une rumeur qui aurait pu aller loin…
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une rumeur qui aurait pu aller loin…
28/11/06 15:28 Page 1 a c t u a l i t é s 39 UNE RUMEUR QUI AURAIT PU ALLER LOIN… Le laboratoire Théa a été l’objet d’une tentative de déstabilisation de la part de manipulateurs qui se sont révélés être des amateurs particulièrement maladroits. Au terme d’une enquête menée avec diligence, cinq personnes ont été mises en examen début novembre. —————— out avait commencé le 15 décembre 2005 par une visite d’Henri Chibret à l’hôpital des Quinze-Vingt à Paris. Henri Chibret est le PDG du laboratoire Théa, basé à Clermont-Ferrand, huitième laboratoire d’ophtalmologie mondial. L’un des produits phares du laboratoire est un flacon multidoses qui permet de conserver T © CORBIS thea ouvert un collyre pendant huit semaines au lieu de quinze jours, et cela en évitant de recourir à des conservateurs qui peuvent provoquer des réactions allergiques. Mis sur le marché depuis trois ans, il représente désormais 20 % du chiffre d’affaires de Théa, soit plus de 22 millions d’euros en 2004. Or, en arrivant aux Quinze-Vingt, Henri Chibret apprend l’existence d’un rapport, intitulé Essai microbiologique pour l’évaluation de la fiabilité d’un flacon pour collyre sans conservateur en conditions normales d’utilisation, aux conclusions très défavorables. Ce rapport avait été envoyé aux centres de pharmacovigilance régionaux. L’auteur est présenté comme un chercheur du Centre hospitalier d’ophtalmologie des Quinze-Vingt, expert en infectiologie et microbiologie. Il apparaît très vite que le laboratoire est l’objet d’une tentative de déstabilisation, ce dévoiement de l’intelligence économique, qui lorsqu’elle est bien menée, peut faire des dégâts considérables. Heureusement pour Théa, les manipulateurs vont se révéler être des amateurs particulièrement maladroits. Au terme d’une enquête menée avec diligence par le service de police judiciaire de Clermont-Ferrand et l’office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l’information et de la communication, cinq personnes ont été mises en examen début novembre, des dirigeants d’un laboratoire concurrent, Europhta, et d’une société spécialisée dans l’intelligence économique. De faux courriers. Les destinataires du rapport avaient de quoi s’alarmer. La lettre d’accompagnement leur faisait part de témoignages d’ophtalmologistes ayant constaté des douleurs oculaires, des conjonctivites qui aurait incité les Quinze-Vingt à lancer une étude sur les causes et les niveaux de contamination des flacons. Et ils auraient effectivement découvert la présence d’agents infectieux dont l’un peut provoquer « des symptômes plus graves que de simples infections à l’œil dont « quelques cas de kératites infectieuses » ! En quelques jours la machine est en route. Le rapport arrive à l’Afssaps, qui prend contact avec Théa dès le 19 décembre. Elle signale aussi qu’un message à en-tête du Snof, le syndicat national des ophtalmologistes de France, aurait été diffusé, mettant en garde contre les effets néfastes des flacons Abak®. Ce message est signé du nom du médecin responsable du site web du syndicat. Si ce faux est arrêté avant d’être diffusé aux membres du syndicat, il arrive cependant dans les boîtes à lettres électroniques de 4 44 DÉCEMBRE 2006 _ PHARMACEUTIQUES 28/11/06 15:28 Page 2 THÉA a c t u a l i t é s 41 444 pharmaciens d’officine, dont le président d’un conseil régional de l’Ordre des Pharmaciens qui contacte le Conseil national, qui répond ne pas être au courant. Le message était accompagné du numéro de portable du faux responsable du site web. Un cadre de Théa contacte ce dernier qui lui affirme avoir été alerté par des pharmaciens et des médecins espagnols et italiens qui lui ont signalé des problèmes avec deux produits utilisant le système Abak®. Par ailleurs, un forum internet espagnol reçoit de fausses lettres de un papier à en-tête qui n’avait rien à voir avec le papier officiel des Quinze-Vingt. Aucun essai microbiologique n’avait été réalisé dans cet hôpital qui par ailleurs ne disposait pas d’une des souches bactériennes soi-disant utilisée. Les messages du faux responsable du site du Snof étaient tout aussi invraisemblables. Ils faisaient état de tait stérile même dans les conditions extrêmes du protocole élaboré à la demande d’Europhta. Les dirigeants d’Europhta renoncèrent à le diffuser. Sauf un. En se focalisant sur quelques détails, il prit l’initiative « malheureuse » de l’envoyer à la DGS. Une stratégie de Pieds Nickelés. Europhta ne renonce cependant pas et s’adresse, via une de ses filiales, à la société neuilléenne Institutions et Entreprises pour élaborer une stratégie. Elle aboutira à la transformation radiale du rapport, caviardé, tronçonné, modifié, signé d’un vrai-faux nom, et à l’offensive Internet. Une stratégie de Pieds Nickelés, les auteurs de la manœuvre ayant laissé nombre d’empreintes informatiques que les enquêteurs ont mis en évidence pour remonter jusqu’à eux. Les histoires de déstabilisation d’entreprises arrivent rarement au grand jour, les victimes préférant rester discrètes de peur d’alimenter la rumeur ou de donner des idées à d’autres personnes malveillantes. Cette fois-ci, l’affaire a attiré l’attention parce que l’un des mis en examen est un neveu du comte de Paris, CharlesPhilippe d’Orléans, associé gérant de la société d’intelligence économique. Elle aurait pu avoir de graves répercussions pour Théa. Il est clair que lorsqu’un concurrent met en circulation des faux aussi manifestes, ils ne peuvent pas berner longtemps leurs destinataires et en particulier l’Afssaps. Mais lorsque celle-ci est informée par des professionnels de santé de problèmes sur un produit de santé, elle se doit de prendre des mesures conservatoires. Avec un peu de « chance », elle aurait pu enclencher ces mesures à titre de précaution avant d’avoir les résultats de son enquête. Et depuis Beaumarchais, on sait que la calomnie est « d’abord un bruit léger, rasant le sol comme hirondelle avant l’orage, pianissimo murmure et file, et sème en courant le trait empoisonné ». Le mal aurait été fait. Heureusement, la chance a joué en faveur des laboratoires Théa. La rumeur a été arrêtée à temps. ■ DR thea Jacques Fournet, directeur général et Henri Chibret, PDG du laboratoire Théa, soulagés que cette déstabilisation ne soit pas allée plus loin. plaintes en G r a n d e - Bretagne où médecins « inquiets » des accidents aucun flacon Abak® n’est commerciaqu’ils ont constatés. Tout semble lisé, et le forum espagnol faisait état donc ficelé, les auteurs auraient eu de patients ayant eu des problèmes toutes les raisons de se réjouir. L’afavec un produit qui n’est pas comfaire était bien montée, le doute allait mercialisé sous ce nom. L’Afssaps est être semé. Mais voilà, ils étaient de très vite soupçonbien médiocres faussaineuse. Elle fait le lien res. L’alerte a été trop raUn rapport entre ce rapport cataspide, puisque donnée trophique et un autre avant même que la rumodifié, signé rapport signé par un meur n’ait eu le temps d’un vrai-faux expert en pharmacolode faire des ravages en nom gie et en toxicologie de semant le doute. Montpellier effectué à Le soi-disant auteur la demande des labodu rapport était un ratoires Europhta. Ce rapport avait jeune étudiant en pharmacologie qui été envoyé à la Direction générale de avait effectué un remplacement en la Santé, accompagné d’une lettre tant que technicien de laboratoire en anonyme, dont l’enquête a révélé octobre 2005. Les faussaires avaient qu’elle émanait d’un dirigeant Eudécouvert son nom très simplement rophta. Ce laboratoire qui envisaen faisant une recherche avec des geait de mettre au point un flacon mots-clefs sur Google, tout comme ils avaient eu le nom du webmaster du concurrent d’Abak® espérait mettre Snof. Ils avaient ensuite créé de fausen évidence des défauts. Espoirs déses adresses e-mail. Les faits étaient çus, les expériences confirmaient invraisemblables. Le rapport était sur que le contenu du flacon Abak® res- MARIE THAON DÉCEMBRE 2006 _ PHARMACEUTIQUES