Compte rendu, par Nalini BALBIR, de: Raimond DOCTOR, A
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Compte rendu, par Nalini BALBIR, de: Raimond DOCTOR, A
Compte rendu, par Nalini BALBIR, de: Raimond DOCTOR, A Grammar of Gujarati, LINCOM Europa, 2004 (LINCOM Studies in Indo-European Linguistics), 98 p. Prix : 42,50 Euros (ISBN 3 89586 723 3). Extrait de: Bulletin d’Etudes Indiennes, N°22-23 (2004-2005), paru en 2007, p. 664-666, compte rendu n° 22. Les « LINCOM Studies in Indo-European Linguistics » dont les volumes fournissent des descriptions de langues constituent une collection commode, par exemple, pour ceux qui s'intéressent, par exemple, à la typologie. L'aire indienne est bien représentée, aussi bien par des langues à fort nombre de locuteurs (hindi) que par d'autres, mineures de ce point de vue (ainsi le marwari ou le mewati). Le gujarati, parlé à des titres divers par quelque 50 millions de personnes, en Inde même, mais aussi dans les pays où les Gujaratis, commerçants entreprenants, ont été conduits à s'implanter à la suite de plusieurs vagues migratoires, méritait bien d'être traité lui aussi. Le résultat est ce livre (dont le prix est tout à fait démesuré au regard de sa taille et de sa présentation matérielle, rudimentaire et sans recherche particulière, avec une carte difficilement lisible, p. 98). En quatre chapitres (I. Phonologie, II. Système graphique, III. Morphologie, IV. Syntaxe), l'auteur donne une description concise du gujarati standard. Comme il l'écrit luimême, son travail, qui intéressera les linguistes et les gujaratiphones, n'a pas l'ambition d'être une grammaire de référence, pour reprendre le titre du classique A Gujarati Reference Grammar que l'on doit à George Cardona (Philadelphia, The University of Pennsylvania Press, 1965), ni non plus un manuel d'apprentissage, comme l'est, par exemple, le Teach Yourself Gujarati de Rachel Dwyer (1995), tous deux présents dans l'utile bibliographie compilée par M. Doctor (p. 95-97)1. Comme attendu dans une collection de ce type, le gujarati est noté majoritairement par l'Alphabet Phonétique International, sauf dans les pages qui présentent l'écriture où les caractères originaux sont aussi indiqués. Chaque point grammatical est illustré par des phrases courantes, simples et pertinentes, auxquelles s'ajoutent les trois brefs échantillons qui terminent le livre (p. 92-94). Le chapitre sur la syntaxe, parent pauvre comme le note l'auteur avec raison (p. 73), est bienvenu. Il a notamment l'avantage d'attirer l'attention sur l'expressivité de telle ou telle structure, et de dire clairement les connotations des particules du discours, dont le rôle est si important dans les langues indo-aryennes en général. Dans ces conditions, il est regrettable que subsistent des bizarreries qui suggèrent que le livre pourrait avoir été écrit un peu vite. Traitant de la morphologie du verbe, l'auteur décrit le fonctionnement de l'infinitif, qui se comporte comme un nom : suffixe -vu susceptible d'accord en genre et en nombre en emploi de gérondif si le verbe est transitif (p. 39-40). Soit, mais comment expliquer que, dans les quatre exemples donnés (au masc. sing., au fém. sing., au masc. pl. et au neutre pl.), la forme verbale, par exemple khāvo, soit segmentée en « eat + past »? Le suffixe -vu (< sk. -tavya) n'a rien à voir avec le passé, ni par son histoire ni par son usage synchronique. N'est-il pas surprenant de voir comptés au nombre des adverbes (3.4.1., p. 67-68) evo (m.) « autant », evī (f.) et leurs autres formes, soit à égalité avec pāchal « derrière » et de lire « Adverbs of size, manner and quantity, like adjectives and pronouns ending in `o', admit number, gender and case declensions? » Ne serait-on pas en droit d'attendre alors une brève définition de ce qu'est un adverbe ? Peut-on considérer sur le même plan, comme il est fait ici, pāchal cāl « walk behind » et evī nānī bā « such small matter » ? L'auteur paraît seul à procéder ainsi ; evo fait partie d'une série d'adjectifs déictiques, relatifs, interrogatifs, qualitatifs et quantitatifs à thèmes a- ou e- (cf. Cardona 1965 § 4.2.10). La manière dont l'auteur emploie le terme de « corrélatif » paraît tout aussi personnelle : « Conditionals are always in pairs with the first conjunction being a correlative jo - to `if - then'” (§ 3.4.2.2.4.), ou encore « Gujarati has two relative pronouns: je and te » (comparer Cardona § 4.3.6 ou Dwyer p. 240). Cependant, c'est l'introduction (p. 1-3) qui est la moins satisfaisante. Sa brièveté n'est pas en cause. Mais elle contient des omissions ou des inexactitudes fâcheuses. Si on décide de remonter à la civilisation de l'Indus à laquelle l'actuel Gujarat fut partie prenante, Lothal, qui en est un site important localisé dans cette région, mériterait bien d'être mentionné, au même titre que Harappa et Mohenjo Daro. Faire référence à Surat lorsqu'est évoquée la place du Gujarat dans les relations commerciales avec l'Occident n'aurait pas nui, de même que la mention de Girnar n'aurait pas été déplacée dans la phrase « Buddhism is also markedly popular and the oldest Buddhist remains in the shape of edicts of Ashoka date back to the 3rd century » (où il aurait sans doute été préférable d'ajouter « avant l'ère commune » étant donné le public de non spécialistes auquel s'adresse la collection). Parmi les exemples de phrase déclarative, la description donne celle que voici : « Le gujarati est la langue de Gandhiji » (p. 73). Faire figurer le nom de ce dernier dans une introduction où l'on dresse un bilan, même rapide, de l'emploi du gujarati au cours de l'histoire aurait été souhaitable, étant donné le rôle qu'il a joué dans la promotion de cette langue, d'abord en donnant l'exemple. Il est difficile d'accepter une assertion comme la suivante : « As a language Gujarati can be traced right back to the 12th century with Hemachandra Acharya's formal grammar”. Telle quelle, c'est un raccourci pour le moins abusif, qui pourrait faire croire que Hemacandra a décrit le gujarati, ce qui n'est évidemment pas le cas. Sa grammaire « formelle » traite du sanskrit et des prakrits, dont l'apabhraRśa. Enfin, si une référence à NarasiRha Mehtā et Premānanda peut s'imposer pour donner l'exemple d'illustres ancêtres à la littérature en gujarati, il n'est pas exact d'ajouter, même dans une parenthèse, « both ca. 17th century » car NarasiRha Mehtā est antérieur de deux siècles. On peut considérer ces points comme marginaux, mais ils le sont d'autant moins que la collection s'adresse à des lecteurs qui, n'étant pas nécessairement familiers du domaine, n'ont pas les moyens de vérifier par eux-mêmes, et qu'il est donc important de leur donner des informations aussi fiables que possible. NOTE: 1. Je profite de l'occasion pour signaler un autre manuel récent de gujarati dont j'ai eu connaissance par Pierre Lachaier : Prof. Raymond R. Parmar, A Step By Step Course towards Mastering Gujarati, Gujarat Sahitya Prakash, Anand, 2004, XIX-349 p. Son auteur était chef du département de gujarati au réputé St. Xavier's College d'Ahmedabad. Il plonge rapidement le lecteur dans le vif du sujet, supposant de maîtriser rapidement l'écriture, et fournit de nombreux textes. Sa dernière section « A Step towards Literature and Culture » qui donne des extraits de type littéraire (dont l'un de Jhavercand Meghani, accompagné d'une traduction anglaise) est bienvenue. _________________________