Le Lean Un levier puissant pour gagner du temps

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Le Lean Un levier puissant pour gagner du temps
par
échanges
© Jean-François Lange
av r i l 2 0 1 1
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Dominique Fernandez Poisson
Associée
DFP Conseil
Claude Guillet
Consultant expert en performance opérationnelle
Time is money
Pratiquer le « Lean » conduit à gagner de l’argent en gagnant du temps dans les cycles de production.
Deux consultants experts se sont penchés sur cette méthode qui permet de trouver le « juste à
temps » au sein de l’entreprise.
Le Lean
Un levier puissant
pour gagner du temps
en savoir plus
➥➥Système Lean, James
Womack et Daniel Jones,
Pearson Education France
➥➥Lean six sigma pour
les services, Michael L.
George, Maxima
➥➥Qu’est-ce que le Lean
Six Sigma ? Michael
George, Bill Kastle, Dave
Rowlands, Maxima
À LA FIN DES ANNÉES 1980, les chercheurs du
Massachusetts Institute of Technology (MIT) de Boston
(USA) ont défini une nouvelle notion de gestion de
production, le « Lean ». En français, ce terme signifie littéralement « maigre », mais il est traduit dans
le monde industriel par « gestion sans gaspillage ».
Ce mode de fonctionnement existe en réalité depuis
une cinquantaine d’années. Il a été développé
par des ingénieurs de
Toyota pour améliorer la
productivité et la qualité
de leur entreprise. Les bénéfices apportés par ce
mode de gestion étant importants, il s’est généralisé
à l’ensemble des constructeurs automobiles. Avec
le temps, le Lean a réussi
à s’imposer dans d’autres
secteurs : l’industrie
agroalimentaire à la fin des années 1980, l’industrie
pharmaceutique au début des années 2000 et, plus
récemment, les secteurs banques et assurances.
« valeur » créée pour le client), et d’autre part, le
coût des actions n’y contribuant pas (le « gaspillage »).
Dans la pratique, les gaspillages potentiels à chaque
stade du cycle de production peuvent recouvrir
plusieurs formes : les temps d’attente, les déplacements en surnombre, les stocks pléthoriques (de
matières premières, d’encours, de produits finis,
mais aussi de dossiers
administratifs, etc.), les
opérations inutiles ou superflues (les redondances,
les retours en arrière, certains contrôles a priori,
etc.), les défauts (erreurs,
non-conformités, pannes
et aléas), la surqualité et
la surproduction.
La finalité du Lean consiste
à opérer une distinction
entre la « valeur » et le « gaspillage » à chaque stade
de la production. Dans une démarche de progrès
continu, les gaspillages doivent être éliminés.
Si l’énoncé de la méthode est aisé, sa mise en
application l’est moins. Elle nécessite parfois d’aller à l’encontre des idées reçues ou de pratiques
« ancestrales ». Il est habituel, par exemple, de
penser qu’un stock conséquent de travail à effectuer
(pièces ou dossiers) occupant à plein temps son titulaire garantit le meilleur coût de traitement
unitaire. Le Lean dénonce ce postulat et ses effets
pervers : immobilisation en stock d’encours de
matières ou de produits excessive, ralentissement
opérer une distinction
entre la « valeur »
et le « gaspillage »
Le Lean : un autre regard
sur le cycle de production
Le point d’application crucial du Lean porte sur la
relation « coût - valeur ». Le coût total de production
du produit fini ou du service rendu prend en compte
deux aspects : d’une part, le coût des actions contribuant directement à la satisfaction du client (la
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Pour le Lean, le « juste à temps » est fondamental.
Cette expression ambiguë doit être comprise comme
la livraison de la quantité exacte au moment requis.
La livraison au dernier moment n’est pas concevable
car ce modèle d’organisation est dangereux. Nous
le laisserons aux risque-tout ! Les méthodes de
travail pour réussir l’ajustement au « juste à temps »
sont nombreuses.
Il y a en premier lieu le « cadencement du temps »
(en anglais, Takt Time) pour produire une unité de
production à la cadence de la demande des clients.
Le « lissage de la production » joue aussi un rôle. Il
vise à atténuer les variations du Takt Time. Il lisse
les ventes, ce qui ne fait pas bon ménage avec les
actions de promotion ! Le « juste à temps » s’appuie
également sur le « pièce à pièce » qui permet le
passage d’un poste à l’autre, avec un encours réduit
à une pièce, dans des îlots de production ; le « changement rapide d’outils » connu sous l’expression
anglaise de Single Minute Exchange of Die (SMED), une
méthode de réduction des temps de changement
de série pour des pièces ou de séquences de travail
pour des dossiers et le Kanban, une méthode de
lancement de production par un signal en « aval »
stipulant son besoin, formalisé sur une étiquette
décrivant le lot à produire.
Autre outil pour réduire la durée des cycles de
production, le Jidoka ou possibilité à chaque stade
d’interrompre le flux de production pour éliminer
un défaut. Les outils associés sont l’Andon qui est
un signal d’alerte lumineux, les « systèmes détrompeurs » et les « cinq pourquoi »1. Cette dernière
méthode de travail simple et efficace consiste à se
poser cinq fois la question « pourquoi » pour remonter jusqu’à la cause originelle2 d’une nonconformité.
Enfin, la méthode Lean débouche sur une autre
organisation de travail. Elle n’est plus spécialisée
par métier, mais est calquée sur la chaîne de valeur
et est différenciée par famille de produits. Chaque
service de production dédié à une famille intègre
en son sein les trois étapes clés de la chaîne de
valeur que sont la conception, l’industrialisation
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et la fabrication.
Mardi
Mardi 10
10 Mai
Mai 2011
2011 àà 19h
19h
Dans
Dans le
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Halld'honneur
d'Honneur
de
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la CCI
CCI Grand
Grand Lille
Lille
La DFCG , Ernst & Young, CIC
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et l'ensemble des partenaires
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seront très honorés
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de vous accueillir
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le mardi 10 mai pour découvrir
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le nom des grands gagnants
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de cette édition 2011...
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De nombreuses surprises
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vous attendront
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lors de cette soirée dédiée
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à tous les acteurs
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de la finance et de la gestion de
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notre région Nord-Pas de Calais.
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Découvrez le Trophée de la Gestion
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en cliquant ici :
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www.trophee-gestion2011.tk
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échanges
Quels sont les « outils » du Lean ?
Trophée
de la Gestion
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du cycle de production, multiplication des risques
d’erreur, allongement des traitements des défauts…
Autre exemple : à une machine sophistiquée capable
de traiter à haute cadence de grosses séries de produits différents, l’approche Lean préfère plusieurs
machines simples, spécialisées, de moindre cadence
mais très fiables.
Ce mode de gestion est souvent associé à la méthode
de management Six Sigma. Cette dernière s’attaque
plus spécifiquement aux non-conformités via une
démarche statistique de mesure des dispersions.
Dossier Time is money
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Le « juste à temps »
selon la méthode Lean
• Le « Takt Time » : production à la cadence
de la demande des clients
• Le « lissage » : atténuation des variations
du Takt Time et lissage les ventes
• Le « pièce à pièce » : réduction du temps
de passage d’un poste à l’autre
• Le « changement rapide d’outils »
(SMED) : réduction des temps de
changement de série
• Le « Kanban » : lancement de production
par un signal en aval stipulant son besoin
• Le « Jidoka » : possibilité à chaque stade
d’interrompre le flux de production
pour éliminer un défaut
Comment évaluer
les enjeux économiques ?
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Pour évaluer les enjeux économiques, rien de tel
que… les calculs sur l’efficience du cycle de production. Combien de temps faut-il pour produire
le bien ou le service depuis l’expression du besoin
client jusqu’à la livraison au client ? Et dans ce
délai, quelle a été la durée totale des opérations
apportant de la valeur au client ? Si le rapport entre
ce temps créateur de valeur et le délai d’exécution
total est inférieur à 10 %, il y a alors moyen d’optimiser le système. Dans une gestion de production
Lean, ce rapport est supérieur à 20 %. Si une entreprise souhaite par exemple doubler l’efficience de
son cycle de production de 10/100 à 10/50, son action
va porter sur les gaspillages afin de les faire passer
de 90 (100-10) à 40 (50-10). Les réductions de coûts
induites sont considérables car elles résultent essentiellement d’une baisse du besoin en maind’œuvre.
La capacité de production est l’autre facteur à
prendre en compte dans l’évaluation des enjeux si
la démarche Lean aboutit concomitamment à une
augmentation de capacité alors que la demande
client n’était pas intégralement satisfaite. Le gain
s’étendra aux ventes additionnelles ainsi générées.
Prenons le cas d’une industrie de produits de grande
consommation. Une ligne de production tourne
avec un rendement de 60 %. Le rendement s’entend
ici comme le rapport entre les quantités produites
par période et la quantité théorique possible sans
aucun arrêt de ligne. Le passage à un rendement
de 70 % grâce aux actions de la méthode Lean entraîne un gain par quantité produite de 14 % sur
les coûts de main-d’œuvre de la ligne (10/70).
La méthode Lean
dans le contrôle de gestion La méthode de gestion de production Lean permet
de porter un regard neuf sur la réalité. L’observation
devient fructueuse avec la boîte à outils exposée
précédemment. Elle est d’autant plus importante
que l’expérience du terrain est grande. Il est nécessaire de s’adjoindre cette compétence pour mettre
en route un projet Lean.
La première étape va porter sur la décomposition
de la chaîne de valeur. Le contrôle de gestion va
s’occuper des analyses de coûts compte tenu de ses
compétences, mais aussi de sa proximité avec le
terrain et de sa compréhension transversale de
l’organisation. D’autres secteurs de l’entreprise sont
au contraire trop centrés sur eux-mêmes. Il s’agit
ensuite d’évaluer et de prioriser les actions de progrès en fonction des gains prévisionnels d’une part
et des coûts de transformation d’autre part. L’objectif est de démarrer par des Quick-Wins. Là aussi,
le contrôle de gestion a toute sa place. Il est le seul
à pouvoir garantir la fiabilité et l’impartialité des
analyses économiques tout en faisant le lien entre
les actions de progrès locales et leur impact sur la
performance financière de l’entreprise3. Il faut
enfin prendre soin de concrétiser immédiatement
chaque action de progrès validée afin d’en capturer
les gains de façon irréversible.
La démarche Lean passe par des remises en cause
profondes de l’entreprise. Elle a l’avantage, par
rapport à d’autres méthodes, d’intégrer les collaborateurs dans la recherche de solutions, ce qui
facilite leur implication et donc la gestion du changement. L’engagement de la direction est indispensable pour réussir de telles transformations tant la
tâche peut être difficile. Par ailleurs, un projet Lean
doit s’inscrire dans la durée. Il ne s’agit pas d’opérations « coup de poing ». La méthode Lean correspond davantage à des réductions de coûts pérennes
qu’à des coupes budgétaires brutales.
Lean est applicable à toutes les entreprises, quel que
soit leur secteur ou leur gouvernance. Elle peut se
ramifier en direction des fournisseurs et des clients.
L’entreprise obtient des résultats significatifs sur
un atelier ou un service en six mois, sur une implantation en deux ans et sur une chaîne de valeur
complète en cinq ans. Ce champ d’action ouvre de
nombreux horizons à défricher par un contrôleur
de gestion « coach » de la performance ! n
1. « Five Whys » ou « 5W ».
2. « Root cause » littéralement « cause racine ».
3. Cf. F. Meysonnier et D. Fernandez Poisson, La réduction des coûts,
enjeu majeur du contrôle de gestion, (2010), chapitre 3 « Le contrôle
de gestion en mouvement », Eyrolles.