Introduction : du management au e
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Introduction : du management au e
Introduction : du management au e-management. Henri Isaac, Université Paris dauphine, Observatoire du e-management Dauphine-Cegos. L’émergence du terme e-management a suscité de nombreuses interrogations : notion floue, terme à la mode, aucune réalité tangible. Ce septicisme s’alimente également d’une autre critique : l’informatisation de la gestion n’est pas récente et Internet n’est qu’une accélération de l’informatisation des entreprises. En d’autres termes les nouvelles technologies de l’information ne modifie pas outre mesure les processus de création de valeur et a fortiori ne modifient pas les compétences individuelles des salariés. Il nous semble au contraire que les nouvelles technologies de l’information et de la communication diffèrent des vagues précédentes d’informatisation et que leur introduction dans l’entreprise conduit à l’émergence de nouvelles pratiques de management. Aussi, une définition de ce que rassemble à nos yeux le terme trop vaste de technologies de l’information et de la communication est-elle nécessaire avant de mettre en évidence l’impact de celles-ci sur la gestion de l’information dans l’entreprise. Dans un second temps, il est alors possible de mettre en évidence ce que nous qualifions de e-management. Ceci passe par une définition de ce que le management recouvre pour caractériser ce qui fait la spécificité du e-management. 1. Nouvelles technologies de l’information et management de l’information. Le terme NTIC s’avère extrêmement délicat à utiliser dans la mesure où chaque locuteur en a sa propre représentation. Cette polysémie est quelque peu nuisible à l’étude des effets de ces technologies. Par conséquent, il est nécessaire de rendre explicite l’ensemble des technologies de l’information que nous avons retenues dans notre réflexion sur leur utilisation dans l’entreprise avant de souligner les modifications qu’elles provoquent sur la gestion de l’information. 1.1. Quelles « nouvelles » technologies ? La principale nouveauté dans le domaine des technologies de l’information est sans conteste l’arrivée à maturité des technologies Internet. Même s’il s’agit là de la technologies la plus « visible », il n’en demeure pas moins que de nombreuses technologies de l’information ont connu ces dernières années des évolutions considérables en liaison avec les progrès dans l’électronique (puces informatiques, mémoires, stockage, connectique). Enfin, les technologies de télécommunications et plus particulièrement les technologies de téléphonie mobile constituent un dernier versant de ce que nous considérons comme faisant partie des nouvelles technologies. Les évolutions dans ce domaine laissent clairement envisager de nouvelles applications liées aux technologies Internet. 1.1.1. Les technologies internet dans l’entreprise. Les technologies internet constituent sans nulle doute l’essentiel des « nouvelles » technologies de l’information. La mise en place de réseaux reposant sur le protocole TCP/IP a permis le déploiement d’intranets d’entreprise mais aussi d’extranets avec des partenaires commerciaux. Il n’en demeure pas moins que l’intranet recouvre des réalités bien différentes d’une entreprise à une autre. En effet, on y trouve généralement de simples portails d’informations généraux couplés à une messagerie interne, mais de plus en plus l’intranet est un moyen d’accéder à des applications métiers et surtout un outil de travail collaboratif. De fait les applications telles que l’agenda partagé, les outils d’édition collaborative, les applications de gestion de projet sont des outils relativement récents du point de vue de leur diffusion et de leur utilisation. 1.1.2. Des technologies « anciennes » désormais accessibles. Ainsi, des applications traditionnellement inaccessibles à l’utilisateur final deviennent directement disponibles sur le poste de travail du fait même de l’évolution de la puissance de calcul des machines et des progrès en matière de réseaux. Des technologies comme le datawarehouse et les applications décisionnelles constituent à nos yeux des « nouvelles » technologies dans la mesure où les progrès en terme de serveur et de logiciel sur le poste utilisateur permettent désormais de rendre ces technologies accessibles à des managers directement sur le poste de travail. Le développement des progiciels de gestion (ERP) depuis le milieu des années 1990 a conduit à une modification profonde des flux d’informations au sein des entreprises. L’information opérationnelle n’est plus cloisonnée dans une unité opérationnelle, elle est accessible sur différents postes dans différentes unités opérationnelles. De fait, l’accès à l’information est profondément modifié avec ce type d’applicatif. La diffusion dans l’entreprise de ces types d’applicatifs conduit à des modifications à la fois dans la conduite des activités, et à la fois dans la prise de décision des managers. 1.1.3 La convergence informatique téléphonie. La libéralisation du secteur des télécommunications en Europe a conduit à une concurrence accrue dans ce secteur et notamment du point de vue technologique. En l’espace de quelques années, les technologies de téléphonie ont permis de développer des réseaux de téléphonie sans fil partout dans le monde avec le succès que l’on sait. L’introduction de la téléphonie mobile en entreprise a accru la mobilité des salariés et l’accessibilité des uns et des autres. Parallèlement, les technologies dans le domaine des commutateurs ont évolué vers des technologies numériques les rapprochant des technologies de réseaux internet. Cette convergence a d’ores et déjà des conséquences importantes comme la mise en place des centres d’appels clients qui reposent massivement sur ces technologies. De fait, grâce à ces technologies on assiste à la mise en place de pratique de management de la relation client (CRM ou customer relationship management). Technologies de l’information et management de l’information1. 1.2. L’ensemble des technologies de l’information présentées modifient la gestion de l’information au sein des entreprises. Quelque soient les technologies ou applications retenues, celles-ci conduisent aux modifications suivantes : - Dématérialisation de l’information. La dématérialisation croissante de l’information est la conséquence directe des technologies numériques qui ont permis ces dernières 1 Cette partie est basée sur l’article de M. Kalika (2000), «Internet et les sciences de gestion », in « Internet & nos fondamentaux », J.M Chevalier, I. Ekeland, M.A. Frison-Roche, M.K ;, P.U.F., Paris. années de dépasser la simple numérisation du texte pour permettre aujourd’hui la dématérialisation des supports physiques du son et de l’image. Cette caractéristique facilite le transport et donc la diffusion de l’information au sein de l’entreprise. - Disponibilité de l’information. L’information est accessible par le biais d’un Intranet, directement par un poste connecté au réseau (au sein de l’entreprise ou à l’extérieur) ou encore grâce à la téléphonie mobile. Les contraintes de temps et d’espace sont dès lors considérablement modifiées. - Accessibilité. L’information est plus facilement accessible dans la mesure où l’utilisation des technologies Internet sur le poste utilisateur conduisent à l’unification de l’interface homme-machine et permettent une homogénéisation de l’ergonomie des applications informatiques. Second aspect, l’intranet, les entrepôts de données ou les ERP rendent l’accès à l’information beaucoup plus aisé dans la mesure où obtenir une information ne dépend plus uniquement de relations informelles ou de procédures internes ; l’information est dans le système d’information de l’entreprise. - Diversité de l’information. Les technologies internet par l’ouverture qu’elles permettent offrent une diversité de sources d’information inégalée tant sur l’information interne que sur l’information externe à l’entreprise. - Indexation de l’information. Le développement des intranets et des sites internet a permis l’accès à de l’information structurée sous forme de base de données. La recherche d’information repose désormais sur des requêtes logiques. Dans un autre registre, le développement des bases de connaissance et de la gestion des connaissances a conduit à la formalisation de connaissances et de savoirs. Ceux-ci sont désormais accessibles par le biais de requêtes reposant sur des indexations de concepts ou de notions. - Interactivité de l’information. Cette dernière caractéristique est certainement une des plus fondamentales dans la mesure où elle implique des mutations profondes du rôle de l’utilisateur final dans la manipulation de l’information. Contrairement aux vagues précédentes d’informatisation, les technologies n’induisent plus des comportements passifs de l’utilisateur, mais au contraire une démarche active pour accéder à l’information et pour la structurer, la diffuser. Les technologies de l’information entraînent donc une gestion nouvelle de l’information. Dans la mesure où le management est grande partie basée sur la gestion de l’information, il semble inéluctable que les pratiques de management soient appelées à évoluées et donnent naissance à un management électronique, ou le e-management. 2. Du management au e-management. Pour tenter de définir ce que le e-management recouvre, il nous semble nécessaire de préciser ce que nous entendons par management. Il est clair que les visions classiques du management doivent d’ores et déjà tenir compte du caractère étendue de l’entreprise. En effet, avant même l’émergence des nouvelles technologies de l’information, un vaste mouvement d’externalisation et de constitution de systèmes d’offre est largement perceptible. Ces réseaux de chaînes de valeurs vont trouver dans les nouvelles technologies un support naturel à leur développement, provoquant la dispersion des ressources de l’entreprise traditionnelle dans une entreprise virtuelle en permanente reconfiguration au gré des évolutions de la demande. 2.1. Du management au management de l’entreprise étendue. Nous définissons claissquement le management comme un ensemble de quatre processus alimentés par un système, le système d’information. Ces quatre processus sont : 1. Processus de finalisation des objectifs de l’entreprise (missions, stratégie, plans, budgets). 2. Processus d’organisation (définition des structures et des mécanismes de coordination). 3. Processus d’animation des hommes (Gestion des Ressources Humaines, rôles hiérarchiques,… ). 4. Processus de contrôle (du contrôle stratégique au contrôle de gestion). Ces quatre processus nécessitent une vision globale du manager qui repose sur un travail d’analyse d’un vaste éventail d’informations que le système d’information de l’organisation est censé lui fournir pour prendre les « bonnes» décisions. Cette première approche du management, peut être complétée par une vision plus large des processus en recourant à la notion d’entreprise étendue. Dans cette perspective, les frontières juridiques de l’entreprise ont une pertinence très faible dans la mesure où la création de valeur de l’entreprise s’appuie sur des chaînes de valeur partenaires au travers de rations de partenariats, coopérations, alliances. Le management devient donc un management qui inclut la gestion de ces relations et leur intégration dans la création d’avantages concurrentiels. Dès lors, aux quatre processus pré-cités viennent s’ajouter trois processus : • Processus relations-clients • Processus relations-fournisseurs • Processus relations-partenaires 2.2. Du management de l’entreprise étendue au e-management. En quoi les nouvelles technologies de l’information modifie le management de l’entreprise étendue ? Pourquoi peut-on parler d’un e-management dans ce cas là ? La différence essentielle à nos yeux entre l’entreprise étendue réside dans la collaboration entre les partenaires d’un tel réseau. Cette collaboration est aujourd’hui rendue plus facile par les technologies Internet et par l’interconnexion des systèmes de production. De fait, la collaboration loin de se limiter aux seuls flux logistiques de marchandises, s’étend désormais à la conception mais aussi à la production. L’ingénierie simultanée est un aspect bien connu de cette forme d’organisation, mais c’est l’interconnexion des systèmes de production qui mobilise aujourd’hui l’attention avec comme objectif un outil de production modulaire, flexible capable de réagir rapidement aux modifications de spécifications directement données par le client au travers d’une interface web. Cette nouvelle forme de coopération se traduit par la mise en place de dispositifs qui portent sur toute ou partie de la chaîne de valeur comme le Collaborative Planning Forecasting and Replenishment (CPFR) qui porte sur une collaboration avancée sur l’aval de la chaîne de valeur (distribution) ou comme le Collaborative Design and Manufacturing Systems qui porte sur l’amont de la chaîne de valeur (conception, et production). Ces dispositifs reposent sur des outils de travail collaboratif à distance (groupware) et l’interconnexion des systèmes d’information par le biais d’extranets ou de places de marchés spécialisées. La collaboration permet de limiter pour toutes les parties prenantes plusieurs types de coûts au premier rang desquels les coûts de stockage. Connaissant parfaitement les quantités demandées, l’entreprise ne produit que ce qui est nécessaire et limite ainsi les coûts de stockage de produits semi-finis et produits finis parce qu’elle n’a pas à anticiper de façon plus ou moins fiable la demande qui lui est adressée. Les besoins en fonds de roulements en sont diminués d’autant. Par ailleurs, en conception et production, la collaboration permet d’éviter de nombreux coûts liés à la coordination des projets ; l’utilisation d’outils communs permet d’éviter de nombreux allersretours entre partenaires et permet de gagner un temps précieux dans le développement des nouveaux produits. De fait, les coûts de contrôle des fournisseurs sont également diminués et les asymétries d’information sont abaissées puisque tous les partenaires travaillent sur la même information. Dès lors, on assiste à une reconfiguration complète des systèmes productifs qui ne peuvent plus s’appréhender comme un ensemble d’unités productives autonomes en relations plus ou moins avancées. Des systèmes d’offre concurrents virtuellement intégrés directement reliés à la demande émergent. Ces systèmes d’offre ne sont pas encore très flexibles en l’état actuel des technologies de l’information et des techniques de production. En effet, il reste de nombreux obstacles comme les spécificités des systèmes d’informations des différentes unités composant le système d’offre qui empêchent des recompositions rapides du système d’offre avec de nouveaux partenaires. Cependant, des technologies comme le méta-langage XML et ses déclinaisons spécifiques au commerce électronique (ebXML, cXML, Bizztalk, UDDI, RosettaNet) esquissent à terme des systèmes très facilement interconnectables et totalement modulaires ce qui permettra une recomposition très rapide du système d’offre en fonction des évolutions de la demande. En outre, l’intégration progressive des technologies de l’intelligence artificielle par le biais des agents intelligents dans de tels systèmes d’offre remet progressivement en question le rôle du manager. Que devient le management dans un tel système productif ? De plus en plus de tâches effectuées par les managers s’automatiseront comme c’est d’ores et déjà le cas avec la mise en place des progiciels de gestion intégrés (ERP) et le développement des achats électroniques (e-procurement) le préfigurent assez bien. La question de l’apparition du emanagement se pose donc. L’étude du passage du management au e-management peut recouvrir trois phénomènes distincts mais complémentaires : • Le degré d’utilisation des outils électroniques au sein de ces différents processus. • L’ampleur des modifications induites par les outils sur les processus de management. • L’importance des modifications des compétences (à la fois d’un point de vue organisationnel, et d’un point de vue fonctionnel ou personnel) nécessaires à l’exercice du management. Le e-management peut se donc définir comme l’ensemble de sept processus alimenté par un système d’information reposant sur les technologies électroniques du traitement de l’information. Il se caractérise par des processus modifiés par les technologies électroniques et donc par des compétences modifiées. Conclusion. Les recherches sur l’impact des nouvelles technologies ne manquent pas dans le domaine des systèmes d’informations. Une examen attentif sur cinq années2 des principales revues scientifiques en système d’information3 met en évidence que ces technologies font l’objet de 2 1996-2001 MIS Quarterly,Information & Management, Information Systems, Information Systems Journal, Information Systems Research, Journal of Information Technology, Journal of Management Information Systems, Journal of 3 multiples recherches. En revanche, plus rares sont les recherches qui s’interrogent sur l’impact sur le management lui-même et les compétences individuelles nécessaires à son exercice. Un examen sur la même période des principales revues anglo-saxonnes en sciences de gestion4 est assez révélateur également. Si certaines préoccupations scientifiques portent sur ce sujet, il n’en demeure pas moins qu’elles sont peu nombreuses et focalisées sur un seul outil. Dans le domaine du marketing les recherches sont plus avancées. Les sciences du marketing se sont quant elles plus nettement emparées de cette problématique des nouvelles technologies dans la gestion du marketing-mix. Même si les technologies modifient profondément les moyens d’atteindre le client de gérer la relation commerciale, il nous semble que l’on ne peut résumer l’impact des nouvelles technologies à ce seul aspect du management. Il nous semble absolument indispensable de s’intéresser en premier lieu à la diffusion des outils, leur mobilisation dans les processus de management et dans un second temps aux modifications des compétences nécessaires pour évoluer dans une entreprise de plus en plus virtuelle. Les travaux de l’Observatoire Dauphine-cegos entendent bien combler une partie de ses lacunes. Organizational Computing and Electronic Commerce, Journal of Strategic Information Systems, The DATABASE for Advances in Information Systems, SIM : Systèmes d’information et Management. 4 Administrative Science Quarterly, Strategic Management Journal, Management Science, Organization science, Organization studies, Omega, Long Range Planing,Harvard Business Review.