Le zecche italiane fino all`Unità - Académie des Inscriptions et

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Le zecche italiane fino all`Unità - Académie des Inscriptions et
Sélection d’ouvrages présentés en hommage
lors des séances 2013 de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres.
J’ai l’honneur de déposer sur le bureau de l’Académie les
deux volumes de l’ouvrage dirigé par Mme Lucia
Travaini, Le zecche italiane fino all’Unità, Rome, Libreria
dello Stato, 2011, 1680 p.). Professeur à l’Université de
Milan, elle est l’un des meilleurs spécialistes de l’histoire
monétaire de l’Italie médiévale, et l’auteur de nombreux
articles et livres parmi lesquels je citerai Monete,
Mercanti e Matematica. Le monete medievali nei trattati
di aritmetica e nei libri di mercatura (Rome, 2003) ou La
monetazione nell’Italia normanna (Rome, 1995), dont dérive le tome XIV du Medieval
European Coinage, sur l’Italie du Sud (Cambridge, 1998) ouvrage de référence essentiel
qu’elle a écrit avec Philip Grierson.
Après avoir organisé un colloque remarqué sur I luoghi della moneta. : le sedi delle
zecche dall’antichità all’età moderna à Milan en 1999 (publ. 2001), première pierre de ce
projet, elle s’est consacrée pendant plus de dix ans avec une énergie infatigable à la
réalisation de l’entreprise monumentale que je présente aujourd’hui. Cette somme
couvre la période qui s’étend de l’arrivée des Ostrogoths à la fin du
Ve
siècle jusqu’en
1861. Le livre est paru l’année des célébrations du cent cinquantième anniversaire de
l’unité italienne. C’est en quelque sorte un complément posthume au Corpus Nummorum
Italicorum (CNI), le grand projet de Victor Emmanuel III (1917-1946), associé étranger
de notre Académie (voir l’éloge prononcé par A. Merlin, CRAI 1948/1, p. 4-11 et le livre
que lui a consacré L. Travaini, Storia di una passione. Vittorio Emmanuele III e le monete,
Rome, 2005). L’œuvre compta vingt volumes publiés entre 1910 et 1943 et le roi reçut
le prix Duchalais en 1914 pour les cinq premiers d’entre eux. Il n’est pas question de
commenter ici le bilan du CNI dont on a célébré en 2010 le centenaire. Il lui a été
reproché d’avoir stérilisé la recherche en offrant une classification, non commentée,
taisant les sources de la recherche qui la sous-tendait, et qui fut longtemps acceptée
comme une « vérité révélée ». Le Zecche italiane viennent aujourd’hui lui apporter un
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Sélection d’ouvrages présentés en hommage
lors des séances 2013 de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres.
complément numismatique et historique essentiel, fondé sur les progrès réalisés au
cours des dernières décennies et les résultats de la recherche la plus récente.
Outre L. Travaini elle-même, soixante-dix auteurs italiens et étrangers offrent ici des
notices détaillées sur quelque 450 ateliers, y compris les ateliers douteux, voire les
« fantômes » créés dans l’historiographie par le patriotisme de clocher. Les 371 ateliers
de la péninsule, de Sicile et de Sardaigne sont traités dans le premier (et le plus gros) des
deux volumes et les 104 ateliers « étrangers » – c’est-à-dire extérieurs à la péninsule
mais soumis un temps à une autorité « italienne » – (Savoie, papauté d’Avignon, colonies
génoises et vénitiennes, Morée etc.), ainsi que les monnaies obsidionales et les ateliers
de faux-monnayeurs dans le second volume. Chaque notice comprend un historique,
une étude des bâtiments, de l’équipement et du personnel, une liste des dénominations
frappées et des autorités émettrices, une bibliographie exhaustive depuis les
Antiquitates de Muratori (1739) jusqu’à 2009 et, le cas échéant, des rectifications
d’attribution, bien que le livre ne prétende pas offrir un catalogue, mais seulement un
« guide » donnant la base solide pour construire l’histoire des ateliers de ce qui fut à
partir du
XIIe
siècle l’économie la plus monétarisée et la plus développée d’Europe. Les
numismates y trouveront donc à la fois un état de la recherche et le point de départ de
nouvelles enquêtes. Comme le CNI en son temps (qu’il permettra de réviser), le présent
ouvrage est sans équivalent pour aucun autre pays d’Europe et risque bien de le rester.
Mais le noyau constitué par ces notices n’est pas livré « brut de décoffrage » : dans
chacun des deux tomes il est précédé de plusieurs centaines de pages de mises au point
sur plusieurs groupes d’ateliers médiévaux et leur monnayage (ostrogoths et lombards,
byzantins, carolingiens, ateliers étrangers - E. Arslan, moi-même, V. Prigent, A. Rovelli, L.
Travaini, J. Baker, E. Oberländer-Târnoveanu). Il est surtout accompagné, après
l’introduction de Lucia Travaini sur l’organisation des ateliers, l’art de la gravure et
l’iconographie, l’influence des monétaires italiens dans l’Europe médiévale puis le rôle
des Allemands dans la modernisation de la frappe etc. et celle de Luca Einaudi sur les
émissions du
XIXe
siècle, d’essais importants sur l’architecture et la technique
(notamment de R. Doty sur les collections de coins des musées italiens avec un matériel
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abondant et inédit) et d’études sur le droit monétaire, l’extraction minière et le
monnayage, la métrologie et les poids étalons (M. Matzke, W.R. Day, G. Zavattoni). Le
chapitre de Marco Bazzini permet de visualiser sur des graphiques et cartes l’évolution
du nombre d’ateliers au cours du temps, marqueur de la fragmentation politique sans
doute mais aussi de la monétarisation remarquable de l’Italie médiévale, ainsi que leur
répartition, concentrée sans surprise au nord et au centre de la péninsule. L’index des
noms de lieux et de personnes, parmi lesquels plusieurs graveurs de coins illustres, tels
Michelozzo à Florence ou Benvenuto Cellini à Florence puis à Rome, n’occupe pas moins
de 77 pages de ce livre de grand format.
De grand format à tous les sens du terme, car il est sans nul doute destiné à rester un
ouvrage de référence bien au-delà des frontières de l’Italie. Il ne s’adresse pas seulement
aux numismates mais à tous ceux qui s’intéressent à l’histoire fascinante de sa monnaie
comme œuvre d’art, comme produit d’une technique industrielle et enfin comme
instrument essentiel de son développement économique, au cours des quinze derniers
siècles.
C. Morrisson. Séance du 18 janvier 2013. Hommage Travaini Zecche
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