Soldats allemands tombés dans l`oubli

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Soldats allemands tombés dans l`oubli
Histoire Des milliers de tombes de soldats allemands tués au front pendant la Première Guerre mondiale
sont à l’abandon. Faute de moyens
Soldats allemands tombés dans l’oubli
Fresnes-en-Woëvre. Perdues
dans l’herbe haute et couvertes de mousse, des milliers de tombes de soldats
allemands morts pendant la
Première Guerre mondiale
sur le front de l’Ouest, côté
français, sont aujourd’hui
laissées à l’abandon faute
d’argent pour les entretenir,
alors qu’approche le centenaire du conflit.
«Nous manquons d’argent.
Près de 100 ans après le conflit, les familles des soldats
de la Guerre de 1914-1918
ont elles-mêmes disparu:
nous ne recevons quasiment
plus de dons pour couvrir les
frais d’entretien», déplore
Jean-Marie Baltzinger, responsable du Service pour
l’entretien des sépultures
militaires allemandes (Sesma), à Fresnes-en-Woëvre
près de Verdun (Meuse).
Pour les soldats allemands
enterrés sur le sol français,
ce n’est pas l’État allemand,
mais les dons qui financent
les sépultures et leur entretien. «Dans l’immédiat
après-guerre, l’État allemand n’était pas en mesure
de s’occuper des tombes des
soldats tombés hors des
frontières du Reich. Les familles se sont donc rassemblées dans une association,
le Sesma, pour enterrer
leurs morts dignement», explique Jean-Marie Baltzinger.
On compte 218.000 tombes
militaires allemandes dont
177.000 datant de la Première guerre mondiale dans
l’est de la France, sur une
région couvrant la Lorraine,
la Belgique, le Luxembourg
et les Ardennes.
Devoir de mémoire
«Depuis 10 ans, les dons
diminuent et aujourd’hui,
nous n’arrivons plus à assurer l’entretien que de 80%
des tombes dans la région»,
K Plusieurs fois par an, des soldats de l’armée allemande ou des réservistes bénévoles viennent nettoyer les tombes. Photo Franck Lallemand
explique le responsable du
Sesma.
Plusieurs fois par an, des
soldats de l’armée allemande ou des réservistes bénévoles répondent à l’appel à
l’aide. L’année dernière, ils
étaient 250 à venir accomplir
leur devoir de mémoire dans
l’est de la France, mais il reste près de 4.500 sépultures
allemandes aujourd’hui
oubliées, dans des cimetières militaires envahis par la
végétation.
«Il faut que l’État allemand
se décide à prendre en charge le coût de l’entretien des
sépultures de ses soldats,
comme le font d’autres pays,
notamment la France», demande Jean-Marie Baltzin-
ger.
«Récemment, le maire
d’une commune voisine qui
abrite un cimetière allemand, m’a appelé pour me
signaler que les tombes
étaient laissées à l’abandon
et qu’il craignait l’effet sur
les visiteurs du cimetière
américain placé juste à côté,
à l’approche de Memorial
Day» (journée de commémoration aux États-Unis en
hommage aux soldats disparus dans un conflit)», raconte Jean-Marie Baltzinger.
«La façon dont on rend
mémoire à nos soldats est un
symbole fort dans l’imagerie
collective», explique-t-il,
prenant pour exemple la
couleur choisie pour les
croix, noires sombres pour
les soldats allemands, blanches immaculées dans les
cimetières français et américains.
Loin des carrés de gazon
vert et régulier sous lequel
reposent les héros américains, les soldats allemands
reposent dans un environnement proche de celui dans
lequel ils sont tombés.
«Morts dans une prairie,
une forêt ou sur une plage,
on laisse les soldats reposer
dans l’endroit tel qu’il était
quand ils ont trouvé la mort,
avec la même végétation, sur
une butte ou sous un arbre»,
explique Jean-Marie Baltzinger.
Pour des raisons histori-
ques, les cimetières militaires allemands sont «contraints à la modestie» selon
lui, et correspondent à la
trace que l’on veut laisser
dans l’imagerie collective
sur un sujet encore «sensible».
Au total, 1.024.087 soldats
allemands reposent sur le
sol français, dont 757.049
morts pendant la Première
guerre mondiale.
Il existe 194 cimetières allemands en France. Des restes de soldats allemands
sont également inhumés
dans les 17 nécropoles nationales, 57 carrés communaux et 552 ossuaires construits en France après la
guerre de 1870-1871.
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