Comportement de la pulpe après un traumatisme dentaire

Transcription

Comportement de la pulpe après un traumatisme dentaire
Pratique quotidienne · formation complémentaire
Comportement
de la pulpe après
un traumatisme
dentaire:
Diagnostic,
conséquences,
thérapie
Andreas Filippi1, Yango Pohl2, Thomas von Arx1
Klinik für Oralchirurgie, Zahnmedizinische Kliniken
der Universität Bern
2 Abteilung Oralchirurgie und Zahnärztliche Poliklinik,
Medizinisches Zentrum für Zahn-, Mund- und
Kieferheilkunde der Universität Giessen
1
Mots clés: traumatisme dentaire, apexification, endodontie
Adresse pour la correspondance:
Priv.-Doz. D r Andreas Filippi
Klinik für Oralchirurgie, Zahnmedizinische Kliniken
der Universität Bern
Freiburgstrasse 7, 3010 Berne
Tél. 031/632 25 04
Fax 031/632 98 84
e-mail: [email protected]
Les traumatismes dentaires
sont en règle générale des
lésions combinées de différents tissus. Alors que la
gencive/la muqueuse buccale et l’os sont régénérés
en quelques semaines et
que les tissus durs éventuellement perdus dans la région de la couronne peuvent
être rapidement remplacés,
les lésions parodontales et
pulpaires ont une importante influence sur le pronostic
à long terme de la dent
après le traumatisme. Dans
le cas des dents immatures,
une formation de tissu de
remplacement de la pulpe
est souvent observée. Ces
processus doivent être diagnostiqués, en effet ils peuvent avoir d’importantes
conséquences pour les traitements ultérieurs de la
dent. Les traumatismes
dentaires ont souvent également pour conséquence
une nécrose pulpaire. Le
traitement endodontique
des dents lésées accidentellement nécessite des connaissances correspondantes
de la pathologie après des
lésions dentaires. La thérapie se différencie parfois
nettement du traitement
conventionnel du canal radiculaire. Le présent article
donne un aperçu des connaissances actuelles sur le
diagnostic et la thérapie de
la pulpe après un traumatisme dentaire.
(Illustrations et bibliographie voir texte allemand, page 39)
Introduction
Pratiquement tous les traumatismes dentaires touchent également la pulpe. Alors que cette dernière est immédiatement touchée après des fractures compliquées des tissus durs des dents
et doit être immédiatement traitée, des blessures apparemment
bénignes peuvent altérer la pulpe. De telles évolutions de la pulpe ne sont pas immédiatement détectées. Des contusions, des
élongations ou des écrasements jusqu’à la déchirure complète
de la pulpe se produisent selon le type de lésion de la dent. Les
possibilités d’évolution sont essentiellement la régénération de
la pulpe, la formation de tissu de remplacement dans la pulpe et
la nécrose pulpaire. L’évolution dépend non seulement de la
gravité de la lésion mais aussi et surtout du stade de croissance
de la racine. Dans le cas d’un foramen apical ouvert (diamètre >
1,2 mm [ANDREASEN et al. 1995b, KLING et al. 1986]), la pulpe
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peut se revasculariser, également lors de lésions graves de la
dent, comme l’intrusion ou l’avulsion. La formation de tissu de
remplacement et la nécrose pulpaire après un traumatisme dentaire nécessitent un diagnostic correspondant. Elles peuvent
avoir une influence importante sur la thérapie ultérieure et le
pronostic de la dent blessée. Le présent article traite des possibles évolutions de la pulpe qui ne peuvent être diagnostiquées
qu’avec réserve au moment de l’accident. Les expositions directes de la pulpe lors de fractures du tissu dur de la dent ne
sont pas traitées dans le présent article.
Nécrose de la pulpe
Si la vascularisation de la pulpe est interrompue par élongation,
écrasement ou déchirure, les odontoblastes ne peuvent survivre
que pendant un temps limité. Si les cellules ne sont pas nourries, par exemple par repositionnement des dents immatures
dans les alvéoles ou par conservation de la dent après l’avulsion
dans un milieu nutritif spécial (flacon de conservation Dentosafe®) (POHL et al. 1999), les chances de régénération ou de réparation de la pulpe s’amenuisent. L’infarctus pulpaire entraîne
la perte de cellules. Les conséquences sont la nécrose pulpaire
puis une parodontite apicale. Etant donné que la surface radiculaire est également endommagée dans la majorité des lésions
dentaires, il risque de se produire lors de nécrose pulpaire non
traitée une résorption radiculaire externe par infection: les micro-organismes ayant atteint la pulpe (coagulum apical contaminé, microfractures dans la région du collet de la dent [CVEK
1994]) ou leurs toxines peuvent pénétrer sans obstacle via les
tubuli dentinaires dans le parodonte, activer des ostéoclastes et
entraîner une rapide détérioration des tissus durs de la dent et
de l’os alvéolaire (ANDREASEN & ANDREASEN 1994a, FILIPPI et al
2000, TROPE 1998) (fig.1). En l’absence d’intervention compétente à ce moment-là, la dent est perdue en quelques semaines.
Les nécroses pulpaires après un traumatisme dentaire doivent
donc être précocement diagnostiquées et traitées. Si l’on constate dès le premier traitement après un traumatisme dentaire
que la pulpe n’a pratiquement pas de chances de survie, en
fonction de la croissance de la dent ou du type de lésion, il faut
effectuer une thérapie endodontique préventive afin de prévenir avec certitude une nécrose pulpaire et une colonisation par
les micro-organismes.
Pour limiter une possible invasion microbiologigue dans la pulpe (et dans le desmodonte), toutes les dents accidentées devraient être en principe traitées par antibiotique sur une période
de 7 à 10 jours (WEIGER et al. 1999). Il a été montré, pour le choix
de l’antibiotique, que la tétracycline réduit non seulement le
nombre de micro-organismes mais possède également un effet
inhibiteur sur les ostéoclastes (FILIPPI et al. 2000, SAE-LIM et al.
1998).
Formation d’un tissu de remplacement
Si la vascularisation de la pulpe reprend ou si elle a été temporairement interrompue, ceci ne signifie pas encore qu’une régénération de la pulpe aura lieu. Dans de nombreux cas, la pulpe
se transforme en tissu de remplacement par l’action des odontoblastes vivants (ANDREASEN 1995, VON ARX et al. 1998), qui
génère une augmentation trop importante de la formation de
tissu dur (ANDREASEN 1989). De 3 à 12 mois après l’accident
(ANDREASEN & ANDREASEN 1994b), les radiographies révèlent un
rétrécissement du canal radiculaire dû à l’apposition de tissu
dur sur les parois du canal radiculaire (fig. 2) jusqu’à l’oblitéra-
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tion complète (fig. 3). Cette oblitération engendre une réduction, voire une annihilation complète, de la réaction de la dent
au test de sensibilité (ANDREASEN & ANDREASEN 1994b). Cette
totale transformation en tissu dur peut entraîner dans 7 à 16%
des cas le rétrécissement des vaisseaux et par suite une nécrose
pulpaire (ANDREASEN et al. 1987, ANDREASEN & ANDREASEN
1994b). La formation de tissu de remplacement se produit surtout dans les dents ayant un foramen apical ouvert (ANDREASEN
et al. 1987). Les oblitérations du canal radiculaire sont souvent
accompagnées d’une coloration jaune-brun de la couronne
(fig. 4) (ANDREASEN & ANDREASEN 1994b). Si celle-ci doit être
corrigée pour des raisons esthétiques, il faut impérativement
veiller à ne mettre aucun tubulus dentinaire à nu lors de la préparation de Veneers ou de couronnes: la pénétration de microorganismes pourrait générer une nécrose pulpaire secondaire,
car le tissu de remplacement ne peut pas apporter les mêmes
défenses que la pulpe (ANDREASEN et al. 1994, KRISTERSON 1985).
Un traitement endodontique n’est alors pratiquement plus possible en raison de l’oblitération.
Diagnostic de la pulpe immédiatement après
un traumatisme dentaire
Le diagnostic de la pulpe immédiatement après une lésion de la
dent peut être rendu plus difficile par une contusion, une élongation ou un écrasement apical. Si la dent réagit sans aucun
doute au test de sensibilité correspondant (thermique, électrique), le résultat est clair: sensibilité de la pulpe signifie vitalité. S’il n’y a aucune réaction (nette), le résultat n’a initialement
pas de valeur informative. D’une part, la déchirure totale de la
pulpe est possible, ce qui a pour conséquence la nécrose pulpaire d’une dent dont la croissance est terminée. D’autre part, une
irritation apicale peut entraîner une perte (temporaire) de sensibilité, qui en premier lieu n’est pas liée avec la perte de vitalité
(EBELLESEDER & GLOCKNER 1999). Un diagnostic radiologique
(photo de la dent) fournit le cas échéant des indications sur la
possibilité d’une déchirure de la pulpe lors de dislocations. Une
coloration initiale de la couronne de la dent résultant du saignement de la pulpe dans la dentine ne peut pas être mise sur le
même plan que la perte permanente de vitalité. Une décoloration des dents et un retour de la sensibilité ont été décrits
(ANDREASEN 1986). Contrairement au diagnostic usuel de la pulpe, des observations cliniques (percussion, palpation) effectuées
immédiatement après un accident ne donnent aucune information sur l’état de la pulpe. Il est donc utile non seulement d’effectuer des tests cliniques de sensibilité et des examens radiologiques mais aussi d’avoir des connaissances sur les probabilités
d’évolution de la pulpe en fonction des lésions des dents.
Les nécroses pulpaires après un traumatisme dentaire doivent
être en principe diagnostiquées et traitées avec rapidité, conséquence et compétence afin d’éviter avec certitude une résorption
radiculaire externe due à une infection et donc la perte imminente de la dent (FILIPPI et al. 2000). Toutefois, les colorations des
dents résultant d’une thérapie erronée ou tardive doivent être
mentionnées, car un «bleaching» interne après un traumatisme
dentaire peut générer de sérieuses altérations parodontales, qui
entraîneront le cas échéant la perte de la dent (MONTGOMERY
1984, FRIEDMANN et al. 1988, FUSS et al. 1989, ROTSTEIN et al. 1991).
Contusion
La contusion de la dent après un accident n’entraîne ni une mobilité ni une dislocation de la dent. Cliniquement, la dent est
Comportement de la pulpe après un traumatisme dentaire: Diagnostic, conséquences, thérapie
uniquement sensible à la percussion. Les radiographies ne révèlent rien de particulier. La lésion a lieu dans le parodonte, dans
lequel de petits œdèmes et saignements ainsi qu’une détérioration de l’apport neurovasculaire à la pulpe peuvent apparaître.
La pulpe d’une dent immature reste dans 97% des cas cliniquement et radiologiquement non modifiée, on observe dans uniquement 3% des formations de tissu de remplacement de la
pulpe (oblitération du canal radiculaire). La pulpe d’une dent
mature reste dans 90% des cas cliniquement et radiologiquement non modifiée. On observe une formation de tissu de remplacement dans 6% des cas et une nécrose pulpaire dans 4%
(ANDREASEN et al. 1985, ANDREASEN et al. 1987). Même la plus légère des lésions d’une dent mature (diamètre du foramen apical
< 1,2 mm) entraîne un certain pourcentage de nécrose pulpaire
et doit donc être contrôlée après un accident.
Mobilité (auparavant luxation)
La mobilité de la dent lésée est accrue, sans dislocation. Des saignements visibles du sillon parodontal sont souvent observés
(fig. 5). Il n’y a aucun signe radiologique particulier. Les altérations dans le desmodonte sont plus marquées qu’après une
contusion: outre les saignements et les oedèmes, quelques
fibres sont déchirées. Il peut se produire également une altération de la pulpe dans la région du foramen apical. Ceci est également révélé par les taux de survie de la pulpe après une mobilité due à un accident: la pulpe d’une dent avec racine immature
reste dans 88% des cas cliniquement et radiologiquement non
modifiée; elle est transformée en tissu de remplacement dans
12% des cas. Lorsque la croissance de la racine est terminée, le
taux de survie de la pulpe est de 76%, il se produit une nécrose
pulpaire dans 16% des cas et une oblitération dans 8% des cas
(ANDREASEN et al. 1985, ANDREASEN et al. 1987).
Extrusion
La dent subit un déplacement axial et est partiellement expulsée
de l’alvéole (fig. 6). Elle paraît allongée et sa mobilité est nette.
Le sillon parodontal saigne. On voit par radio que la dent est
partiellement expulsée de l’alvéole. A l’intérieur de l’alvéole, les
fibres du système d’attache et les canaux pulpaires sont totalement déchirés. Même dans le cas d’une thérapie adaptée (remise en place avec précaution et pose d’une contention mobile sur
une période de 7 à 10 jours), le taux de régénération de la pulpe
est relativement restreint. Dans le cas d’un foramen apical
ouvert, on observe une oblitération dans 62% des cas et une nécrose pulpaire dans 7%; la pulpe se régénère dans seulement
31% des cas. Lorsque la croissance de la racine est terminée, une
nécrose pulpaire se produit dans 65% des cas et des oblitérations sont observées dans 19% des cas, la pulpe reste non
modifiée dans seulement 16% des cas (ANDREASEN et al. 1985,
ANDREASEN et al. 1987).
Dislocation latérale
La couronne de la dent a subi un déplacement palatin. La paroi
buccale est généralement fracturée et la pointe radiculaire peut
être souvent palpée du côté du vestibule, dans le repli (fig. 7).
Afin de vérifier ceci par radiographie, des clichés sur deux plans
(par exemple cliché d’une dent isolée et cliché occlusal semiaxial) sont nécessaires. Alors que le desmodonte apical est déchiré côté palais et comprimé côté vestibule, la liaison vasculaire
et nerveuse se rompt au niveau du foramen apical. Les altéra-
tions de la pulpe sont les mêmes que celles présentes après
extrusion: la majorité des dents avec racine immature (71%)
présentent une oblitération du canal radiculaire. La pulpe se régénère dans 19% des cas et une nécrose se produit dans 10%
des cas. Lorsque la croissance radiculaire est terminée, 79%
des dents présentent une nécrose pulpaire, seulement 12%
une régénération et 9% une oblitération (ANDREASEN et al. 1985,
ANDREASEN et al. 1987).
Intrusion
Lors d’une lésion sévère, la dent est enfoncée dans l’os maxillaire
et semble plus courte (fig. 8). En raison de l’insertion de la dent,
le bruit de percussion est nettement plus fort et plus métallique.
Le déplacement est détectable par radio mais le sillon parodontal ne l’est en général plus. Outre des écrasements étendus du
parodonte, la majeure partie de la structure est détruite dans la
région du foramen apical. Les dents matures présentent dans
tous les cas (100%) une nécrose pulpaire, les dents immatures
dans 63% des cas. 25% de ces dernières présentent une oblitération et seulement 12% une régénération (ANDREASEN et al. 1985,
ANDREASEN et al. 1987). La dent est repositionnée soit par orthopédie maxillaire soit par chirurgie. Dans certains cas, on peut
attendre un repositionnement spontané.
Avulsion
La dent est expulsée de l’alvéole. La survie des odontoblastes (et
des cémentoblastes) dépend dans ce cas surtout de la durée et
du milieu de conservation extraalvéolaires (ANDREASEN et al.
1985b, ANDREASEN et al. 1995, FILIPPI et al. 1999, KIRSCHNER et al.
1992, PETTIETTE et al. 1997, POHL et al. 1999, VON ARX et al. 2000),
de sorte que les pourcentages indiqués ici doivent être considérés de façon différenciée. L’état des cellules au moment de la replantation est en fait le paramètre essentiel pour une évolution
vers la nécrose, la régénération ou la formation de tissu de remplacement. On peut constater en principe que lors d’une
conservation physiologique d’une dent immature (courte durée
extraorale et/ou conservation dans un milieu physiologique),
une revascularisation pulpaire est possible. Il est vrai que le tissu pulpaire d’origine meurt généralement; on observe fréquemment une formation de tissu de remplacement (ANDREASEN et al.
1995). Lorsque la dent n’est pas conservée dans un milieu physiologique, il faut s’attendre à une nécrose pulpaire même si le
foramen apical est ouvert. Lorsque la croissance de la racine est
terminée (diamètre du foramen apical < 1,2 mm), on ne doit en
principe pas s’attendre à une revascularisation de la pulpe après
une avulsion, même si la dent a été conservée dans un milieu
physiologique.
Diagnostic de la pulpe après un traumatisme
dentaire avec contrôle régulier (recall)
S’il y a des chances que la pulpe se régénère après un traumatisme dentaire ou du moins qu’il se forme un tissu de remplacement (en principe après contusion ou mobilité, le cas échéant
après extrusion et dislocation latérale de dents immatures), ces
processus doivent être contrôlés et vérifiés fréquemment. Si les
tests de sensibilité dans la période de contrôle sont sans aucun
doute positifs, la pulpe est vivante. En particulier lors de tests de
sensibilité électriques, il faut toutefois envisager des résultats
positifs erronés. Il peut néanmoins résulter de la formation de
tissu de remplacement la perte de sensibilité et, dans des cas
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Pratique quotidienne · formation complémentaire
non exceptionnels, la perte de la vitalité de la dent. Il est en
conséquence indiqué d’effectuer des contrôles sur une période
de 1 an, même lorsque le test de sensibilité est tout d’abord positif. Si la réaction de la dent au test de sensibilité n’est pas initialement univoque, la vitalité pulpaire ne peut pas être évaluée
avec certitude juste après un accident dentaire. Il faut donc détecter en premier lieu les signes négatifs qui pourraient signifier
une nécrose pulpaire. Des signes classiques peuvent être la coloration (grise, violette ou rose) de la couronne après quelques
jours ou quelques semaines (fig. 9 et 10), des maux cliniques
après quelques jours ou quelques semaines (percussion, douleur spontanée) ainsi que des signes d’altération pathologique
par radio (ostéolyses des tissus durs de la dent et de l’os = résorption externe radiculaire inflammatoire ou parodontite apicale)
(fig. 11). De telles altérations peuvent être diagnostiquées en
règle générale de 2 à 12 semaines après l’accident (ANDREASEN
et al. 1994, NE et al. 1999). Il faut alors immédiatement entreprendre une thérapie endodontique adéquate. Les altérations
périapicales révélées par radiographie peuvent toutefois résulter
d’un processus métaplasique post-traumatique au sens d’un
«transient apical breakdown» (ANDREASEN & ANDREASEN 1994b),
elles ne constituent donc pas un critère unique d’une nécrose
pulpaire. Les tests de sensibilité peuvent être de nouveau clairement positifs seulement après 2 ou 3 mois ou ne provoquer
aucune réaction dans le cas d’une formation d’un tissu de remplacement (ANDREASEN & ANDREASEN 1994a). Ils n’ont dans
l’ensemble de valeur informative que si la réaction est clairement positive. Des signes univoques de vitalité pulpaire se révèlent par radiologie après des semaines ou des mois: dans le cas
d’une dent immature et d’une pulpe vivante, il est possible
d’observer la croissance de la racine malgré un test négatif (EBELESEDER & GLOCKNER 1999) (fig. 12 et 13). Cette croissance nécessite une pulpe vivante. Des débuts d’oblitération sont également liés à un tissu vivant et peuvent être diagnostiqués par
radio seulement après des semaines ou des mois. Des contrôles
radiologiques sont donc indiqués lorsque les diagnostics cliniques de la vitalité pulpaire sont incertains.
Le premier contrôle du «recall» doit être effectué dans les 2 à
3 semaines après le traumatisme afin de pouvoir détecter rapidement d’éventuelles résorptions externes radiculaires dues
à une infection. Des mesures régulières à l’aide de l’appareil
Periotest® (FILIPPI et al. 2000) sont également très utiles; une
augmentation non physiologique des valeurs de Periotest peut
donner des indications claires sur une résorption radiculaire externe par infection beaucoup plus tôt que des examens radiologiques.
Thérapies endodontiques après
un traumatisme dentaire
Des traitements endodontiques après des accidents dentaires
sont souvent nécessaires. On constate dans certains cas, dès le
moment du traitement de l’accident, qu’une telle thérapie est indiquée. Dans d’autres cas, on prévoit une régénération pulpaire
ou du moins une formation de tissu de remplacement. Si elle
n’apparaît pas, la nécrose pulpaire doit être traitée ultérieurement. Il s’est alors en général produit de sérieuses infections (parodontite apicale, résorption radiculaire externe inflammatoire).
Traitement endodontique lors d’une probable nécrose
pulpaire
Si l’on constate dès le premier traitement après un traumatisme
dentaire que la revascularisation de la pulpe est improbable voi-
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re exclue, il faut immédiatement décider quand et où la thérapie
endodontique doit avoir lieu. En particulier dans le service d’urgence dentaire, le soir ou le week-end, elle doit être engagée par
le médecin-dentiste d’urgence (par exemple au moyen d’une
courte note au médecin-dentiste traitant). Le patient ou les responsables légaux doivent être également informés sur la nécessité du traitement. On rencontre malheureusement toujours des
patients qui n’ont pratiquement plus de douleurs après le retrait
de la contention, qui n’ont pas été informés ou qui n’ont pas
saisi la nécessité d’une thérapie endodontique. Des semaines ou
des mois plus tard, ils reviennent en urgence avec une résorption radiculaire inflammatoire importante; la dent ne peut alors
plus être conservée dans la majorité des cas.
Dans le cas d’une dislocation latérale, d’une extrusion, d’une
avulsion et d’une intrusion (avec élongation orthodontique) de
dents matures, le traitement du canal radiculaire doit avoir lieu
7 à 10 jours après le repositionnement et la pose d’une contention (ANDREASEN & ANDREASEN 1994b, CVEK 1994), car les ostéoclastes sont déjà actifs à ce moment-là et peuvent de nouveau
générer une résorption externe radiculaire par infection. Un
traitement antibiotique doit être également prescrit pendant
cette période (FILIPPI et al. 2000, WEIGER et al. 1999). Il est plus
agréable pour le patient que la dent lésée soit encore stabilisée
par une contention pendant la première séance du traitement
endodontique. Une obturation temporaire du canal radiculaire
avec de l’hydroxyde de calcium est tout d’abord indiquée. L’obturation complète définitive du canal radiculaire est effectuée
ultérieurement – après une stabilisation adéquate et lorsqu’une
digue peut être mise en place (fig. 14).
Dans le cas d’une intrusion (et d’un repositionnement chirurgical [EBELESEDER et al. 2000]) ou d’une avulsion de dents matures,
il est possible d’effectuer, outre le traitement endodontique
conventionnel déjà mentionné dans les 7 à 10 jours après la réimplantation, un traitement endodontique extraoral de la dent
au cours du traitement d’urgence. La méthode de choix est ici
la réimplantation appelée «autoalloplastique» (KIRSCHNER et al.
1978, KIRSCHNER et al. 1992): après la résection apicale, la pulpe
et une grande partie de la dentine sont retirées jusque dans la
pulpe coronaire par fraisage rétrograde normalisé avec refroidissement interne (fig. 15). Un pilier en titane, lisse et cylindrique, est ensuite cimenté avec un matériau d’obturation du
canal radiculaire biocompatible. La dent est complétée par le
pilier sur la longueur radiculaire normale (pas de surextension
[fig. 16]). L’implantation du pilier n’altère ni la guérison parodontale de la dent, ni l’ankylose du pilier (POKL et al. 2000
[fig. 17]).
Des études comparatives des deux formes de traitement n’existent pas jusqu’à présent. Les différences entre les thérapies
sont récapitulées tab. 1, établies à partir des publications actuelles (GLENDOR et al. 2000, GLENDOR et al. 1998, POHL et al.
2000) et de l’expérience des auteurs. Dans l’ensemble, il est important que la thérapie endodontique soit optimale et effectuée
avec compétence afin d’empêcher avec certitude des suites ou
des résorptions externes radiculaires par infection.
Traitement endodontique retardé
Si, malgré de réelles chances d’une revascularisation de la pulpe
dans la phase de contrôle, il se produit une nécrose pulpaire voire une résorption externe radiculaire par infection, il est nécessaire d’effectuer une trépanation immédiate, un retrait méticuleux du tissu nécrosé (surtout par rinçage, aucun traitement
excessif) et une obturation provisoire du canal radiculaire avec
de l’hydroxyde de calcium. L’hydroxyde de calcium est en mesu-
Comportement de la pulpe après un traumatisme dentaire: Diagnostic, conséquences, thérapie
Tab. 1
Thérapie endodontique conventionnelle comparée à l’insertion extraorale d’un pilier après avulsion de dents matures
Instrumentation
Thérapie
Durée du traitement
Coûts sociaux (temps de traitement =
uniquement 17% du temps total
avec transport et temps d’attente
Micro-organismes dans la pulpe
Résorption radiculaire infectieuse
Nombre de clichés pendant
la thérapie endodontique
Collaboration du patient nécessaire
Ouverture palatine par trépanation
Coloration ultérieure de la couronne
Nouvelle intervention après un éventuel
2 e traumatisme (par ex. pilier)
Réalisation de la thérapie
Endodontie
conventionnelle
Endodontie extraorale
par insertion de pilier
en général disponible
retardée, le cas échéant d’abord temporaire
> 2 heures
élevés
supplémentaire nécessaire
immédiate, définitive
15–20 minutes
réduits
éventuellement
possible
éventuellement 1 à 2 (mesures, le cas
échéant contrôle de l’obturation
médicamenteuse)
oui
oui
possible
possible
non à envisager
n’a pas été observée jusqu’à présent
aucun
thérapie standard,
routine dans le cabinet dentaire
thérapie inhabituelle,
appréhension présente
re de réduire nettement les germes dans le système canalaire
jusque dans les tubuli dentinaires (BYSTROM et al. 1985) d’une
part et bloque ainsi des résorptions externes radiculaires par
infection (ANDREASEN & ANDREASEN 1994b). Un traitement
conventionnel du canal radiculaire d’une dent mature peut en
général être effectué après l’élimination de l’infection aiguë.
Lorsque le foramen apical est ouvert, ceci n’est pas possible: les
parois apicales du canal divergent et il manque un arrêt apical
(KOCKAPAN 1998). Le retrait du tissu nécrosé des dents immatures est en outre plus difficile (CVEK 1994). Dans ce cas, deux
thérapies sont préférées: l’apexification et la réimplantation intentionnelle.
L’apexification (CVEK 1972, CVEK 1974, GHOSE et al. 1987, KEREKES et al. 1980, YATES 1988) est effectuée par une longue obturation avec de l’hydroxyde de calcium renouvelé tous les 3 mois
environ (CVEK 1994, KOCKAPAN 1998). Bien que la croissance de
la racine ne puisse plus progresser, il se forme après 6 à 8 mois
en moyenne (TRONSTAD 1991) une barrière calcique horizontale
(fig. 18). Elle se crée à l’endroit où l’hydroxyde de calcium est en
contact avec le tissu vivant dans la région apicale (CVEK 1994). Il
faut tendre vers une élongation verticale allant jusqu’à 2 mm
avant l’apex déterminé par radiographie (HULLA et al. 1999). Ceci permet une obturation complète du canal radiculaire après
l’apexification (fig. 19) par une condensation latérale (DE CLEEN
non
non
jamais
impossible
1994, HULLA et al. 1999, WERBER 1984), le cône de la gutta percha
adapté devant être réalisé (tailor-made point [KOCKAPAN 1998]).
On relate toutefois un haut pourcentage de fractures radiculaires cervicales conduisant à la perte de la dent dans le cas
d’obturation de longue durée avec de l’hydroxyde de calcium
(CVEK 1992).
La réimplantation intentionnelle (ANDREASEN & ANDREASEN
1994a, KIRSCHNER et al. 1978, POHL 1996, POHL et al. 2000) comprend après une éventuelle obturation de courte durée avec de
l’hydroxyde de calcium l’extraction avec précaution de la dent.
Suivent ensuite le traitement rétrograde extraoral du canal
radiculaire – comme déjà mentionné ci-dessus – à l’aide d’une
fraise normalisée à refroidissement interne, l’insertion et la fixation du pilier en titane puis la réimplantation et la pose d’une
contention pendant 10 à 15 jours. Le procédé permet une obturation définitive du canal radiculaire en une séance de traitement, par l’emploi d’un pilier de grand volume en titane. Les
deux procédés ont été jusqu’à présent étudiés indépendamment
l’un de l’autre (CVEK 1972, CVEK 1974, GHOSE et al. 1987, GLENDOR et al. 2000, GLENDOR et al, 1998, KEREKES et al. 1980, POHL
1996, POHL et al. 2000, TRONSTAD 1991, YATES 188). Les différences essentielles entre les deux procédés de traitement des
dents immatures avec perte de vitalité de la pulpe sont récapitulées dans le tab. 2.
Tab. 2 Apexification comparée à la réimplantation intentionnelle et l’insertion extraorale d’un pilier après nécrose pulpaire de dents
immatures
Instrumentation
Nombre de séances
Durée du traitement
Coûts sociaux (voir tab. 1)
Efficacité (avantages/coûts)
Possibilité d’une fermeture apicale
Anesthésie locale
Intégralité de l’obturation
Fracture du collet de la dent
Risques parodontaux additionnels
Apexification
Réimplantation intentionnelle
en général disponible
4 à 6 (sur 6 à 18 mois)
> 2 heures
élevés
réduite
incertaine
non nécessaire
lumina résiduels possibles
fréquente (hydroxyde de calcium)
non
supplémentaire nécessaire
2 (sur 15 jours)
30 à 40 minutes (retrait de la contention inclus)
réduits
élevée
sûre
nécessaire
pas de lumina résiduels
jamais
possibles en raison de l’extraction
Rev Mens Suisse Odontostomatol, Vol 111: 1/2001
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Pratique quotidienne · formation complémentaire
Conclusion
Le diagnostic et la thérapie endodontiques après un traumatisme dentaire ont une très grande influence sur le pronostic de la
dent quant aux complications ultérieures possibles. Le traitement des dents accidentées doit être effectué de façon particulièrement conséquente et optimale par rapport au traitement
endodontique conventionnel d’une dent cariée, ce qui n’est pas
toujours aussi simple en fonction de l’âge du patient et de la collaboration individuelle. En particulier après l’avulsion de dents
matures mais aussi dans le cas de nécrose pulpaire de dents immatures, ou lors d’un essai négatif d’apexification, la thérapie
endodontique extraorale avec pilier de titane normalisé représente une alternative plus efficace que la thérapie conventionnelle: une collaboration de patients non coopératifs n’est pas
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nécessaire, le traitement définitif a lieu en une seule séance, il
est possible d’éviter avec certitude une coloration des dents, des
résorptions radiculaires infectieuses ainsi que des fractures cervicales du collet de la dent. Etant donné que le traitement de la
pulpe ne représente par rapport aux aspects parodontaux et chirurgicaux qu’une partie de l’ensemble du traitement après une
lésion de la dent, une bonne collaboration interdisciplinaire est
nécessaire.
Remerciements
Nous adressons ici tous nos remerciements à Monsieur Robert
Schenk, professeur, et à Madame Britt Hoffmann pour la réalisation de la fig. histologique (fig. 2).