La Relation Président-Directeur - Jean

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La Relation Président-Directeur - Jean
Juris Associations
La relation Président Directeur
Journée des Présidents
Mercredi 8 Novembre 2000
Assemblée Nationale
La Relation Président-Directeur
Quelle répartition des compétences
au sein des associations
?
Jean-François PEPIN
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Consultant en Management des O.S.B.L
JURIS -ASSOCIATIONS
Mesdames, Messieurs les Présidents,
En cette fin d’année 2000, « l’action associative » se déroule dans un environnement juridique, social
et économique de plus en plus complexe. En témoigne, si besoin est, le thème que vous venez de
débattre à l’instant «La prévention des risques des élus locaux du fait de leur participation aux
associations du réseau Habitat et Développement ».
Heureusement, le sujet dont nous allons parler maintenant est visiblement moins angoissant et sans
doute moins traumatisant que les questions précédentes : délit de favoritisme - concurrence déloyale
et prise illégale d’intérêt.
Nous disposons d’une heure pour tenter ensemble de répondre à une question apparemment simple :
Sachez que cette problématique se pose aujourd’hui dans toutes les structures loi 1901 qui ont le
statut d’employeur.
En effet, de toutes les formes d’organisations, l’association est probablement celle dont le pilotage est
le plus original et son aspect le plus complexe réside sans nul doute dans la maîtrise de la relation
entre Président et Directeur.
En ce domaine, deux modes d’interrogations sont possibles :
- Soft : Comment optimiser les relations entre Bénévoles et salariés au sein des associations ?
- Hard : Président (bénévole) Directeur (salarié) qui dirige ?
Dans les deux cas, la question centrale est la suivante :
-Comment fuir la confusion des rôles pour lui préférer la complémentarité des fonctions ?
Vous l’avez compris, la question qui nous est posée en cette fin d’après-midi, c’est la question du
sens que chacune des composantes de ce binôme donne au « trait d’union » qui relie habituellement
les termes Président et Directeur.
Mais un simple « trait d’union » entre deux rôles différents suffit-il à les transformer ipso facto en
fonctions complémentaires ?
Oui, à condition que chacune des parties s’accorde avec l’autre sur la nature même de « la » relation.
L’étymologie du mot « relation » renvoie à 3 autres concepts :
- Le premier est la notion de « rapport ». Cette définition est intéressante parce qu’elle veut dire
qu’il y a une action d’ajouter quelque chose. On parlera de « valeur ajoutée ».
- La deuxième définition qui est donnée à la relation, c’est l’action de relater. On parlera de
« rendre compte ».
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Auteur d’un rapport d’étude « Promouvoir l’Engagement Associatif », réalisé à la demande de la Ministre de la Jeunesse et
des Sports, dans le cadre des premières Assises Nationales de la Vie Associative
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- Et puis la relation est souvent décrite comme un « lien ». Ces liens, nous dit Vincent Lenhardt ,
sont de quatre types : un lien de dépendance, de contre dépendance, d’indépendance et d’inter
dépendance. La difficulté vient du fait que chacun des acteurs peut se trouver, en tant qu’individu,
à un stade différent de son propre développement.
Vous le voyez, nous sommes d’emblée au cœur de la complexité. Tout système relationnel
(notamment celui de la délégation) entre personnes est un processus ambigu et dont la complexité est
ici renforcée par la dualité du statut de chacun des acteurs.
Cette dualité se caractérise au travers de 4 items que je vous propose d’examiner plus en détail
maintenant :
q La relation entre Président et Directeur : une affaire de LEGITIMITE.
- Le premier s’est vu confier un mandat d’administrateurs par l’Assemblée générale : il a le pouvoir
d’orientation et de décision stratégique que lui confère sa légitimité institutionnelle.
- Le second a été recruté sur des critères techniques : il a pour seule légitimité sa compétence
professionnelle.
En fait deux logiques complémentaires (donc différentes) :
- Un mandat électif basé sur le volontariat (principe de libre contribution).
- Une fonction basée sur un lien de subordination (obligation de résultats).
Quelle répartition des compétences pour quel partage des pouvoirs ?
q La relation entre Président et Directeur : une affaire de RESPONSABILITÉ.
« …Tout homme en tant que responsable est à la fois responsable « de » et responsable
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« devant »… »
En sa qualité d’élu, le Président est responsable du « projet associatif » (c’est-à-dire des missions
choisies) devant l’assemblée générale des adhérents.
Le Directeur est, quant à lui, responsable devant les administrateurs des ressources mises à sa
disposition en vue d’atteindre les objectifs que les élus lui ont fixés.
Au cœur de la relation Président-Directeur se trouve l’exigence de la responsabilité collégiale c’est-àdire être capables de répondre « ensemble » aux questions opérationnelles (maîtriser les techniques),
relationnelles (animer les hommes) et aux questions de sens (connaître les finalités).
En premier, une responsabilité d’ordre juridique !
Les fonctions du Directeur s’exercent toujours sous la subordination juridique de son employeur (le Président ou
le conseil d’administration).
Les administrateurs d’une association, qu’ils soient élus ou désignés par les statuts, sont considérés comme des
mandataires sociaux. Leurs pouvoirs sont définis par les statuts ou dans le cadre de délégations spécifiques
accordées par un organe de l’association. En tout état de cause, « il est un principe fondamental selon lequel cet
organe ne peut déléguer que les pouvoirs qu’il détient ».
La notion de Dirigeant de fait
Cette qualification s’applique aux personnes qui, n’étant pas investies légalement, statutairement ou par
délégation de pouvoir, exercent dans les faits, effectivement, le pouvoir de diriger, d’administrer, de gérer et de
contrôler l’activité et le fonctionnement de l’association.
« …À partir de l’analyse de la jurisprudence, il apparaît que le dirigeant de fait est celui, qui sans avoir la qualité
de dirigeant de droit, intervient de façon active dans la direction et la gestion d’une personne morale pour
influencer directement sur celle-ci de manière déterminante… »4.
q La relation entre Président et Directeur : une affaire de MANAGEMENT.
« … Le management, c’est penser la gestion en termes de projet, c’est parvenir à asservir l’ensemble
des techniques d’organisation à la réalisation d’un objectif : c’est l’art de faire ce qu’il faut pour que le
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résultat visé soit atteint… »
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les responsables porteurs de sens, INSEP
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Le temps des responsables - A. ETCHEGOYEN, Juilliard
B. CLAVAGNIER -JURIS N°97 Manager vos associations, C.ROCHET, Calmann-Levy
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Compétence, autorité, habileté et efficacité sont des qualités nécessaires mais pas suffisantes à elles
seules pour mener à bien une entreprise (quel que soit son statut).
Diriger une organisation (à vocation marchande ou non) signifie « donner du sens » à l’action. Elle
exige de savoir faire partager une « vision mobilisatrice » c’est-à-dire orienter, montrer la direction à
suivre.
q La relation entre Président et Directeur : une affaire de POUVOIR.
« …Le pouvoir d’un dirigeant, auteur de décisions que devront mettre en œuvre des acteurs sociaux,
est composé de trois catégories indépendantes mais cumulables de pouvoir : le pouvoir statutaire, le
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pouvoir de fait et la charisme… »
Au sein des associations, les sources du pouvoir reposent essentiellement sur 3 formes de légitimité :
- La légitimité institutionnelle des administrateurs qui s’appuie sur le droit exprimé dans les
statuts, c’est-à-dire un ensemble de règles formelles et explicites auxquelles acceptent de se
soumettre l’ensemble des adhérents.
- La légitimité charismatique qui renvoie à un aspect informel de l’association : celui des relations
inter personnelles fondées sur la reconnaissance de qualités particulières chez certains acteurs
promus ainsi personnes importantes dans l’association. (Le fondateur ou les membres d’honneur
remplissent souvent ce rôle).
- La légitimité d’expertise qui repose sur la notion de compétences identifiées et reconnues chez
un acteur. Celles-ci sont souvent d’ordre technique, mais peuvent également être du domaine
relationnel. C’est la reconnaissance qui fonde ce type de légitimité.
Au cœur de la relation « Président-Directeur » se trouve donc la question du « sens » : Sens de
l’engagement bénévole et sens du métier exercé ?
Dès lors, avoir une représentation partagée de la « relation Président -Directeur » permet de faciliter
les échanges.
Certes, toute représentation théorique est naturellement réductrice, mais le recours à un modèle
traduit une volonté d’explication pédagogique et poursuit l’objectif d’appropriation d’un référentiel
commun.
Tentons par exemple de comparer la représentation de l’exercice d’un métier (celui de Directeur par
exemple), avec celle de l’exercice du mandat (celui de Président).
En occupant toute sa place (mais rien que sa place) le Directeur salarié s’affirmera dans son métier de
« professionnel au service d’élus bénévoles » comme un véritable acteur pour qui la confusion des
rôles est synonyme d’incohérence et la complémentarité des fonctions est au contraire, symbole de
« valeur ajoutée ».
Dans une société où les femmes et les hommes veulent vivre la solidarité (et pas seulement la
compétition et la concurrence d’ordre économique), l’engagement bénévole des Présidents (dont il
convient d’encourager et de faciliter l’exercice du mandat) demeure une des expressions vivantes et
concrète de la citoyenneté.
POUR CONCLURE :
Au sein des associations Habitat et développement, optimiser la relation Président-Directeur c’est
d’abord reconnaître qu’ils sont ensemble au service d’un Projet commun.
Penser ensemble un mode spécifique de gouvernance
« Les entreprises sans but lucratif » que sont les associations Habitat et Développement, doivent au
sein d’équipes dirigeantes mixtes, savoir mobiliser des compétences spécifiques (donc différentes)
issues à la fois de « savoirs faire professionnels » et de contributions bénévoles.
L’existence d’une double hiérarchie interne est une caractéristique particulière à ce secteur. Le
dynamisme de cet ensemble managérial bicéphale dépend du bon équilibre de ces deux formes de
légitimité ; son efficacité résulte d’un compromis perpétuel renforcé par le fait que les administrateurs
bénévoles sont par leur élection même, en situation d’acteurs temporaires au regard des salariés dits
permanents. En cas de désaccords profonds sur les choix stratégiques, les seconds seront conduits à
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P.GOGUELIN, Professeur au CNAM
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s’adapter ou à s’effacer devant les volontés des « seuls réels dirigeants » de ces entreprises que sont
les administrateurs élus par l’assemblée générale de l’association.
Dès lors, comment prolonger utilement la réflexion initiée ce jour, lors de cette première
journée des Présidents ?
Nous ne pouvons que recommander ce qui a déjà été réalisé dans d’autres organisations
comparables à la vôtre :
Créer les conditions d’un travail « en commun », au sein d’un groupe mixte (Présidents et Directeurs),
avec pour objectif de proposer un canevas de réflexions sur le thème : Au sein des associations
affiliées à la Fédération Habitat & Développement, comment fuir la confusion des rôles, et ainsi
optimiser la complémentarité des fonctions entre Président et Directeur ?
Je vous remercie de votre attention.
Jean-François PEPIN
QUESTIONS DES PARTICIPANTS
Q. Au début, vous avez dit qu’il fallait éviter le non-dit pour éviter la
confusion des rôles et privilégier la complémentarité des fonctions.
Par rapport à tout cela, que peut-on mettre dans un règlement
intérieur, que peut-on mettre dans un contrat de travail en matière
de limitation du non-dit, de complémentarité des rôles et des
fonctions ?
JFP – Un règlement intérieur n’est opposable qu’aux membres de l’association, tout comme
les statuts d’ailleurs. Dès lors, le Directeur n’étant pas adhérent, cette procédure ne me
semble pas adéquate au plan du droit du travail notamment.
Dans le contrat de travail, par contre, cela peut parfaitement y figurer ; mais l’expérience
montre que la rédaction de «contrat type », ces notions «dites qualitatives » sont peu
souvent prise en compte. D’une part car les juristes privilégient les aspects contractuels
objectifs c’est-à-dire observables et quantifiables. D’autre part, car les administrateurs ont
rarement pris le temps de réfléchir avant le recrutement à ces aspects « qualitatifs » qu’ils
découvrent bien souvent après l’embauche, à l’occasion par exemple d’un conflit « ouvert ou
larvé » sur la confusion des rôles des uns avec les autres.
Pour ma part, je préconise la rédaction attentive d’un « préambule au contrat » qui spécifie
« l’esprit » dans lequel doit s’exécuter le contrat. La jurisprudence admet de plus en plus ce
recours, notamment dans des structures associatives où chacun sait que la répartition des
compétences entre le Directeur et le Président peut poser problème à un moment ou à un
autre.
Mais comme je l’ai dit en conclusion de mon exposé liminaire, cela ne peut se faire que dans
la mesure ou les administrateurs ont pris le temps d’anticiper une telle réflexion. Dans le cas
précis de votre Fédération, il pourrait s’agir d’un groupe commun « Présidents Directeur »
qui définirait les aspects qualitatifs d’une telle relation entre les administrateurs bénévoles et
les cadres salariés.
Q. On est souvent Président de plusieurs organismes où l’on voit des modes différents de
fonctionnements. Les pouvoirs doivent être gérés. Or souvent les fonctions n’ont pas été
prises en même temps. Certains sont là depuis longtemps, d’autres arrivent. Vous avez dit
qu’il faut pouvoir en parler. Mais avec le temps et les habitudes, il n’y a rien d’écrit.
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JFP – Vous avez raison, et l’important, c’est bien de commencer à en parler, car c’est le
début d’une prise de conscience. L’intérêt du travail qui a été initié cet après-midi par votre
Fédération, c’est celui de la prise de conscience collective que de tels problèmes pouvaient
exister et qu’il fallait anticiper les réponses adéquates pour y remédier le cas échéant.
C’est la raison pour laquelle j’ai proposé qu’un travail en commun soit réalisé entre
Présidents et Directeur pour émettre un premier canevas de réflexions sur ce qui constitue,
j’espère vous en avoir convaincu, le cœur opérationnel du management spécifique de toute
organisation associative.
FIN