline. Si le front oriental de la cité, le long du boulevard
Emile Combes, offre encore la masse puissante et évocatrice d'un rempart où se lisent
parfaitement les différentes étapes historiques de la fortification de la ville, le reste du tracé
de l'enceinte est loin d'être établi avec précision.
Partant de l'étude de L.-A. Constans, F. Benoît, pendant trente années de sa vie ne cessa
d'interroger la topographie arlésienne pour apporter des éléments de solution. Après avoir
réussi à montrer que la diversité des appareils permettait d'isoler les murs augustéens des
reconstructions du haut Moyen Age, du XIIe siècle ou de la Guerre de Cent Ans, il proposa
en 1941 un premier plan caractérisé par un tracé très géométrique du front sud de la cité, en
bordure du boulevard des Lices, avec un retour à angle droit vers le vestige de la rue Tour
du Fabre, tandis qu'au nord l'enceinte se dirigeait vers le fleuve bien au-delà des Arènes.
Ce sont les destructions subies par le quartier de la Major lors des bombardements aériens
de 1944 qui allaient permettre les premières observations décisives. La restauration de la
travée du portique de l'Amphithéâtre touchée par les bombes et le déblaiement de ses
substructions mirent au jour la base d'une tour circulaire attenante à un mur en petits
moellons smillés tangent au monument à qui il servait de fondation. La stratigraphie du
dépotoir montrait d'ailleurs clairement que la construction de l'édifice avait correspondu à
un agrandissement du castrum vers le nord et donc à l'arasement du rempart qui lui était
bien antérieur.
Vers l'est l'arrachement d'une seconde tour circulaire apparaissait dans le mur de
soutènement de la Place de la Major. D'un diamètre intérieur de 7,90 m, elle était proche
par ses dimensions comme par son appareil de la Tour des Mourgues qui défendait l'angle
sud-est du castrum. Ainsi se trouvait localisée avec certitude toute une portion notable de la
courtine nord qui, contrairement aux hypothèses, n'avait pas adopté un tracé géométrique
mais suivait étroitement les accidents du sol naturel. D'autre part aucun indice sérieux ne
permettait d'imaginer le cheminement du rempart à l'ouest de l'Amphithéâtre, en direction
du Rhône.
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Ce monument constitue toujours le point extrême de nos connaissances dans cette zone.
Partant à l'oblique vers l'est, la courtine septentrionale, flanquée de trois grosses tours
rondes, atteignait donc le rebord de la colline de la Major et se dirigeait à angle droit vers le
sud où elle ne tardait pas à rencontrer la route venant de Marseille à travers la Crau. Afin de
la recevoir, le mur s'incurve en une majestueuse demi-lune d'environ 100 m destinée à
dégager une porte monumentale défendue par deux tours semi-circulaires en grand
appareil. L'orientation oblique du dispositif de la porte par rapport à l'alignement du
rempart a d'ailleurs été commandée par le tracé plus ancien de la voie.
D'un diamètre intérieur de 7,90 m, ce remarquable ouvrage a été alors dégagé du
comblement qui l'oblitérait jusqu'au niveau d'arasement de l'appareil romain intact sur une
hauteur de 6 mètres. Edifiée avec le même soin que les courtines dont elle assure la
jonction, cette tour s'ouvre vers la ville par une porte de 2,60m de haut et 1,17 m de large,
dont les piédroits en petit appareil supportent un énorme linteau monolithique qui épouse
la double courbure interne et externe de la paroi de la tour. Il est surmonté d'un arc de
décharge de plein cintre à longs claveaux, encadrant un petit tympan, dont l'efficacité n'a
pas été suffisante pour éviter la fracture du linteau.
La tour qui comportait peut-être un étage sur plancher donne sur la campagne par une
poterne dérobée d'une largeur de 1,25 m, encadrée de deux grandes dalles verticales
formant piédroits, qui supportent un fort linteau. Une feuillure profonde servait de butée au
vantail de la porte dont les crapaudines des gonds sont visibles sur le seuil et au plafond. La
barre transversale de fermeture s'encastrait dans deux encoches latérales de 0,16 m de côté
engravées dans les piédroits.
endant la Guerre de Cent Ans, cette tour antique circulaire a été adaptée aux techniques
nouvelles de la guerre par la construction d'une chemise extérieure polygonale à base
talutée. L'intérieur de la tour fut alors comblé sur environ 5 m de hauteur par un massif
formant terrasse au niveau d'arasement de l'appareil romain. A sa surface ont été
découvertes quatorze monnaies d'argent de Louis II et Louis III de Provence (1414-1434).
C'est en se fondant sur la présence de ce vestige que F. Benoît, dans sa dernière grande
synthèse urbaine d'Arles, a émis l'hypothèse d'un front méridional de la cité d'une rectitude
toute géométrique, parallèle au decumanus, longeant pratiquement le boulevard des Lices et
retournant à angle droit vers le Rhône par la rue Tour de Fabre.
L'existence d'un superbe jardin anglais, en lisière sud du théâtre antique, n'avait jamais
permis la vérification de cette proposition jusqu'au moment où en 1985 l'éradication d'un
arbre mort par le gel, situé dans le prolongement exact du mur, a été l'occasion d'examiner
assez largement le sous-sol. Cette investigation conduite jusqu'au rocher a montré l'absence
totale de structures ou de fondations dans une zone qui a été décapée entièrement au XIXe
siècle pour procéder à un apport de terre arable pour la constitution du jardin.
En revanche en 1976, les fouilles de sauvetage entreprises sur le site de l'Esplanade, à
l'occasion d'un projet de parc à voitures souterrain, avaient mis au jour en lisière nord du
chantier, un superbe mur de 2,40 m de largeur, d'orientation est-ouest. Construit en petits
moellons smillés appareillés avec beaucoup de soin, il est assez comparable aux témoins
conservés près de la Tour des Mourgues. Quoique mal daté, il est certainement antérieur à
une maison appuyée contre lui, dans le courant du Ier siècle de notre ère.
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Dès l'abord il apparut comme la courtine sud du rempart recherchée depuis si longtemps,
mais deux objections pouvaient être élevées contre cette fortification. L'orientation de ce
vestige montrait qu'il ne se raccordait à celui de la Tour des Mourgues que par une virgation
importante. Bien plus, ainsi que le remarquait M. P.-A. Février, ce mur était franchi par une
voie importante de direction nord-sud considérée comme le Cardo Maximus de la cité, sans
qu'il y ait place pour l'érection d'une porte monumentale, dont l'existence était assez
prévisible, compte-tenu de l'imposante construction qui ornait l'entrée de la voie de
Marseille. Ces difficultés firent abandonner provisoirement l'identification de cet é1ement,
en nous renvoyant à notre ignorance sur le tracé méridional de l'enceinte.
Or une toute récente découverte vient d'apporter un nouvel éclairage à ce problème. A
l'automne de 1985 et au cours de l'été 1986, six sondages préliminaires aux travaux de
restructuration de l'édifice, ont été effectués dans les cours de l'ancien Hôpital Van Gogh.
L'apport majeur de ces recherches a été la révélation d'une magnifique voie dallée de 4,85
m de largeur, bordée sur ses deux rives d'une vaste esplanade également dallée,
d'orientation nord-est - sud-ouest dans l'alignement du cirque.
La voie, fortement bombée, est d'une facture parfaitement soignée, en dalles de calcaire dur
ajustées avec un art subtil. Datée à la fin du Ier siècle de notre ère, elle recouvre, 0,60 m plus
bas, un autre dallage qui pourrait être une voie plus ancienne d'époque augustéenne.
On peut alors se demander si cet axe urbain dont l'importance qui avait déjà été soulignée
par la mise au jour d'une vaste nécropole, lors des travaux de creusement du bassin du canal
d'Arles à Fos en 1970 et qui deviendra éclatante à la fin du Ier siècle avec la construction du
Cirque dont il sera la desserte essentielle, n'était en fait la grande voie d'accès à la ville du
côté de l’ouest.
C'est peut-être dans cette zone que pourrait se situer une éventuelle porte monumentale
correspondant à celle du front oriental du castrum. Si effectivement le Cardo maximus du
centre ville ne débouchait au sud de l'enceinte que sur une zone peu urbanisée, il pourrait
être concevable que la présence d'une entrée monumentale ne se justifiât plus.
L'identification du gros mur découvert avec la courtine sud du rempart ne serait donc plus
incompatible avec l'existence de la voie. Cela ne précise pas pour autant le raccord de cet
élément avec la Tour des Mourgues à l'est et une autre éventuelle tour d'angle à l'ouest.
Quant à la façade nord de la cité dont nous ignorons tout, son tracé devait certainement
tenir compte du rivage du Rhône, entre l'Amphithéâtre et l'Arc quadrifons qui s'élevait à
l'extrémité du Méjan. Les terrains à prospecter sont rares dans ce quartier et les futurs
sondages prévus dans la nef de l'église des Frères Prêcheurs avant sa restauration définitive
n'en prennent que plus de prix.
Texte de Jean-Maurice Rouquette, extrait de «Les Enceintes augustéennes dans l’Occident
romain », Actes du colloque international de l’Ecole Antique de Nîmes, 1985.
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