04-04-2013 Lu pour vous suicide pourquoi les - CGT

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04-04-2013 Lu pour vous suicide pourquoi les - CGT
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LU POUR VOUS : blog Cour intérieure
Suicides : pourquoi les policiers sont-ils surexposés ?
(http://courinterieure.wordpress.com/2013/03/27/suicide-dans-la-police-2/)
Publié le 27 mars 2013
Pénibilité du service, « toxicité » du management, politique du chiffre… Telles sont
les raisons avancées par certains syndicats et psychologues pour justifier le nombre
de suicides dans la police nationale. Décryptage.
Le suicide est un mal qui persiste chez nos forces de l’ordre. Le 13 mars, un policier
de 23 ans a mis fin à ses jours au commissariat de Sarcelles (Val-d’Oise). Le
lendemain, un policier de 30 ans a tenté de se donner la mort avec son arme de
service à Haÿ-les-Roses (Val-de-Marne) tandis qu’une adjointe technique de la
police scientifique âgée de 53 ans s’est ouvert les veines à Melun (Seine-et-Marne).
Selon le ministère de l’Intérieur, 43 policiers et 32 gendarmes se sont suicidés
l’année dernière. Des chiffres stables sur un an (respectivement 43 et 30 en 2011),
mais en hausse de 70% comparés à 2010.
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Faut-il alors actualiser les conclusions sur la sur-suicuidité de la police ? En
décembre 2010, l’Institut national de la santé et de la recherche médical (Inserm)
indiquait que le taux de suicide dans la police était supérieur de 36% à la moyenne
nationale. L’écart semble aujourd’hui beaucoup plus élevé. Les taux de suicides
sont même alarmants. Dans la gendarmerie, le taux de suicide s’élève à 32,9 pour
100 000 fonctionnaires contre 30,2 pour la police (1). À titre de comparaison, le taux
national était de 14,7 pour 100 000 habitants en 2010 (2).
Un management pathogène. En réponse à ces chiffres, la direction générale de la
police nationale (DGPN) met l’accent sur les pôles de vigilance départementaux
lancés en début d’année. Leur objectif ? « Prévenir et accompagner, mais aussi
améliorer les échanges et la coordination entre tous les acteurs de la lutte contre le
suicide sur le terrain », explique Pascal Garibian, porte-parole de la DGPN. L’accès
à l’arme de service – tant sur son lieu de travail qu’à son domicile – est également
pointé du doigt par la hiérarchie pour justifier ce taux. Mais l’arme n’explique pas le
geste…
Les syndicats eux, ne décolèrent pas. « Ces chiffres sont surtout liés au
management toxique de notre hiérarchie, affirme Alexandre Langlois, secrétaire
général de la CGT-police. Le cas de notre collègue de la police judiciaire de Melun
est symptomatique. Elle était soumise à des brimades quotidiennes proférées par sa
hiérarchie. Nous alertions sur cette situation depuis décembre 2012, mais rien n’a
été fait. » Plus nuancée, Danièle Crenet, secrétaire national à l’action sociale du
syndicat Alliance, rappelle que même si beaucoup de suicides résultent de raisons
personnelles, « la confrontation régulière à la violence, l’existence d’une hiérarchie
pesante et des rythmes de travail socialement destructeurs sont les gouttes d’eau
qui font déborder le vase. »
« Burn-out ». Pour Nadège Guidou, psychologue du travail et auteure d’un livre sur
le malaise dans la police, « il est délicat de distinguer les causes externes dites
environnementales, des causes internes, dites psychologiques ». Reste le constat,
d’une hiérarchie « déconnectée de l’activité réelle des policiers. Le management se
réfère à des procédures inadaptées et pléthoriques, sans prendre en compte le
contexte particulier de chaque intervention, poursuit-elle. Si bien que l’agent est trop
souvent confronté à un constat d’échec exprimé par ses supérieurs ». La question
des horaires décalés – trois jours, deux nuits – est également à « l’origine d’une
problématique sociale, ajoute-t-elle. Ils cassent le rythme psychologique et social du
policier et entraînent de nombreux divorces ».
Les réponses issues de l’étude publiée en février dernier, par Mathieu Molines,
chercheur au centre de recherche de management de Toulouse, sont elles aussi
révélatrices du malaise : 90% des sondés réfutent l’idée selon laquelle « la police se
soucie vraiment de [leur] bien-être » ; 63% considèrent que « la police ne valorise
pas leur contribution à l’accomplissement de sa mission » et 72% estiment que «
leur institution ne reconnait guère leurs efforts ».
« Les policiers sont constamment déconnectés de leur mission première, ajoute
Alexandre Langlois. Les déclarations du ministère sur la politique du chiffre ne sont
suivies d’aucun changement. On continue à remplir des camemberts malgré la
bonne volonté du ministère. » Selon les chiffres issus du sondage interne, 69% des
policiers seraient ainsi au bord du « burn-out » et la moitié se déclarent d’accord
avec l’affirmation « je suis devenu cynique, car j’ai le sentiment que mon travail ne
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sert à rien ». Autant de symptômes d’une profession en plein « blues », selon
l’enquête de Mathieu Molines.
Des raisons « multifactorielles ». La validité scientifique des arguments semble
cependant plus incertaine. « La prétendue sur-suicuidité dans la police nationale doit
être tempérée. Elle ne peut-être basée que sur des hypothèses, nuance le
démographe Nicolas Bourgoin, maître de conférence en sociologie à l’Université de
Besançon. Il est difficile de tirer des conclusions à partir du moment où aucune
précision n’est donnée par la police quand à la raison réelle du suicide. »
« Les raisons sont multifactorielles et les données statistiques sont très parcellaires
et difficiles d’accès », poursuit le sociologue. Selon ce chercheur qui a rédigé une
longue note sur la question à la fin des années 1990, « ce taux doit être également
comparé au taux de suicide très élevé chez les hommes (75% des suicides en 2010,
ndlr) et confronter aux taux des autres catégories de la fonction publique. » (4)
Pour lutter contre ce fléau, le directeur général de police nationale, Claude Baland,
envisage de renforcer la lutte contre la consommation d’alcool et de stupéfiants
dans la police. Selon la direction, l’étude de l’Inserm a « mis en évidence le rôle des
conduites addictives dans le passage à l’acte ». Mais le projet d’arrêté présenté le
mois dernier a été reporté pour permettre « la concertation et la consultation des
syndicats ». Une fausse solution pour ces derniers qui voient dans ces contrôles, un
nouvel aspect de la répression hiérarchique…
Maxime Le Roux
(1) Selon le rapport « sécurité » du député Jean-Pierre Blazy (PS, Val-d’Oise) pour
le projet de loi de finances 2013, « le plafond d’emplois du programme ‘Police
nationale’ se fixera à 142 317 équivalents temps plein travaillé (ETPT) » et à « 97
093 ETPT dans la gendarmerie ».
(2) Selon les publications de l’Insee pour 2010.
(3) Nadège Guidou, « Malaise dans la police : perte d’identité, violences au
quotidien, politique du chiffre. Une profession au bord de l’explosion », éditions
Eyrolles, mai 2012.
(4) Les femmes représentent 17% des effectifs de gardien de la paix et 22% de ceux
des officiers et des commissaires, selon les chiffres transmis en 2011, par le
syndicats de commissaires de police nationale (SCPN).
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