DÉCISION de la Deuxième Chambre de recours du 13 février 2007

Transcription

DÉCISION de la Deuxième Chambre de recours du 13 février 2007
OFFICE DE L’HARMONISATION DANS LE MARCHÉ INTÉRIEUR
(MARQUES, DESSINS ET MODÈLES)
Les Chambres de recours
DÉCISION
de la Deuxième Chambre de recours
du 13 février 2007
Dans l’affaire R 1422/2005-2
Chris Martin
Top flat
79 Belsize Park Gardens
London NW1
Royaume-Uni
Jon Buckland
40 Randolph Street
London NW1 0SR
Royaume-Uni
Guy Berryman
139 Abbotts Gardens
East Finchley
London N2 0JJ
Royaume-Uni
Will Champion
6 St Mary’s Walk
London SE11 4UA
Royaume-Uni
Demandeurs/
Demandeurs au recours
représentés par Boult Wade Tennant, Verulam Gardens 70 Gray’s Inn Road, London
WC1X 8BT, Royaume-Uni
contre
José Vicente Tarodo Orti
San Juan Bosco, 19
E-46019 Valencia
Espagne
Opposant/Défendeur au recours
représenté par SANZ BERMELL INTERNATIONAL, Calle Játiva, 4, E-46002
Valencia, Espagne
RECOURS concernant la procédure d’opposition n° B 622 391 (demande de marque
communautaire n° 2 914 778)
LA DEUXIÈME CHAMBRE DE RECOURS
composée de T. de las Heras (Président et Rapporteur), M. Bra (Membre) et
G. Humphreys (Membre)
Greffier: E. Gastinel
rend la présente
Langue de procédure: français
DÉCISION DU 13 FEVRIER 2007 – R 1422/2005-2 – COLDPLAY/COPYPLAY
2
Décision
Résumé des faits
1
Par une demande qui s’est vue accorder la date de dépôt du 24 octobre 2002,
Chris Martin, Jon Buckland, Guy Berryman et Will Champion (ci-après, les
« demandeurs ») ont sollicité l’enregistrement de la marque verbale :
COLDPLAY
pour les produits et services suivants:
Classe 9 – Appareils et instruments scientifiques, nautiques, géodésiques, photographiques,
cinématographiques, optiques, de pesage, de mesurage, de signalisation, de contrôle (inspection),
de secours (sauvetage) et d'enseignement; appareils et instruments pour la conduite, la
commutation, la transformation, l'accumulation, le réglage ou le contrôle de l'électricité; appareils
pour l'enregistrement, la transmission, la reproduction du son ou des images; supports
d'enregistrement magnétiques, disques acoustiques; distributeurs automatiques et mécanismes
pour appareils à prépaiement; caisses enregistreuses, machines à calculer, équipement pour le
traitement de l'information et les ordinateurs; extincteurs; appareils pour l'enregistrement,
transmission ou reproduction du son ou images, disques compacts, disques, bandes audio et vidéo
préenregistrées; programmes informatiques; jeux informatiques; disques compacts et disques
enregistrés.
Classe 16 – Papier, carton et produits en ces matières, non compris dans d'autres classes; produits
de l'imprimerie; articles pour reliures; photographies; papeterie; adhésifs (matières collantes) pour
la papeterie ou le ménage; matériel pour les artistes; pinceaux; machines à écrire et articles de
bureau (à l'exception des meubles); matériel d'instruction ou d'enseignement (à l'exception des
appareils); matières plastiques pour l'emballage (non comprises dans d'autres classes); caractères
d'imprimerie; clichés; livres, magazines, revues, affiches, photographies, cartes portales, cartes de
voeux, chansonniers, partitions, cartes murales.
Classe 25 – Articles d'habillement, chaussures et chapellerie.
Classe 41 – Éducation; formation; divertissement; activités sportives et culturelles; mise à
disposition d'infrastructures de studios d'enregistrement, services d'édition musicale, présentation
de spectacles musicaux en direct; production de comédies musicales, de concerts et de films;
enregistrement de bandes vidéo, disques et cassettes; services de compositions musicales;
organisation de spectacles musicaux; gestion de spectacles et de représentations en direct.
2
La demande a été publiée au Bulletin des marques communautaires n° 042/2003
du 19 mai 2003.
3
Le 1er juillet 2003, José Vicente Tarodo Orti (ci-après, « l’opposant ») a formé
opposition à l’enregistrement de la marque susvisée en se prévalant des marques
verbales espagnoles identiques n° 2 476 751 et n° 2 476 752, enregistrées le 5
décembre 2002:
COPYPLAY
pour une gamme de produits et services compris dans les classes 9 et 35 :
Classe 9 - Appareils et instruments scientifiques, nautiques, géodésiques, photographiques,
cinématographiques, optiques, de pesée, de mesure, de signalisation, de contrôle (inspection), de
secours (sauvetage) et d'enseignement; appareils pour la conduite, distribution, transformation,
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accumulation, régulation ou contrôle de l'électricité; appareils pour l'enregistrement, transmission,
reproduction du son ou des images; supports d'enregistrement magnétiques, disques acoustiques;
distributeurs automatiques et mécanismes pour appareils à pièces de monnaie; caisses
enregistreuses, calculatrices, équipements pour le traitement de l'information et ordinateurs;
extincteurs; machines copieuses de disques compacts, bandes, cassettes, dispositifs DVD et autres
supports optiques et magnétiques.
Classe 35 - Publicité; direction et gestion d’affaires commerciales; administration commerciale;
travaux de bureau; vente au détail dans les commerces.
4
L’opposition était fondée sur l’ensemble des produits et services couverts par les
marques antérieures, et était formée à l’encontre de l’ensemble des produits et
services désignés dans la demande de marque communautaire.
5
Les motifs de l’opposition étaient ceux visés à l’article 8, paragraphe 1, point a)
et b) du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil du 20 décembre 1993 sur la marque
communautaire (le « RMC ») (JO CE 1994 n° L 11, p. 1; JO OHMI 1/95, p. 52).
L’opposant faisait valoir que les produits en cause sont identiques et peuvent se
confondre et que les signes sont quasiment identiques dans la mesure où il existe
une identité phonétique entre les termes « PLAY » et le commencement commun
aux deux signes « CO ». Cette identité phonétique engendre un risque de
confusion et les consommateurs penseront que les marques espagnoles
antérieures et la marque demandée proviennent de la même entreprise.
6
Le 12 juillet 2004, les demandeurs ont répliqué qu’il n’y a pas de similitude entre
les produits et services, ni entre les signes. Ils soutenaient également que le
consommateur moyen reconnaîtra très aisément les termes « copy » et « cold »,
dans la mesure où ils présentent des différences conceptuelles évidentes. De plus,
ils précisaient que le terme « PLAY » n’est pas distinctif par rapport aux produits
et services en cause, et que le terme COLDPLAY ne représente que le nom d’un
groupe.
7
Par décision n° B 622 391 en date du 29 septembre 2005 (ci-après, « la décision
attaquée »), la division d’opposition a accueilli partiellement l’opposition pour
certains des produits contestés et a rejeté partiellement la demande de marque
communautaire pour ces produits. Elle a également ordonné que chacune des
parties supporte ses propres frais. Les motifs essentiels de cette décision peuvent
être résumés ainsi qu’il suit:
-
La demande de marque communautaire verbale « COLDPLAY» ne reproduit
pas à l’identique les marques antérieures verbales « COPYPLAY ». Le motif
basé sur l’article 8, paragraphe 1, point a) du RMC doit donc être rejeté dans
la mesure où la condition sur l’identité des signes n’est pas remplie.
-
En ce qui concerne le risque de confusion, la décision attaquée précise que
les produits et services des marques antérieures et les produits et services
contestés sont identiques ou similaires, sauf pour les produits suivants:
« papier, carton et produits en ces matières, non compris dans d'autres
classes; produits de l'imprimerie; articles pour reliures; photographies;
papeterie; adhésifs (matières collantes) pour la papeterie ou le ménage;
matériel pour les artistes; pinceaux; machines à écrire et articles de bureau (à
l'exception des meubles); matériel d'instruction ou d'enseignement (à
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l'exception des appareils); matières plastiques pour l'emballage (non
comprises dans d'autres classes); caractères d'imprimerie; clichés; livres,
magazines, revues, affiches, photographies, cartes portales, cartes de voeux,
chansonniers, partitions, cartes murales; articles d'habillement, chaussures et
chapellerie » et les services d’« éducation; formation; divertissement;
activités sportives et culturelles; mise à disposition d'infrastructures de
studios d'enregistrement, services d'édition musicale, présentation de
spectacles musicaux en direct; production de comédies musicales, de
concerts et de films; enregistrement de bandes vidéo, disques et cassettes;
services de compositions musicales; organisation de spectacles musicaux;
gestion de spectacles et de représentations en direct ». Ces produits et
services n’ont aucun lien de similarité avec les produits et services des
marques antérieures. En effet, leur nature est différente, ils sont destinés à un
différent type de clientèle qui montre des besoins différents et sont
respectivement fabriqués et rendus par différents opérateurs commerciaux.
De plus, ils n’ont aucun lien de complémentarité et ne sont pas non plus en
concurrence.
-
En ce qui concerne la comparaison des signes, la division d’opposition a
estimé que les signes sont similaires sur le plan visuel et phonétique, et que,
conceptuellement, les deux signes n’ont aucune signification en espagnol. Il
ressort de la comparaison des signes en litige que, pris dans leur ensemble, ils
sont similaires.
-
Par conséquent, la conjonction de la similarité des signes et de la similarité
d’une partie des produits et services amène à la conclusion qu’il existe un
risque de confusion entre les deux marques en présence sur le territoire
concerné, à savoir l’Espagne, pour les produits et services identiques ou
similaires.
-
La décision attaquée accueille favorablement l’opposition pour les produits
suivants : appareils et instruments scientifiques, nautiques, géodésiques,
photographiques, cinématographiques, optiques, de pesage, de mesurage, de
signalisation, de contrôle (inspection), de secours (sauvetage) et
d'enseignement; appareils et instruments pour la conduite, la commutation, la
transformation, l'accumulation, le réglage ou le contrôle de l'électricité;
appareils pour l'enregistrement, la transmission, la reproduction du son ou
des images; supports d'enregistrement magnétiques, disques acoustiques;
distributeurs automatiques et mécanismes pour appareils à prépaiement;
caisses enregistreuses, machines à calculer, équipement pour le traitement de
l'information et les ordinateurs; extincteurs; appareils pour l'enregistrement,
transmission ou reproduction du son ou images, disques compacts, disques,
bandes audio et vidéo préenregistrées; programmes informatiques; jeux
informatiques; disques compacts et disques enregistrés en classe 9.
-
Et rejette la demande communautaire pour les produits ci-dessus mentionnés.
Elle peut être enregistrée pour les produits et services de la demande
d’enregistrement restants.
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5
8
Le 25 novembre 2005, les demandeurs ont formé un recours à l’encontre de cette
décision. Le 27 février 2006, suite à une notification d’une irrégularité concernant
la langue de dépôt du recours, ils ont adressé le mémoire exposant les motifs du
recours en français.
9
Le 19 avril 2006, l’opposant a présenté ses observations. Le 17 août 2006, les
demandeurs ont présenté une réplique à ces observations et, enfin, le 17 octobre
2006, l’opposant a présenté une duplique à la réplique.
Moyens et arguments des parties
10 Les demandeurs sollicitent l’annulation de la décision attaquée et l’acceptation de
la demande de marque communautaire pour tous les produits et services désignés.
Leur argumentation peut être résumée ainsi qu’il suit:
-
Les mots COLD, COPY et PLAY peuvent être compris par la population
espagnole. Par conséquent, les différences conceptuelles entre les marques
servent à garantir qu’il n’y aura pas de confusion entre elles, tout
particulièrement étant donné le caractère non distinctif du mot PLAY par
rapport aux produits à l’encontre desquels l’opposition a été formée. Pour le
public espagnol, le mot PLAY signifie « jouer, reproduire, lire ».
-
Les différences entre ces marques ne sont pas uniquement conceptuelles,
mais également visuelles et phonétiques.
-
La marque COPYPLAY n’est pas distinctive par rapport aux produits
couverts par les enregistrements espagnols antérieurs, et, de ce fait, la
possibilité de confusion avec une autre marque est réduite.
-
La marque COLDPLAY a été largement utilisée au moment du dépôt de la
demande communautaire, à tel point qu’elle avait acquis un caractère
distinctif en Espagne ce qui diminue le risque de confusion.
-
Les demandeurs apportent des preuves, pour la première fois devant la
Chambre, pour démontrer que la marque COLDPLAY se rapporte au nom
d’un célèbre groupe de musique anglais en Espagne, ainsi que pour
démontrer que les mots de langue anglaise comme COPY, COLD et PLAY
sont compris du public pertinent en Espagne.
-
Les deux spécifications ont été déposées dans un but différent, en
conséquence de quoi les produits proposés dans le cadre de chaque
spécification sont différents.
-
Au moment du dépôt de la demande en octobre 2002, au regard de la
renommée du groupe COLDPLAY et de leur célébrité en Espagne, il n’y
avait aucune possibilité de confusion entre la marque COLDPLAY et la
marque COPYPLAY. Les demandeurs apportent de nombreux documents
pour prouver ladite célébrité du groupe en Espagne.
DÉCISION DU 13 FEVRIER 2007 – R 1422/2005-2 – COLDPLAY/COPYPLAY
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11 L’opposant sollicite la confirmation de la décision de la division d’opposition.
Ses arguments peuvent être résumés comme suit :
-
En ce qui concerne la renommée du groupe musical COLDPLAY en
Espagne, les preuves d’usage apportées sont partielles et postérieures à la
date de dépôt de la marque communautaire, et, partant, ne prouvent en rien
l’absence de confusion entre les marques.
-
L’opposant admet l’appréciation de la division d’opposition concernant la
similitude et les différences entre certains produits et services.
-
En Espagne, la majorité des consommateurs ne parle pas l’anglais. La
seconde langue par excellence en Espagne est le français.
-
Les marques doivent être analysées en tenant compte de l’impression
d’ensemble, et non pas en se livrant à une comparaison des termes COPY,
COLD et PLAY.
-
Les signes COLDPLAY et COPYPLAY sont visuellement et
phonétiquement similaires. Conceptuellement, les deux signes n’ont aucune
signification. Même si une partie du public reconnaissait le terme PLAY,
cela augmenterait la similarité puisque PLAY est présent dans les deux
marques en conflit.
-
Il existe pour le public espagnol un risque de confusion entre les marques.
Motifs de la décision
12 Le recours est conforme aux articles 57, 58 et 59 du RMC et à la règle 48 du
règlement (CE) n° 2868/95 de la Commission, du 13 décembre 1995, portant
modalités d’application du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil sur la marque
communautaire (le « REMC ») (JO CE 1995 nº L 303, p.1 ; JO OHMI 2-3/95,
p. 258). Il est dès lors recevable.
13 À titre liminaire, la Chambre doit statuer sur la recevabilité des nouvelles pièces
communiquées par les demandeurs pour la première fois devant la Chambre, dans
le but de prouver le degré de connaissance en Espagne du signe « COLDPLAY ».
Ces nouvelles preuves ne sont pas admissibles en vertu de l’amendement du
REMC qui a ajouté deux alinéas à la règle 50, paragraphe 1, au titre X dont le
dernier se lit comme suit: «Lorsque le recours est dirigé contre une décision d’une
division d’opposition, la chambre de recours limite l’examen du recours aux faits
et preuves présentés dans les délais fixés ou précisés par la division d’opposition
conformément au règlement et aux présentes règles, à moins que la chambre ne
considère que des faits et preuves nouveaux ou supplémentaires doivent être pris
en compte conformément à l’article 74, paragraphe 2, du règlement». La même
conséquence découle, par ailleurs, de l'article 74, paragraphe 1, in fine, du RMC,
selon lequel, dans une procédure concernant des motifs relatifs de refus
d'enregistrement, l'examen est limité aux moyens invoqués et aux demandes
présentées par les parties (sur la recevabilité des nouveaux éléments de preuve
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dans les procédures de recours devant les Chambres, voir les décisions de la
Chambre de Recours du 22 novembre 2006 dans l’affaire R 179/2006-2 BLUE
SOX / BLUE BOX, points 40 et suivants, et du 18 décembre 2006 dans l’affaire
R 1458/2005-2 Omi’s (MARQUE FIG.) / OMA, OMA MARGARINE
(MARQUE FIG.), points 22-26). D’autre part, l’article 74, paragraphe 2, du
RMC, permet à l’Office de «ne pas tenir compte des faits que les parties n’ont pas
invoqués ou des preuves qu’elles n’ont pas produites en temps utile» et confère
aux instances de l’Office un pouvoir d’appréciation au regard de la prise en
considération d’éléments produits après l’expiration d’un délai. Il existe donc un
degré de discrétionnalité conféré à la Chambre (voir l’arrêt du Tribunal du
8 juillet 2004 dans l’affaire T-334/01 MFE Marienfelde GmbH contre OHMI
(« Hipoviton ») [2004] Rec. II-2787, point 57). Les demandeurs n’ont pas produit
les éléments de fait ou de droit concernant la renommée du groupe COLDPLAY
dans les délais impartis devant la Division d’opposition. Or, la Chambre ne peut
prendre en considération des éléments de preuve qui auraient pu valablement être
présentés en temps utile devant la Division d’opposition qu’en fonction de
l’existence d’éléments nouveaux. Cependant, dans le cas d’espèce, les
demandeurs n’ont pas invoqué l’apparition de ces nouveaux facteurs, ni
l’existence d’une difficulté factuelle ou légale qui aurait empêché la production
des preuves durant la procédure d’opposition. À la lumière des considérations
précédentes, la Chambre ne peut admettre les nouvelles preuves qui lui ont été
présentées.
14 Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, point b) du RMC, sur opposition du
titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à
l’enregistrement lorsqu’en raison de son identité ou de sa similitude avec la
marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des
services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans
l’esprit du public du territoire dans lequel la marque antérieure est protégée. Le
risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure.
15 Concernant le risque de confusion, il ressort de la jurisprudence que celui-ci est
constitué par le risque que le public puisse croire que les produits ou services en
cause proviennent de la même entreprise ou, le cas échéant, d’entreprises liées
économiquement (voir, par analogie, les arrêts de la Cour du 29 septembre 1998
dans l’affaire C-39/97 Canon Kabushiki Kaisha contre Metro-Goldwyn-Mayer,
Inc., anciennement Pathe Communications Corporation (« Canon ») [1998] Rec.
I-5507, point 29, et du 22 juin 1999 dans l’affaire C-342/97 Lloyd Schuhfabrik
Meyer & Co. GmbH contre Klijsen Handel BV (« Lloyd Schuhfabrik ») [1999]
Rec. I-3819, point 17).
16 Selon cette même jurisprudence, le risque de confusion dans l’esprit du public
doit être apprécié globalement en tenant compte de tous les facteurs pertinents du
cas d’espèce (voir les arrêts « Canon », précité, point 16, et « Lloyd
Schuhfabrik », point 18). Cette appréciation implique une certaine
interdépendance entre les facteurs pris en compte et, notamment, entre la
similitude des marques et celle des produits ou services désignés. Ainsi, un faible
degré de similitude entre les produits ou services désignés peut être compensé par
un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement (voir les arrêts
« Canon », précité, point 17, et « Lloyd Schuhfabrik », précité, point 19).
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17 En outre, la perception qu’a le consommateur moyen des produits ou services en
cause joue un rôle déterminant dans l’appréciation globale du risque de
confusion. Or, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme
un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails (voir, entre autres,
l’arrêt « Lloyd Schuhfabrik » précité, point 25, et l’arrêt du Tribunal du 15
janvier 2003 dans l’affaire T-99/01 Mystery drinks GmbH contre OHMI
(« Mystery ») [2003] Rec. II-43, point 32). Aux fins de cette appréciation globale,
le consommateur moyen est censé être normalement informé et raisonnablement
attentif et avisé. Par ailleurs, il convient de tenir compte de la circonstance que le
consommateur moyen n’a que rarement la possibilité de procéder à une
comparaison directe des différentes marques, mais doit se fier à l’image
imparfaite de celles-ci qu’il garde en mémoire (voir arrêt « Lloyd Schuhfabrik »,
précité, point 26).
18 En l’espèce, les deux marques antérieures sont enregistrées en Espagne. Par
ailleurs, les produits en cause sont des produits de consommation courante.
Partant, il convient de tenir compte, aux fins de l’appréciation du risque de
confusion, du point de vue du public pertinent constitué par les consommateurs
finaux en Espagne. Cependant, il faut signaler qu’en raison de la nature de
certains produits, tels que les « appareils pour l'enregistrement, la transmission, la
reproduction du son ou des images; supports d'enregistrement magnétiques,
disques acoustiques; distributeurs automatiques et mécanismes pour appareils à
prépaiement; caisses enregistreuses, machines à calculer, équipement pour le
traitement de l'information et les ordinateurs; extincteurs; appareils pour
l'enregistrement, transmission ou reproduction du son ou images, disques
compacts, disques, bandes audio et vidéo préenregistrées; programmes
informatiques; jeux informatiques; disques compacts et disques enregistrés », le
public sera, en grande partie, un public jeune, et avec des notions de la langue
anglaise.
19 La décision attaquée a considéré qu’une partie des produits concernés étaient
identiques ou très similaires, tandis que les produits restants étaient différents des
produits protégés par les marques antérieures. La Chambre partage cette
conclusion, qu’elle fait sienne et à laquelle elle renvoie pour éviter les répétitions.
En ce sens, compte tenu de la continuité fonctionnelle existant entre les
différentes instances de l’Office, il est parfaitement loisible à la Chambre de se
référer, en la confirmant, à la motivation de la décision de la Division
d’opposition (voir arrêt du Tribunal du 15 mars 2006 dans l’affaire T-31/04
Eurodrive Services and Distribution NV contre OHMI (« euroMASTER ») [2006]
Rec. II-27*, point 55).
20 Selon une jurisprudence constante, l’appréciation globale du risque de confusion,
en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des signes
en cause, doit être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, en
tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants (voir, entre
autres, les arrêts de la Cour du 11 novembre 1997 dans l’affaire C-251/95 Sabèl
BV contre Puma AG, Rudolf Dassler Sport (« Sabèl ») [1997] Rec. I-6191, point
23, et « Lloyd Schuhfabrik », précité, point 25, ainsi que l’arrêt du Tribunal du
1er février 2005 dans l’affaire T-57/03 Société provençale d’achat et de gestion
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(SPAG) SA contre OHMI (« Hooligan ») [2005] Rec. II-287, point 54). Il y a lieu
également, lors de la détermination de leur degré de similitude visuelle,
phonétique et conceptuelle, d’évaluer, le cas échéant, l’importance qu’il convient
d’attacher à ces différents éléments, en tenant compte de la catégorie de produits
ou services en cause et des conditions dans lesquelles ils sont commercialisés
(arrêt « Lloyd Schuhfabrik », précité, point 27, et arrêt « Hooligan », précité,
point 54). L’analyse du risque de confusion entre les marques en conflit implique
la nécessité comparative de mettre en balance les similitudes et les différences,
dont le poids dépend de la distinctivité de chacun des éléments. Moins les
éléments seront distinctifs, moins ils auront un poids différenciateur, et
inversement, plus la marque antérieure est distinctive, majeur sera le risque de
confusion (voir en ce sens, entre autres, l’arrêt « Sabèl », précité, points 23 et 24,
et la décision de cette Chambre R 150/2002-2 VISIONMAX / VISIONLAB).
21 Il y a lieu de constater que les marques en conflit possèdent un élément commun,
« PLAY », qui est nécessairement identique pour les deux marques, tant d’un
point de vue visuel que phonétique. Ces marques possèdent également un élément
totalement dissemblable, soit l’élément « COPY » pour la marque antérieure, soit
l’élément « COLD » pour la marque demandée. Ces éléments constituent la partie
initiale des signes, « COLD » contenant une seule syllabe, et « COPY » deux. Les
éléments initiaux des deux signes présentent donc des différences. En ce sens, il a
déjà été soutenu que les consommateurs retenaient généralement davantage le
début d’un signe que sa fin (voir arrêts du Tribunal du 30 novembre 2006 dans
l’affaire T-43/05 Camper, SL contre OHMI (« Brothers by Camper ») [2006] Rec.
publication en cours, point 72, du 16 mars 2005 dans l’affaire T-112/03 L’Oréal
SA contre OHMI (« Flexi Air ») [2005] Rec. II-949, points 64 et 65, et du
7 septembre 2006 dans l’affaire T-133/05 Gérard Meric contre OHMI (« PamPim’s Baby-Prop ») [2006] Rec. publication en cours, point 51). En outre, les
premières parties des signes en cause, à savoir « COPY » et « COLD », sont
différentes, à l’exception des lettres « CO ». Sur le plan phonétique, tout comme
sur le plan visuel, la seconde partie de chaque signe, à savoir le mot « PLAY »,
est identique, alors que la première est différente.
22 Dans la mesure où le terme « PLAY » fait l’objet d’un emploi courant en
Espagne pour désigner les produits en cause ou bien est utilisé directement ou
indirectement sur une grande partie de ces mêmes produits (appareils pour
l'enregistrement, la transmission, la reproduction du son ou des images; supports
d'enregistrement magnétiques, disques acoustiques; équipement pour le
traitement de l'information et les ordinateurs; appareils pour l'enregistrement,
transmission ou reproduction du son ou images, disques compacts, disques,
bandes audio et vidéo préenregistrées; programmes informatiques; jeux
informatiques; disques compacts et disques enregistrés, par exemple), il convient
de tenir compte de ce que les consommateurs accorderont probablement à celui-ci
une importance moindre, ce mot ayant perdu une part significative de sa capacité
à indiquer l’origine commerciale du produit (voir, en ce sens, par analogie, l’arrêt
du Tribunal du 11 juilllet 2006 dans l’affaire T-247/03 Miguel Torres, SA contre
OHMI (« Torre Muga ») [2006] Rec. publication en cours, points 54 et 55).
23 Avant de procéder à l’analyse conceptuelle, il convient de constater que le public
ciblé est capable de comprendre la signification des mots anglais «COPY» et
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« PLAY », puisque le consommateur espagnol est capable de comprendre des
termes anglais d’usage courant en Espagne tels que les mots « PLAY » et
« COPY » dans le secteur de l'enregistrement, la transmission, la reproduction du
son ou des images; les supports d'enregistrement magnétiques, disques
acoustiques, équipement pour le traitement de l'information et les ordinateurs; les
appareils pour l'enregistrement, transmission ou reproduction du son ou images,
les disques compacts, disques, bandes audio et vidéo préenregistrées; les
programmes informatiques; les jeux informatiques; et les disques compacts et
disques enregistrés. De plus, même si le consommateur espagnol moyen n'est pas
très familiarisé avec la langue anglaise, la jeunesse espagnole, qui est l'acheteur
habituel de la majorité des produits en cause, a une meilleure connaissance de la
langue anglaise que les générations précédentes (voir un raisonnement similaire
sur la compréhension de la langue anglaise en Espagne dans les arrêt du Tribunal
du 23 octobre 2002 dans l’affaire T-104/01 Claudia Oberhauser contre OHMI
(« Fifties ») [2002] Rec. II-4359, points 42-43, et « Pam-Pim’s Baby-Prop »,
précité, point 52).
24 Le signe « COPYPLAY » se subdivise en deux termes totalement
compréhensibles, à savoir « COPY », copier, et « PLAY », comme l’a admis
l’opposant dans ses observations, utiliser, jouer, reproduire. Le terme
COPYPLAY sera donc compris par le public de référence comme « copier et
utiliser, copier et reproduire, copier et jouer ». Son sens juridiquement pertinent
est celui qui est déterminé par le contexte dans lequel le terme est utilisé,
constitué par les produits ou services pour lesquels l’enregistrement est demandé
et pour lesquels il s’applique et c’est en accord avec ce contexte qu’il sera
précisément compris par le consommateur de ces produits, qui, en étant
raisonnable, sélectionnera logiquement la signification ajustée au contexte.
25 Le signe « COLDPLAY » sera compris à son tour par une partie pertinente du
public ciblé, c'est-à-dire par la jeunesse espagnole, comme étant le nom d’un
célèbre groupe anglais, comme les demandeurs l’ont exposé dans leur réponse à
l’opposition. Il convient de signaler que la représentation concrète d'un
personnage populaire ou, dans le cas d’espèce, d’un groupe de musique
populaire, rend fort improbable la confusion conceptuelle dans l'esprit du public
avec des termes plus au moins proches (voir, en ce sens, les arrêts du Tribunal du
22 octobre 2003 dans l’affaire T-311/01 Les Editions Albert René contre OHMI
(« Starix ») [2003] Rec. II-4625, point 58, et du 27 octobre 2005 dans l’affaire T336/03 Les Editions Albert René contre OHMI (« Mobilix ») [2005] Rec. II-4667,
point 79). Nonobstant, dans le cas où le lien avec le groupe ne serait pas établi, le
public évoquerait le concept de froid, dans la mesure où le terme « COLD »
(froid en anglais) est un vocable très commun et fait partie du vocabulaire de
base. Partant, même les consommateurs espagnols avec un faible degré de
connaissance de la langue anglaise comprendront ces deux mots, « COPY » dans
la marque antérieure et « COLD » dans la marque demandée, qui possèdent un
contenu conceptuel totalement différent.
26 La Chambre considère que les similarités visuelles et phonétiques peuvent être
contrebalancées par les différences visuelles et phonétiques, et sont en tout cas
neutralisées par les claires différences conceptuelles entre les signes en conflit
(voir arrêt du Tribunal du 14 octobre 2003 dans l’affaire T-292/01 Phillips-Van
DÉCISION DU 13 FEVRIER 2007 – R 1422/2005-2 – COLDPLAY/COPYPLAY
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Heusen Corp. contre OHMI (« Bass ») [2003] Rec. II-4335, point 54, arrêt du
Tribunal du 22 juin 2004 dans l’affaire T-185/02 Succession Picasso contre
OHMI (« Picaro ») [2004] Rec. II-1739, point 56, arrêt du Tribunal du 3 mars
2004 dans l’affaire T-355/02 Mülhens GmbH & Co. KG contre OHMI (« Zirh »)
[2004] Rec. II-791, points 49-51, et arrêt de la Cour du 12 janvier 2006 dans
l’affaire C-361/04 P Succession Picasso contre OHMI (« Picaro ») [2006] Rec. I643, point 20).
27 Par conséquent, la Chambre considère qu’en dépit d’une certaine similarité
phonétique, les signes ne sont pas suffisamment similaires – globalement – pour
donner lieu à un risque de confusion et ce, même pour certains produits similaires
ou identiques. Il en résulte que le public ne percevra pas qu’ils ont une même
origine commerciale ou qu’ils sont économiquement liés. En conclusion, il
n’existe pas de risque de confusion, qui comprend le risque d’association, dans
l’esprit du public du territoire dans lequel la marque antérieure est protégée, à
savoir l’Espagne.
28 En conséquence, il convient d’annuler la décision attaquée et de faire droit au
recours.
Frais
29 L’opposant, en tant que partie perdante, devra supporter les taxes et frais exposés
par les demandeurs (voir l’article 81, paragraphe 6 du RMC, tel que modifié et
règle 94, paragraphe 7 du REMC, tel que modifié). En conséquence, il supportera
la taxe de recours de 800 euros, les frais de représentation professionnelle devant
la Chambre fixés à 550 euros (règle 94, paragraphe 7, point d) du REMC, tel que
modifié), et les frais de représentation professionnelle dans la procédure
d’opposition fixés à 300 euros (règle 94, paragraphe 7, point f) du REMC).
DÉCISION DU 13 FEVRIER 2007 – R 1422/2005-2 – COLDPLAY/COPYPLAY
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Dispositif
Par ces motifs,
LA CHAMBRE
déclare et décide que:
1.
2.
3.
La décision contestée est annulée.
L’opposition est rejetée.
L’opposant supportera les frais de représentation professionnelle et les
taxes exposés par les demandeurs dans la procédure de recours et la
procédure d’opposition, à savoir 1650 euros.
T. de las Heras
M. Bra
G. Humphreys
Greffier:
E. Gastinel
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