Indice Bradford = (nombre d`absences)2 x (total de jours) Par Pierre

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Indice Bradford = (nombre d`absences)2 x (total de jours) Par Pierre
PRÉSENTÉISME :
T
andis que la notion d’absentéisme en milieu
de travail est tangible, concrète et relativement
facile à mesurer, le présentéisme, phénomène
où l’employé est physiquement présent mais
non productif pour raison de santé, demeure plus difficile
à bien cerner. Afin de mieux appréhender et mesurer les
conséquences pour les employés et promoteurs de régimes
et d’en réduire les conséquences, il faut mieux en
comprendre les origines médicales.
Dans les années 1980, des chercheurs de l’université de
Bradford, en Angleterre, ont montré que plusieurs absences
de courte durée avaient avaient une plus grande incidence
sur la performance de l’entreprise qu’une seule absence de
longue durée. L’indice Bradford mesure l’impact financier
relatif sur une entreprise par la formule suivante :
Indice Bradford =
(nombre d’absences)2 x (total de jours)
Par
Pierre Saddik
Un travailleur absent pendant 40 jours à cause d’un
infarctus aurait donc un indice Bradford de 12 x 40 = 40.
Or, celui qui s’absente dix fois pour un total de 40 jours à
cause de migraines obtiendrait un indice Bradford de
102 x 40 = 4 000. Cela est plutôt intuitif puisque le
travailleur qui subit l’infarctus peut être remplacé par ses
collègues ou par des ressources externes d’une manière
structurée et planifiée. Par contre, celui qui s’absente une
ou deux journées chaque mois ne sera pas remplacé, sa
charge de travail ne sera donc pas distribuée aux autres et
s’accumulera. Ceci, bien sûr, sans tenir compte du fait que
les absences ponctuelles tendent à survenir au pire
moment pour l’entreprise.
Bien que de nos jours, les affections graves comme le
cancer, les maladies cardiaques et les accidents cérébraux
vasculaires attirent davantage d’attention médiatique, elles
surviennent relativement peu fréquemment parmi une
population de travailleurs jeune, dans l’ensemble, et en
santé. On parle d’environ 2,5 cas pour 1 000 travailleurs
par an. Par conséquent, ces conditions chroniques à faible
fréquence ont un faible impact sur les coûts de la « nonsanté » dans une entreprise et ne représentent pas des
facteurs importants sous-tendant le présentéisme. Ceci
s’avère encore plus vrai au Canada qu’aux États-Unis, car
le système de santé public et universel absorbe la grande
• Décembre 2013 / 25
Présentéisme : la face cachée de l’absentéisme
majorité de ces coûts. Les principales
causes des coûts liés à la non-santé sont
en effet les conditions médicales
communes qui touchent les travailleurs
jeunes et en bonne forme et dont
l’incidence financière tend à échapper à
l’attention des gestionnaires. Les
statistiques démontrent que, dans une
population de travailleurs, les maladies les
plus communes surviennent à une
fréquence 200 fois plus élevée que les plus
graves. Elles sont également à l’origine de
la majorité des absences ponctuelles et
imprévues et des pertes de productivité
qui désespèrent les entreprises.
De nombreuses études scientifiques,
tant canadiennes qu’internationales,
menées au cours de la dernière décennie,
ont démontré que les coûts de la nonsanté liés au présentéisme causent des
ravages dans les entreprises. Entre autres,
on peut souligner :
•
Les chercheurs américains Edington
et Burton ont déduit en 2003 que les
coûts du présentéisme constituent
70 % des coûts totaux en entreprise
due à la « non-santé »;
•
En 2012, le Conference Board du
Canada a publié l’étude Justifier les
investissements dans la santé et le
mieux-être au travail qui conclut que
« les coûts résultant des pertes de
productivité chez les travailleurs
atteints de maladies chroniques,
physiques ou mentales sont de près de
400 % supérieurs à ceux encourus
pour traiter les maladies ellesmêmes » et que « les troubles
physiques et mentaux non soignés ont
un coût direct faible pour l’employeur,
mais ils occasionnent une importante
perte de productivité »;
•
Une étude de la Commission de
Santé mentale du Canada en 2011 a
constaté qu’environ 20 % des
travailleurs souffrent d’une maladie
mentale altérant potentiellement leur
productivité, que les pertes annuelles
de productivité due à l’absentéisme,
au présentéisme et au roulement du
personnel s’élèvent à 6,3 milliards de
dollars et enfin que les problèmes de
santé mentale représentent environ
30 % des réclamations d’invalidité à
court et à long terme
La majorité des études établissent une
corrélation significative entre la présence
26 / Décembre 2013 •
de facteurs de risques et un niveau plus
élevé d’absentéisme et de présentéisme.
Facteurs de risque
Il convient de rappeler que, sauf en cas
d’accident, d’infection ou de contagion,
l’invalidité ne survient habituellement pas
du jour au lendemain. Un individu, au
cours d’une certaine période de temps,
passe par l’état dit de parfaite santé à un
état de maladie en passant par le spectre
d’autres états ou par de petits changements
imperceptibles au quotidien. Les facteurs
de risque pour la santé comprennent les
habitudes de vie et les traits physiques qui,
du point de vue médical, ne sont pas
considérée comme une maladie. Or, ce
sont des indicateurs statistiquement fiables
de la probabilité de maladies futures
menant au présentéisme et à l’absentéisme
occasionnel. On peut noter, par exemple, la
sédentarité, l’obésité, l’incapacité de
supporter le stress, le tabagisme et la
consommation excessive d’alcool parmi les
facteurs plus connus qui conduisent au
présentéisme. Bien qu’il soit possible d’en
mesurer certains, il en est tout autrement
pour d’autres, comme la dépression.
Afin de déceler à un stade précoce ces
facteurs, plusieurs entreprises ont
commencé à utiliser des programmes
d’évaluation des risques pour la santé
(PERS). Ceux-ci débutent par un
questionnaire confidentiel sur l’état de
santé physique, psychologique et de
bien-être de l’employé, ainsi que sur la
perception de perte de productivité
attribuable à son état de santé. D’ailleurs,
on aborde de plus en plus la culture de
l’entreprise en matière de moral, de
satisfaction et d’engagement des
employés, ainsi que les conditions et
facteurs de risque propices au
développement du présentéisme tels que
la santé mentale et le comportement
du travailleur.
Une forte corrélation a été
scientifiquement établie entre les données
dérivées des PERS et les résultats
médicaux fondés sur des données
factuelles. Après le questionnaire, on
procède habituellement à un calcul des
risques d’un problème de santé et une
séance de rétroaction, par exemple un
rapport digital ou un rencontre avec un
conseiller. De nombreux fournisseurs
offrent aujourd’hui des PERS et sont en
mesure de répondre aux besoins des
entreprises en la matière.
Conseils pour une stratégie
de gestion du présentéisme
Afin de s’attaquer efficacement au
problème du présentéisme et de son coût
élevé, les employeurs canadiens devront
s’assurer que leurs programmes de
mieux-être visent davantage le traitement
des conditions médicales les plus courantes
telles que le stress, les grippes et les
problèmes gastro-intestinaux. Bien que la
stratégie différera en fonction de la taille
de la compagnie, on y retrouvera quand
même des éléments communs. En voici
quelques-uns à prendre en considération :
• Préparation : Un bon point de départ
réside dans l’inventaire de toutes les
initiatives de santé et de mieux-être en
cours ou prévues, ainsi que des
fournisseurs de services qu’utilise la
société, y compris les tiers fournisseurs.
• Participation : Il prévaut que la haute
direction et les superviseurs participent
au programme de gestion du
présentéisme et que celui-ci s’aligne bien
avec les objectifs corporatifs. Il faut viser
un niveau élevé de participation des
employés et, dans le cas d’une entreprise
syndiquée, les syndicats doivent être
impliqués. En fonction des besoins de
l’entreprise, on pourrait opter pour un
projet pilote ou encore un déploiement
graduel. Or, dans tous les cas, il faut
allouer les ressources financières et
humaines nécessaires dans l’objectif
d’inculquer une « culture de santé » à tous
les échelons de l’entreprise.
• Action ciblée : Bien qu’il existe une
multitude de programmes, choisir celui
ou ceux qui répondent aux besoins de
l’entreprise demeurent important. Il
convient ainsi de favoriser ceux qui
attaquent les facteurs de risque
précurseurs du présentéisme pour avoir
une meilleure incidence sur la
productivité – et les profits. Une stratégie
qui cible certains facteurs précis s’avère
plus efficace qu’une initiative plus
généralisée. Or, le traitement de la santé
mentale et psychologique, quant à lui,
devra faire l’objet de mesures distinctes et
bien structurées (Voir à la page 29).
• Intégration : Intégrer les bases de
données sur les assurances, les ressources
humaines et la productivité des
opérations est utile pour mieux mesurer
les indicateurs clé relatifs au présentéisme.
Les régimes d’assurance collective, quant
à eux, devraient être remodelés en
fonction des objectifs des programmes de
santé et de mieux-être. Une tendance
ayant débuté aux États-Unis, mais qui se
répand rapidement, est celle du « ValueBased Plan Design ». Il s’agit de concevoir
un régime d’assurance collective avec
incitatifs afin de mousser la participation
des employés à des programmes ainsi que
de l’atteinte des objectifs établis. Par
exemple, le régime d’une entreprise
pourrait comporter deux modules, chacun
avec des primes et une couverture
différentes, selon le niveau d’engagement
des participants, tel qu’expliqué dans le
tableau ci-contre.
• Évaluation et rétroaction : La nécessité
de mesurer le progrès des employés ne
fait aucun doute. Pour y parvenir, il
convient de créer dès le départ une base
de données pour effectuer des
comparaisons. On peut évaluer l’efficacité
du programme en fonction des taux de
participation aux diverses activités et des
résultats obtenus par rapport aux
objectifs. À l’aide de ces données, on peut
également mesurer le rendement possible
sur le capital investi. Des évaluations
régulières permettent également de
EXEMPLE DE RÉGIME MODULAIRE D’ASSURANCE
COLLECTIVE INTÉGRÉ À UN OU DES PROGRAMMES DE
MIEUX-ÊTRE
Éligibilité
Module A
Module B
Employés acceptant
de se soumettre
périodiquement à un
programme de santé et
mieux-être (ex. PERS,
dépistage biométriques,
programmes
de cessation de
tabagisme.)
Autres employés
Contribution de l’employé à la prime
Contribution de l’employeur à la prime
Coassurance (degré de couverture)
Crédits de compte santé
procéder à des ajustements et des
changements appropriés dès qu’ils
s’avèrent nécessaires.
• Communication : Il faut un programme
de communications qui favorisent le
dialogue entre toutes les parties prenantes,
soit les employés, les syndicats, les cadres
et la haute direction. À ce titre, un comité
de mieux-être peut s’avérer un forum
intéressant. De plus, il convient de
nommer des « ambassadeurs », soit des
employés de n’importe quel niveau
hiérarchique qui sont responsables de
Homewood Santé
Réintégration
au
travail
Services
à la
famille
Mieux-être
et
prévention
Aide
aux employés et
à leur famille
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réadaptation
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ambulatoire
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Présentéisme : la face cachée de l’absentéisme
ACTIONS EN ENTREPRISE
Les entreprises peuvent adopter plusieurs stratégies
afin de cibler les employés à risque et à répondre à la
fois aux problèmes de santé mentale et physiques, soit
les causes prédominantes du présentéisme et absences
occasionnelles. En voici quelques possibilités :
C
ibler les employés présentant des
facteurs de risque pour la santé
en utilisant des PERS basés sur
des questionnaires de dépistage se
concentrant davantage sur les problèmes
de santé mentale et des conditions de
santé physique causant le présentéisme.
Instaurer des mesures préventives
visant la santé mentale et psychologique
adaptées aux besoins de l’entreprise. On pourrait appliquer, par
exemple,
programme de sensibilisation pour réduire ou éliminer le degré
• un
de stigmatisation auxquels des personnes atteintes de dépression
ou autre détresse psychologique font face;
programme de formation des superviseurs et des gestionnaires à
• un
l’identification des premiers signes de dépression chez eux ou chez
leurs employés;
programme de soutien par un pair aidant pour le rétablissement
• un
plus rapide des effets d’une dépression. Il s’agit là d’autres
employés qui, ayant vécu et surmonté des situations de stress et
de dépression comparables, se portent volontaires pour aider les
employés se jugeant de santé mentale vulnérable;
pourrait aussi mesurer le « niveau de résilience » de l’entreprise.
• On
C’est un concept relativement récent, axé sur la prévention. Par le
biais d’un sondage volontaire, cet outil permet mesurer l’état global
de vulnérabilité des employés tout en prévenant qu’un état de stress
permanent ne tourne en dépression, mais également pour améliorer
leur capacité à faire face à ces défis grâce à l’auto-apprentissage;
est aussi intéressant de se conformer le plus possible à la nouvelle
• Ilnorme
canadienne de la santé mentale (http://bit.ly/1ba14nC).
Instaurer des programmes de mieux-être simples, mais bien
encadrés, afin de contribuer à réduire les facteurs de risques
tels que l’obésité, la sédentarité, stress et le tabagisme chez
les employés, tout en les rendant plus heureux et productifs. On
pourrait, par exemple, :
des aliments plus nutritifs contenant un faible indice
• subventionner
glycémique et plus de protéines à prix subventionné;
à la disposition des employés des plateaux et un
• mettre
réfrigérateur rempli contenant des collations nutritives;
l’accès subventionné au centre sportif, à des cours de yoga ou
• offrir
d’exercice;
• proposer des programmes de renonciation au tabac;
• mettre en place des programmes de gestion du stress.
Favoriser des programmes d’intervention médicale hâtive. Les
grandes entreprises pourraient embaucher un directeur médical ou
même d’envisager une clinique médicale sur les lieux du travail. Les
PME, quant à eux, pourrait partager un directeur médical externe. Le
directeur médical serait en mesure de fournir des diagnostics, des plans
de traitement et des suivis aux employés qui présentent des conditions
causant le présentéisme. Toutes les informations médicales doivent
être traitées de manière confidentielle.
diffuser auprès de leurs collègues les modalités
du programme et l’importance des objectifs.
• Conseils externes : À toutes les étapes du
développement du programme, il importe de
travailler en collaboration avec des conseillers
externes spécialisés en assurance collective et
en santé et mieux-être.
• Patience : Il ne faut pas non plus s’attendre à
des résultats du jour au lendemain.
Le changement le plan des habitudes de vie
peut s’étendre sur une longue période, allant
de quelques mois à plusieurs années.
Les études scientifiques confirment que le
présentéisme ronge une partie importante de
la productivité et des profits des entreprises.
La majorité des gestionnaires et directeurs des
entreprises reconnaissent désormais le lien
direct entre la mauvaise santé et la perte de
productivité. Ainsi, de plus en plus
d’entreprises commencent à investir dans la
santé et le bien-être de leurs employés. Aux
États-Unis, cette tendance existe depuis
longtemps. Par contre, selon le Conference
Board du Canada, bien qu’un tiers des
employeurs du pays mesurent les résultats de
ces programmes de mieux-être, « moins de
1 % analysent leur rendement de façon
rigoureuse ». Par conséquent, on en est encore
à l’âge de pierre qaunt aux solutions.
Plusieurs études démontrent également que
le présentéisme représente une conséquence
directe de conditions médicales de faible
gravité, qui n’obtiennent pas de diagnostic ou
de traitement. Ainsi, la réduction des
conséquences du présentéisme devra
obligatoirement passer par une stratégie
globale, afin de prévenir de telles conditions par
le biais de conseils éducatifs, de diagnostics
rapides chez les personnes à risque et l’off re de
mesures correctives. Qui plus est, le tout doit
s’appuyer sur une bonne plateforme
informatique contenant les données recueillies
par les divers programmes offerts en matière de
santé et de mieux-être. Une base solide part de
l’engagement à long terme de la haute direction
et des RH, ainsi que d’une intégration
complète des régimes d’assurance collective et
les programmes de santé et de mieux-être.
Pierre Saddik, f.i.c.a, f.s.a. est
président de SAGE Actuaires et
de Saddik International.
Dr Jeffrey Brock et John Ridell
ont collaboré à la rédaction de
cet article.
Pour obtenir plus d’informations sur les études
scientifiques portant sur le présentéisme, visitez le
lien : http://bit.ly/183t2AD
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