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LE RECOUVREMENT D’ACTIFS À LA SUITE DU PRINTEMPS ARABE :
COOPERATION OU CONFUSION?
Depuis le Printemps Arabe, les nouveaux Gouvernements ont
lutté pour recouvrer les importantes sommes d’argent
détournées par les régimes précédents – des fonds essentiels
pour la reconstruction de leurs pays. La situation en Egypte et
en Tunisie illustre les défis que constituent l’identification et le
rapatriement des actifs publics. Selon la Banque Mondiale, il y
a actuellement huit séries de poursuites engagées en relation
avec ces efforts, dont une grande partie en Europe et en
Amérique du Nord, où les actifs sont situés.1 Bien que
chaque procédure soit unique, toutes les procédures
s’appuient sur la Convention des Nations Unies Contre la
Corruption (« CNUCC ») qui oblige les Etats Parties à
« [s’accorder] mutuellement l’entraide judiciaire la plus large
possible »2 afin de localiser et rapatrier les actifs liés au
blanchiment de capitaux ou au détournement de fonds.
Théoriquement, le processus est simple : les autorités dont
les actifs ont été détournés soumettent une demande
d’entraide judiciaire aux autorités de l’État dans lequel ces
actifs sont situés (le « forum étranger »), lui demandant
notamment le gel de tout fonds ou propriété lié à la corruption.
Entre-temps, les nouvelles autorités traduisent en justice les
anciens fonctionnaires et leurs agents au titre du crime sousjacent. Les autorités poursuivent ensuite l’exécution du
jugement au sein du forum étranger. En pratique, tout cela est
toutefois bien plus difficile.
MAY 2013
après la chute de Ben Ali, les autorités canadiennes ont
annoncé au Gouvernement tunisien qu’elles n’étaient pas en
mesure de geler les actifs de Ben Ali ou de ses collaborateurs
sans que ne soit fournie la « preuve d’une infraction
substantielle liée aux fonds ».8
Cela va au-delà de ce qui est généralement requis par les
juridictions de common law, dans lesquelles les actifs peuvent
généralement être gelés sur la base de la preuve d’un « motif
raisonnable de croire » (reasonable grounds to believe) ou
d’une « cause probable » (probable cause).9 Certaines
juridictions prévoient également le gel des actifs lorsqu’un
« risque de dilapidation » existe.10 En réclamant une preuve
qui n’émerge typiquement que lors du procès, les positions
prises initialement par le Royaume-Uni et le Canada ont créé
une sorte de cercle vicieux, puisque sans décision sur le gel
d’actifs, ceux-ci peuvent disparaître avant la fin d’un procès.
En effet, et tel que l’a indiqué l’Egypte dans une note verbale
adressée aux Nations Unies en octobre 2011, la CNUCC
« distingue entre les demandes de gel et de saisie en général,
et celles œuvrant à l’identification des revenus criminels en
particulier ».11 Les deux procédures n’étant pas identiques, les
critères qui leur sont applicables n’ont pas à l’être non plus.
Pour la Tunisie du moins, la situation est peut-être d’ores et
déjà dommageable. Trois mois après l’éviction de Ben Ali, le
Canada a adopté une loi assouplissant les restrictions
applicables en matière de saisie. Un an plus tard, cependant,
seulement 2,5 millions de dollars américains ont été saisis. Un
porte-parole du Ministère des Affaires Etrangères du Canada
a reconnu que « [cela] semble un montant assez faible », et
que «beaucoup de gens ont exprimé leur surprise ».12 Des
critiques n’ont pas manqué d’être exprimées en retour sur le
fait que le clan Ben Ali avait probablement dilapidé les actifs le
temps que les autorités canadiennes réagissent.
Un manque de clarté légale conduisant à un risque de
dispersion des actifs
L’un des obstacles rencontrés a été la confusion quant aux
circonstances dans lesquelles les autorités étrangères ont
autorité pour agir. La Suisse par exemple, longtemps critiquée
pour son secret bancaire, a gelé des actifs liés à Ben Ali et à
environ quarante de ses collaborateurs moins d’une semaine
après sa chute.3 Pour ce faire, les autorités ont cité un article
de la Constitution suisse les autorisant à prendre toute
mesure visant à « protéger les intérêts du pays ».4 De même,
l’Union Européenne a rapidement accepté de verrouiller les
actifs de Ben Ali, Moubarak, et plusieurs de leurs
collaborateurs.5
Identification des comptes : qui est responsable?
Même lorsque les États étrangers se montrent coopératifs,
identifier les comptes à cibler reste un défi. Dans le cas de la
Tunisie, les autorités suisses ont localisé et gelé 60 millions de
dollars américains qui ont pu être identifiés comme étant
directement liés au clan Ben Ali. Pourtant, les experts estiment
que cela constitue une « goutte dans l’océan », et prétendent
que la « pénurie » d’actifs identifiés au nom de Ben Ali
constitue simplement la preuve d’une opération complexe de
blanchiment de capitaux.13
En revanche, le Royaume-Uni a été critiqué pour ne pas avoir
gelé des actifs liés à Moubarak.6 Malgré les mesures prises
par l’UE, le Royaume-Uni a déclaré à plusieurs reprises que
des condamnations pénales étaient nécessaires avant de
pouvoir prendre une telle décision.7 La Tunisie a dû faire face
à une situation similaire au Canada. En février 2011, peu
1
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an article published in Brown Rudnick’s May 2013 MENA Bulletin.
bulletin
Les efforts entrepris pour le recouvrement d’actifs à la suite du
Printemps Arabe sont donc encore un travail en cours. Les
autorités tunisienne et égyptienne, ainsi que celles des États
de l’Union Européenne et d’Amérique du Nord, doivent mettre
leurs législations à jour, accroître leur coopération, et renforcer
leur engagement en matière de recherche, saisie et
rapatriement des actifs détournés. Ces efforts doivent être mis
en place non seulement parce que ces nations s’y sont
légalement engagées en ratifiant la CNUCC, mais aussi parce
que la réalisation d’efforts importants pour le recouvrement
d’actifs permettra de fournir des ressources financières utiles à
l’édification de démocraties stables et prospères qui
respectent la règle de droit et contribuent à l’économie
mondiale.
La difficulté reste, évidemment, de le prouver. Dans sa note
verbale adressée aux Nations Unies, l’Égypte a regretté que
certains États lui aient demandé de « déterminer le lieu au
sein de l’État requis où se trouvaient les comptes à geler, ou
bien les numéros de comptes, les banques ou institutions
financières dans lesquels ces actifs étaient déposés ».14 Une
telle preuve se trouve typiquement au sein de l’État requis, où
les nouveaux gouvernements n’ont pas autorité pour mener
des investigations. Le secret bancaire ou des « blocking
statutes » pourraient également mettre les nouveaux
Gouvernements dans l’impossibilité d’identifier ces comptes,
lesquels, entre-temps, pourraient être vidés.
Inquiétudes concernant les normes internationales
Les inquiétudes concernant les standards juridiques
applicables ne sont pas à sens unique. La Suisse, qui a
œuvré rapidement au gel d’actifs à la suite du Printemps
Arabe, a également fait preuve de constance dans son
insistance pour que les procédures de poursuite dans les
pays concernés soient conformes aux standards
internationaux. Au mois d’octobre 2012 par exemple, le
Tribunal Pénal Fédéral suisse a rejeté la demande présentée
par les autorités tunisiennes visant à la production de relevés
bancaires, et ce, jusqu’à ce qu’il soit convaincu que toute
procédure liée menée en Tunisie respecte les protections
consacrées par le Pacte International Relatif aux Droits Civils
et Politiques, dont la présomption d’innocence, le droit à un
procès public et le droit d’être représenté par un avocat
librement choisi. 15
.
9 World Bank, Stolen Asset Recovery: Towards a Global Architecture
for Asset Recovery, 77 (2009), disponible sur :
https://www.unodc.org/documents/corruption/Publications/StAR/StAR_
Publication_-_Global_Architecture.pdf (dernière visite effectuée le 7
décembre 2012).
10 Id.
11 Note verbale par la Mission Permanente d’Egypte aux Nations
Unies (Vienne) adressée à l’Office des Nations Unies contre la drogue
et le crime, section de la lutte contre la corruption et la criminalité
économique, 7 octobre 2012 (citant l’article 46(3) de la CNUCC),
disponible sur :
http://www.unodc.org/documents/treaties/UNCAC/COSP/session4/V11
86327e.pdf (dernière visite effectuée le 25 mars 2013).
12 Mischa Benoit-Lavelle, Canadian Government Pressured to Reveal
Information on Ben Ali Clan’s Assets, Tunisia Live, 16 mars 2012,
disponible sur : http://www.tunisia-live.net/2012/03/16/canadiangovernment-pressured-to-reveal-information-on-ben-aliclan%E2%80%99s-assets/ (dernière visite effectuée le 25 mars 2013).
13 Eileen Byrne, Tunisia struggles to trace up to £11bn hidden abroad
by Ben Ali regime, The Guardian, 13 janvier 2012, disponible sur :
http://www.guardian.co.uk/world/2012/jan/13/tunisia-11bn-hiddenfunds-ben-ali (dernière visite effectuée le 25 mars 2013).
14 Supra note 11.
15 Tribunal Fédéral Suisse, décision en date du 24 octobre 2012.
1 Disponible
sur : http://star.worldbank.org/corruptioncases/assetrecovery/?f[1]=sm_field_arw_jurisdiction_origin%3A%28%
22Egypt%22%20OR%20%22Tunisia%22%29 (dernière visite
effectuée le 25 mars 2013).
2 CNUCC Art. 46(1)
3 Julian Sher et Tu Thanh Ha, Attempt to freeze Ben Ali clan’s assets
hits a wall, The Globe and Mail, 18 février 2011. Disponible sur :
http://www.theglobeandmail.com/news/politics/attempt-to-freeze-benali-clans-assets-hits-a-wall/article569092/ (dernière visite effectuée le
25 mars 2013).
4 Id.
5 Id.
6 UK delegation assures return of Mubarak assets, denies inaction,
Egypt Independent, 15 janvier 2013. Disponible sur :
http://www.egyptindependent.com/news/uk-delegation-assures-returnmubarak-assets-denies-inaction (dernière visite effectuée le 25 mars
2013).
7 UK Committed to Egyptian asset recovery: Minister, Egypt.com,
January 14, 2013. Disponible sur :
http://news.egypt.com/english/permalink/168849.html (dernière visite
effectuée le 25 mars 2013).
8 Julian Sher et Tu Thanh Ha, supra note 3.
2
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