pro natura magazine

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pro natura magazine
0 1 | 2010 JANVIER
pro natura magazine
Entre protection de la nature et activités
de loisirs, le mariage est possible
sommaire
éditorial
3
4 dossier
13 à-propos
14 rendez-vous
16en bref/impressum
19 actuel
19 L
e concept loup est contraire à la
Convention de Berne
20 Canons : la course aux équipements
22 Biodiversité : une croissance ?
Vraiment ?
Florence Kupferschmid-Enderlin
rédactrice romande
Waldheusl
24 L'Initiative pour le paysage gagne
en puissance
Seul au monde ?
25 Le nouveau parc national prend
corps
26 nouvelles
A la mi-novembre 2009, comme chaque an-
26 Le vaisseau amiral de la biodiversité
née à la même époque, a eu lieu le recense-
28 Initiative lancée à la vitesse grand V
ment international des oiseaux d’eau douce
29 L'abeille à longues antennes est
l'Animal de l'année 2010
dossier
au sud du lac de Neuchâtel. Cette fois, un
adepte de l’aviron ramant sans broncher le
long des berges pourtant interdites à la navigation a perturbé de manière irréversible
30 régions
33 saison
34 service
36 pro natura actif
38 shop
40la dernière
4 – 13Quelle pression la nature supporte-t-elle ?
De plus en plus de gens disposent de
le comptage des canards plongeurs.
Cette anecdote illustre à merveille le dos-
toujours plus de temps libre. Ce qui
sier de ce Magazine qui réfléchit à la maniè-
accentue la pression sur la nature.
re de concilier protection de la nature et ac-
Pourtant, activités de loisirs et protec-
tivités de loisirs. La quadrature du cercle ?
tion de la nature ne sont pas antino-
Pas forcément. Notre sportif à rames don-
miques.
ne certes une mauvaise image de l’être humain, qui, seul au monde, considère que
la nature lui appartient et enfreint les règles élémentaires de comportement. Heureusement, nombre de promeneurs, de skieurs
ou de varappeurs ont une tout autre relation avec la nature, une relation empreinte
rendezvous
14Découvrir la Suisse au rythme du pas
Sophie Michaud, Valaisanne de 35
de respect.
ans, a achevé en octobre dernier
Mais ne nous voilons pas la face pour
la traversée à pied de la Suisse.
L’accroissement des offres sportives et tou-
Une manière de voir et de vivre
ristiques, l’augmentation du nombre de
son pays différemment de tout ce
sportifs et de promeneurs qui cherchent défis et ressourcement dans la nature constituent le pire cauchemar d’une faune et d’une
Magali Koenig
autant : la nature est sous pression.
qu’elle connaissait jusqu’ici.
flore particulièrement sensibles.
fragile. Mais dans le même temps, elle se
réjouit que le grand public découvre la
beauté des paysages, notamment grâce aux
nombreuses aires protégées dont elle est
responsable. Des solutions existent pourtant pour qu’animaux, végétaux et êtres
humains cohabitent en bonne intelligence.
Sans se sentir seul au monde.
nouvelles
Beat Hauenstein
Pro Natura sait à quel point la nature est
26 Le vaisseau amiral de la biodiversité
En novembre, quelque 300 jeunes ont pris
part au voyage inaugural d’un bateau très
spécial: l’«Arche de la biodiversité», vaisseau
amiral d’une campagne de trois ans lancée
par Pro Natura.
Couverture: des centaines de milliers de Suissesses et de Suisses font régulièrement de la course en
forêt ou dans le paysage ouvert. Toujours plus de gens pratiquent des loisirs dans la nature.
Photo: gemenacom / Fotolia
www.pronatura.ch
4
dossier
Quelle pression la nature supporte-t-e
De plus en plus de gens disposent de toujours plus de temps libre. Ce qui
accentue la pression sur la nature. Mais les activités de loisirs et la protection
de la nature ne sont pas des éléments inconciliables.
L’espèce homo loisirus se rencontre de plus en plus souvent
en pleine nature est par exemple néfaste aux plantes montagnar-
dans la forêt et le paysage. Pas seulement en raison de l’accrois-
des ou palustres vulnérables au piétinement. Un sentier piétiné
sement démographique, mais aussi parce que l’être humain dis-
au cours d’une saison à travers un marais restera visible durant
pose de toujours plus de temps libre pour profiter de la natu-
des dizaines d’années. Sur les pistes de ski haut-alpines nivelées
re. Et l’homo loisirus moderne est exigeant: il accapare de plus
et damées, la flore caractéristique a disparu depuis longtemps.
en plus d’espace pour ses activités. Aujourd’hui déjà, 10% de la
Ces transformations sautent aux yeux.
surface bâtie est occupée par des infrastructures touristiques, et
la tendance est à la hausse.
Une destruction insidieuse
Parfois, les changements qui interviennent sont tellement insi-
Ainsi, la surface totale des pistes enneigées artificiellement
a triplé en quelques années. De nombreuses entreprises de re-
dieux que seuls des spécialistes peuvent les déceler. C’est le cas
montées mécaniques cherchent à séduire une nouvelle clientè-
notamment des espèces animales particulièrement sensibles aux
le en créant une voie d’escalade, un parc aventure ou un par-
dérangements. Ici, c’est la population de tétras lyres qui décroît
cours de vélos tout terrain. Chaque région ou presque veut son
après l’agrandissement d’un domaine skiable. Là, c’est une es-
terrain de golf. Et rares sont les collines ou forêts dépourvues
pèce de gastéropode qui décline suite à l’aménagement de nou-
de routes aisément praticables en 4x4. Avec le «fun» pour maî-
veaux parcours d’escalade. Ailleurs, c’est le chant du petit gra-
tre mot, des activités toujours plus singulières, saugrenues par-
velot qui s’est tu parce que son îlot de gravier a été mué en pla-
fois, font leur apparition, comme le dirtsurf (planche à roulettes
ce de pique-nique. Cette évolution compromet la survie de nom-
munie de grosses roues pour rouler presque partout) ou le spee-
breuses espèces animales et végétales.
dflying (ski combiné à un parapente, qui, grâce au vent, tire le
skieur).
gens à rester à la maison: «Protégez la nature en restant chez
Comment corriger les choses? Pro Natura doit-elle inviter les
vous et en regardant plutôt un DVD»? Evidemment non. Mais
Les zones refuges se raréfient
l’expansion des infrastructures de loisirs et les développements
Comme si cela ne suffisait pas, certains amoureux des activi-
techniques dans ce domaine ne nuisent pas qu’à la faune et à
tés motorisées foncent sur les pâturages alpestres ou jurassiens
la flore, mais aussi – et de plus en plus – aux êtres humains en
au guidon d’un quad ou d’une motoneige, quand bien même
quête de calme et de délassement. Et il s’agit là d’un groupe de
ces engins ne sont autorisés que sur les routes. Le nombre de
population qui ne cesse de grossir, au point de devenir un fac-
quads a doublé en quatre ans, et les motoneiges sont toujours
teur économique: 30% des vacanciers suisses pratiquent un tou-
plus nombreuses. De nouveaux moyens techniques permettent
risme proche de la nature; 75% des touristes allemands aspirent
de gravir les versants les plus escarpés, de traverser à la nage les
à trouver une nature et un paysage intacts sur leur lieu de va-
lacs de montagne les plus glacés et même d’escalader les chutes
cances. Beaucoup d’entre eux sont d’ailleurs prêts à s’investir
d’eau les plus spectaculaires.
personnellement pour protéger la nature.
Quant à la nature, elle dispose de toujours moins de zones
refuges inaccessibles. L’afflux des adeptes d’activités de loisirs
L’être humain n’est pas seulement le problème, mais aussi
la solution. Si nous prenons au sérieux ce besoin de calme et de
Pro Natura Magazin 1/2010
dossier
elle ?
délassement, si nous nous employons à résoudre les conflits entre l’homme et la nature, alors les deux parties seront gagnantes
en fin de compte.
Qu’est-ce que cela implique concrètement ?
1. Le besoin de tranquillité est fondamental. Pro Natura plaide pour que les engins de loisirs bruyants (jet-skis et ULM),
ne soient plus autorisés. Les quads et motoneiges ne doivent circuler que sur les routes. Il faut abandonner la pratique de l’héliski.
2. Il faut investir dans le paysage et non plus dans des constructions et installations: nous n’avons pas besoin de davantage
de pistes de ski, d’installations d’enneigement, de chemins de
randonnée et de terrains de golf. Nous avons besoin de beaux
paysages à forte valeur récréative. La biodiversité qu’ils abritent doit être favorisée.
3. Il faut recréer des zones refuges pour la nature. Nous avons
besoin de plus d’espaces sauvages où la nature peut s’épanouir librement sans l’intervention de l’homme.
4. Dans les zones sensibles, les promeneurs doivent rester sur
les chemins et les chiens tenus en laisse, afin que les espèces vulnérables puissent survivre.
5. L’information sur les offres de loisirs respectueuses
de l’environnement doit être améliorée. Vous souhaitez faire cet hiver une randonnée en raquettes dans
le Jura sans effaroucher les lièvres et les grands tétras? De telles offres doivent être développées.
Vous êtes sceptique? Découvrez dans le dossier de ce
Magazine des exemples de conflits entre activités de loisirs et protection de la nature, et des
propositions de solution.
URS TESTER est chef de la division Biotopes et espèces chez Pro Natura
Pro Natura Magazin 1/2010
Toujours plus de gens pénètrent
dans des espaces naturels fragiles.
Or, la nature a besoin de zones
refuges. Il est donc indispensable
d’assortir les activités de loisirs de
certaines règles et de trouver des
compromis. Des exemples positifs
sont présentés dans les pages qui
suivent.
5
6
dossier
Guider les flux de
visiteurs à travers le parc
Aux portes de la ville de Zurich, un parc naturel périurbain d’une exceptionnelle beauté a
été ouvert début 2009. La fermeture de quelques chemins cyclables et équestres a été
bien acceptée par la population.
La forêt de la Sihl (Sihlwald), du nom de la rivière qui
grand bruit. Il est obligatoire également de tenir les
la traverse, est l’un des joyaux du Wildnispark Zürich,
chiens en laisse dans la forêt de la Sihl. «Un gros tra-
le parc naturel périurbain zurichois ouvert début
vail d’information est indispensable pour que les gens
2009. Avec le Zimmerberg, la vallée de la Rep-
s’habituent aux nouvelles règles», explique Mirjam
pisch et la chaîne de l’Albis, elle forme la
Würsch, responsable de la communication du Wild-
plus vaste hêtraie mixte d’un seul tenant de
nispark Zürich.
Suisse. On trouve dans cette forêt une nature très riche, où l’homme n’intervient plus
depuis l’année 2000.
Des garde-nature pour sensibiliser le public
Des panneaux d’information signalent clairement les
pistes cyclables et équestres. Ces renseignements fi-
Restrictions pour les visiteurs
gurent également sur des plans d’ensemble installés
C’est en 2007 que le canton de Zurich a scellé
aux points d’entrée dans la forêt, de même que dans
la mise sous protection de la forêt de la Sihl par
un dépliant. De plus, trois garde-nature sillonnent le
un contrat de réserve forestière: aucune coupe
parc pour attirer l’attention des visiteurs sur les beau-
de bois ne peut y être effectuée durant 50 ans.
tés qu’il recèle, mais aussi pour faire connaître les nou-
En outre, un groupe de travail largement repré-
velles règles à ceux qui ne les connaissent pas encore.
sentatif des milieux intéressés et concernés a
«Cela donne lieu parfois à de vives discussions, mais
élaboré une ordonnance cantonale de protec-
la plupart des gens comprennent le sens de ces restric-
tion, entrée en vigueur en 2008. Un de ses
buts est de concilier le nombre élevé de
visiteurs avec les impératifs de protec-
tions et les acceptent», assure Mirjam Würsch.
L’exemple de la forêt de la Sihl démontre que
l’être humain peut jouir de la nature sans mauvaise
tion de la nature.
conscience – pour autant qu’il respecte certaines règles.
Depuis, la randonnée dans la zone
Ici comme ailleurs, une certaine dose de répression est
centrale, vaste d’environ 4 km2, n’est
nécessaire. Ainsi, dès le printemps 2010, les contreve-
plus autorisée que sur les sentiers bali-
nants seront amendés, en vertu de l’ordonnance can-
sés. La fermeture, en octobre 2008, des
tonale de protection.
deux cinquièmes des parcours de VTT, dont celui –
très apprécié – qui passait par l’arête de l’Albis, a fait
Rolf Zenklusen est journaliste à Bâle
www.wildnispark.ch (en allemand)
En forêt
Environ 5 millions de Suisses font régulièrement des randonnées ou des promenades à pied, en moyenne 40 fois par an.
Près de 400’000 propriétaires de chiens
se baladent régulièrement avec leur animal.
Environ 2,1 millions de personnes en
Suisse font du jogging régulièrement
ou irrégulièrement. Le nombre de prati-
quants de la marche nordique progresse
fortement.
3,4 millions de personnes partent piqueniquer de temps à autre. La tendance est
à la hausse.
100’000 Suisses font de l’équitation, en
moyenne 90 fois par an.
Un million de personnes possèdent un
VTT, utilisé en moyenne 45 fois par an.
D’après des chiffres de 2003, les parcours de VTT signalés comme tels totalisent 12'600 km.
On dénombre 500 parcours Vita, autant
de pistes finlandaises et une cinquantaine
de pistes de marche nordique.
Environ 250'000 personnes pratiquent la
course d’orientation. Leur niveau d’orgaPro Natura Magazin 1/2010
nisation est élevé.
dossier
7
Deux tiers pour les grimpeurs, un
tiers pour les faucons pèlerins & Co
D’entente avec les grimpeurs, un tiers des voies d’escalade du Jura nord-occidental
ont été totalement ou partiellement interdites à la pratique de ce sport. Un compromis
exemplaire, même si certaines restrictions ne font pas l’unanimité chez les varappeurs.
Avec ses nombreuses têtes rocheuses, le
ge du Service de l’aménagement du territoire du
Jura nord-occidental compte parmi les
canton de Soleure.
régions d’escalade les plus connues de
Suisse. Plus de 80 zones au sud de Bâle
Interdictions totales en Allemagne
offrent d’excellentes conditions pour la
Ce dernier n’est d’ailleurs pas favorable à des in-
pratique des sports de grimpe. Mais ces
terdictions strictes comme le pratique le Land al-
surfaces constituent en même temps des
lemand de Bade-Wurtemberg, où des zones en-
éléments naturels encore relativement in-
tières sont interdites à l’escalade. Grâce au fruc-
tacts, abritant une grande diversité ani-
tueux travail mené par l’IG Klettern Basler Jura,
male et végétale. Afin de pouvoir conci-
la sensibilisation des varappeurs à la protection
lier durablement ces deux composan-
de la nature a fortement progressé et la pression
tes, l’IG Klettern Basler Jura (associa-
sur la nature s’est relâchée, estime Rolf Glünkin.
tion d’escalade du Jura bâlois), Pro
Deux points litigieux subsistent néanmoins:
Natura, l’Office fédéral de l’environne-
le canton souhaite interdire l’accès au secteur
ment (OFEV) et plusieurs sections loca-
Fulnau, près de Seewen (SO), en raison de la sen-
les du Cub alpin suisse (CAS) ont confié en
sibilité de la faune et de la flore qui y vivent; les
1995 à un biologiste indépendant le mandat d’in-
grimpeurs y sont opposés. Une controverse bien
ventorier les milieux du Jura bâlois et d’élaborer
plus prononcée concerne la Falkenfluh, près de
dans la foulée une stratégie de protection.
Duggingen (BL). Ici, la bourgeoisie aimerait met-
L’étude, achevée en 1999, désigne des zones
tre à ban des zones supplémentaires, une étu-
sensibles hébergeant une flore menacée ou une
de ayant montré que les grimpeurs causent des
faune rare qu’il importe de protéger. Au terme de
dommages irréparables à la flore. Or, les repré-
presque dix années de négociations parfois achar-
sentants de l’IG Klettern Basler Jura ne veulent
nées entre les cantons de Bâle-Campagne, de So-
pas en entendre parler.
leure et l’IG Klettern Basler Jura, des voies ont été
interdites ou des passages supprimés sur un tiers
toutes les restrictions visant à protéger la natu-
Certains varappeurs n’acceptent donc pas
des périmètres d’escalade. Certains parcours ne
re. Il n’en demeure pas moins que le compromis
sont proscrits que temporairement – par exemple
trouvé ici est exemplaire. Il démontre que protec-
à la période de reproduction du faucon pèlerin.
tion de la nature et activités de loisirs ne sont pas
«Dans la plupart des cas, nous avons trou-
antinomiques.
vé un compromis acceptable par tous», se félicite Rolf Glünkin, de la section nature et paysa-
Rolf Zenklusen
Sur la roche
Il existe en Suisse plus de 40 sites d’escalade et quelque 300 zones d’escalade avec des voies entièrement
aménagées. La tendance est nettement à la hausse.
Le nombre de parcs d’aventure est également en forte
augmentation; il en existe actuellement 34. Environ
175’000 personnes pratiquent régulièrement l’escalade et un demi-million l’alpinisme classique.
8
dossier
Activités blanches en pleine nature
La saison morte n’est pas de tout repos pour la faune. Mais la montagne est assez vaste pour accueillir
animaux et êtres humains, à condition que ces derniers observent certaines règles.
Des sports comme la raquette, le ski sauvage et la randonnée
posant au froid. Les tétraonidés sont particulièrement sensibles
à skis offrent des expériences inoubliables au cœur de splendi-
aux dérangements le matin et le soir. Remo Kundert conseille
des paysages de montagne. Or, souvent, la faune en pâtit. «Pour
donc, en début et en fin de journée, d’éviter forêts et lisières, de
les chamois ou les lièvres variables, l’hiver s’apparente plus à
ne pas s’écarter des itinéraires et sentiers balisés et de contour-
un purgatoire qu’à une partie de plaisir», résume Remo Kundert
ner les arbres et les bosquets.
de per pedes – entreprise spécialisée dans l’organisation de vacances à la montagne – qui organise chaque année plus de 150
Contourner les surfaces non enneigées
randonnées pédestres, ainsi que des excursions pour Pro Na-
Les cerfs, chevreuils, bouquetins et chamois sont actifs toute la
tura. Cette entreprise se fait un point d’honneur de promou-
journée. S’ils sont dérangés de manière répétée, ils quittent leur
voir une relation respectueuse avec la nature: éviter les forêts
habitat situé au-dessus de la limite de la forêt pour se replier
et leurs lisières, ainsi que les endroits non enneigés, faire atten-
dans le milieu boisé, où ils trouvent encore moins de nourritu-
tion aux réserves naturelles, respecter le calme et le silence, te-
re puisque là, il n’y a pas d’endroits exposés au vent, donc dé-
nir les chiens en laisse.
neigés. Ces animaux se rabattent alors sur de jeunes arbres, frei-
Danger de mort par épuisement
«Il faut contourner largement les surfaces non enneigées et les
Ces règles s’inscrivent dans le droit fil de la campagne «Respec-
zones rocheuses et se tenir à distance des animaux, au besoin
ter c’est protéger» lancée dernièrement par le Club alpin suisse
en adaptant l’itinéraire», préconise Remo Kundert. Si les adep-
(CAS) et l’Office fédéral de l’environnement (OFEV), avec le sou-
tes des sports d’hiver montrent un minimum de respect à l’égard
nant considérablement le développement de la forêt.
tien d’un large éventail d’organisations du sport, du commerce,
de la faune et de ses habitats, la montagne se révèle assez vas-
du tourisme, de la protection de la nature – dont Pro Natura – et
te pour accueillir animaux et humains.
de la chasse. Cette campagne a pour objet de rappeler qu’en hi-
Rolf Zenklusen
ver, la faune vit sur ses réserves et que des dérangements répétés affaiblissent les animaux, compromettent leur reproduction
et peuvent même les faire périr d’épuisement.
www.respectercest-proteger.ch
En hiver, les tétraonidés tels le lagopède et le tétras lyre,
de même que le grand tétras – très menacé – construisent une
tanière dans la neige pour s’y reposer. S’ils sont dérangés, ils
l’abandonnent pour se creuser un nouveau «bivouac», en s’ex-
Par monts et par vaux
Il existe actuellement plus de 2000 km de sentiers raquettes balisés par des entreprises de remontées mécaniques ou des entreprises touristiques. La tendance est en forte hausse.
Plus d’un demi-million de Suisses ont déjà effectué une randonnée
en raquettes. Là aussi, la tendance est en forte hausse.
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dossier
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Tranquillité au pays des bouquetins
Les Grisons sont à la pointe dans la délimitation de zones de tranquillité pour la faune. Et dans ce canton
où les sports alpins sont roi, ces vastes zones interdites aux êtres humains suscitent peu d’opposition.
Les Grisons sont un canton pionnier en matière de zones de
pulation directement concernée se prononce en assemblée com-
tranquillité pour la faune. Dans 260 zones, l’accès aux lieux de
munale sur ces zones de tranquillité est une très bonne chose.
séjour de la faune est restreint ponctuellement ou périodique-
Leur acceptation en est augmentée. Chacune de ces zones a pour
ment. Les interdictions d’accès sont généralement limitées au se-
base légale la loi cantonale sur la chasse; il existe dans de très
mestre d’hiver et s’adressent avant tout aux adeptes des sports
nombreux cas un règlement ad hoc et un catalogue d’amendes.
d’hiver, mais aussi aux personnes partant dès février à la recher-
«Nos garde-chasse participent à la surveillance. Les infractions
che de bois de cerfs tombés.
peuvent faire l’objet d’une dénonciation et d’une amende allant
jusqu’à 500 francs», souligne Hannes Jenny.
Onze pour cent de la surface du canton
Avec ces mesures, la faune est à l’abri des dérangements. Et les
Signalisation homogène
amateurs de sports d’hiver ont une certaine garantie de ne pas
Sur le terrain, les zones de tranquillité pour la faune font l’objet
perturber l’équilibre naturel. Sur le territoire grison, 200 zones
d’une signalisation homogène. Des panneaux en plastique portant
de tranquillité pour la faune ont force de loi, 60 autres relèvent
des extraits de cartes sont disposés au bord des chemins et aux
de conventions volontaires. Elles totalisent une superficie de 425
points de rassemblement, et des rubans élastiques barrent l’accès
km2, soit 6% de la surface du canton. Si l’on y ajoute le Parc na-
aux endroits importants. L’inventaire de ces zones sur Internet est
tional suisse et les districts francs, où existent des restrictions si-
un précieux outil d’information: les randonneurs à ski, par exem-
milaires, les zones de tranquillité pour la faune représentent 11%
ple, peuvent ainsi savoir quels sont les parcours problématiques.
de la surface du canton.
«La Confédération examine actuellement la possibilité de mettre en
place une solution à l’échelle suisse», précise Hannes Jenny.
«Nous travaillons au plus près des problèmes», explique Han-
nes Jenny du Service grison de la chasse et de la pêche. Si la faune est dérangée régulièrement ou décroît dans un lieu de séjour
Rolf Zenklusen
hivernal, si le nombre d’animaux morts augmente ou si les dégâts
causés en forêt par le gibier se font plus fréquents, les chasseurs
et garde-chasse recommandent aux communes de créer des
zones de tranquillité. Des représentants des milieux intéressés se réunissent alors pour chercher une solution.
«L’opposition dans les communes est étonnamment
faible», précise ce biologiste de la faune. Le fait que la po-
Sur la neige
En Suisse, 3,1 millions de personnes font
du ski, en moyenne 10 fois par année.
Un bon tiers des pistes de ski en Suisse
sont enneigées artificiellement. Il existe
des pistes de ski éclairées la nuit dans
une soixantaine de stations de sports
d’hiver.
La Suisse compte 5’500 km de pistes de
ski de fond, un chiffre qui reste à peu près
constant. Il existe des pistes de nuit éclai-
rées dans une cinquantaine de stations
de sports d’hiver.
600'000 Suisses font des randonnées à
ski, en moyenne 10 fois par an. Un nombre en forte progression.
10
dossier
Les objets volants
intimident la faune
Les parapentistes peuvent causer de grosses
frayeurs aux animaux sauvages. La promulgation
de règles et restrictions se justifie donc dans
certains cas, comme à l’Augstmatthorn, dans le
canton de Berne.
Il y a encore dix ans, l’Augstmatthorn, près du lac de Brienz,
thorn et du Tannhorn et à survoler ces pé-
était l’une des destinations préférées des parapentistes et vélidel-
rimètres de début avril à fin juin – pé-
tistes. Mais des conflits avec la faune n’ont pas tardé à apparaî-
riode de mise bas du chamois
tre. Une étude indépendante menée par l’Université de Berne a
et du bouquetin. En outre,
révélé que chamois et bouquetins réagissent fortement à la pré-
ils se sont engagés à respec-
sence d’objets volants. Effrayés, les animaux s’enfuient en par-
ter, de mars à mai, une alti-
courant d’une seule traite une distance de près de 800 mètres.
tude minimale de 2000 mètres et une distance latérale
Epuisantes courses de fuite
de 300 mètres par rapport au nid d’aigles
Un test effectué à l’Augstmatthorn avec des chamois marqués
de la «Roteflue», pour ne pas compromettre les couvées.
individuellement a montré qu’il suffit d’un seul parapente pour
faire détaler ces animaux dans la forêt, où certains restent terrés
Désamorcer le potentiel de conflit
durant quatre heures. D’autres études réalisées dans des secteurs
«Les conventions signées sont toujours valables et ont été pour
très fréquentés par les parapentistes ont mis en évidence une
l’essentiel bien respectées», se félicite le biologiste bernois An-
perte de poids et de réserves de graisse chez les chamois, com-
dreas Boldt, directeur du bureau Faunalpin. A l’Augstmatthorn,
me chez les bouquetins, due au fait qu’ils consomment énormé-
le nombre de survols a fortement diminué, une situation favo-
ment d’énergie à fuir devant ces objets volants. C'est tout diffé-
rable pour les chamois et les bouquetins, mais aussi pour les
rent au Doldenhorn, près de Kandersteg. Ici, pas de parapentes:
aigles qui sont restés fidèles au site. Globalement, le potentiel
les chamois broutent au-dessus de la limite de la forêt, gagnant
de conflit lié au parapentisme s’est désamorcé ces dernières an-
vers midi des zones rocheuses situées à plus haute altitude, puis
nées. Pour Andreas Boldt, les risques de conflit avec la protec-
redescendant vers les pâturages dans l’après-midi.
tion de la nature se situent principalement «dans les vastes es-
paces ouverts au-dessus des forêts de montagne et dans le voi-
Ces données ont amené l’Inspection de la chasse du canton
de Berne à agir. En 1996, un groupe de travail regroupant les mi-
sinage immédiat des sites de nidification de l’avifaune.»
lieux concernés a élaboré une convention afin que les parapentistes renoncent à décoller dans les districts francs de l’Augstmat-
Rolf Zenklusen
Dans les airs
Il existe en Suisse 14 terrains d’aviation,
dont trois aéroports internationaux, ainsi
que 39 champs d’aviation et 48 places
d’atterrissage en montagne, auxquels
s’ajoutent des terrains d’évitement.
La base de données de la Fédération
suisse de vol libre répertorie quelque
650 sites de décollage et 150 sites d’atterrissage pour parapentes. La plupart
de ces terrains ne sont utilisés que de
manière sporadique.
190’000 Suisses ont déjà pratiqué le deltaplane ou le parapente. Ce nombre est
en recul.
1100 pilotes d’hélicoptère sont licenciés,
en Suisse. Tant le nombre de pilotes que
le nombre de vols est en augmentation.
On enregistre aujourd’hui plus de 50'000
rotations par année sur les places d’atterrissage en montagne.
La Suisse compte 2700 pilotes de planeur
brevetés. La tendance est à la baisse.
La Suisse compte près de 6’800 pilotes
d’avion à moteur licenciés. La tendance
est à la baisse.
La Suisse compte 400 pilotes de montgolfière brevetés. La tendance est à la baisse.
En 2007, près de 60'000 sauts en parachute ont eu lieu en Suisse.
dossier
11
Une zone idéale pour les oiseaux
et les baigneurs
La Grande Cariçaie est le plus grand marais bordant un lac en Suisse. Elle héberge environ un tiers de la
flore et un quart de la faune du pays. Une oasis très prisée des oiseaux et des touristes en quête de nature.
Vous faites peut-être partie de ceux qui sont déjà allés se prome-
fonction de refuge pour les oiseaux d'eau», précise Catherine
ner dans les marais près du centre nature de Champ-Pittet? Ou
Strehler Perrin, directrice jusqu’à fin 2009 du Groupe d’étude et
alors, fin observateur des oiseaux migrateurs, la baie d’Yvonand
de gestion de la Grande Cariçaie.
n’a plus de secret pour vous? La rive sud du lac de Neuchâtel
– la Grande Cariçaie – est un site marécageux d’importance na-
Tous autour d’une table
tionale qui regorge de merveilles de la nature. Elle abrite de très
Pour préserver la tranquillité des oiseaux qui s'arrêtent sur les
nombreux sites de reproduction des batraciens, des bas-marais,
hauts fonds pour se nourrir des herbiers de characées ou des
ainsi que des réserves d’oiseaux d’eau et de migrateurs d’impor-
bancs de moules zébrées, certains secteurs lacustres sont entiè-
tance nationale et internationale. Depuis 2009, le site fait par-
rement soustraits à la navigation, d'autres le sont de manière par-
tie des 37 sites suisses candidats officiels au réseau européen de
tielle, la navigation et la baignade restant autorisées en été par
conservation de la biodiversité Emeraude.
exemple. Si ces règles semblent bien acceptées, c’est que la ges-
Informer, c’est protéger
«Pour chacune des missions, des commissions ad hoc sont créées
Située en zone de plaine, en bordure d'un lac, la Grande Cari-
pour permettre un échange entre les différents acteurs concer-
tion de la Grande Cariçaie repose sur un sytème multi-acteurs.
çaie joue donc un rôle essentiel comme zone nodale ou relais
nés», poursuit Catherine Strehler Perrin. Comme dans toute zone
dans la conservation de plusieurs dizaines d'espèces animales
protégée qui implique des restrictions d'usage, des conflits ont eu
et végétales menacées en Suisse. Mais la Grande Cariçaie et les
lieu. Ils ont éclaté au moment de la définition des périmètres des
hauts fonds qui lui sont attenants attirent aussi baigneurs et na-
réserves et des secteurs interdits d'accès ou de navigation.
vigateurs en tout genre. Elle est également très prisée des cyclistes et des piétons, qui trouvent ici des kilomètres de chemins
Vision pour un tourisme durable
balisés, dotés d'informations et d'aménagements pour obser-
Finalement, dans le cas du tourisme et des loisirs, afin d’anti-
ver la nature. «Dans ces conditions, la protection des sites clas-
ciper les conflits, une commission réunissant des représentants
sés est importante. Elle est
des usagers, des offices de tourisme, des communes, des can-
assurée par des mesures
tons et des organisations de protection de la nature a été mise en
différenciées qui tiennent
place. Elle s'est donnée pour but de définir ce que devrait être le
compte de la valeur na-
tourisme de demain sur la rive sud. Une vision a été rédigée qui
turelle des milieux,
de leur fragilité
et de leur
servira de cadre aux actions futures. Pour que cette région magnifique continue de rayonner au-delà des frontières suisses.
Florence Kupferschmid-Enderlin est rédactrice romande du
Magazine Pro Natura
Sur l’eau
Pro Natura Magazin 1/2010
Il existe en Suisse une bonne centaine de
piscines et établissements de bains publics au bord de lacs, rivières et étangs.
Les ports de plaisance helvétiques peuvent accueillir 30'000 bateaux à voile et
à moteur.
3,4 millions de Suisses vont nager, la plupart dans des établissements de bains.
100’000 personnes en Suisse ont déjà
fait du canyoning. Depuis l’accident du
Saxetenbach en 1999, la demande pour
des sorties de canyoning a chuté.
300’000 Suisses ont déjà fait du canoë.
C’est un nombre qui n’augmente pas.
500’000 personnes en Suisse ont déjà
fait de la voile, une activité plutôt en
recul.
On dénombre, en Suisse, environ 20'000
véliplanchistes. Leur nombre a tendance
à reculer.
12
dossier
« Les rappels à l’ordre sont nécessaires »
Garde-nature dans la réserve Pro Natura d’Aletsch, Bernhard Margellisch rencontre tous les jours de nombreux
promeneurs. Ce Valaisan de 62 ans en est persuadé: dans les zones protégées très fréquentées et sensibles, on ne
peut se passer de règles de comportement ni de surveillants.
Pro Natura: Chaque année, environ 70'000
touristes visitent la réserve naturelle d’Aletsch. Y
a-t-il des moments où cette affluence vous irrite ?
Bernhard Margellisch : Ça arrive effectivement! Surtout quand je vois tous les déchets abandonnés dans la nature. Je savais
déjà à l’âge de trois ans qu’il ne fallait pas
marcher dans les hautes herbes et ne pas
jeter de déchets. Une partie de nos visiteurs
ignorent ces règles élémentaires. Cela suscite en moi un sentiment d’agression et de tristesse: si l’on n’a pas d’égards pour
la nature, on n’en a pas non plus pour ses semblables.
Quelqu’un doit donc être là pour réprimander
certains visiteurs ?
Hélas oui! Malgré de gros panneaux d’avertissement interdisant de faire du feu, nous devons constamment éliminer des
foyers, ce qui a sans doute évité plus d’un incendie de forêt
dévastateur. Il y a quelques années, de nombreux moutons
ont été dévorés et l’on a immédiatement soupçonné la présence du loup. Les moutonniers ne se sont pas fait prier pour
nous invectiver, nous les «verts». Des analyses d’excréments
ont montré qu’il s’agissait de chiens. A partir du jour où cette information est parue dans les journaux, il n’y a plus eu un
seul mouton dévoré. Je dois régulièrement rappeler à des randonneurs de tenir leur chien en laisse dans la réserve. Dans
une zone aussi fréquentée et aussi sensible, les rappels à l’ordre sont nécessaires.
Vous êtes plutôt une sorte de policier ou un
préposé à l’information ?
Indéniablement, un préposé à l’information. Je ne passe
pas tout mon temps à réprimander les visiteurs, heureusement! C’est toujours avec grand plaisir que je renseigne
les promeneurs sur la faune, la flore ou le retrait des glaciers. Car on ne peut protéger que ce que l’on connaît. Globalement, ce travail est taillé sur mesure pour moi. J’ai une
relation étroite avec la nature, et aussi avec l’agriculture de
montagne.
Pro Natura
Susanne Schenker
à-propos
Rosmarie Eichenberger est membre
du comité central de Pro Natura
Le secret réside dans
la gestion du flux des
visiteurs
L’un des objectifs de Pro Natura est de faire découvrir
La sensibilisation suffit-elle ou faut-il aussi
délimiter des zones protégées interdites d’accès ?
les beautés de la nature à la population et de lui permettre de se détendre dans un cadre naturel. Comme le disait
Je me pose souvent la question. Il y a cinquante ans, il n’y avait
déjà Goethe: on ne voit que ce que l’on connaît. Et seul ce
aucune infrastructure touristique sur la Riederalp. Aujourd’hui, la
que l’on connaît a une valeur et mérite d’être protégé. La
Riederalp est couverte de constructions, et des téléphériques ou
connaissance de la nature et l’influence des expériences vé-
funiculaires desservent tous les sommets. Les espaces libres pour
cues dans la nature sont la base d’une véritable protection de
la faune ne cessent de se rétrécir. Si tous les être humains se com-
l’environnement. Néanmoins, les activités de loisirs exercent
portaient avec sensibilité, nous pourrions peut-être nous passer de
une pression croissante sur notre environnement. Toujours
zones protégées. Mais dans la réalité, cela reste un vœu pieu.
plus de personnes pratiquent les activités de loisirs les plus
diverses dans la nature. Les territoires préservés se raréfient
La pratique de nouvelles activités sportives en
vogue n’accentuent-elles pas la pression sur la
nature ?
En tant qu’avocate de la nature, Pro Natura a pour tâche de
C’est le cas en effet. Il m’arrive de plus en plus souvent de de-
ment vulnérable et des espèces animales sensibles aux dé-
de façon alarmante et les conflits d’intérêt sont inévitables.
prendre en compte les besoins de la végétation particulière-
mander à des vététistes de ne pas venir en forêt. Et il y a la
rangements afin de garantir leur protection.
mode des randonnées en raquettes. Je travaille aussi comme mo-
Si l’on veut permettre à la population de découvrir les beau-
niteur de ski et je dois régulièrement rendre attentifs des skieurs
tés de la nature tout en conservant des régions préservées, il
hors-piste à la nécessité de ne pas déranger la faune. Les cha-
est nécessaire d’exiger des restrictions. Il faut des zones inac-
mois, par exemple, dépensent sept fois plus d’énergie que la
cessibles à l’être humain, mais il faut aussi davantage de
normale lorsqu’ils doivent fuir devant des skieurs. Beaucoup de
chemins et d’itinéraires balisés. Pour que les règles édictées
gens ne sont pas conscients de ce genre de choses.
puissent être acceptées, il faut mettre en œuvre une stratégie
habile sous la forme d’une gestion du flux des visiteurs. Les
Evoquez-vous aussi les équilibres naturels à plus
grande échelle avec les visiteurs ?
nalisés aux endroits où le dérangement occasionné n’a que
J’aime montrer aux visiteurs l’évolution de la moraine du gla-
peu d’impact.
cier – quelle était sa hauteur il y a 150 ans – pour leur faire pren-
Dans les réserves naturelles, une bonne gestion du flux des
dre conscience des effets du réchauffement climatique. J’essaie
visiteurs est assurée par une signalisation claire des che-
sportifs et les personnes en quête de détente doivent être ca-
alors de les persuader que chacun, à son niveau, peut agir pour
mins, par des passerelles et des postes d’observation offrant
freiner cette évolution.
un bon point de vue sur un coin de nature préservé. Il importe aussi de collaborer avec des organisations et des prestatai-
Quel est votre état d’esprit par une belle matinée
d’été ou d’automne alors que des centaines de
randonneurs vont affluer vers la réserve naturelle ?
Enfin, l’environnement résidentiel et les aires d’agrément aux
Je me réjouis chaque jour de voir tout ce monde venir ici! J’aime
alentours des villes doivent aussi être aménagés de façon à ce
res proposant des activités de loisirs afin de clarifier les différents besoins et de trouver ensemble de bonnes solutions.
la nature, mais aussi les gens. Je fais mon métier avec conviction,
qu’on puisse se retrouver dans la nature tout près de chez soi.
passion et plaisir. J’aime aller à la rencontre de l’autre pour aider
De telles mesures permettent de garantir que les multiples
ou renseigner. Si, sur dix personnes, deux retiennent quelque cho-
activités de loisirs dans la nature puissent s’exercer avec le
se de ce que je leur dis et en parlent autour d’elles, c’est gagné!
moins d’impact négatif possible. Et qu’un grand nombre de
Interview : RAPHAEL WEBER, rédacteur en chef du Magazine Pro Natura
personnes puissent profiter des beautés de la nature.
Pro Natura Magazine
Magazin 3/2009
1/2010