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Rencontres 2009
Débat
Débat autour du livre « L’entreprise réconciliée »
9 avril 2009
L’ouvrage « L’entreprise réconciliée ; comment libérer son
potentiel économique et humain » a fait l’objet d’un débat
le jeudi 9 avril dernier en présence des deux auteurs
Jean-Marie Descarpentries et Philippe Korda ainsi que de
Bernard van Craeynest, président de la CFE-CGC. Cette
soirée était animée par Carole Couvert, secrétaire nationale de la CFE-CGC.
Carole Couvert a présenté les auteurs et rappellé
l’importance de ce sujet, abordé régulièrement dans
des livres, des articles, lors de conférences… Tout
comme la CFE-CGC les auteurs ont fait le constat
d’un « divorce entre les salariés et les entreprises »,
ce qui ne manque pas d’avoir des effets économiques.
Les salariés se désengagent
de l’entreprise, que faire ?
Dès la première phrase du livre le décor est planté :
« l’entreprise subit des bouleversements de plus
en plus rapides de son environnement ». Selon
Jean-Marie Descarpentries et Philippe Korda, c’est
dans ce contexte de mondialisation, de révolutions
technologiques, de « zapping » des consommateurs… que les entreprises perdent aujourd’hui massivement la confiance, l’attachement et l’engagement de leurs salariés. Régulièrement les enquêtes
montrent bien la dégradation de la motivation des
salariés, l’accroissement de la pression de la part
des actionnaires…
Pour réconcilier l’entreprise les auteurs prônent le
courage de remettre en cause les dogmes dominants, créer une dynamique de progrès qui bénéfi-
cie à tous et permettre de retrouver le bonheur au
travail.
Un modèle à bout de souffle
Seulement, la conclusion tirée par les auteurs est
que le « management des entreprises a peu changé
depuis 40 ans » ; pourtant le monde lui a changé !
Pour les auteurs, « l’économie est marquée par la
prédominance de la finance et du court terme. Les
profits ne cessent de s’accroître, tandis que l’investissement des entreprises stagne ». Dans ce contexte,
« l’homme est devenu une simple variable d’ajustement et le capital humain un actif comme les autres ».
D’ailleurs, ils font remarquer que chaque plan de
licenciement est généralement salué sur le marché
par une poussée de la valeur de l’action.
Avoir une vision « humaine »
De plus, pour ces managers élaborer des programmes pluriannuels, fixer des objectifs (notamment lors
de l’entretien d’évaluation)… sont des dispositifs
« pervers » ; ils freinent les initiatives et sous-estiment
les avancées potentielles alors même que l’instabilité de l’environnement et le rythme des mutations
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rendent rapidement les prévisions obsolètes. Dans
les entreprises s’il y a toujours un tableau de bord
financier, on voit plus rarement présenter un tableau
de bord du progrès humain. Pour Jean-Marie
Descarpentries, « on ne doit plus faire de plan, mais
avoir des visions économiques et des visions humaines associées ». Il rappelle que cela fait 20 ans qu’il
n’utilise plus les projets par objectifs ; d’ailleurs « de
quel droit un patron peut-il connaître le potentiel
d’une équipe ? ».
Selon toujours Jean-Marie Descarpentries, la question de la place du collaborateur dans la vision de
l’entreprise est essentielle. Il faut souligner l’importance du capital humain et du potentiel de croissance
lié à ce capital : « l’humain est un investissement sur
du long terme ». Il regrette même que les progrès
humains ne soient pas étudiés dans les écoles de
management !
Convaincus que c’est le progrès humain qui entraîne
le progrès économique, les deux auteurs prônent une
nouvelle manière de diriger l’entreprise, fondée sur
« l’obsession du progrès » et sur quatre visions : « plus
d’avoir, plus de bien être, plus de savoir, plus de responsabilité sociétale ». Les auteurs estiment que c’est
de l’animation des hommes que viendra le « salut à
la crise ! » Bernard van Craeynest, qui partage cette
conviction en profite pour rappeler « qu’il voit dans
cette période une formidable opportunité de revoir
les modes de management, ce dont le patronat ferait
bien de prendre conscience plutôt qu’à se complaire
encore dans la lutte des classes ! ».
Libérer les talents individuels
Les auteurs estiment que « pour permettre à l’individu
d’exprimer toutes ses capacités dans une organisation, il faut d’abord s’affranchir de certaines idées
reçues sur la gestion des compétences et admettre que l’individu progresse surtout sus ses points
forts ».
Pour Philippe Korda, il faut aider les salariés à développer leurs talents, à devenir « uniques ». Le système d’évaluation fait appel à l’obéissance du salarié ; c’est pourquoi, Philippe Korda prône l’initiative
et non cette obéissance au patron, qui est quant à lui
évalué sur le financier !
Dans l’ouvrage il est écrit qu’« aujourd’hui, l’heure
est encore à la revanche de l’actionnaire : seuls les
résultats financiers comptent, l’argent est devenu la
valeur dominante. La mondialisation a aussi apporté
la revanche du client puis celle du métier ».
Oser inverser l’ordre des priorités
Valoriser l’homme au travail permet d’exercer un métier
de manière que le client soit satisfait, ce qui assure à
l’entreprise sa rentabilité et rémunère ses actionnaires,
donc aussi les collaborateurs associés au capital ou
aux résultats : c’est un cercle vicieux mais vertueux. Les
entreprises qui oseront sortiront de la crise.
Devenir leader de leaders
En conclusion, Jean-Marie Descarpentries explique la
méthode pour passer du management au leadership.
Le leader est un excellent manager ; il est ambitieux,
audacieux. Il est « donneur de sens » : il est le garant
des valeurs et de l’éthique de l’entreprise. L’auteur
estime que « le leadership consiste aujourd’hui à
développer à tous les niveaux de l’organisation trois
atouts majeurs de l’entreprise gagnante : le talent,
l’initiative et l’optimisme ».
La lutte des classes
Après avoir chaleureusement remercié les auteurs,
Bernard van Craeynest s’interroge : « dépasser les
règles traditionnelles du management et oser diriger
autrement en adoptant de nouveaux modes de pensée et de nouveaux outils, ces pratiques sont-elles
applicables en cette période de crise ? ».
Dans un contexte dans lequel les salariés font des
efforts mais ne sont pas récompensés (cf. Continental), ce que prônent les auteurs dans leur ouvrage,
c’est ce que prône et défend la CFE-CGC à longueur
d’année et à tous les niveaux. « Les valeurs et les
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méthodes de management délivrées dans ce livre sont
essentielles et pertinentes ». Alors une question vient
à l’esprit du président confédéral : « Donnez-vous
des cours au Medef ? Participez-vous à des tables
rondes organisées par le patronat ? ». La réponse
est tout simplement négative… Pourtant Bernard
van Craeynest tient à souligner tous les grands discours sur l’éthique, la conciliation entre capitalisme
et travail de la part du patronat ! Malheureusement
ce même patronat ne pense que lutte des classes !
Jean-Marie Descarpentries tempère un peu les propos du président confédéral car il ne faut pas généraliser : il existe des patrons exemplaires.
Le capitalisme est devenu trop financier
Selon Philippe Korda le « capitalisme est devenu trop
financier » et les préconisations faites dans l’ouvrage
peuvent aider les entreprises à sortir de la crise. Justement, Carole Couvert se demande s’il y a des chefs
d’entreprise qui pratiquent ces conseils (rendre les
salariés fiers de leur job, susciter l’enthousiasme,
satisfaire les salariés…) : « mythe ou réalité ces
préconisations ? ». « Ce n’est pas un mythe » pour
Philippe Korda ; « les choses sont bien réelles et tout
à fait faisables ». C’est une question de volonté.
Un problème purement français
Puis c’est au tour de la salle de débattre avec les
auteurs et le président confédéral. Le premier à se
lancer est Jean-Michel Oudjani, délégué syndical
CFE-CGC à la CNP. Il est d’accord avec le constat
fait relatif à l’existence d’une cassure entre les salariés et les dirigeants des grandes entreprises. Donc,
« comment convaincre des dirigeants, qui sont des
cadres supérieurs et qui pensent que la crise va
passer et que le monde d’avant va revenir avec ses
stock-options ? ».
« Oui il existe bien un décrochage entre les salariés
et les entreprises, mais c’est un problème purement
français » lui répond Phillipe Korda. Les cadres tout
comme les salariés sont mécontents. Avec le système
de « méthode hiérarchique », les cadres sont éloignés
des actionnaires. Mais Philippe Korda a l’impression
que la crise va amener de nouvelles valeurs ; c’est
une crise morale. Par conséquent « les cadres dirigeants devront en tirer des leçons ».
« Attention de ne pas généraliser » pour Jean-Marie
Descarpentries ; cette méfiance n’existe pas dans les
PME par exemple car aussi bien les salariés, les cadres
et que le chef d’entreprise doivent combattre pour la
survie économique de l’entreprise. Mais également
dans les grandes entreprises, « il ne faut pas s’arrêter
que sur les exemples présentés dans les medias. La
perversion par l’argent n’est pas générale ».
L’actionnariat salarié,
le meilleur des actionnaires
Répondant à une question sur l’actionnariat salarié, Jean-Marie Descarpentries répond que c’est le
« meilleur des actionnaires mais rappelle qu’il y
a un risque. Il ne faut pas tout mettre dans l’entreprise ! ».
Quant à Bernard van Craeynest, il recommande la
présence d’administrateurs salariés dans les conseils
d’administration afin notamment d’éviter toute
« consanguinité », l’un des problèmes actuels ren-
De gauche à droite :
Jean-Marie Descarpentries, Carole Couvert, Bernard van Craeynest et Philippe Korda.
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D’ailleurs Philippe Cadorel, administrateur salarié
chez Air France est d’accord sur ce principe de
confidentialité. « L’administrateur est une vraie valeur
ajoutée pour l’entreprise, même dans les PME ! ».
Mettre la bonne personne
à la bonne place
Autre témoignage, celui de Christophe Lefevre, délégué syndical CFE-CGC chez Scor. Dans son entreprise
les managers sont souvent nommés pour leurs « compétences financières » mais ne savent pas manager
(ni les capacités, ni les outils). Scor est une entreprise
qui fonctionne bien (une bonne performance malgré
la crise). Pourtant, les salariés ne récoltent pas les
fruits des bénéfices tandis que le patron à quant à lui
augmenter son salaire. Alors que faire ?
Carole Couvert rebondit à ces propos qui illustrent
bien le fait de « mettre la bonne personne à la bonne
place », ce qui n’est malheureusement pas le cas
chez Scor en matière notamment de management.
C’est normal puisque « le management s’apprend »
et Philippe Korda en est convaincu.
Pour cela il y a trois conditions : la formation professionnelle, la façon d’évaluer les managers et l’exemplarité. « Il faut tenir compte des talents de chaque
salarié et ne pas les considérer comme des numéros,
redispatcher les tâches dans une équipe… ».
Pour répondre à Christophe Lefevre, Jean-Marie
Descarpentries n’a qu’un seul mot : « le combat ». Il
lui recommande de réclamer les critères de promotion
des managers (notamment les critères humains), la
transparence sur le système de rémunération…, c’est
la mission d’un syndicaliste. L’auteur croit « à la vertu
du contre pouvoir, de la transparence. S’il n’y a pas
de transparence, il n’y pas de démocratie ! ».
Face à des DRH « jurassiques »,
que faire ?
Elisabeth Jacques, déléguée syndicale CFE-CGC
d’Arc International est tout à fait d’accord avec le
principe : « quand on met l’humain au cœur de
l’entreprise, il y a forcément des retombées économiques pour cette même entreprise ». Seulement elle
s’interroge sur les leviers à appliquer lorsque « nous
devons faire face à des DRH jurassiques », ce qui est
le cas chez Arc International (en PSE depuis 2004).
Pour Jean-Marie Descarpentries, la solution est simple :
« il faut s’attaquer aux coûts non salariés, non utiles
aux clients », en un mot changer l’équipe de direction, faire confiance au capital humain de l’entreprise,
notamment aux salariés syndicalistes et être exigeant
sur les femmes et les hommes qui la composent. Pour
cela, il est indispensable de demander à la direction sa
politique de recrutement, de promotion interne…
L’idée qu’un « syndicaliste peut être parfois un consultant » est soutenue par Jean-Marie Descarpentries : le
syndicaliste doit à la fois « s’opposer et contribuer ».
Il est vrai que le rôle du syndicaliste est difficile car
il a une double casquette : la casquette Entreprise et
la casquette Société.
Quant à Philippe Korda, il relate une expérience
vécue dans une entreprise, dans laquelle il a instauré des indicateurs basés à la fois sur des critères économiques : chiffre d’affaires, rentabilité…et
humains : nombre de promotions dans son équipe
(gain de points), de démissions de collaborateurs
(perte de points)… Ces indicateurs servaient à évaluer les managers, qui étaient récompensés selon le
nombre de points acquis. Pour l’auteur cette « mise
sous tension des managers était positive ».
Toujours pour répondre à Elisabeth Jacques,
Jean-Marie Descarpentries rappelle que « des collaborateurs compétents et motivés dans leur travail font
des clients satisfaits et des actionnaires heureux ! ».
Pour conclure cette rencontre, Bernard van
Craeynest laisse la salle méditer sur cette question
« comment convaincre les dirigeants des entreprises
et les salariés à changer ? ».
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Sce Communication CFE-CGC: rédaction : S. Forge - maquette : V. Bouret
contrés dans la composition de ces conseils d’administration. Le président confédéral explique qu’il y
existe un autre problème, problème culturel de la part
du patronat : la peur pour la confidentialité. En effet,
pour Jean-Marie Descarpentries il faut éviter les fuites lors d’une fusion par exemple. Mais « si je cache,
je dois expliquer pourquoi j’ai caché. Et la réponse
à cette question est que je ne fais pas confiance »,
d’où un sentiment d’insatisfaction. Basée sur son
expérience, sa recommandation est de « favoriser la
confiance » ; Jean-Marie Descarpentries a toujours
demandé la confidentialité aux administrateurs salariés : « il faut oser faire confiance, oser diriger autrement ». C’est la transparence absolue !

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