AUDIENCE PUBLIQUE ORDINAIRE DU 8 MAI 2015 Le Tribunal de

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AUDIENCE PUBLIQUE ORDINAIRE DU 8 MAI 2015 Le Tribunal de
REPUBLIQUE DE D’IVOIRE
----------------COUR D’APPEL D’ABIDJAN
----------------TRIBUNAL DE COMMERCE
D’ABIDJAN
-------------------
RG 991/2014
------------JUGEMENT
CONTRADICTOIRE du 8 MAI
2015
--------------Monsieur DONIKPO
COULIBALY
MAITRE CHARLES KIGNIMA
AUDIENCE PUBLIQUE ORDINAIRE DU 8 MAI 2015
Le Tribunal de Commerce d’Abidjan, en son audience publique
ordinaire du Vendredi huit Mai deux mil quinze tenue au siège
dudit Tribunal, à laquelle siégeaient :
Madame TOURE AMINATA épouse TOURE, Président du
Tribunal ;
Messieurs YEO DOTE, OUATTARA LASSINA, DAGO
ISIDORE, AKA GNOUMON, Assesseurs ;
Avec l’assistance de Maître KODJANE MARIE-LAURE
épouse NANOU, Greffier assermenté ;
C/
A rendu le jugement dont la teneur suit dans la cause entre :
-LA SOCIETE GENERALE DE
BANQUE EN COTE d’IVOIRE
dite SGBCI
LA SCPA SORO-BAKO ET
ASSOCIES
DECISION
Contradictoire
Déclare irrecevable la demande en
paiement de dommages et intérêts ;
Reçoit monsieur DONIKPO COULIBALY
en son action portant sur les autres
demandes ;
L’y dit partiellement fondé;
Condamne la Société Générale de Banques
en Côte d’Ivoire dite SGBCI à lui payer les
sommes suivantes :
-9.551.475 FCFA en reversement de ses
salaires courant de 2000 à 2003 ;
- 2.280.415 FCFA au titre des intérêts ;
Condamne la défenderesse aux dépens de
l’instance.
Monsieur DONIKPO COULIBALY, né le 01/01/1952 à
NONDARA/CI, vétérinaire, de nationalité ivoirienne, demeurant
à Bingerville ;
Ayant pour conseil maître CHARLES KIGNIMA, avocat au
barreau de Côte d’Ivoire, y demeurant à Abidjan Riviera 2,
Immeuble Domoraud, RDC, porte N° 2, téléphone : 22 43 84
53 ; fax : 22 43 94 56, cellulaire : 05 89 58 04, E-mail :
[email protected];
Demanderesse, comparaissant
susnommé ;
et concluant par son conseil
D’une part ;
Et
La Société Générale de Banques en Côte d’Ivoire dite
SGBCI, Société Anonyme au capital de 15.555.555.000 FCFA,
téléphone : 20 20 12 34, 01 BP 1355 Abidjan 01, dont le siège
social est sis à Abidjan 5 et 7 Avenue Joseph Anoma, prise en la
personne de son représentant légal, demeurant audit siège
social ;
Ayant pour conseil la SCPA SORO, BAKO et associés, avocats
près la Cour d’Appel d’Abidjan;
Défenderesse comparaissant et concluant par son conseil ;
D’autre part ;
Enrôlée le 12 mars 2015, l’affaire a été appelée à l’audience du
26 mars 2015 et renvoyée à l’audience du 27 mars 2015 devant la
2ème chambre pour attribution;
Le Tribunal ayant constaté l’échec de la tentative de conciliation,
ordonnait une instruction et renvoyait l’affaire à l’audience du
24 avril 2015 ;
La cause étant en état d’être jugée, elle a été mise en délibéré
pour jugement être rendu à l’audience du 8 mai 2015 ;
Advenue cette audience, le Tribunal vidant son délibéré a rendu
le jugement dont la teneur suit;
LE TRIBUNAL
Vu les pièces du dossier ;
Vu l’échec de la tentative de conciliation ;
Ouï les parties en leurs fins, demandes et conclusions
Et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
FAITS, PROCEDURE, PRETENTIONS ET MOYENS DES
PARTIES
Par exploit d’huissier en date du 20 février 2015, monsieur
DONIKPO COULIBALY a fait servir assignation à la Société
Générale de Banques en Côte d’Ivoire dite SGBCI d’avoir à
comparaître devant le Tribunal de commerce de ce siège aux fins
d’entendre :
-condamner la SGBCI à lui payer la somme de 9.551.475 FCFA
en reversement de ses salaires courant de 2000 à 2003 ;
-dire que cette somme portera intérêt au taux légal en cours
depuis 2003 ;
-condamner la SGBCI à lui payer la somme de 15.000.000 FCFA
à titre de dommages et intérêts ;
-ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir ;
Monsieur DONIKPO COULIBALY expose au soutien de son
action qu’il est titulaire du compte N° 123 011 219 78 ouvert
dans les livres de la SGBCI et il y a domicilié ses salaires depuis
plusieurs années ;
Il explique qu’il était en fonction à OUANGOLODOUGOU au
nord du pays depuis les années 1990 ;
Il explique que de 1999 à 2002 il avait monté un cabinet de
vétérinaire et a donc négligé de venir à Abidjan à la solde ;
Avec l’éclatement de la rébellion en 2002, il n’a pu sortir du
nord et a donc préféré y rester ;
Il n’est revenu à Abidjan qu’en avril 2011 ;
Il ajoute qu’au moment où il s’apprêtait à prendre contact avec
sa banque relativement à ses salaires, il reçut un courrier en
date du 4 mars 2013 de la SGBCI aux termes duquel il lui était
rappelé que son compte n’enregistre plus de mouvements
créditeurs depuis le 7 février 2003 et que la banque clôturait le
compte ;
Dans ce courrier il lui a été fait sommation d’avoir à rembourser
sous huitaine, la somme de 1.910.584 FCFA représentant le
montant de ses engagements à la date de la clôture du compte ;
Surpris par les termes de ce courrier, il y a répondu par
correspondance du 7/03/2013 en rappelant à la banque que son
compte a régulièrement reçu le virement de ses salaires au cours
des années 2000, 2001 et 2002 (Mai), 2003 soit un montant
global de 9.551.475 FCFA ;
N’ayant sollicité ni un prêt ni un concours quelconque, il
s’étonne que la banque lui fasse part d’un concours qu’elle lui
aurait concédé ;
Il précise que pour clarifier la situation, il adressa à la SGBCI un
autre courrier le 8 avril 2013 dans lequel il réclamait à la banque
la production du relevé de son compte depuis 1999 jusqu’à ce
jour ;
La banque n’a pas répondu à sa demande et ce, jusqu’à ce jour ;
Il importe dit-il que la banque produise :
-les relevés du compte N° 123 011 219 78 pour la période allant
du mois de novembre 1999 à mars 2013 ;
-les documents relatifs aux différents concours qui lui ont été
accordés et au titre desquels il reste devoir la somme réclamée
par la SGBCI ;
La banque refusant de lui fournir ces documents, il a saisi la
juridiction présidentielle du Tribunal d’Abidjan qui, par
ordonnance N° 3828 du 31/07/2013, faisait droit à sa demande
en condamnant la SGBCI à lui fournir les documents demandés
et la Cour d’Appel d’Abidjan confirmait cette décision par arrêt
N° 705 du 13/12/2013 ;
En dépit de la signification de cette décision, la SGBCI ne s’est
toujours pas exécutée ;
L’indifférence de la SGBCI le prive ainsi de la jouissance de son
argent et lui cause un préjudice ;
La banque a gardé par elle ses salaires de 2000 à 2003 ;
Sur le fondement de l’article 1382 du code civil, il sollicite la
condamnation de la banque au paiement de la somme de
15.000.000 FCFA à titre de dommages et intérêts, outre le
remboursement des salaires ;
Aux dires du demandeur, la SGBCI est incapable de produire les
documents relatifs aux prêts qu’il aurait sollicités ;
Il est de principe en matière bancaire que les documents soient
scannés et transmis aux personnes concernées ;
En réponse la SGBCI fait valoir que le demandeur a sollicité et
obtenu en mars 2002 un prêt personnel ordinaire d’un montant
de 2.000.000 FCFA remboursable en 24 mensualités de 101.571
FCFA ;
Cependant, à compter de mai 2003, le compte de monsieur
DONIKPO COULIBALY n’a plus enregistré de mouvements
créditeurs, de sorte que le remboursement du prêt a été
interrompu ;
Le 04 mars 2013, elle lui adressait un courrier de dénonciation
de concours et le mettait en demeure d’avoir à lui rembourser le
reliquat de sa créance s’élevant à cette date à la somme de
1.910.584 FCFA ;
Pour toute réponse elle recevait une assignation en référés aux
fins de délivrance de documents ;
Bien qu’elle ait fourni l’historique du compte courant retraçant
les mouvements enregistrés sur les périodes concernés, elle a été
condamnée à remettre au demandeur la convention de prêt
objet des prélèvements, sous astreinte comminatoire de 100.000
FCFA par jour de retard ;
Après prélèvement des échéances du prêt, le demandeur a
effectué des opérations de retrait par chèque du reliquat de son
salaire ;
L’historique du compte fait apparaitre la mise en place du prêt ;
En outre, des prélèvements mensuels étaient effectués soit au
titre de SAFARIV VIE, soit des agios, soit au titre des frais de
VOCALIA ou de virement permanent (VIPER SGBCI CP) ;
Elle n’a donc pas gardé les salaires du demandeur ;
Ce dernier ayant lui-même retiré les sommes en espèces ou
celles-ci ayan servi au paiement de diverses primes ou pour la
souscription de produits par le demandeur lui-même, elle n’est
responsable d’aucun préjudice et doit être mise hors de cause ;
Le Tribunal ayant appelé les observations des parties sur la fin
de non recevoir qu’elle comptait soulever relativement à la règle
du non cumul des deux ordres de responsabilités contractuelle
et délictuelle, le demandeur a maintenu ses demandes en l’état
et sur le même fondement ;
La défenderesse n’a pas fait d’observation sur ce point ;
DES MOTIFS
Sur le caractère de la décision
La défenderesse a comparu et conclu ;
Il sied de statuer par décision contradictoire ;
Sur le taux du ressort
Aux termes de l’article 8 de la loi N° 2014-424 du 14 juillet 2014
portant création, organisation et fonctionnement des
juridictions de commerce : « Les Tribunaux de commerce
statuent :
-en premier ressort, sur toutes les demandes dont l’intérêt du
litige est supérieur à un milliard de francs CFA ou est
indéterminé ;
-en premier et dernier ressort, sur toutes les demandes dont
l’intérêt du litige n’excède pas un milliard de francs CFA. » ;
En l’espèce, l’intérêt du litige n’excéde pas un milliard de francs
CFA, il y a lieu de statuer en premier et dernier ressort ;
Sur la recevabilité de l’action
*Sur la recevabilité de la demande en paiement de
dommages et intérêts
Monsieur DONIKPO COULIBALY sollicite sur le fondement de
l’article 1382 du code civil, la condamnation de la SGBCI à lui
payer la somme de 15.000.000 CFA à titre de dommages et
intérêts ;
Or, il est de principe que les dispositions des articles 1382 et
suivants du code civil ne sauraient trouver application dès lors
que l’obligation dont l’exécution est recherchée trouve son
origine dans un contrat ;
En l’espèce, alors même que la responsabilité de la SGBCI
recherchée par le demandeur, trouve sa raison d’être dans un
contrat d’ouverture de compte liant les parties et qui s’analyse à
la fois en un contrat de mandat et de dépôt, monsieur DONIKPO
COULIBALY invoque les dispositions de l’article 1382 du code
civil au soutien de son action;
La conséquence de cette violation manifeste de la règle du non
cumul des deux ordres de responsabilités est, qu’elle place le
juge dans l’incapacité absolue d’opérer un choix en lieu et place
du plaideur, si bien que celui-ci est sanctionné par
l’irrecevabilité de sa demande ;
Il échet en conséquence de déclarer irrecevable la demande en
paiement de dommages et intérêts de monsieur DONIKPO
COULIBALY pour violation de la règle du non cumul des deux
ordres de responsabilités contractuelle et délictuelle ;
*sur la recevabilité de l’action portant sur les autres
demandes
L’action portant sur les autres demandes ayant
régulièrement initiée, il y a lieu de la déclarer recevable ;
été
Au fond
Sur la demande de reversement des salaires courant
de 2000 à 2003
Le demandeur sollicite le reversement de ses salaires courant de
2000 à 2003 ;
Il est de principe que la banque est liée à son client par une
convention qui s’analyse à la fois en un contrat de mandat et de
dépôt ;
L’article 1937 du code civil dispose que : « Le dépositaire ne doit
restituer la chose déposée qu’à celui qui la lui a confiée ou celui
au nom duquel le dépôt a été fait ou à celui qui a été indiqué
pour le recevoir» ;
En sa qualité de dépositaire le banquier se doit de restituer à
son client la chose déposée au terme convenu ;
En effet, s’agissant des fonds déposées, le client est créancier du
banquier à raison du montant de la somme en dépôt et peut en
exiger la restitution à son gré ;
En outre, en application de l’article 1315 du code civil : « Celui
qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver.
Réciproquement, celui qui se prétend libéré, doit justifier le
payement ou le fait qui a produit l’extinction de son
obligation. » ;
Il découle de ce texte que la charge de la preuve incombe à celui
qui se prétend bénéficiaire d’une obligation ;
Il est constant en l’espèce comme résultant des pièces produites
par la SGBCI elle-même, que les salaires du demandeur étaient
régulièrement virés sur son compte logé dans ladite banque ;
La SGBCI qui prétend que monsieur DONIKPO COULIBALY a
effectué des opérations de retraits par chèques sur ses salaires
ne produit ni les copies de ces chèques ni tout autre pièce
équivalent, attestant que le demandeur a effectivement effectué
des retraits, alors même que conformément à l’ordonnance N°
3828 du 31/07/2013 confirmée par l’arrêt N° 705 du
13/12/2013 de la Cour d’Appel d’Abidjan il lui a été fait
obligation de rapporter la preuve desdits retraits;
Elle prétend également sans en rapporter la preuve que le
demandeur a bénéficié d’un prêt dont les échéances étaient
prélevées sur son compte, alors même que ces faits sont
contestés ;
Les relevés de compte produits par la SGBCI ne suffisent
nullement à justifier que le demandeur a bénéficié d’un
quelconque prêt ou de tout autre concours financier, car ils ne
font ressortir ni la date, ni le montant encore moins les
modalités de règlement du prétendu prêt ou le fait que celui-ci
ait effectivement été mis en place ;
La SGBCI ne rapportant pas la preuve des prétendus retraits
qu’aurait effectués monsieur DONIKPO COULIBALY sur ses
salaires, ni celle de ce qu’il a bénéficié d’un prêt dont les
remboursements lui ont été prélevés, il y a lieu de la condamner
à payer à monsieur DONIKPO COULIBALY la somme de
9.551.475 FCFA en reversement de ses salaires courant de 2000
à 2003 ;
Sur les intérêts
Aux termes de l’article 1153 du code civil, lorsque l’obligation
consiste au paiement d’une somme d’argent, le retard dans
l’exécution de cette obligation engendre le paiement d’intérêts ;
La SGBCI ayant de 2000 à 2003 conservé des sommes destinées
au demandeur, il y a lieu de la condamner à payer à ce dernier la
somme de 2.280.415 FCFA au titre des intérêts ;
Sur les dépens
La défenderesse succombant, il sied de la condamner aux
dépens de l’instance ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en premier et
dernier ressort ;
Déclare irrecevable la demande en paiement de dommages et
intérêts ;
Reçoit monsieur DONIKPO COULIBALY en son action portant
sur les autres demandes ;
L’y dit partiellement fondé;
Condamne la Société Générale de Banques en Côte d’Ivoire dite
SGBCI à lui payer les sommes suivantes :
-9.551.475 FCFA en reversement de ses salaires courant de
2000 à 2003 ;
- 2.280.415 FCFA au titre des intérêts ;
Condamne la défenderesse aux dépens de l’instance.
Ainsi fait, jugé et prononcé publiquement les jours, mois et an
que dessus ;
Et ont signé le Président et le Greffier.