Analyse spatiale de la tuberculose à Douala, Cameroun

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Analyse spatiale de la tuberculose à Douala, Cameroun
INT J TUBERC LUNG DIS 18(3):292–297
© 2014 The Union
Analyse spatiale de la tuberculose à Douala, Cameroun :
regroupements et liens avec le statut socio-économique
A. Nana Yakam,* J. Noeske,† P. Dambach,‡ S. Bowong,§ L. A. Fono,§ J. Ngatchou-Wandji¶
* Faculty of Economy and Applied Management, University of Douala, Douala, † Independent Consultant, Yaoundé,
Cameroon; ‡ Department of Tropical Hygiene and Public Health, University of Heidelberg, Germany; § Faculty of
Science, University of Douala, Cameroon; ¶ Institut Elie Cartan, Université de Lorraine, Nancy, France
RÉSUMÉ
C O N T E X T E : Douala, capitale économique du Cameroun, avec un réseau de 20 Centres de Diagnostic et de Traitement
de la tuberculose (TB).
O B J E C T I F : Décrire la distribution spatiale des cas de tuberculose pulmonaire à frottis positif (TBP) à Douala et évaluer les liens entre l’incidence des TBP et le statut socio-économique (SSE) des patients.
S C H É M A : Les données démographiques et cliniques et la géolocalisation de leur domicile ont été recueillis auprès de
tous les cas de TBP consentants de mai 2011 à avril 2012. Des statistiques de recherche spatiale ont permis d’identifier des regroupements spatiaux de patients atteints de TB. Les données relatives au SSE ont été recueillies lors d’entretiens à domicile et comparées à celles de l’ensemble de la population urbaine émanant d’une enquête démographique et sanitaire récente. On a ensuite examiné les corrélations entre l’incidence des TBP et le SSE moyen des patients
dans chaque zone de santé.
R É S U LTAT S : Au total, 2132 cas (84%) de TBP ont été localisés et interrogés. Trois regroupements spatiaux statistiquement significatifs ont été identifiés. L’incidence élevée de TBP prédominait dans les zones de santé à SSE faible.
C O N C L U S I O N : Cette étude confirme le regroupement des cas de TBP à Douala, surtout dans les quartiers à faible niveau socio-économique. Un recours systématique aux techniques de détection de regroupements dans le cadre de la
surveillance de routine de la TB au Cameroun permettrait de mieux orienter la distribution des ressources.
M O T S C L E S : TB pulmonaire ; analyse spatiale ; statut socio-économique ; Douala ; Cameroun
AU COURS DES DERNIÈRES ANNÉES, des études
émanant de différentes régions du monde ont montré
l’intérêt de la cartographie et de l’analyse spatiale
des cas de tuberculose (TB) dans la détection des regroupements et l’émission d’hypothèses sur les facteurs qui sous-tendent la dissémination de la maladie,
comme les facteurs environnementaux et le statut
socio-économique (SSE) des différents quartiers.1–9
Cependant, il existe très peu de données relatives à
l’Afrique subsaharienne.
La TB est hautement endémique au Cameroun. En
2011, la prévalence de toutes les formes de TB a été
estimée à 60.000 cas et 24.533 cas seulement ont
été déclarés, soit un taux de déclaration < 50%.10 A
Douala, la capitale économique du Cameroun, dont
la population atteint environ 3 millions, 2545 cas
nouveaux de tuberculose pulmonaire à frottis positif
(TBP) ont été diagnostiqués, soit le taux le plus élevé
de TBP des pays de la région.
Nous avons utilisé des systèmes d’information géographique (SIG), des statistiques de balayage spatial
et des statistiques multivariées pour décrire la répar-
tition spatiale de la TBP, pour identifier les zones de
santé (HA) à Douala avec d’éventuels regroupements
de TBP, pour mesurer le SSE des patients TBP et pour
établir une éventuelle association entre incidence de
TBP et SSE.
METHODES
Zone d’étude et population
Cette étude descriptive prospective a été réalisée à
Douala, qui est divisée en 6 districts de santé (HD)
comprenant 58 zones de santé (HA). Pendant la période d’étude, un réseau de 20 structures de santé
(12 publiques et 8 privées confessionnelles) a fonctionné comme centre de diagnostic et de traitement de
la TB (CDT). Tous les patients adultes (âge ⩾15 ans)
ayant eu un diagnostic de TBP consécutif dans l’un
de ces 20 CDT entre le 1e mai 2011 et le 30 avril
2012, résidant de façon permanente (⩾3 mois) à
Douala et acceptant de participer, ont constitué la population d’étude. Les cas de TBP à frottis négatif et
de TB extra-pulmonaire ont été exclus, ainsi que les
Auteur pour correspondance : Andre Nana Yakam, Faculty of Economy and Applied Management, University of Douala,
PO Box 4032, Douala, Cameroon. Tel: (+237) 77 86 95 39. e-mail: [email protected]
[Traduction de l’article : « Spatial analysis of tuberculosis in Douala, Cameroon: clustering and links with socio-economic
status » Int J Tuberc Lung Dis 2014; 18(3): 292–297. http://dx.doi.org/10.5588/ijtld.13.0573]
2
The International Journal of Tuberculosis and Lung Disease
prisonniers de la prison centrale de Douala et les
patients en retraitement déclarés « perdus de vue »
ou « échec » qui se sont à nouveau présentés pendant
la période d’étude.
Recueil des données
Lors du recrutement, tous les participants ont répondu oralement à un questionnaire structuré dans
leur langue d’origine avec une équipe bien entraînée
de travailleurs de terrain. Les données recueillies incluaient: des informations cliniques (type de TB,
date du diagnostic, symptômes et antécédents de TB),
des caractéristiques sociodémographiques (âge, sexe,
ethnie, profession, statut marital, niveau d’instruction, lieu de résidence) et des informations socioéconomiques (revenus, biens, conditions de vie). Les
coordonnées géographiques du domicile de tous les
participants et de leurs CDT respectifs ont été déterminées lors de visites à domicile grâce à un système
de géolocalisation (GPS). Les limites des HD et HA
de Douala ont également été localisées par GPS.
Toutes ces coordonnées ont ensuite été projetées sur
une carte.
Les informations relatives à la population générale des HA de Douala ont été obtenues des autorités de santé et des données du recensement de 2005.
Les données démographiques ont été calculées grâce
à ce recensement en estimant la croissance annuelle
à 2.6%.11
Les données socio-économiques d’un échantillon
de 5 414 habitants de Douala ont été extraites de
l’enquête nationale « démographie et santé » de 2011
(base de données DHS) et téléchargées à partir du site
web de la Banque Mondiale.12
Analyse spatiale
Toutes les données concernant les patients TBP ont
été saisies deux fois dans la base de données EpiData
V3.1 (EpiData Association, Odense, Danemark) et
les erreurs ont été corrigées.
Les données concernant la distribution de la TB
dans la zone d’étude ont été agrégées au niveau des
HA, en se référant aux données du recensement pour
l’analyse spatiale. Un logiciel libre et gratuit, Quantum SIG® (version 1.6) a permis de géolocaliser tous
les cas de TBP et les CDT de la zone d’étude. Les
coordonnées géographiques des HA ont été obtenues
en utilisant la latitude et la longitude du centre de
chaque HA. Les cartes ont été produites grâce à un
système de projection des coordonnées, UTM Zone
32N. Les analyses statistiques de balayage spatial ont
été réalisées avec SaTScan® (version 9.1).13 Comme le
nombre de cas de TBP (évènements) dans la population à risque était limité dans chaque HA, nous avons
appliqué le modèle de Poisson.14 Un regroupement a
été défini comme un nombre excessif de cas dans une
HA donnée, comparé au nombre attendu sous l’hypothèse nulle d’un risque constant. Les tests statisti-
ques, basés sur le « likelihood ratio » et la distribution nulle, ont été obtenues à partir du modèle de
Monte Carlo.13,14 Pour identifier les regroupements
les plus probables, la taille maximale du regroupement spatial a été déterminée de façon à inclure jusqu’à 50% de tous les cas de TBP.
Mesure du statut socio-économique
Nous avons évalué le SSE indirectement en utilisant
un score de biens pour lequel nous disposions de
données comparables pour les cas de TBP et pour les
habitants interviewés pendant le DHS. Quatorze variables relatives aux biens possédés avec les déviations
standard les plus élevées disponibles dans les deux
bases de données ont été identifiées comme les plus à
même de mesurer le SSE : niveau d’instruction, propriété du logement, type de matériel des murs, source
d’eau de boisson, présence de WC modernes, voiture,
téléphone mobile, ordinateur, radio, télévision, DVD,
cuisinière à gaz, réfrigérateur et climatisation. Pour déterminer le SSE de chaque individu, l’analyse en composantes principales basée sur les variables du SSE a
été réalisée avec le logiciel R V2.15.15,16 Le SSE moyen,
utilisé comme index de pauvreté, a été calculé par
HA, pour les habitants et les patients TBP, respectivement et comparé avec le test Z.
Approbation éthique
L’approbation éthique de l’étude et son autorisation
administrative ont été accordées par le comité national d’éthique du Cameroun, le programme national
tuberculose (PNT) et la délégation régionale de santé
publique.
RESULTATS
Incidence
Pendant la période d’étude, 2545 patients TBP, résidents permanents, ont été déclarés à Douala ; parmi
eux, 95 (4%) ont été perdus de vue, 80 (3%) sont
décédés avant l’entretien et 238 (9%) ont refusé de
participer à l’étude. Le lieu de résidence et le CDT
de 2132 (84%) patients ont été identifiés et tous les
patients ont eu un entretien. Sur les 2132 patients,
537 (25%) vivaient dans le district de santé de Nylon, 513 (24%) dans celui de Deido, 399 (19%)
dans celui de New-Bell, 319 (15%) dans celui de
Cité des Palmiers, 203 (10%) dans celui de Bonassama et 161 (8%) dans celui de Logbaba. La proportion de patients participant à l’étude n’était pas
été significativement différente d’un HD à l’autre.
De plus, les caractéristiques des participants et des
non-participants n’étaient pas différentes en termes
de distribution d’âge et de sexe ou de caractéristiques de la maladie tuberculeuse. Les caractéristiques
majeures des patients interviewés étaient les suivantes : 78,8% étaient âgés de 15 à 45 ans ; la majorité étaient des hommes (61,2%) ; près de la moitié
Regroupements TB et SSE à Douala
3
Figure 1 Incidence des cas de TBP par 100.000 habitants dans les zones de santé de Douala, 2011–2012. CDT = centre de diagnostic et de traitement ; HA = zone de santé ; TBP = tuberculose pulmonaire à frottis positif.
possédaient leur maison (49,2%) ; la grande majorité avait un niveau scolaire bas ou intermédiaire,
avec 91% ayant arrêté la scolarité avant le secondaire ; et la majorité n’était pas mariés (environ
63%). Nous ne disposions pas de données pour
comparer ces pourcentages avec ceux de toute la population à risque.
La Figure 1 montre une carte représentant l’incidence de TBP par HA, dont le taux varie de 3 à 482
par 100.000 habitants.
Analyse spatiale
En utilisant la taille maximale de regroupement spatial <50% de la population totale, l’analyse des regroupements spatiaux a identifié un grand regroupement significatif de TBP dans 16 HA adjacentes,
Tableau 1
comprenant l’ensemble du HD de New-Bell et la partie la plus densément peuplée du HD de Nylon ; un
deuxième regroupement a été identifié dans 2 HA adjacentes au HD de Nylon et un troisième dans le HD
de Bonassama (Tableau 1 et Figure 2).
Statut socio-économique
Les données socio-économiques de 5414 habitants de
Douala figuraient dans la base de données de l’enquête nationale « Démographie et santé ». Après avoir
éliminé les observations sans données disponibles, nous
avons retenu un ensemble de 5331 observations.
Selon l’analyse en composantes principales, un niveau d’instruction élevé couplé à la possession de
WC modernes, d’une cuisinière à gaz et d’un réfrigérateur sont les quatre critères qui déterminent le
Regroupements significatifs de TBP à Douala détectés par analyse spatiale
ID du regroupement
Premier regroupement (16 HA)
Deuxième regroupement (2 HA)
Troisième regroupement (une HA)
Cas
observés
Cas
attendus
Risque
relatif
Likelihood
ratio
Valeur
de P
778
101
37
469
43,55
14,54
2,04
2,38
2,57
115,10
28,31
12,22
0,0000
0,0000
0,0003
TBP = tuberculose à frottis positif ; ID = identification ; HA = zone de santé.
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The International Journal of Tuberculosis and Lung Disease
Figure 2
positif.
Distribution spatiale des regroupements de TBP à Douala. HA = zone de santé ; TBP = tuberculose pulmonaire à frottis
mieux les différents niveaux de SSE, à la fois pour les
patients TBP et pour toute la population de Douala,
comme le démontrent le poids des scores des facteurs
(Tableau 2).
En utilisant le score des biens, le SSE moyen des
patients TBP était significativement plus bas que celui
de la population générale de Douala (1,23, IC 95%
1,20–1,27 contre 1,33, IC 95% 1,30–1,35). Cependant, le SSE des patients au sein des HA n’était pas
corrélé avec l’incidence de la TBP. Par exemple, la HA
Tableau 2 Quatorze variables relatives aux biens possédés retenues pour l’analyse en composantes principales pour comparer le
SSE des patients TBP avec celui de la population générale de Douala
DHS Douala
Variable
PTB patients
Moyenne ± DS* Score du facteur Moyenne ± DS Score du facteur
université)†
Niveau d’instruction (aucun, primaire, secondaire,
WC modernes (oui ou non)†
Cuisinière à gaz†
Réfrigérateur†
Ordinateur
DVD
Source d’eau de boisson (robinet dans la maison ou autre)
Type de construction des murs (ciment, autre)
Voiture
Radio
Climatisation
Télévision
Chef de famille (propriétaire ou non)
Téléphone mobile
1,42 ± 0,90
0,37 ± 0,48
0,46 ± 0,50
0,50 ± 0,5
0,19 ± 0,40
0,69 ± 0,46
0,18 ± 0,39
0,7 ± 0,46
0,14 ± 0,35
0,67 ± 0,47
0,06 ± 0,24
0,91 ± 0,29
0,55 ± 0,50
0,98 ± 0,16
0,82
0,21
0,21
0,19
0,15
0,13
0,12
0,12
0,11
0,09
0,06
0,06
0,02
0,02
1,78 ± 0,64
0,25 ± 0,44
0,34 ± 0,48
0,37 ± 0,48
0,07 ± 0,25
0,57 ± 0,50
0,36 ± 0,48
0,78 ± 0,41
0,04 ± 0,19
0,31 ± 0,46
0,02 ± 0,14
0,88 ± 0,33
0,50 ± 0,5
0,94 ± 0,23
0,36
0,27
0,31
0,32
0,10
0,23
0,29
0,16
0,05
0,24
0,03
0,10
0,03
0,03
* Plus la valeur de la DS d’une variable de biens est élevée, plus ce bien contribue à discriminer le SSE. Le score du facteur indique le poids de l’index socio-économique pour chaque variable. Plus le score du facteur d’une variable de biens est élevé, plus cette variable est associée avec un SSE plus élevé.
† Variables de biens avec la DS la plus élevée et le score de facteur le plus élevé.
SSE = statut socio-économique ; TBP = tuberculose pulmonaire à frottis positif ; DHS = Enquête Démographie et santé ; DS = déviation standard.
Regroupements TB et SSE à Douala
où l’incidence de la TBP était la plus élevée, Sebenjongo (482/100.000), avait un SSE intermédiaire
(données non présentées ici).
DISCUSSION
Les résultats de cette étude soulignent l’hétérogénéité
géographique de l’incidence de la TBP dans la ville de
Douala. Trois regroupements très significatifs de différentes tailles ont été identifiés. Nous avons également observé que le SSE d’ensemble des patients TBP
était plus faible que celui de la population générale de
Douala. Ces résultats confirment ceux de quelques
études réalisées dans des contextes similaires en Afrique sub-saharienne.1,6,7
Les méthodes les plus fréquemment utilisées pour
la détection de cas locaux sont l’index local de Moran et les statistiques de balayage spatial de Kulldorff.
Notre étude a utilisé ce dernier pour plusieurs raisons. En effet, le coefficient local de Moran n’est pas
indiqué pour les petits échantillons et les unités statistiques (US) de petite taille (HA dans cette étude).
De plus, l’index local de Moran dépend beaucoup de
la forme des US, alors que l’approche de balayage
spatial est un test statistique plus puissant que celui
de Moran et il règle les problèmes de forme et de
taille des HA, même s’il tend à détecter des regroupements plus grands qu’ils ne sont en réalité.17,18 La
plus grande taille de regroupement découverte dans
notre étude, comprenant 16 HA, pourrait avoir été
influencée par cet effet.
Les HD de New-Bell, Nylon et Sodiko, ainsi que
les HA avec des regroupements de TB dans le HD de
Bonassama, sont densément peuplées, la première
comprenant le marché central de Douala. Les HD de
New-Bell HD et Nylon sont également connus comme
des zones où la plus grande communauté ethnique vivant à Douala, les Bamiléké, a ses lieux de rencontre
sociale. De tous les regroupements identifiés dans
cette étude, c’est la zone qui compte le plus de contacts
et d’échanges sociaux. On croit traditionnellement
que la transmission de la TB a lieu parmi les membres
du foyer après un contact étroit avec une personne
contagieuse. Cependant, si la probabilité d’être infecté après un contact avec une source d’infection décroît avec la diminution de la proximité du contact
avec le cas index, Rieder a montré dans un modèle
« comment le nombre absolu de personnes qu’un cas
contagieux peut infecter en dehors du contexte d’un
contact étroit peut être considérable et dépasser le
nombre de contacts étroits infectés »,19 tandis que
Munch et al. ont montré une probabilité élevée de
transmission de la TB hors du domicile dans un
contexte de promiscuité, de chômage élevé et de pauvreté dans les banlieues du Cap.1 Les regroupements
les plus significatif s ont été trouvés dans les HA densément peuplées. Cependant, l’incidence de la TBP
n’était pas significativement corrélée à la densité de
5
population des HA. Ce résultat diffère de ce qui a été
rapporté en Afrique du Sud, mais corrobore en partie
ce qui a été rapporté en Gambie et à Hong Kong.1,2,7
Les mesures des ressources de la famille peuvent en
théorie être reflétées par des informations relatives au
revenu, à la consommation ou aux dépenses. Le recueil de données précises de revenu et de consommation nécessite des ressources importantes pour les
enquêtes à domicile ; de plus, le revenu et la consommation ne sont pas forcément corrélés, surtout en
Afrique. Pour éviter les problèmes de mesure liés aux
méthodes d’estimation du SSE basées sur le revenu
et la consommation, cette étude a utilisé les scores de
biens comme mesure indirecte pour déterminer et
comparer le niveau socio-économique.15,16
On accepte généralement que le SSE peut affecter
l’infection tuberculeuse et la progression vers la maladie, mais il reste nécessaire d’élaborer des modèles
appropriés qui permettraient de clarifier les associations entre l’incidence de la TB et les facteurs sociaux
au niveau macro.10,20 Notre étude a tenté de démontrer—sur la base des données disponibles—que le SSE
des patients TBP était dans l’ensemble plus bas que
celui de la population générale de Douala. Pour interpréter ces phénomènes, plusieurs hypothèses et
conjectures ont été émises. De plus, bien que l’association entre faible SSE et incidence élevée de la TBP,
comme elle a été observée dans notre étude, soit
largement rapportée, nous n’avons pas observé d’association directe ou linéaire entre le SSE moyen du
quartier et l’incidence de la TBP. C’est pourquoi la
technique de détection de regroupements semble être
un instrument complémentaire utile pour identifier
des zones à cibler spécifiquement par les interventions
du PNT. Les patients TBP qui fréquentent un CDT ne
sont pas nécessairement les habitants les plus pauvres
de la ville de Douala, alors qu’on peut s’attendre à ce
que les plus pauvres aient des problèmes d’accès au
système de santé comme l’a démontré une étude récente à Douala.21
Notre étude démontre l’utilité du SIG et de l’analyse spatiale dans le contexte Africain, mais elle a
quelques limites. D’abord, comme les données d’analyse des regroupements ont été agrégées au niveau
des HA, elles sont soumises au problème de la modification de l’unité de surface. Un regroupement significatif entouré d’évènements rares peut être divisé entre de nombreuses HA et apparaître insignifiant ou
une HA peut être détectée comme un regroupement
alors que seule une petite partie du HA est concernée.
Deuxièmement, comme le PNT recourt à la détection
passive des cas, la présence de vrais regroupements
serait seulement détectable par recherche active des
cas dans les communautés.7 Troisièmement, comparer le SSE de patients TBP avec celui de la population
générale en utilisant les données de DHS est nécessairement un peu biaisé, car le statut TB des habitants
chez qui l’enquête DHS a été réalisée est inconnu.
6
The International Journal of Tuberculosis and Lung Disease
Enfin, comme les données ont été recueillies pendant
un an seulement, nous n’avons pas pu explorer les regroupements dans le temps ; nous nous ne pouvons
donc pas affirmer à la fin de l’étude si les regroupements détectés sont temporaires ou s’ils persisteront
dans le temps.
CONCLUSION
Dans cette étude, nous avons démontré la présence de
regroupements de TBP dans la ville de Douala. L’examen de l’association entre TBP et SSE a montré que
les patients TB avaient en moyenne un SSE plus faible
que la population générale. Identifier des zones de
taux élevé de la TB est important. Le recours à des
techniques de détection des regroupements pour la
surveillance régulière de l’incidence de la TB dans les
HA peut renseigner les autorités de santé publique et
aider le PNT dans ses activités de lutte contre la TB.
Il serait efficace et réaliste de procéder à une détection active des cas de TB au sein des regroupements,
comme l’a montré une étude récente.22 Les résultats de cette étude pourraient être le point de départ
pour d’autres études visant à explorer les facteurs
de risque environnementaux, anthropologiques et
autres associés à la transmission de la TB dans les HA
de Douala.
Remerciements
Cette étude a été rendue possible grâce au soutien de la Coopération Internationale d’Allemagne qui a financé le recueil de données. Les auteurs remercient les autorités de santé de la délégation
régionale de santé publique de la région Littoral et le Programme
national Tuberculose pour avoir partagé leurs données. Ils remercient également les participants à l’étude et tout le personnel des
CDT pour leur participation.
Conflit d’intérêt : aucun conflit déclaré.
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