fiche pedagogique virtuelle seance n °6- l`amnistie sommaire

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fiche pedagogique virtuelle seance n °6- l`amnistie sommaire
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Fiche à jour au 19 juin 2010
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Diplôme : Licence en Droit, 4ème semestre
Matière : Droit pénal général
Web-tuteur : Nicolas RIAS
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I. LES VARIETES D’AMNISTIE ............................................................. 2 A. LES AMNISTIES REELLES
Crim., 20 mai 2003
2 Crim., 11 mars 2003
4 Crim., 1er avril 1993
5 B. LES AMNISTIES PERSONNELLES
II. 2 8 LES EFFETS DE L’AMNISTIE ......................................................... 8 A. LES EFFETS DE L’AMNISTIE SUR L’ACTION PUBLIQUE
8 Crim., 6 mars 1997
8 Crim., 6 mai 1997
9 B. LES EFFETS DE L’AMNISTIE SUR L’ACTION CIVILE
Crim., 10 janvier 2006
Date de création du document : année universitaire 2005/06
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L’amnistie peut se définir comme une sorte de pardon légal permettant
d’enlever à certains faits leur caractère infractionnel. Il s’agit donc d’une
mesure de faveur accordée aux auteurs d’infractions au même titre, par
exemple, que la prescription ou la grâce.
Le droit commun de l’amnistie est prévu aux articles 133-9 à 133-11 C.
pén. Il convient de préciser quelles sont les variétés d’amnistie (I)° avant
de fixer les effets qui lui sont attachés (II).
I. Les variétés d’amnistie
On distingue classiquement les amnisties réelles (A) et les amnisties
personnelles (B).
A. Les amnisties réelles
L’amnistie réelle correspond le plus souvent à celle qui est accordée en
considération de la nature de l’infraction commise
Par exemple, les infractions de presse sont fréquemment l’objet d’une loi
d’amnistie.
Il en va de la sorte avec les diffamations et injures envers les particuliers
Crim., 20 mai 2003
Sur le rapport de Mme le conseiller MAZARS, les observations de la société
civile professionnelle ANCEL et COUTURIER-HELLER et de la société
civile professionnelle LE GRIEL, avocats en la Cour ;
Vu la communication faite au Procureur général ;
Statuant sur les pourvois formés par :
- X... Serge,
- Y... Evelyne, épouse Z...,
- LA SOCIETE DES JOURNAUX LA DEPECHE DU MIDI ET LE PETIT
TOULOUSAIN,
contre l'arrêt de la cour d'appel de TOULOUSE, chambre correctionnelle, en
date du 4 avril 2002, qui, pour diffamation publique envers un particulier et
complicité de ce délit, a condamné les deux premiers à 1 500 euros d'amende
et a prononcé sur les intérêts civils ;
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Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
I - Sur l'action publique :
Attendu qu'est amnistié, en application de l'article 2, 3°, de la loi du 6 août
2002, le délit de diffamation publique envers un particulier lorsque, comme
en l'espèce, il a été commis avant le 17 mai 2002 ;
qu'ainsi l'action publique s'est trouvée éteinte à l'égard des prévenus dès la
publication de ce texte ;
Attendu, cependant, que, selon l'article 21 de la loi précitée la juridiction de
jugement saisie de l'action publique reste compétente pour statuer sur les
intérêts civils ;
II - Sur l'action civile :
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 23, 29, 35
bis et suivants de la loi du 29 juillet 1881, 121-6 et 121-7 du Code pénal, 591
et 593 du Code de procédure pénale, atteinte aux droits de la défense, défaut
de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Evelyne Y... épouse Z... et Serge X...
respectivement coupables en qualité d'auteur et de complice, de diffamation
publique envers un particulier et les ont condamnés, chacun, à la peine de 1
520 euros d'amende ;
"aux motifs que la mise en doute de la véracité de l'agression rapportée dans
l'article litigieux implique une duplicité de Bernard B... et de Françoise C...,
constitutive d'un manquement à la règle morale et à la probité, et dont
l'évocation porte atteinte à l'honneur et à la considération de ceux qui s'en
sont rendus coupables en sorte que l'allégation est diffamatoire ; que la
culpabilité des prévenus doit être retenue en dehors de toute animosité envers
les parties civiles étant donné que leur bonne foi ne peut résulter d'une
prétendue volonté d'informer le public, même en fin de période électorale,
tandis que l'article incriminé ne satisfait pas, par l'effet d'un titre tendancieux
et d'un paragraphe d'une ambiguïté imprudente sur des faits rattachés à la vie
privée, au devoir d'objectivité et que Bernard B..., en sa qualité de candidat,
comme MM. A... et D..., n'a pas été sollicité pour s'exprimer ;
"alors qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt que l'article litigieux a
été publié à la veille des élections municipales dans le cadre d'un contexte
électoral délicat et a relaté l'agression supposée d'une candidate, révélée par
un tract irrégulier diffusé dans les huit jours précédent le vote, puis a fait état
des réactions des autres candidats consécutives à cette information, lesquels
ne pouvaient plus s'exprimer publiquement ; que l'interrogation sur la
véracité d'une agression supposée commise à l'encontre d'un candidat aux
élections municipales, dans le contexte précis d'un candidat prônant un
discours sécuritaire, autorisait l'auteur de l'article à formuler un doute sur
l'existence de l'agression, en sorte que la bonne foi se déduisait des
circonstances et qu'en la refusant les juges d'appel n'ont pas légalement
justifié leur décision" ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure
qu'Evelyne Z..., directeur de la publication de la Dépêche du Midi, et Serge
X..., journaliste, ont été poursuivis pour diffamation publique envers un
particulier à la suite de la parution, avant le premier tour des élections
municipales, sous le titre "agression ou provocation", d'un article selon lequel
un tract avait été distribué par Bernard B..., candidat à ces élections, qui
relatait une agression dont aurait été victime Françoise C..., candidate sur la
même liste, ainsi que son fils et le gendre de Bernard B... à la sortie d'une
réunion électorale ;
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Attendu que, pour dire établi le délit de diffamation, les juges d'appel
retiennent que l'article insinue que l'agression a été inventée, exagérée, voire
organisée par les victimes elles-mêmes et que cette imputation porte atteinte
à l'honneur et à la considération des parties civiles ; que, pour refuser aux
prévenus le bénéfice de la bonne foi, les juges relèvent que l'article est
tendancieux et d'une ambiguïté imprudente sur des faits relatifs à la vie
privée des personnes visées ; qu'ils retiennent que le journaliste a manqué à
son devoir d'objectivité en ayant sollicité l'opinion de certains candidats mais
non celle de Bernard B... ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, la cour d'appel a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
I - Sur l'action publique :
La DECLARE ETEINTE ;
II - Sur l'action civile :
REJETTE les pourvois ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son
audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Il en va de même à propos de la contravention d’injures non raciales
Crim., 11 mars 2003
Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire MENOTTI et les
conclusions de M. l'avocat général FRECHEDE ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Christian,
contre l'arrêt de la cour d'appel d'ANGERS, chambre correctionnelle, en date
du 3 octobre 2002, qui a constaté l'amnistie de la contravention d'injure non
publique raciale, et a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu le mémoire personnel produit ;
Sur le moyen unique pris de la violation de l'article 65 de la loi du 29 juillet
1881 ;
Vu l'article 65 de la loi du 29 juillet 1881 ;
Attendu que, selon les dispositions de ce texte, l'action publique et l'action
civile résultant des crimes, délits et contraventions prévus par la loi sur la
liberté de la presse se prescrivent après trois mois révolus à compter du jour
où ils ont été commis ou du jour du dernier acte d'instruction ou de poursuite
s'il en a été fait ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que
Christian X... est poursuivi sur citation directe du 29 avril 2002, pour des
faits d'injures raciales non publiques commis du 1er janvier au 19 septembre
2001 ;
Attendu que, pour écarter la prescription invoquée par le prévenu, l'arrêt
retient que le délai de prescription n'est pas de trois mois, mais d'un an,
s'agissant d'une poursuite fondée sur l'article R. 624-4 du Code pénal ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors que la contravention d'injure
raciale non publique est régie par les dispositions particulières de procédure
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édictées par la loi sur la liberté de la presse, la cour d'appel a méconnu le
texte ci-dessus visé ;
D'où il suit que la cassation est encourue ; qu'elle aura lieu sans renvoi, la
Cour de Cassation étant en mesure d'appliquer la règle de droit et de mettre
fin au litige, ainsi que le permet l'article L. 131-5 du Code de l'organisation
judiciaire ;
Par ces motifs,
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour
d'appel d'ANGERS, en date du 3 octobre 2002 ;
CONSTATE l'extinction de l'action publique ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du
greffe de la cour d'appel d'Angers et sa mention en marge ou à la suite de
l'arrêt annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son
audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Il est à noter qu’aucune infraction n’est, en raison de sa nature,
susceptible d’être exclue par principe, du bénéfice d’une loi d’amnistie.
Ainsi, un crime contre l’humanité peut être amnistié.
Crim., 1er avril 1993
Vu l'article 575, alinéa 2.3° du Code de procédure pénale ;
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation de l'accord interallié de
Londres du 8 août 1945, et de son annexe le statut du Tribunal militaire
international définissant les crimes contre l'humanité, de l'interprétation de
cet accord donnée par le ministre des Affaires Etrangères le 15 juin 1979, des
résolutions des Nations Unies du 13 février 1946 et du 11 décembre 1946, de
l'article 15.2 du Pacte relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre
1966, de l'article 7.2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits
de l'homme et des libertés fondamentales, de l'article 55 de la Constitution du
4 octobre 1958, de la loi du 26 décembre 1964 tendant à constater
l'imprescriptibilité des crimes contre l'humanité, de l'article 30 de la loi du 18
juin 1966, et des principes généraux du droit reconnu(s) par l'ensemble des
nations :
" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a dit n'y avoir lieu à informer en l'état sur
la plainte avec constitution de partie civile de Wladyslav Sobansky et de
l'Association nationale des anciens prisonniers-internés d'Indochine contre
Boudarel du chef de crimes contre l'humanité perpétrés notamment au camp
113 de novembre 1952 à janvier 1954 en Indochine ;
" aux motifs que les infractions reprochées à Boudarel étant en liaison avec
les événements consécutifs à l'insurrection vietnamienne et ayant été
commises antérieurement au ler octobre 1957, sont visées par la loi
d'amnistie du 18 juin 1966 qui n'exclut aucun crime de son champ
d'application ; qu'il est vrai que les crimes contre l'humanité inclus dans le
droit interne français depuis la loi du 26 décembre 1964 sont imprescriptibles
par leur nature ; que la prescription et l'amnistie reposent sur des fondements
différents, la première dressant un obstacle à d'éventuelles poursuites en
raison du temps écoulé et la seconde procédant de l'idée d'oubli avec pour
effet d'enlever après coup à un fait délictueux son caractère d'infraction ; que
les crimes contre l'humanité étant des crimes de droit commun, commis dans
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certaines circonstances et pour certains motifs, mais cependant régis par les
règles de procédure pénale ordinaire, il s'ensuit que, bien qu'imprescriptibles,
ils ne peuvent être poursuivis que dans la mesure où une loi d'amnistie n'a
pas privé les infractions qu'elle vise de l'élément légal qui les rend
punissables ; que le principe d'imprescriptibilité des crimes contre l'humanité
qui constitue une dérogation exceptionnelle aux règles de procédure pénale
ordinaire, doit être restrictivement interprété ; qu'il ne peut donc être
valablement soutenu, en l'absence de disposition expresse sur ce point, tant
en droit international qu'en droit interne, qu'un principe d'exclusion de
l'amnistie des crimes contre l'humanité prendrait sa source dans la
philosophie générale de l'accord interallié de Londres du 8 août 1945 et du
statut du Tribunal militaire international ; que l'amnistie doit s'appliquer
également aux crimes contre l'humanité et donc aux faits susceptibles d'être
reprochés à Boudarel ;
" alors qu'aucune règle de droit interne ne peut porter atteinte au jugement et
à la punition d'une action ou d'une omission qui, au moment où elle a été
commise, était criminelle d'après les principes généraux du droit reconnus
par l'ensemble des nations ; que la répression des crimes contre l'humanité
trouvant sa source dans des textes de droit international, la loi interne ne peut
y déroger ;
" et alors que l'universalité de la répression de crimes qui atteignent
l'humanité dans ce qu'elle a d'essentiel ne pouvant admettre aucun obstacle ni
dans le temps ni dans l'espace qui trouverait sa source dans l'exercice d'une
souveraineté nationale, il s'en déduit que le législateur français qui a voulu
conférer un caractère purement récognitif à la loi du 26 décembre 1964 a
implicitement mais nécessairement entendu restreindre la portée de l'article
30 de la loi d'amnistie du 18 juin 1966 aux seules infractions commises en
liaison avec l'insurrection vietnamienne qui entrent dans le champ
d'application de la loi pénale interne et non pas l'étendre à des crimes contre
l'humanité qui, quand bien même auraient-ils eu comme toile de fond une
guerre insurrectionnelle comme les crimes nazis, ont eu pour toile de fond la
seconde guerre mondiale, sont ainsi qualifiés non pas en raison de leur
liaison fût-elle dévoyée avec le conflit armé, mais parce qu'ils procèdent d'un
plan concerté de réalisation d'une politique d'hégémonie idéologique dont
sont victimes tous ceux qui, par quelque moyen, s'y opposent " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que
Wladyslav Sobanski et l'Association nationale des anciens prisonniersinternés d'Indochine ont porté plainte, le 3 avril 1991, auprès du juge
d'instruction de Paris, en déclarant se constituer parties civiles, contre
Georges Boudarel, du chef de crimes contre l'humanité ; qu'ils ont exposé
que des militaires du corps expéditionnaire français en Indochine ont été faits
prisonniers, et détenus au Nord du Vietnam, pendant des périodes de durée
variable, entre les mois d'octobre 1952 et août 1954, dans un camp
d'internement, où Georges Boudarel, ressortissant français, exerçait les
fonctions de commissaire politique et de commandant adjoint dans les rangs
du Viêt-Minh ; qu'ils ont dénoncé les persécutions et les traitements
inhumains infligés par lui aux prisonniers, en vue de leur endoctrinement
politique qui était la condition de leur survie, les " irrécupérables " ou les "
déviationnistes " étant voués à la mort par dénutrition ; que la plainte a été
communiquée au procureur de la République, qui a pris, le 23 mai 1991, des
réquisitions de refus d'informer, fondées sur l'article 30 de la loi du 18 juin
1966, aux termes duquel sont amnistiés de plein droit tous crimes ou délits
commis en liaison avec les événements consécutifs à l'insurrection
vietnamienne et antérieurement au 1er octobre 1957 ;
Attendu que, par ordonnance du 13 septembre 1991, le juge d'instruction a
estimé que les actes dénoncés par les parties civiles, à les supposer établis,
seraient constitutifs de crimes contre l'humanité, au sens de l'article 6 c du
statut du Tribunal militaire international de Nuremberg, annexé à l'accord de
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Londres du 8 août 1945, et selon la loi du 26 décembre 1964 ; qu'en raison de
la suprématie de la norme internationale sur la loi interne, ils seraient non
seulement imprescriptibles, mais encore exclus du domaine de la loi
d'amnistie du 18 juin 1966 ; que le juge d'instruction a, en conséquence,
décidé d'informer sur ces plaintes ;
Attendu que, pour infirmer cette ordonnance, sur l'appel du ministère public,
et dire n'y avoir lieu à informer, en raison de l'extinction de l'action publique,
la chambre d'accusation énonce notamment que " les infractions reprochées à
Georges Boudarel, étant en liaison avec les événements consécutifs à
l'insurrection vietnamienne et ayant été commises antérieurement au 1er
octobre 1957, sont visées par la loi d'amnistie du 18 juin 1966 qui n'exclut
aucun crime de son champ d'application " ; que les juges ajoutent que si les
crimes contre l'humanité, " inclus dans le droit interne français depuis la loi
du 26 décembre 1964, sont imprescriptibles par leur nature, le principe de
leur imprescriptibilité doit être interprété restrictivement " ; qu'ils observent "
qu'il ne peut donc être valablement soutenu, en l'absence de disposition
expresse sur ce point, tant en droit international qu'en droit interne, qu'un
principe d'exclusion de l'amnistie des crimes contre l'humanité prendrait sa
source dans la philosophie générale de l'accord interallié de Londres du 8
août 1945 et du statut du Tribunal militaire international " ; qu'ils en
déduisent que l'amnistie doit s'appliquer également aux crimes contre
l'humanité et donc aux faits susceptibles d'être reprochés à Georges
Boudarel, sous cette qualification ;
Attendu qu'en admettant ainsi que les agissements reprochés à Georges
Boudarel étaient susceptibles de revêtir la qualification de crimes contre
l'humanité, la chambre d'accusation a méconnu le sens et la portée des textes
visés au moyen ;
Qu'en effet, les dispositions de la loi du 26 décembre 1964, et du statut du
Tribunal militaire international de Nuremberg, annexé à l'accord de Londres
du 8 août 1945, ne concernent que les faits commis pour le compte des pays
européens de l'Axe ; que, par ailleurs, la Charte du Tribunal militaire
international de Tokyo, qui n'a été ni ratifiée, ni publiée en France et qui n'est
pas entrée dans les prévisions de la loi du 26 décembre 1964, ou de la
résolution des Nations Unies du 13 février 1946, ne vise, en son article 5, que
les exactions commises par les criminels de guerre japonais ou leurs
complices ; qu'ainsi, les faits dénoncés par les parties civiles, postérieurs à la
seconde guerre mondiale, n'étaient pas susceptibles de recevoir la
qualification de crimes contre l'humanité au sens des textes précités ;
Attendu, cependant, qu'en dépit de l'erreur de droit commise, la décision
attaquée n'encourt pas la censure, dès lors que la Cour de cassation est en
mesure de s'assurer que les faits reprochés à Georges Boudarel, quelles que
soient les qualifications de droit commun qu'ils pourraient revêtir, entraient
nécessairement dans le champ d'application de l'article 30 de la loi du 18 juin
1966 portant amnistie de tous les crimes commis en liaison avec les
événements consécutifs à l'insurrection vietnamienne ;
D'où il suit que l'action publique a été à bon droit déclarée éteinte et que, le
refus d'informer étant justifié, le moyen ne saurait être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi
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B. Les amnisties personnelles
L’amnistie personnelle est celle qui est accordée en considération de la
personne de l’auteur de l’infraction. Par exemple, des amnisties ont par
le passé pu être accordées à ceux ayant combattu pendant la seconde
guerre mondiale, aux jeunes délinquants, aux personnes qui se sont
distinguées d’une manière exceptionnelle dans les domaines humanitaire,
culturel ou scientifique.
II. Les effets de l’amnistie
Il faut distinguer les effets de l’amnistie sur l’action publique (A) et sur
l’action civile (B).
A. Les effets de l’amnistie sur l’action publique
Si l’amnistie intervient avant qu’une
n’intervienne, l’action publique est éteinte.
condamnation
définitive
Crim., 6 mars 1997
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles L. 152-1
du Code du travail, 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction
de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a refusé de requalifier la poursuite pour violences
légères en atteinte à l'exercice régulier des fonctions de conseiller du salarié
et, en conséquence, déclaré la constitution de partie civile de l'organisation
de la demanderesse irrecevable ;
" aux motifs qu'il est constant que X... a, durant quelques instants, fermé à
clef le bureau dans lequel il se trouvait avec Marie-Claude Jambon et le
délégué Michel Solbes ; que ce sont ces faits précis qui lui sont reprochés et
que le motif de ce geste est indifférent en la circonstance ; que la mesure de
ce geste a, quant à elle, été parfaitement appréciée par la partie poursuivante
et par le tribunal qui n'y ont vu qu'un mouvement d'humeur relativement
bénin ; que Michel Solbes n'a nullement été atteint dans son rôle d'exercer
régulièrement ses fonctions de conseiller du salarié ; qu'il assistait à
l'entretien ; qu'il soutenait Marie-Claude Jambon et que X... n'y a pas fait
obstacle par le fait de l'avoir enfermée quelques instants dans son bureau
avec lui et la personne visée par le licenciement ; qu'il n'y a pas lieu à
requalification ; que le tribunal a fait une juste appréciation des faits de la
cause, la brève et constante "séquestration" constituant la contravention de
violences légères pour laquelle la Cour ne peut que constater l'application de
la loi d'amnistie du 3 août 1995 ;
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" alors que la cour d'appel ne pouvait, sans se contredire, constater "la brève
et constante séquestration" du demandeur dans le cadre de ses fonctions de
conseiller du salarié et énoncer néanmoins que le prévenu n'avait pas fait
obstacle à l'exercice régulier de ses fonctions ; qu'en l'état de ces motifs la
cour d'appel a privé sa décision de base légale " ;
Attendu que les parties civiles ont soutenu, devant les juges du fond, que les
faits, poursuivis comme contravention de violences légères, constituaient en
réalité le délit d'atteinte à l'exercice régulier des fonctions de conseiller
salarié ;
Que, par jugement du 16 novembre 1994, le tribunal de police a rejeté
l'exception d'incompétence ainsi soulevée ;
Attendu que, si c'est à tort que la cour d'appel, dont l'arrêt a été rendu après
l'entrée en vigueur de la loi du 3 août 1995 amnistiant la contravention de
violences légères, a cru devoir prononcer sur cette exception, renouvelée
devant elle, au lieu de se borner à constater l'extinction de l'action publique et
de statuer sur les intérêts civils, la décision attaquée, néanmoins, n'encourt
pas la censure ;
Qu'en effet l'amnistie arrête les poursuites à partir du jour de la promulgation
de la loi qui l'accorde et s'oppose à ce que les faits amnistiés reçoivent une
qualification autre que celle qui leur avait été antérieurement donnée par la
prévention et qui a été retenue dans un jugement ;
Que, dès lors, le moyen, en ce qu'il reprend devant la Cour de Cassation
l'argumentation développée devant les juges du fond et critique un motif
surabondant, est irrecevable ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.
Si une condamnation définitive a été prononcée, l’amnistie fait
disparaître tous les effets attachés à la condamnation pénale avec
interdiction d’en faire le rappel ou la mention. Ainsi, la nullité d’une
décision prise en tenant compte d’une condamnation effacée par l’effet
d’une amnistie est encourue.
Crim., 6 mai 1997
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 23 de la loi
n° 95-884 du 3 août 1995 portant amnistie, 133-11 du Code pénal et 593 du
Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que les premiers juges ont fait état, dans le jugement du 13 février
1996, confirmé par l'arrêt attaqué rendu le 1er avril 1996 par la cour d'appel
de Riom, des arrêts de la même Cour, en date des 4 juillet 1994 et 9 janvier
1995, qui avaient déclaré X... coupable des faits de non-représentation
d'enfant et l'avaient condamnée à la peine de 6 mois d'emprisonnement avec
sursis, laquelle condamnation se trouve amnistiée en application de l'article
7.3° de la loi n° 95-884 du 3 août 1995 portant amnistie ;
" alors que l'article 133-11 du Code pénal interdit à toute personne qui, dans
l'exercice de ses fonctions, a connaissance de condamnations pénales d'en
rappeler l'existence sous quelque forme que ce soit ; qu'en l'espèce l'arrêt
attaqué, qui confirme les motifs par lesquels les premiers juges ont,
notamment, rappelé l'existence d'une condamnation amnistiée, devra être
annulé " ;
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Vu lesdits articles ;
Attendu que, si les dispositions de l'article 23 de la loi du 3 août 1995 portant
amnistie, qui interdisent le rappel d'une condamnation amnistiée, ne
prévoient pas la nullité de l'acte contenant la mention prohibée, l'annulation
doit cependant être prononcée lorsqu'il résulte des motifs d'une décision que
la prise en considération de la condamnation amnistiée a influé sur
l'appréciation de la peine sanctionnant la nouvelle infraction poursuivie ;
Attendu que les juges du second degré, avant de prononcer une peine en
partie privative de liberté, relèvent, par motifs adoptés, notamment que X... a
déjà été condamnée par un arrêt du 9 janvier 1995 pour non-représentation
d'enfant, ce qui dénote de sa part un refus manifeste d'exécuter les décisions
judiciaires ;
Mais attendu que les pièces de la procédure mettent la Cour de Cassation en
mesure de s'assurer que la condamnation rappelée est amnistiée par
application de la loi du 3 août 1995 ; qu'en se déterminant pour le prononcé
de la peine en fonction d'un élément que la loi lui fait interdiction de prendre
en considération la cour d'appel a méconnu les principes et les textes susvisés
;
Que, dès lors, la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE en toutes ses dispositions l'arrêt susvisé de la cour
d'appel de Riom, en date du 1er avril 1996, et, pour qu'il soit jugé à nouveau
conformément à la loi :
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Lyon.
B. Les effets de l’amnistie sur l’action civile
L’amnistie est sans incidence sur l’action civile qui lui survit.
Crim., 10 janvier 2006
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience
publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le dix janvier deux mille six, a
rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller référendaire CHAUMONT, les
observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et
HAZAN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général
CHARPENEL ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Christian,
contre l'arrêt de la cour d'appel de NANCY, chambre correctionnelle, en date
du 19 janvier 2005, qui, dans la procédure suivie contre lui du chef de
complicité d'infractions au Code de la construction et de l'habitation, a
prononcé sur les intérêts civils ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 133-9 et
133-10 du Code pénal, 480-1 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de
motifs, manque de base légale ;
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"en ce que l'arrêt attaqué a condamné Christian X..., solidairement avec
Gérard Y..., Yves B... et Jean-Pierre C..., à payer à M. Z... et à Mme A...,
divorcée Z..., la somme de 27 834,73 euros à titre de dommages-intérêts ;
"aux motifs que l'amnistie ne peut faire obstacle à l'application des
dispositions de l'article 480-1 du Code de procédure pénale qui prévoit que
les personnes condamnées pour un même délit sont tenues solidairement au
paiement des dommages-intérêts ;
"alors que l'amnistie fait disparaître la condamnation pénale et le caractère
délictueux des faits qui ne subsistent que dans leur matérialité, de sorte que,
si les victimes conservent le droit d'obtenir réparation de leur préjudice, cette
réparation se fait selon les seules règles du droit civil ; que, par ailleurs, la
solidarité de l'article 480-1 du Code de procédure pénale, mesure à caractère
pénal, suppose des personnes " condamnées pour un même délit ", condition
que l'amnistie fait disparaître ; qu'il s'ensuit que, l'infraction reprochée à
Christian X... ayant été amnistiée, ce qui a eu pour effet d'effacer la
condamnation et d'éteindre l'action publique, les parties civiles ne pouvaient
agir que sur le seul fondement de l'article 1382 du Code civil, c'est-à-dire sur
une faute en rapport de causalité avec le préjudice allégué, et ne pouvaient se
prévaloir de la solidarité pénale de l'article 480-1 du Code de procédure
pénale ; qu'en estimant le contraire la cour d'appel a violé les textes
susvisés" ;
Attendu que, par arrêt devenu définitif, le gérant de la société Somalor a été
notamment déclaré coupable de délits de perception anticipée de fonds et
plusieurs salariés de la société, parmi lesquels Christian X..., ont été déclarés
coupables de s'être rendus complices par aide ou assistance de ces délits ;
qu'en répression, la cour d'appel a prononcé contre Christian X... une peine
entraînant, en raison de son quantum, l'amnistie de la condamnation par
application de l'article 7 de la loi du 3 août 1995 ;
Attendu que, pour condamner le gérant, Christian X... et les autres prévenus
à réparer solidairement le préjudice des consorts Z..., l'arrêt attaqué,
prononçant sur la seule action civile de ceux-ci, énonce que l'amnistie ne fait
pas obstacle à l'application de l'article 480-1 du Code de procédure pénale
qui prévoit que les personnes condamnées pour un même délit sont tenues
solidairement au paiement des dommages-intérêts ;
Attendu qu'en cet état, la cour d'appel a justifié sa décision, dès lors qu'en
application des articles 133-10 du Code pénal et 21 de la loi précitée,
l'amnistie ne préjudicie pas aux tiers et qu'il appartient à la juridiction pénale,
après avoir établi l'existence des éléments constitutifs de l'infraction, de
statuer sur les intérêts civils en cause ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 2 et 593
du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a condamné Christian X..., solidairement avec
Gérard Y..., Yves B... et Jean-Pierre C..., à payer à M. Z... et à Mme A...,
divorcée Z..., la somme de 27 834,73 euros à titre de dommages-intérêts ;
"aux motifs que la société Somalor a sollicité des époux Z... des versements à
hauteur de 270 500 francs, lesquels ne correspondaient pas à l'état
d'avancement de la construction ; que la construction de l'immeuble a ensuite
été abandonnée inachevée, et les époux Z... se sont trouvés dans
l'impossibilité de financer son achèvement ;
"alors que la partie civile ne peut demander réparation que du dommage
directement causé par l'infraction ; qu'il résulte de l'arrêt attaqué que M. Y...
avait été déclaré coupable d'avoir exigé des époux Z... des versements de
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fonds ne correspondant pas à l'état d'avancement des travaux, en infraction
au Code de la construction, et Christian X... coupable de complicité
d'infraction au Code de la construction ; qu'en comprenant dans le préjudice
des consorts Z..., outre les dommages résultant du versement de fonds avant
la date d'exigibilité, le dommage résultant de l'abandon du chantier, sans lien
avec les infractions poursuivies, la cour d'appel a violé les textes susvisés" ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 1382 et
1383 du Code civil, 3 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs,
manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a condamné Christian X..., solidairement avec
Gérard Y..., Yves B... et Jean-Pierre C..., à payer à M. Z... et à Mme A...,
divorcée Z..., la somme de 27 834,73 euros à titre de dommages-intérêts ;
"aux motifs que, pour financer la construction, les époux Z... ont souscrit en
1990 deux crédits auprès de la SOCRIF ;
que la société Somalor a sollicité des époux Z... des versements à hauteur de
270 500 francs, qui ne correspondaient pas à l'état d'avancement de la
construction ; que, la construction de l'immeuble ayant ensuite été
abandonnée inachevée, les époux Z..., qui se sont trouvés dans l'impossibilité
de financer son achèvement, ont dû céder l'immeuble à la SOCRIF au prix de
150 000 francs, de sorte qu'ils se sont trouvés débiteurs de la somme de 182
583,88 francs (soit 27 834,73 euros) au titre du solde des prêts contractés ;
"alors, d'une part, que la cour d'appel, qui ne précise pas quel était le montant
des deux prêts contractés, ni à quoi correspond le prétendu solde de 182
583,88 francs, ne permet pas de vérifier si le principe de la réparation
intégrale a été respecté, ou si, comme le soutenait Christian X..., les parties
civiles, en sollicitant la condamnation au paiement de 182 583,88 francs, ne
demandaient pas plus que le montant de leur préjudice résultant directement
des faits poursuivis ; qu'il s'ensuit que la cour d'appel n'a pas légalement
justifié sa décision ;
"alors, d'autre part, que Christian X... faisait valoir dans ses " conclusions n°
1 " (pages 8 et 9) que, au moment de l'abandon du chantier, l'immeuble avait
une valeur de 220 000 francs (soit 308 500 francs avec le terrain), et que le
préjudice résultant de la vente à perte pour 150 000 francs de l'ensemble
immobilier à la SOCRIF n'était pas imputable à la Somalor ; qu'il ajoutait
que, selon les pièces n° 22 et 23 des époux Z..., il restait, à cette époque, des
travaux à réaliser pour 80 000 francs, et que les fonds encore disponibles au
titre des emprunts étaient de 30 000 francs, pour en déduire que le préjudice
direct des époux Z... était constitué par la seule différence entre ces deux
sommes, soit 50 000 francs ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen
péremptoire de Christian X..., la cour d'appel a privé sa décision de motifs" ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que, pour allouer aux parties civiles 27 834,73 euros à titre de
dommages-intérêts, l'arrêt retient qu'elles avaient versé, en recourant au
crédit, une somme excédant le montant des travaux réalisés avant l'abandon
du chantier par la société Somalor, qu'elles n'ont pu financer l'achèvement de
la construction de leur maison et qu'après l'avoir cédée en l'état à
l'établissement financier prêteur, elles restent devoir à celui-ci la somme cidessus ;
Attendu qu'en prononçant ainsi, la cour d'appel, qui a pu constater
souverainement que la perception anticipée de fonds avait mis les parties
civiles dans l'impossibilité de financer l'achèvement des travaux et les
avaient ainsi contraintes à renoncer à leur projet de construction, a justifié sa
décision ;
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D'où il suit que les moyens ne sauraient être accueillis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son
audience publique, les jour, mois et an que dessus ;