Académie de Rouen Année scolaire 2015-2016

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Académie de Rouen Année scolaire 2015-2016
Académie de Rouen
Année scolaire 2015-2016
Pratiques numériques actuelles et enseignement des arts plastiques (pratiques mobiles,
pratiques interactives, virtualité, déplacement des prises en compte du corps, du temps, de
l'espace...)
Le Groupe de cette année scolaire était constitué de cinq enseignants volontaires qui
avaient accepté de développer des pistes pédagogiques répondant à l'intitulé du TraAM.
Une réunion a eu lieu le 5 octobre 2015 en présence de madame Annie Boulon-Fahmy, IaIpr de l'académie de Rouen. Ce moment d'échange a été l'occasion de fixer les objectifs de travail
et de dégager une problématique afin de développer des recherches pédagogiques sur un axe
commun. La question suivante a alors été rédigée:
" Comment et en quoi la présentation et la représentation de soi, interrogées par les pratiques
numériques, peuvent devenir une démarche plastique et artistique?"
Le but du travail du groupe a été de mutualiser des pratiques pédagogiques innovantes
répondant à la problématique définie. Tous les collègues engagés ont mis en œuvre des séquences
pédagogiques nouvelles dans leurs établissements respectifs en collège et en lycée. Ces séquences
ont donné lieu à la rédaction de fiches de cours qui seront diffusées par le biais du site académique
disciplinaire.
Au mois de février, un premier bilan amène l'ensemble de l'équipe à constater l'usage de
plus en plus fréquent du smartphone dans les séquences pédagogiques comme outil de création
mais également de publication, dans les lycées et de plus en plus au collège. Cela permet de
confirmer une tendance déjà observée depuis quelques temps sur la récurrence de l'usage du
téléphone mobile en classe dans le cadre des arts plastiques.
Cette discipline est sans doute celle qui en développe l'usage de manière de plus en plus
systématique.
A propos de l'usage des technologies numériques institutionnelles ou privées, je saisis
l'occasion d'évoquer l’enquête réalisée cette année par le pôle de compétence disciplinaire de
l'académie de Rouen sur l'équipement et l'usage du numérique dans la séance d'arts plastiques.
Cette synthèse a pour but de rendre compte d'un état des lieux de l'équipement numérique
des salles d'arts plastiques de l'académie de Rouen. Il est probable qu'elle reflète une réalité
nationale. Elle est un élément de plus pour alimenter notre réflexion sur l'usage du numérique par
les élèves dans la leçon d'arts plastiques confronté aux questionnements des programmes
d'enseignement de notre discipline.
http://arts-plastiques.spip.ac-rouen.fr/spip.php?article381
On pourrait d'ores et déjà se questionner sur les liens forts existants entre l'usage du
smartphone dans les séquences d'arts plastiques interrogeant des problématiques liées au
portrait, à l'autoportrait, à la réalité et à la fiction par exemple.
En plus des échanges de courriels réguliers, un moment d 'échange présentiel des membres
du groupe a eu lieu au mois d'avril pour engager une réflexion autour des résultats du travail
réalisé avec les élèves et les enseignements qui en découlent.
Voici un aperçu du travail pédagogique engagé cette année :
Travail de Mme Françoise Hellard, enseignante en collège :
Aux téléphones, collégiens !
Ce sujet exploite les problématiques de l'appropriation, grâce au smartphone de l'espace du
collège en tant que citoyen et la mise en image des valeurs citoyennes dans la communauté
scolaire.
Il permet une utilisation créative de l'écran du smartphone. La combinaison obtenue entre
l'écran du smartphone et l'espace environnant du collège devient un collage signifiant mettant en
jeu la question du cadrage photographique ; la conception et la création d'images
photographiques interrogeant, entre sérieux et humour, les symboles républicains (de l’égalité, du
respect, de la fraternité, de la justice…)
Production d'élève
Production d'élève
Production d'élève
Production d'élève
Travail de Mme Charlotte Valais Sens, enseignante en collège :
Mouvement immobile
Cette séquence exploitent les relations entre le cadre et le mouvement. Comment
confronter le statisme de l'image avec le mouvement induit par un support numérique ? Comment
inventer une scénographie à partir des mouvements et des déplacements du cadre ? Cette
séquence s'employait à explorer les gestes, mouvements et déplacements dans leur relation à
l'espace.
Filmer avec le téléphone portable, notamment le Smartphone, est devenu une pratique
courante dans notre rapport à l’instant, aux événements, aux moments même où on les vit.
En effet, le but initial de ce dernier s’est modifié, sans doute par l’évolution de notre mode de
communication
via
la
conception
que
l’on
en
fait
!
Par ailleurs, la première fonction d’un mobile pour un adolescent est sociale. Il lui permet,
par des réseaux sociaux, de rester connecté à distance aux autres par le partage d’images et de
vidéos. Et donc d’avoir le sentiment de vivre « l’instant T », aussi virtuel soit-il, avec son entourage.
Mais d’entrevoir le monde à travers un écran, comme la continuité de notre regard,
n’amènerait-il pas à percevoir une autre réalité ?
Ainsi la séquence proposée devait prendre en compte les données suivantes :
- La perception de l’espace et du temps comme éléments constitutifs de l’œuvre (environnement /
instantanéité / mise en scène, l’espace scénique et ses composants …)
- L’expérience sensible de l’espace : le point de vue (fixe ou mobile), les différents rapports entre le
corps de l’auteur et l’œuvre (geste, posture), le lien entre le corps du spectateur et l’œuvre (être
devant, dedans, déambuler, interagir)
Production d'élèves
(Vidéo / Capture séquentielle)
Production d'élèves
(Vidéo / Capture séquentielle)
Travail de Mme Caroline Huard, enseignante en collège :
Je me présente sans (trop) me montrer.
Cette séquence proposée à des élèves de troisième fait suite à un travail sur l’adaptation du
corps de l’artiste au lieu de création et au support. Cette adaptation qui influe sur l’œuvre ellemême (outil, geste, rendu …). Pour continuer de se questionner sur l’implication du corps de
l’artiste dans son propre travail, il s’agit d’interroger alors la dimension intimiste de l’artiste. Les
élèves qui sont habitués à faire des selfies (déviance de l’autoportrait) vont apprendre à se
présenter au-delà de leur apparence physique. Sur les selfies, comme dans ce travail les élèves se
présentent mais sont davantage dans une démarche de représentation dans la mesure où ils
maîtrisent leur image de façon plus réfléchie : leur apparence, les caractéristiques qu’ils souhaitent
faire ressortir. Il s’agit de questionner cette tension entre présentation et représentation tout en
l’interrogeant à travers un processus de production de l’image numérique. Ce procédé donnera à
leur image une dimension plus artistique dans la mesure où s’installe une véritable démarche
intimiste, réflexive et créatrice : recherche, interrogation sur soi, prise de vue réfléchie, travail
numérique sur les images.
Production d'élève
Travail de M. Sébastien Kirch, enseignant en Lycée
Réfléchissez ! Ou l'image « abymée »…
Cette séquence a été proposée à des élèves de 1ère L, enseignement de spécialité abordant
les entrées du programme : figuration et construction et figuration et temps conjugués.
Elle imposait l'usage du smartphone de la prise de vue à la publication et invitait les élèves à
s'interroger sur la mise en abyme de leur propre image et sur les deux sens du mot réfléchir, entre
reflet et réflexion. Leur production impliquait obligatoirement l’usage de leur mobile (Prises de vue,
mise en scène, interventions plastiques, publication, …)
L'incitation amenait les élèves à proposer un dispositif plastique capable de mettre en
abîme leur image. « Leur image » étant à comprendre ici comme l’image d'eux-même ou l’image
qu'ils produisaient.
Le dispositif ainsi imaginé impliquait nécessairement une « réflexion » de la part du
spectateur. le choix de faire travailler les élèves par binôme était justifié par le dispositif
réfléchissant (auteur/acteur)
Productions d'élèves
Travail de M. Laurent Delaloy, enseignant en collège.
La réalité côtoie la fiction ! (Ou l'inverse)
Cette séquence impliquait l'usage du smartphone et a amené les élèves d'une classe de
troisième à s'interroger sur la différence entre réalité et fiction, sur la relation qu' entretiennent ces
deux questions et sur les possibilités plastiques, sémantiques et poétiques inhérentes à
l'incrustation d'une image vidéographique dans la réalité.
Les élèves ont réfléchi aux liens visuel, sonore, spatial, temporel, scénique, narratif qu'ils
pouvaient instaurer entre la séquence incrustée et le réel environnant.
Les élèves ont été amené à se poser les questions suivantes :
- Quelle serait la manière la plus pertinente d'incruster ce cadre diffusant une vidéo dans le
cadre de la vidéo filmée ?
- Quels liens visuel, sonore, spatial, temporel, scénique, narratif pouvez-vous instaurer entre
la séquence incrustée et vous-même ?
- Quel sens poétique peut se dégager du jeu entre vous et l'image de vous diffusée par
l'écran du premier smartphone ?
Il s'agissait d'une réflexion sur l'espace de l'image et la narration, l'élève devant créer du
sens en enserrant la séquence vidéographique d'un smartphone dans une mise en scène qu'il
élaborait.
Cette mise en scène avec incrustation était alors captée dans sa globalité avec un autre
smartphone ce qui permettait de mettre en tension ce qui était diffusé dans le smartphone et ce
qui se déroulait autour.
En jouant sur les décalages spatiaux, temporels et sonores, l'élèves était confronté à des
questions de mise en abîme, de virtualité et de narration. Les travaux réalisés répondaient à
diverses problématiques.
En voici quelques exemples :
- celle de la démultiplication (dispositif montrant une élève qui se filme
en posant des questions à une sorte de double
qui laisse le smartphone répondre à sa place)
- celle du cadre (dispositif associant la limite physique
de l'écran à l'idée du cadre et à celle de l'espace)
- celle ou le smartphone devient acteur de la narration
(dispositif dans lequel le corps de l'élève qui danse est séparé
en deux par la présence du smartphone
considéré lui-même comme un personnage)
- celle de
la fiction
(voire de
la
sciencefiction)et
de la
réalité
banale
(dispositif mettant en jeu une scène banale qui devient
étrange en se prolongeant dans un autre smartphone )
- celle du
langage
(dispositif
dénonçant l'influence
du langage sur les enfants)
Réflexion autour de
l'usage du smartphone
" Comment et en quoi la présentation et la représentation de soi, interrogées par les pratiques
numériques, peuvent devenir une démarche plastique et artistique?"
Cette problématique sur la présentation et la représentation a conduit l'ensemble des
collègues du groupe à recourir à l'usage du smartphone dans leur séance de cours.
L'usage ce type de matériel est très récent. Son apparition est un aboutissement logique de
l'évolution du matériel informatique de puis de nombreuses années.
Aujourd'hui, il est devenu l'accessoire indispensable d'un grand nombre d'individus.
Il est important de s'interroger sur l'intérêt de l'usage du smartphone dans le cours d'Arts
plastiques. Cette solution BYOD (Bring your own device, apporte ton propre matériel) ne vient-elle
pas s'imposer dans un contexte économique moins favorable que prévu ?
1) Un peu d'histoire
Il y a une vingtaine d'année, les établissements scolaires ont vu leur équipement
informatique évoluer en quantité et en qualité. Les collèges et lycées se sont vus équiper de postes
informatiques plus ou moins performants au début. Internet et les réseaux informatiques se sont
développés dans les établissements La fin des années quatre-vingt-dix a vu l'émergence et
l'évolution de la photo numérique.
Parallèlement, la téléphonie mobile s'est répandue progressivement jusqu'au 29
juin 2007, date à laquelle la marque Apple à commercialisé l'iPhone®.
Ce modèle de téléphone dont l'interface a été conçue autour d'un écran tactile capacitif
multipoint, dispose d'un appareil photo qui fonctionne également comme une caméra, d'un
système de géolocalisation intégré permettant une localisation en quelques secondes ainsi que
d'un logiciel de cartographie numérique inclus, d'un iPod® intégré qui permet d'écouter et de
télécharger de la musique, d'un client Internet pour naviguer sur le Web ou envoyer et consulter
son courrier électronique, d'applications bureautiques et de fonctions élémentaires telles que les
SMS et les MMS. Ce smartphone dispose aussi de la messagerie vocale visuelle comme mode
d'accès à la messagerie vocale et de l'Appstore®, la plate forme de téléchargement qui permet de
télécharger des applications, allant des jeux aux utilitaires en passant par la télévision et la presse
électronique. Si l'iPhone® n'est pas historiquement le premier smartphone. L'année 2001 a vu le
lancement du WA3050 de Sagem® qui fut l'un des premiers à combiner les fonctions d'un
téléphone mobile et d'un PDA (assistant digital personnel tactile). Il reste l'appareil qui a
transformé le marché des téléphones intelligents en consommation de masse. (source wikipédia)
2) quelques chiffres
Aujourd'hui, les téléphones mobiles sont presque tous des smartphones tactiles qui offrent
à peu près tous les même services.
Parmi les 18-24 ans, 90% possèdent un smartphone, contre 79% pour les 25-39 ans. Et la
pénétration de ces terminaux continuera de progresser. Car comme le mesure l'INSEE, trois
téléphones mobiles sur quatre achetés sont des smartphones.
Côté usages, les plus équipés en smartphones et tablettes sont aussi ceux qui se
connectent le plus à Internet (99 à 100% pour les moins de 24 ans). Autre précision : 90% des
Français de cette tranche d'âge se connectent à Internet depuis leur téléphone (52% en moyenne
pour les Français avec mobile). Pour le courrier électronique, c'est 83%, et le téléchargement
d'applications 86%. (source zdnet.fr)
source zdnet.fr
Il apparaît certain aujourd'hui que le smartphone est devenu un objet dont les êtres
humains ne semblent plus pouvoir se passer.
3) Le smartphone et l'adolescent : Jamais sans mon mobile !
“Je ne peux pas quitter la maison sans mon portable. C'est pire que d'oublier un bouquin
pour un cours de maths. Je m'en sers comme réveil le matin et j'écoute de la musique pendant
tous mes trajets. Je réponds à mes premiers sms avant d'arriver au lycée et ma mère m'appelle au
moins trois fois par jour.” Maude, 15 ans, résume ainsi sa journée, portable en main.
Comme la plupart des ados en France (70 % des ados de plus de 12 ans ont un téléphone
portable et 95 % des 15-17 ans sont équipés), elle se sent complètement perdue sans son
téléphone. C'est pour envoyer des SMS (ou textos) qu'elle l'utilise le plus souvent : 70 % des ados
envoient au moins un SMS par jour (Source : étude TNS pour e-Enfance, 2009).
Dominique, sa mère, ne comprend pas bien qu'elle soit à ce point accro à ces minimessages :
“Elle est sans cesse en train d'en envoyer à ses copines du lycée qu'elle vient de quitter. Et le
week-end, elles organisent de la même façon leurs rendez-vous chez les unes et les autres.”
L’appareil à tout faire…
Son portable lui permet aussi d'écouter de la musique : les fichiers MP3 partagés ou
achetés et la radio l'accompagnent toute la journée. Multimédia, son téléphone est aussi un
appareil photo avec lequel elle peut également filmer de courtes vidéos : c'est le troisième des
usages plébiscités par les jeunes.
Ces images sont échangées sous forme de fichiers par SMS ou Bluetooth (réseau personnel
gratuit qui permet des échanges entre deux téléphones dans un périmètre de quelques mètres).
Elle les publie ensuite sur son blog ou son profil Facebook, les charge sur son ordinateur puis les
échange par messagerie instantanée.
Équipée depuis son entrée en sixième, Maude a demandé récemment à ses parents un
nouveau smartphone pour pouvoir regarder ses séries préférées désormais incluses dans certains
forfaits (source : internetsanscrainte.fr)
4) Le smartphone, outil de captation et de communication et support de stockage et de
présentation au service d'une pratique artistique.
Sur les cinq séquences proposées par les collègues de ce groupe TraAM, toutes requièrent
l'usage du smartphone. Trois d'entre-elles posent la question de l'image de soi, une autre celle de
l'appropriation d'un lieu et une autre celles du mouvement et du statisme.
Quelque soit le questionnement engendré, l'enseignant a choisi de faire utiliser cet appareil
pour des raisons qui peuvent diverger. Cela peut être un choix délibéré lié aux qualités intrinsèques
de cet objet technologique ou bien un choix répondant à un défaut d'équipement en appareils
photo numériques de sa salle d'arts plastiques, ces deux raisons pouvant bien sûr coexister.
Mais au delà de ces préoccupations matérielles, le smartphone possèdent des
composantes affectives qui alimentent une relation forte avec celui qui le possède. Il n'est pas
surprenant d'observer que les séquences de cours puissent être centrées sur l'image de soi,
comme si le smartphone invitait un peu à l'introspection.
Il n'est pas surprenant non plus que les enseignants d'arts plastiques s'en soit emparé. Cet
appareil permet à l'élève de mettre en jeu des questions liées à la photographie, à la vidéo, à
l'animation, à la présentation, à la collection, à l'espace virtuel, à l'intimité, à l'autoportrait, etc
Néanmoins, même si le coût de ce type d'appareil a considérablement diminué, sa
démocratisation globale n'est toujours pas assurée. Suivant les profils socio-culturels des
établissements scolaires et des élèves, il est notable de constater que les enfants ne sont pas
équipés de manière équivalente. En collège, les élèves de troisième sont équipés de façons très
variées ; certains ne possèdent pas de smartphone, d'autre possèdent des modèles caduques ou
dysfonctionnant et certains au contraire arborent fièrement le dernier cri de la technologie des
smartphones. C'est la première fois que l'on peut observer un tel glissement de l'usage de
matériel de la sphère privée vers la salle de classe dans le cadre des cours d'arts plastiques.
Laurent Delaloy, IAN Académie de Rouen, juin 2016

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