Rinus Van de Velde, le wonderboy flamand

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Rinus Van de Velde, le wonderboy flamand
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Rinus Van de Velde, le wonderboy
flamand
Guy Duplat Publié le samedi 26 mars 2016 à 08h28 - Mis à jour le samedi 26 mars 2016 à 08h29
Arts visuels
Si dans le Sud du pays, il est encore à peine connu, au Nord, il est devenu une star. A 32 ans à peine,
à l’occasion de sa première expo au Smak de Gand, les journaux sont remplis de longs reportages sur
lui et son atelier, et de commentaires dithyrambiques.
Sa personnalité ajoute à cette aura. Son physique à la James Dean en a fait un modèle pour les
campagnes publicitaires de Dior hommes et Paul Smith.
Né à Louvain en 1983 et vivant à Anvers, Rinus Van de Velde fit des études d’art à Anvers et Gand et
débuta comme sculpteur et dessinateur (en couleurs).
Vite, il choisit sa voie, hautement reconnaissable : de très grands dessins réalistes noir et blanc au
fusain, comme des story-boards de films, où il se met en scène avec tout autour du dessin, de longs
textes qui font partie de l’œuvre.
Noir et blanc
Sa cote a vite grimpé et il faut débourser aujourd’hui 40 000 euros pour un de ses dessins.
On explique qu’il est obsédé par son travail, du matin au soir, sept jours sur sept. Il y pense sans
cesse, ne s’accordant pas d’autre repos que de manger toujours à la même brasserie Stanny, près de
chez lui.
Philippe Van Cauteren, le directeur du Smak, lui a proposé une expo et il a choisi de ne prendre
qu’une salle, une grande, et d’y créer une œuvre neuve, totale : neuf grands dessins monumentaux,
chacun de six mètres de long sur trois mètres de haut, au fusain, en noir et blanc. Comme toujours
entourés de textes, sur le dessin même et sur les murs du musée.
Décor amazonien
Il y ajoute cette fois un grand décor qui occupe tout le centre de la salle. Une vision de la jungle en
carton-pâte avec des fleurs tropicales de papiers peints en vert, un bateau prêt à remonter l’Amazone
mais en bois et une vague gigantesque prête à déferler, en mousse et peinte en bleu. Vite, on
remarque que ce décor a servi de modèle aux dessins sur les murs et que sur chaque dessin, un des
personnages est Rinus Van de Velde lui-même.
Virtuosité
L’ensemble et la virtuosité du dessin impressionnent. Cela raconte un roman que l’artiste a
redécouvert. "Donogoo Tonka ou Les miracles de la science" écrit par Jules Romains en 1920.
L’écrivain français y racontait la mésaventure d’un géographe dont la carrière académique est
compromise après qu’on a découvert qu’il avait inventé une ville en Amérique du Sud. Heureusement,
un jeune homme suicidaire veut sauver sa réputation en créant quand même cette ville rapidement
avant que le pot aux roses ne soit découvert. Et effectivement, la ville est finalement créée et existe
donc.
Autobiographie fictive
Les dessins évoquent cette histoire mais tout autant "Au cœur des ténèbres" de Conrad ou des films
d’aventures américains des années 50.
Cette histoire a fasciné Rinus Van de Velde car elle pose la question de la vérité, du mensonge, de la
cause et de l’effet.
Et l’art aussi pose ces questions : le dessin fait-il exister ce qui n’existait pas ? L’artiste est-il ce
scientifique qui doit coûte que coûte créer la réalité qu’il raconte ? Et quel est le statut de ce décor en
carton d’apparence véridique, entouré de ces dessins, par rapport à la fiction de Jules Romains ?
En se mettant en scène dans chacun de ses dessins, Rinus Van de Velde fait le contraire de
l’autoportrait. Il disparaît derrière l’histoire qu’il raconte, il devient l’autre.
Toute son œuvre se transforme alors en une autobiographie fictive.Guy Duplat
Rinus Van de Velde, au Smak à Gand, jusqu’au 5 juin.